Moyen-Orient/Afrique du Nord : principaux événements de l’année civile 2002

Tandis que les événements liés à la situation en Irak occupaient le devant de la scène, les droits humains étaient battus en brèche au nom de la « lutte contre le terrorisme ». La situation a empiré dans la plus grande partie du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Les atteintes à la liberté d’expression et de réunion se sont multipliées, tout comme les actes d’intimidation contre les défenseurs des droits humains. Cette année encore, des violations des droits humains sont restées impunies et, dans l’ensemble, les victimes et leurs familles n’ont pas pu obtenir que justice leur soit rendue. Les exécutions judiciaires et extrajudiciaires, le recours généralisé à la torture et les procès inéquitables figuraient toujours parmi les violations constatées dans la région.

En Irak, où étaient braqués les projecteurs de l’actualité, une amnistie générale pour tous les prisonniers a été annoncée, mais le sort de dizaines de milliers de personnes « disparues » au cours des années précédentes n’a pas été élucidé. De très nombreuses personnes, dont certaines pouvaient être des prisonniers d’opinion, ont été exécutées. Des habitants non arabes, pour la plupart des Kurdes de la région de Kirkouk, continuaient d’être expulsés vers le Kurdistan d’Irak.
Pour la première fois depuis 1992, le gouvernement irakien a autorisé le rapporteur spécial des Nations unies sur l’Irak à se rendre dans le pays. La visite s’est déroulée en février. En avril, la Commission des droits de l’homme des Nations unies a adopté une résolution qui accusait le gouvernement irakien de pratiquer une « répression et une oppression omniprésentes, reposant sur une discrimination de grande ampleur et une terreur généralisée ».
Des morts de civils ont été signalées à la suite de l’intensification des bombardements américains et britanniques contre des cibles irakiennes à l’intérieur des zones d’exclusion aérienne.
Dans les Territoires occupés, l’armée israélienne s’est rendue coupable de violations qui constituaient des crimes de guerre. Parmi ces actes figuraient les homicides illégaux, les entraves apportées à l’aide médicale et la prise pour cible du personnel médical, la destruction de biens exécutée sur une grande échelle et de façon injustifiée, les actes de torture et autres traitements cruels et inhumains, la détention illégale et l’utilisation de boucliers humains. Au moins 1 000 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne, victimes pour la plupart d’homicides illégaux. Parmi eux figuraient 150 enfants et au moins 35 personnes qui ont été la cible d’assassinats.
Les groupes armés palestiniens ont tué plus de 420 Israéliens, dont au moins 265 civils parmi lesquels figuraient 47 enfants. Les homicides délibérés de civils perpétrés par des membres de ces groupes armés constituaient des crimes contre l’humanité.
Israël a imposé des couvre-feux dans tous les Territoires occupés, et l’armée israélienne a détruit plus de 2 000 habitations. Des milliers de Palestiniens ont été arrêtés. La plupart ont été relâchés sans inculpation, mais plus de 3 000 restaient détenus dans des prisons militaires.
Au moins 158 appelés ou réservistes israéliens qui refusaient de servir dans l’armée pour des raisons de conscience ont été incarcérés.
De très nombreuses personnes ont été arrêtées par l’Autorité palestinienne pour des motifs politiques. Parmi elles figuraient des membres présumés de groupes armés ainsi que des personnes soupçonnées de « collaborer » avec les services de renseignements israéliens. Treize personnes au moins ont été condamnées à la peine capitale ; trois d’entre elles ont été exécutées. La majorité des condamnés à mort étaient accusés de « collaboration ».
Le nombre de personnes tuées dans le conflit interne que connaît l’Algérie est resté élevé. Des centaines de civils, dont des enfants, sont morts dans des attaques perpétrées par des groupes armés, et 10 civils ont été tués par les forces de sécurité. Plusieurs centaines de personnes, membres des forces de sécurité, des milices armées par l’État ou de groupes armés, ont été tuées lors d’attaques, d’embuscades et d’affrontements. Le recours à la torture était toujours très répandu, notamment pendant la détention secrète et non reconnue. L’impunité dont bénéficiaient les responsables des atteintes aux droits humains constituait un problème considérable, et les milliers de victimes de torture, de « disparition » et d’homicides imputables aux forces de sécurité, aux milices armées par l’État et aux groupes armés, attendaient toujours que justice leur soit rendue. L’état d’urgence proclamé en 1992 restait en vigueur.
En Tunisie, les opposants politiques étaient toujours soumis à des mesures répressives. Des centaines de prisonniers politiques, dont la plupart étaient des prisonniers d’opinion, demeuraient en détention. La répression visant les défenseurs des droits humains ainsi que les militants de la société civile s’est poursuivie, et les autorités ont renforcé leur contrôle sur les moyens d’information et les télécommunications. Des cas de torture et de mauvais traitements contre des personnes détenues dans les postes de police, les locaux de la Direction de la sécurité de l’État et les prisons ont été signalés.
En Iran, un très grand nombre d’étudiants, d’universitaires et de journalistes, ainsi que plusieurs avocats, ont été arrêtés et inculpés d’infractions définies en des termes vagues et ayant trait aux lois sur la diffamation ou la sécurité. Ces arrestations s’inscrivaient dans le cadre de la répression de la liberté d’expression et d’association menée par le pouvoir judiciaire. De nouveaux cas de torture et de mauvais traitements ont été signalés. Ils n’ont apparemment pas fait l’objet d’enquêtes indépendantes. Au moins 113 personnes ont été exécutées. Parmi elles figuraient des prisonniers politiques détenus de longue date, notamment des personnes incarcérées en raison de leurs liens avec des partis politiques illégaux défendant les intérêts de la minorité kurde. Deux des personnes exécutées auraient été lapidées. Au moins 84 personnes ont été flagellées, souvent en public.
En Libye, quelque 65 prisonniers politiques, dont cinq prisonniers d’opinion détenus depuis 1973, ont été libérés. Toutefois, des centaines d’autres sont apparemment restés en prison. Les autorités ont informé les familles de plusieurs dizaines de prisonniers que leurs proches étaient morts en détention, sans toutefois préciser ni la date ni la cause de leur décès. Deux personnes susceptibles d’être considérées comme des prisonniers d’opinion ont été condamnées à mort, et de nouveaux cas de torture ont été signalés. Les dispositions législatives faisant des activités politiques non violentes une infraction pénale et prévoyant des procès inéquitables sont restées en vigueur.
Des milliers de sympathisants présumés de groupes islamistes interdits étaient toujours détenus sans inculpation ni jugement à la fin de l’année en Égypte ; bon nombre d’entre eux étaient incarcérés depuis plusieurs années. D’autres encore purgeaient des peines d’emprisonnement prononcées par des tribunaux militaires à l’issue de procès manifestement inéquitables. La torture et les mauvais traitements de détenus sont restés systématiques. Au moins 48 condamnations à mort ont été prononcées en 2002 et 17 personnes ont été exécutées. Les procès de prisonniers d’opinion se sont succédé durant l’année. Des défenseurs des droits humains et des personnes arrêtées en raison de leur orientation sexuelle présumée ou pour « mépris de la religion » figuraient parmi ceux qui ont été poursuivis.
En Jordanie, plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées à la suite de manifestations ou parce qu’elles étaient soupçonnées de liens avec des groupes islamistes et d’activités « terroristes ». Certaines ont été considérées comme des prisonniers d’opinion. Des détenus auraient été torturés ou soumis à d’autres formes de mauvais traitements. Des prisonniers politiques ont été jugés par la Cour de sûreté de l’État, dont la procédure ne respectait pas les normes internationales d’équité. Au moins 15 personnes ont été condamnées à mort et 14 ont été exécutées. De nouvelles atteintes à la liberté d’expression et de réunion ont été signalées.
Au Koweït, des dizaines d’hommes soupçonnés d’activités « terroristes » dans le pays ou à l’étranger ont été arrêtés. Un grand nombre d’entre eux ont été appréhendés durant les trois derniers mois de l’année, à la suite d’attaques menées contre des militaires américains stationnés au Koweït. Plus de 30 prisonniers politiques, condamnés en 1991 à l’issue de procès manifestement inéquitables, après l’expulsion des forces irakiennes du Koweït, ont été maintenus en détention. Quatre hommes - tous des travailleurs immigrés - ont été exécutés, et quatre autres ont été condamnés à mort. Des cas de torture ont été signalés ; aucun ne semble avoir fait l’objet d’une enquête indépendante.
Des informations ont fait état d’expulsions, d’arrestations et de mauvais traitements infligés à des réfugiés et à des demandeurs d’asile au Liban. Les réfugiés palestiniens continuaient d’être victimes de discrimination. Plusieurs dizaines de personnes appartenant à des groupes d’opposition chrétiens et islamistes ont été arrêtées pour des motifs politiques. Au moins 12 autres ont été placées en détention en raison de leurs liens présumés avec Al Qaida ou avec d’autres groupes considérés comme « terroristes ». Des cas de torture ont été signalés, et au moins 10 condamnations à mort ont été prononcées. Toutefois, aucune exécution n’a eu lieu.
En Arabie saoudite, le camp de Rafha continuait d’héberger plus de 5 000 réfugiés irakiens, pratiquement comme prisonniers. De nouvelles violations graves des droits humains ont été signalées. Elles ont été exacerbées par la politique gouvernementale de « lutte contre le terrorisme ». Ces violations étaient imputables au système de justice pénale, qui fonctionne dans le plus grand secret, ainsi qu’à l’interdiction des partis politiques, des syndicats et des organisations indépendantes de défense des droits humains. Plusieurs centaines de militants religieux présumés et de détracteurs du gouvernement ont été arrêtés. Aucune information n’était disponible concernant leur situation juridique. Le recours à la torture et aux mauvais traitements demeurait répandu.
Les progrès réalisés ces dernières années dans le domaine des garanties juridiques et institutionnelles au Yémen ont subi un coup d’arrêt en 2002, à la suite des attentats perpétrés le 11 septembre 2001 aux États-Unis. Des vagues d’arrestations massives ont eu lieu ; les étrangers ont été tout particulièrement visés par des mesures d’arrestation et d’expulsion s’inscrivant en dehors du cadre légal. Des journalistes ont été victimes d’actes d’intimidation visant à les empêcher de rendre compte des arrestations, et certains d’entre eux ont été appréhendés.
Dans les Émirats arabes unis, pas moins de 250 personnes ont été arrêtées arbitrairement et placées en détention dans le cadre de la lutte contre le « terrorisme », en vertu de nouvelles dispositions en matière de sécurité, d’une vaste portée. La plupart des personnes appréhendées étaient toujours détenues à la fin de l’année. Des demandeurs d’asile, dont beaucoup étaient menacés chez eux, ont été expulsés ou renvoyés dans leur pays contre leur gré, parfois pour des motifs de sécurité nationale. Des cas de mauvais traitements et de morts en détention ont été signalés à la suite de troubles survenus dans une prison de Doubaï en février et en juillet.
En Syrie, les autorités ont également durci leur attitude vis-à-vis des opposants politiques et un très grand nombre de personnes ont été arrêtées pour des raisons politiques. La répression visant les militants des droits humains et les avocats spécialisés dans la défense des droits fondamentaux s’est intensifiée. Plusieurs centaines de prisonniers politiques ont été maintenus en détention sans avoir été jugés ou en vertu de condamnations prononcées à l’issue de procès inéquitables. Les informations faisant état de torture et de mauvais traitements ont été moins nombreuses, mais les cas signalés les années précédentes n’ont fait l’objet d’aucune enquête. Au moins deux personnes sont mortes en détention.


MOYEN-ORIENT
Principales formes d’atteintes aux droits humains
recensées dans le Rapport 2003

Exécutions extrajudiciaires / homicides illégaux
 ? En 2003, des personnes ont ou auraient été victimes d’exécutions extrajudiciaires dans au moins cinq pays et territoires de la région : Autorité palestinienne, Irak, Israël et Territoires occupés, Liban, Yémen.
« Disparitions »
 ? Dans six pays et territoires, des personnes ont « disparu » alors qu’elles étaient entre les mains d’agents de l’État, ou n’avaient toujours pas été retrouvées après avoir « disparu » au cours des années précédentes : Algérie, Irak, Koweït, Liban, Libye, Maroc et Sahara occidental.
Torture et mauvais traitements
 ? Des personnes auraient été torturées ou maltraitées par les forces de sécurité, la police ou d’autres agents de l’État dans 18 pays et territoires : Algérie, Arabie saoudite, Autorité palestinienne, Bahreïn, Égypte, Émirats arabes unis, Irak, Iran, Israël et Territoires occupés, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Maroc et Sahara occidental, Qatar, Syrie, Tunisie, Yémen.
Prisonniers d’opinion
 ? Des prisonniers d’opinion avérés, ou des personnes susceptibles d’être considérées comme tels, étaient détenus dans 13 pays et territoires : Arabie saoudite, Égypte, Irak, Iran, Israël et Territoires occupés, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Maroc et Sahara occidental, Qatar, Syrie, Tunisie.
Détention sans inculpation ni jugement
 ? Des personnes ont été arrêtées et détenues de manière arbitraire ou ont été maintenues en détention sans inculpation ni jugement dans 12 pays et territoires : Algérie, Arabie saoudite, Autorité palestinienne, Égypte, Émirats arabes unis, Iran, Israël et Territoires occupés, Jordanie, Koweït, Liban, Syrie, Yémen.
Peine de mort
 ? Dans 15 pays et territoires (Algérie, Arabie saoudite, Autorité palestinienne, Égypte, Émirats arabes unis, Irak, Iran, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Maroc et Sahara occidental, Qatar, Syrie, Yémen), des personnes ont été condamnées à mort, et des exécutions ont eu lieu dans 10 pays et territoires (Autorité palestinienne, Arabie saoudite, Égypte, Émirats arabes unis, Irak, Iran, Jordanie, Koweït, Syrie, Yémen).
Exactions commises par les groupes armés d’opposition
 ? Dans cinq pays et territoires, des groupes armés d’opposition se sont livrés à de graves exactions, telles que des homicides délibérés et arbitraires de civils, des actes de torture et des prises d’otages : Algérie, Autorité palestinienne, Kurdistan d’Irak, Israël et territoires occupés, Maroc et Sahara occidental.

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