Les droits humains aujourd’hui - 2018

La situation des droits humains en Belgique en 2018

Royaume de Belgique

Chef d’État : Roi Philippe

Chef du gouvernement : Charles Michel

Les conditions de détention sont demeurées déplorables et ont été exacerbées par les grèves du personnel pénitentiaire. Trop peu de mesures ont été prises pour empêcher la pratique du profilage ethnique par la police. Le gouvernement a repris la pratique de la détention d’enfants pour des raisons liées à la migration. De nouvelles règles ont été proposées en ce qui concerne les droits des victimes d’attaques terroristes. Les gouvernements belges ont continué d’autoriser la vente d’armes aux membres de la coalition menée par l’Arabie saoudite au Yémen.

Contre-terrorisme et sécurité

Le 23 avril, l’Arrêté royal établissant une « base de données dynamique » destinée à faciliter la collecte et l’échange d’informations sur les combattants étrangers potentiels ou présumés, a été modifié, élargissant ainsi le champ de la base de données aux « combattants terroristes d’origine nationale ».

En mai, la Rapporteure spéciale de l’ONU sur la promotion et la protection des droits humains et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, Fionnuala Ní Aoláin, s’est rendue en Belgique. Elle a encouragé l’« approche équilibrée » de la Belgique, mais a appelé le pays à une action plus efficace, notamment en ce qui concerne les droits des victimes du terrorisme et la situation des prisons.
La Rapporteure spéciale a formulé une série de recommandations parmi lesquelles la mise en place d’un mécanisme de surveillance indépendant et le rapatriement des enfants belges d’origine irakienne et syrienne. Elle a rappelé au gouvernement son engagement préalable à l’établissement d’un Institut national des droits de l’homme.

Le 30 juillet, le Parlement a adopté un projet de loi réglementant les « cellules de sécurité intégrales locales en matière de radicalisme, d’extrémisme et de terrorisme », obligeant toutes les communes à mettre en place une cellule, visant à prévenir les actes de terrorisme en facilitant l’échange d’informations sur la radicalisation, l’extrémisme et le terrorisme entre les administrations locales, les services sociaux et les acteurs du milieu de la sécurité.

Le 17 septembre, la Chambre du conseil du tribunal de première instance de Gand s’est prononcée contre le transfert en Espagne du rappeur Josep Miquel Arenas, connu sous le pseudonyme Valtonyc. L’Espagne a émis un mandat d’arrêt à son encontre à la suite de la confirmation par la Cour suprême espagnole de la condamnation de Valtonyc à trois ans et demi de prison pour « apologie du terrorisme », « diffamation et insultes graves à la Couronne » et profération de menaces, une sentence critiquée pour son incompatibilité avec la liberté d’expression du rappeur.

En octobre, le gouvernement a proposé d’autres modifications afin d’améliorer le système d’assistance financière et d’indemnisation des victimes d’attaques terroristes. Les changements proposés réglementeraient le système d’assistance financière pour les victimes d’attaques terroristes à l’intérieur du cadre juridique et administratif préexistant pour les victimes de crimes violents. La nouvelle proposition découle d’une loi adoptée en 2017 qui établissait un statut spécial et un système d’indemnisation en vertu d’un système juridique existant pour les victimes de guerre.
Un troisième projet de loi devrait réglementer davantage le rôle des compagnies d’assurance dans l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme. Le choix du gouvernement d’élargir et de modifier les systèmes existants semble aller à l’encontre des recommandations de la Commission d’enquête parlementaire - créée à la suite des attentats de Bruxelles de mars 2016 - et de la Rapporteuse spéciale. Ils ont recommandé de simplifier le système et de garantir une compensation rapide en mettant en place un fond indépendant.
Les organisations de défense des droits des victimes et Amnesty International se sont inquiétées du fait que la proposition du gouvernement pourrait renforcer les complexités du système actuel et risquerait de ne pas garantir l’accès à une indemnisation rapide et à des procédures appropriées, orientées vers les victimes.

On estime à 162 le nombre d’enfants de ressortissants belges qui ont voyagé en zones de conflits restés en Syrie ou en Irak. Quatorze de ces enfants ont été identifiés formellement comme se trouvant dans des camps de déplacés internes gérés par les FDS « Forces démocratiques syriennes ». Le gouvernement n’a apparemment pas pris de mesures proactives pour rapatrier les ressortissants belges et/ou leurs enfants, à l’exception de ceux qui ont rejoint de manière indépendante une ambassade de Belgique.

Liberté de religion et de conviction

En septembre, dans l’affaire Lachiri c. Belgique, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que la Belgique a violé le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion quand en 2007, un juge-président a refusé d’autoriser Hagar Lachiri à assister à une audience concernant la mort de son frère parce qu’elle portait le voile.

Asile et migration

Principe de non-refoulement – Renvois vers l’Afghanistan

L’État a poursuivi les retours forcés et volontaires assistés vers l’Afghanistan.

Principe de non refoulement – Renvois vers le Soudan

En décembre 2017, les Soudanais renvoyés dans leur pays ont signalé à des organisations de la société civile qu’à leur retour, ils avaient été arrêtés par des agents du gouvernement soudanais, interrogés et soumis à des mauvais traitements ou à des actes de torture. Les témoignages font suite à une initiative très contestée prise par la Belgique qui a consisté à inviter une délégation de responsables soudanais à identifier des migrants en septembre 2017. En janvier, Amnesty International a déclaré que la Belgique avait violé le principe de non-refoulement - l’obligation de ne renvoyer personne vers un pays où ils risqueraient de sérieuses violations des droits humains - en n’évaluant pas soigneusement le risque de telles violations avant de renvoyer les ressortissants soudanais et en les mettant en contact avec des responsables soudanais avant qu’une telle évaluation soit réalisée.

L’organe belge chargé de l’asile - le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) - a été chargé d’enquêter sur les allégations de mauvais traitements et de prendre une décision concernant l’expulsion des migrants soudanais. En février 2018, le CGRA a conclu qu’il ne pouvait ni confirmer ni infirmer les allégations de mauvais traitements, mais avait constaté des lacunes dans l’évaluation des risques avant le renvoi des ressortissants soudanais. Elle a également critiqué certains aspects de la collaboration avec la mission d’identification soudanaise. Peu de temps après la publication du rapport du CGRA, le gouvernement a annoncé la création d’une commission chargée d’évaluer les politiques et les pratiques de la Belgique en matière d’expulsion volontaire et forcée des étrangers.

Migration de transit

Les autorités ont continué à de débattre avec leurs politiques concernant les migrants résidant en Belgique et espérant atteindre le Royaume-Uni. Plusieurs milliers de personnes tentent en effet d’atteindre le Royaume-Uni en embarquant clandestinement dans des camions, des trains et des navires en Belgique. Beaucoup de ces personnes ne peuvent être renvoyées de force dans leur pays d’origine en raison du risque de violations graves de leurs droits à leur retour (principe de non-refoulement) ou de l’absence d’accords de retour avec l’État d’origine.

Les demandeurs d’asile et les réfugiés craignent souvent d’être renvoyés dans le premier pays de l’UE où ils ont été enregistrés, comme le prévoit le système Dublin-III. Bien qu’une grande partie d’entre eux ait besoin d’une protection internationale, ils préfèrent ne pas demander l’asile en Belgique, espérant atteindre le Royaume-Uni.

Au cours des dernières années, le parc Maximilien, un parc bruxellois proche de la gare de Bruxelles-Nord, est devenu une plaque tournante informelle pour les migrants souhaitant atteindre le Royaume-Uni. La majeure partie de l’assistance humanitaire et médicale qui leur est fournie dépend de la mobilisation de la société civile.

En octobre, Médecins du Monde, une ONG fournissant des soins de santé aux migrants du parc Maximilien, a déclaré qu’un migrant sur quatre parmi les 440 interrogés aurait subi des mauvais traitements par la police. Amnesty International a également reçu de nombreuses allégations crédibles de mauvais traitements infligés par la police aux migrants en transit. L’organisation a exprimé son inquiétude auprès du gouvernement.

Au moins deux enquêtes criminelles sur des réseaux de passeurs clandestins liés au parc Maximilien ont mené à des perquisitions au domicile de personnes hébergeant des migrants. Plusieurs de ces bénévoles ont été poursuivis en justice pour leur implication ou leur contribution présumée au trafic de migrants. En mai, une enfant de deux ans a été tué par une balle tirée par la police après que des officiers aient poursuivi et tenté d’intercepter une fourgonnette qui avait fui pour éviter le contrôle de la police. Il y avait 30 personnes dans le véhicule, dont plusieurs mineurs. Une enquête a été ouverte. En août, le gouvernement a annoncé des contrôles de police supplémentaires dans les trains et d’autres moyens de transport en commun, destinés à appréhender les migrants sans documents légaux, ce qui a suscité des inquiétudes quant au profilage ethnique. En septembre, le gouvernement fédéral a renforcé sa capacité de détention des étrangers sans documents légaux pour s’attaquer au problème des migrants essayant atteindre le Royaume-Uni. Des groupes de défense des droits humains, notamment Amnesty International, se sont inquiétés du risque de voir la détention de migrants devenir systématique et automatique.

Détention des migrants

Un arrêté royal du 22 juillet 2018 a rendu possible la détention de familles avec enfants dans des unités spécifiques. Bien que légalement possible auparavant, l’absence de décret exécutif avait mis fin efficacement à la détention d’enfants pour des raisons liées à la migration en Belgique depuis 2011. Trois familles avec des enfants ont depuis été placées en détention dans ce qu’on appelle des "unités familiales", un centre de détention pour migrants, en attendant leur expulsion. En septembre, à la suite d’une plainte individuelle déposée par une mère serbe détenue avec ses quatre enfants, le Comité des Nations Unies pour les droits de l’enfant a demandé à la Belgique de libérer la famille, mais les autorités belges n’ont pas appliqué cette décision.

Des organisations de la société civile, dont Amnesty International, ont mené campagne contre la détention des familles avec des enfants et ont appelé à l’évaluation et au développement de mesures non privatives de liberté.

En octobre, un Érythréen s’est suicidé dans le centre fermé de Vottem. L’homme avait été détenu pendant environ quatre mois dans l’attente de son renvoi en Bulgarie, où il avait été reconnu comme réfugié. Il avait présenté à plusieurs reprises des signes de dépression qui ont suscité des inquiétudes quant à la pertinence de la détention et à l’assistance psychologique disponible.

Des voies sûres et légales

Le gouvernement s’est engagé à réinstaller 1 150 personnes en 2018, ce qui aurait été un nombre proche des 1 191 réfugiés que la Belgique a réinstallés en 2017. Fin octobre 2018, toutefois, alors que 879 réfugiés avaient été transférés, le Secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration a annoncé que la Belgique suspendrait les réinstallations au moins jusqu’à la fin de l’année et peut-être jusqu’en mai 2019.

Conditions carcérales

À la suite de la communication publique du Comité européen pour la prévention de la torture l’année dernière sur les conséquences néfastes des grèves répétées des fonctionnaires pénitentiaires, le gouvernement a élaboré un projet de loi visant à établir un service minimum pour les prisons. En juin, les discussions avec les syndicats ont conduit à la reprise des grèves dans la plupart des prisons, qui ont duré trois semaines, entraînant, pour les détenus, une détérioration des conditions de détention et affectant l’hygiène, la possibilité de recevoir des visites, l’accès à un avocat et la possibilité de sortir. En mars, le rapport du Conseil de l’Europe indiquait que le problème de la surpopulation carcérale et le taux élevé de suicides en prison persistait en Belgique. En août, à la suite d’une enquête menée par les services d’inspection de l’administration flamande, il a été signalé que, dans le centre fermé de psychiatrie légale et médico-légale Levanta (à Zelzate), les femmes détenues souffrant de troubles mentaux étaient placées en isolement pendant plusieurs jours, les attaches médicales étaient trop utilisées et que le personnel pouvait écouter des conversations privées dans les quartiers des visiteurs.

Maintien de l’ordre

En mai, Amnesty International a publié un rapport de recherche qui concluait que les autorités n’avaient toujours pas pris de mesures suffisantes pour prévenir, détecter et combattre le profilage ethnique de la police. Plusieurs officiers cités dans le rapport ont reconnu les faits ou manifesté une prise de conscience ainsi que des préoccupations face à ce problème. En septembre, le bureau de la Délégation pour les droits de l’enfant, un organe autonome de surveillance parlementaire des droits de l’enfant en Belgique francophone, a rendu compte de témoignages recueillis auprès de mineurs de Saint-Gilles (Bruxelles) décrivant des violences physiques, psychologiques et verbales de la part des forces de police ainsi que de contrôles d’identité arbitraires répétés.

Transfert d’armes

Le gouvernement régional wallon a continué d’autoriser les transferts d’armes à des membres de la coalition menée par l’Arabie saoudite au Yémen. Amnesty International a milité pour que ces transferts cessent et pour que les procédures soient plus transparentes. En 2017, 153 millions d’euros de licences ont été accordés pour des transferts vers l’Arabie saoudite, ce qui en fait le premier pays d’exportation pour les armes provenant de la Région wallonne. En juin, le Conseil d’État a suspendu quatre licences à la suite d’une action de la société civile contre l’État ; sept licences ont ensuite été suspendues par le gouvernement régional.

Affaires internationales

En mai, la Belgique a été élue sans opposition pour siéger au Conseil de sécurité des Nations unies pour la période 2019-2020.

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