Guinée-Bissau

RÉPUBLIQUE DE GUINÉE-BISSAU
CAPITALE : Bissau
SUPERFICIE : 36 125 km_
POPULATION : 1,5 million
CHEF DE L’ÉTAT : Kumba Yalá, destitué le 14 septembre et remplacé provisoirement le 28 par Henrique Pereira Rosa
CHEF DU GOUVERNEMENT : Mário Pires, remplacé provisoirement par António Artur Sanhá le 28 septembre
PEINE DE MORT : abolie
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : signé

Les arrestations pour raisons politiques de défenseurs des droits humains ou d’opposants au régime se sont poursuivies. Des militants politiques ont fait l’objet de menaces et certains se sont vu interdire de quitter le pays. Les militaires arrêtés en décembre 2002 et accusés de tentative de coup d’État sont restés détenus sans inculpation, dans des conditions déplorables et souvent au secret. Selon les informations recueillies, certains ont subi des actes de torture ; dans un cas, ceux-ci se sont soldés par la mort de la victime. Les autorités n’ont ouvert aucune enquête sur ces affaires, non plus que sur d’autres violations des droits humains. Les atteintes à la liberté d’expression et au bon fonctionnement de l’appareil judiciaire ont continué. L’instabilité politique s’est accrue sous les effets conjugués de la situation socio-économique catastrophique et des ajournements répétés des élections législatives. Un coup d’État militaire s’est produit au mois de septembre.

Contexte

Le non-paiement des salaires a provoqué de nombreuses grèves dans le secteur public, notamment parmi les enseignants et le personnel hospitalier. Dans l’armée, ce mécontentement a été aggravé par la révocation et l’arrestation, en avril, du ministre de la Défense. Au mois de mai, la hiérarchie militaire a averti le président de la République, Kumba Yalá, des dangers que la colère des soldats faisait courir au régime, et certains ont reçu leur solde.
Les ajournements répétés des élections législatives ont continué à faire monter la tension. La communauté internationale a décidé de ne verser aucun financement pour le scrutin tant que n’auraient pas eu lieu les élections à la Cour suprême et que la Constitution, approuvée par l’Assemblée nationale au cours de l’année 2001, n’aurait pas été promulguée. La date des élections a finalement été fixée au 12 octobre 2003, pour être repoussée encore une fois au mois de septembre. Il se disait un peu partout que le Partido da Renovação Social (PRS, Parti de la rénovation sociale, au pouvoir) essayait de truquer les listes électorales.
Au mois de septembre, un coup d’État militaire sans effusion de sang a déposé le président Kumba Yalá. Accueillie favorablement par la plupart des citoyens de Guinée-Bissau, l’initiative a été condamnée par la communauté internationale. Un gouvernement civil provisoire a été formé et chargé d’organiser des élections législatives et présidentielle, respectivement dans un délai de six et de dix-huit mois. Toutefois, le choix du Premier ministre a fait des mécontents, et des manifestations de protestation ont été interdites par les autorités militaires. Rassemblant des civils et des militaires sous la présidence du chef d’état-major des forces armées, un Conseil national de transition a été mis en place pour superviser l’action du chef de l’État et celle du gouvernement. L’appareil judiciaire était toujours soumis au pouvoir politique et les juges qui essayaient de faire preuve d’indépendance ont été sanctionnés. Ceux qui mécontentaient le gouvernement ont ainsi souvent été démis de leurs fonctions ou nommés dans des zones reculées du pays. Les autorités politiques n’ont tenu aucun compte de nombreuses décisions de justice, refusant de remettre en liberté des prisonniers ou, au contraire, ordonnant d’en libérer d’autres.
Le mandat du Bureau d’appui de l’ONU pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (UNOGBIS) a été prorogé au mois de décembre 2003 jusqu’au 31 décembre 2004.

Arrestation de défenseurs des droits humains

Les autorités ont menacé et arrêté des militants des droits humains, notamment des syndicalistes, qui avaient critiqué la politique du régime.
Au mois de janvier, João Vaz Mané, vice-président de la Liga Guineense dos Direitos Humanos (LGDH, Ligue guinéenne de défense des droits humains), a été arrêté et détenu vingt et un jours au secret dans les locaux de la Segunda Esquadra, le principal poste de police de Bissau, la capitale, avant d’être libéré sans inculpation. Au cours d’une émission de radio, il avait reproché au président Yalá d’avoir mis des fonds à disposition des musulmans du pays afin qu’ils puissent se rendre à La Mecque, alors que les fonctionnaires n’avaient pas été payés. Une fois remis en liberté, João Vaz Mané a porté plainte contre les autorités pour arrestation et détention illégales. L’affaire n’avait pas été jugée fin 2003.

Liberté d’expression et médias

Les actions contre la liberté d’expression se sont poursuivies. Des personnes travaillant dans les médias ont été harcelées et détenues pendant de courtes périodes pour s’être fait l’écho des activités des militants de l’opposition. En février, les autorités ont retiré sa licence à la station indépendante Rádio Bombolom, au motif que l’autorisation d’émettre avait été accordée sous un précédent gouvernement. La radio a rouvert en mai, après avoir réussi à faire annuler la décision en justice. Le journaliste Ensa Seidi a perdu son emploi à la radio nationale après avoir relaté la venue du président du Partido Unido Social Demócrata (PUSD, Parti uni social-démocrate), qui vit à l’étranger et s’est rendu en Guinée-Bissau au mois de mars. En septembre, quatre employés de Radio Sintchan Occô ont été arrêtés à Gabú, dans l’est du pays, et ont passé vingt-quatre heures en détention pour avoir diffusé des propos critiques d’un opposant au président Yalá.

Actes de harcèlement et arrestations pour raisons politiques

Les cadres de plusieurs partis, entre autres personnes, ont été la cible d’actes de harcèlement et d’arrestations pour des motifs politiques. Les membres du Movimento Bafatá-Resistência da Guiné-Bissau (MB-RGB, Mouvement Bafatá-Résistance de la Guinée-Bissau), du PUSD et de l’ancienne formation au pouvoir, le Partido Africano da Independência da Guiné e Cabo Verde (PAIGC, Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert) ont été particulièrement visés.
Zinha Vaz, députée du MB-RGB, a été détenue pendant deux jours au mois de février pour avoir répondu à des remarques du président Yalá sur son père, après quoi elle a été libérée sans inculpation. L’interdiction de voyager dont elle était l’objet a été levée au mois de juillet.
Cinq membres du PAIGC et anciens responsables du gouvernement - Carlos Correia, Mário Mendes, Filinto Barros, José Pereira et Francisca Pereira - ont passé quatre jours en détention au mois de février. Remis en liberté sans inculpation, ils ont fait l’objet de mesures restrictives pendant plusieurs mois. Leur arrestation était liée à la décision prise en 1986 par le Conseil d’État (auquel ils appartenaient à l’époque) de procéder à l’exécution de six membres de l’ethnie Balanta convaincus de tentative de coup d’État contre le régime du président João Bernardo Vieira.
En avril, une semaine après avoir été destitué de ses fonctions de ministre de la Défense, Marcelino Lopes Cabral a été arrêté pour avoir prétendument proféré des remarques diffamatoires. Deux jours plus tard, José de Pina, conseiller à la présidence, était démis de ses fonctions et arrêté à son tour. Il était accusé d’avoir communiqué à Marcelino Lopes des informations que les autorités jugeaient diffamatoires. Les deux hommes sont restés détenus à la Segunda Esquadra jusqu’à leur libération sous caution, intervenue fin juin. Ils n’ont pas été inculpés.

Menaces contre des opposants au régime

Des opposants ont reçu des menaces de violences physiques, ou de mort pour certains. Les membres du PUSD ont été particulièrement visés.
Dans la nuit du 28 mars, Carlos Silva Schwarz, membre du PUSD, a échappé aux coups de feu tirés sur sa maison par un groupe d’hommes portant des uniformes de la Polícia de Intervenção Rápida (Brigade d’intervention rapide). La veille, il avait reçu une lettre anonyme le menaçant de mort, lui et d’autres responsables politiques.

Détention d’auteurs présumés d’une tentative de coup d’État

Onze officiers de l’armée étaient toujours détenus sans inculpation à la fin de l’année 2003. Ils faisaient partie d’un groupe de plus de 30 soldats arrêtés en décembre 2002 et accusés d’avoir préparé une tentative de coup d’État. La plupart avaient déjà été arrêtés auparavant, notamment le commandant Almane Alam Camará, emprisonné en 2000 et 2001 sur la foi d’allégations (non prouvées) l’accusant de tentative de coup d’État. Jusqu’en mai, les 11 officiers sont restés au secret dans des conditions de détention très pénibles. Plusieurs auraient été torturés et certains ont dû être hospitalisés. L’un d’entre eux est mort (voir ci-après). Trois civils, dont Ernesto Carvalho, vice-président du parti Unidade Nacional (Unité nationale), ont également été appréhendés au mois de décembre 2002, vraisemblablement sur la base des mêmes accusations. Ils ont été détenus au secret dans des conditions très dures au principal poste de police de la capitale, puis libérés sans inculpation en mai.
_Le sous-lieutenant Mussá Cassamá, arrêté en décembre 2002, est mort en détention à la caserne de Cumeré au mois de février, vraisemblablement sous la torture. Selon les informations recueillies, il avait été ligoté et roué de coups. Son corps présentait des marques qui tendaient à confirmer les allégations de torture. Les autorités n’ont pas ouvert d’enquête sur les circonstances de sa mort.

Violations des droits humains commises par des policiers

Des policiers ont commis des atteintes aux droits humains.
_En juin, un policier de Pixce, dans le sud du pays, a abattu Rui António Mendes après l’avoir conduit au poste de police de la commune pour achat illégal de noix de cajou. Il aurait tiré sur l’homme au cours de l’interrogatoire. Selon des informations non confirmées, le policier aurait été arrêté. Il n’avait pas encore été jugé à la fin de l’année.
Au mois de mai, une femme a été violée alors qu’elle était détenue à la Segunda Esquadra. Des policiers s’étaient rendus chez elle dans la nuit pour arrêter son mari. Comme il n’était pas là, ils l’avaient appréhendée à sa place et emmenée au poste de police, où elle a été violée par trois policiers. Ayant fini par réussir à s’enfuir, la femme est allée demander de l’aide au bureau des Nations unies. Les policiers ont été arrêtés. Ils ont cependant été remis en liberté le lendemain sur ordre du responsable national de la police, qui a ordonné en revanche l’arrestation du magistrat qui avait fait appréhender les policiers.
En avril, la Brigade rapide d’intervention aurait fait un usage excessif de la force pour disperser une manifestation étudiante à Bissau. Les policiers ont frappé les étudiants et ouvert le feu sur eux.
Plusieurs manifestants auraient été blessés et une dizaine d’entre eux au moins auraient été placés en détention pendant une courte période.

2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit