Somalie

SOMALIE
CAPITALE : Mogadiscio
SUPERFICIE : 637 657 km_
POPULATION : 9,9 millions
PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT NATIONAL DE TRANSITION : Abdoulkassim Salat Hassan
PEINE DE MORT : maintenue
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé

Après plus de douze années de conflits internes et d’absence d’État central, les négociations en faveur de la paix se sont poursuivies mais n’ont toujours pas abouti, malgré de légères avancées. L’année 2003 a été marquée par la poursuite des affrontements entre différentes factions dans le centre et le sud du pays. Des milliers de personnes ont fui les combats et les violences, qui ont notamment pris la forme d’enlèvements et de menaces proférées contre des défenseurs des droits humains. Des viols de femmes et de jeunes filles déplacées à l’intérieur du pays, issues de minorités pour la plupart, ont été signalés dans la capitale, Mogadiscio. Il n’existait dans les faits aucun état de droit. Les journalistes et les défenseurs des droits humains ont été la cible de menaces et d’actes de harcèlement.

Contexte

Dans une grande partie des régions du centre et du sud du pays, en particulier dans la capitale, Mogadiscio, et à Baidoa, l’année a été marquée par un climat d’insécurité constante et par des affrontements sporadiques entre différentes factions ; la plupart du temps, l’accord de cessez-le-feu signé en octobre 2002 est resté sans effet. Depuis la désagrégation de l’État, en 1991, la Somalie restait dépourvue de gouvernement central, d’administration nationale, d’armée, de police et de système judiciaire. En août, le gouvernement national de transition a prolongé son mandat, dont la durée initiale était de trois ans. Bien qu’il soit en théorie reconnu par les Nations unies et par une partie de la communauté internationale, ce gouvernement ne contrôlait que quelques quartiers de Mogadiscio, les autres régions étant aux mains de dirigeants de factions armées. Lors des négociations en faveur de la paix, le gouvernement de transition s’est heurté à l’opposition du Conseil somalien de réconciliation et de restauration (CSRR), soutenu par l’Éthiopie, mais a reçu le soutien d’un nouveau regroupement de factions, le Conseil national du salut somalien. Pour des raisons de sécurité, les membres des organisations humanitaires internationales étaient bien souvent dans l’incapacité de travailler dans le Sud. À la suite du meurtre d’un ophtalmologiste de renom, l’Association médicale somalienne a signalé, en juillet, que plus de 70 professionnels de la santé avaient été tués depuis 1991. Durant ce même mois, une organisation non gouvernementale (ONG) implantée à Mogadiscio a révélé que plus de 530 civils avaient été tués et 185 personnes enlevées au cours des douze mois précédents.

Somaliland

Une élection présidentielle pluraliste a eu lieu au mois d’avril dans la République indépendante autoproclamée du Somaliland, dans le Nord-Ouest. Il s’agissait du seul territoire issu de l’ancienne République de Somalie où régnait la paix et qui disposait d’un gouvernement, d’institutions démocratiques et d’un système judiciaire. Soutenue par de nombreuses ONG locales, une commission des droits humains devait être mise en place. Le Somaliland réclamait toujours sa reconnaissance par la communauté internationale. Il a refusé de participer à la conférence de paix organisée au Kenya et d’envisager sa réintégration dans un État fédéral somalien. Le président sortant, Dahir Riyaale Kahin, a remporté l’élection avec une très courte avance. Le scrutin parlementaire a été reporté à l’année 2005. La sécurité des personnes travaillant pour les organisations humanitaires a suscité de nouvelles craintes après le meurtre, en octobre, de trois étrangers employés dans des programmes de santé et d’éducation, même si la police a arrêté et inculpé plusieurs suspects dans cette affaire. Les relations entre le Somaliland et le Puntland demeuraient tendues, les deux territoires se disputant la souveraineté des régions de Sool et de Sanag, dans l’est du Somaliland ; celles-ci ont été frappées par la sécheresse et la pénurie alimentaire.

Puntland

Le Puntland, territoire du nord-est du pays qui s’est proclamé État régional fédéral, a participé aux pourparlers de paix et défendu le principe d’une constitution fédérale. Au mois de mai, un accord de paix et de réconciliation a été signé entre le président du Puntland, Abdullahi Yusuf Ahmed, et un groupe d’opposition armé, le Conseil pour le salut du Puntland, dirigé par le général Mahamoud Musse Hersi (également connu sous le nom d’Ade) et proche de l’ancien prétendant aux fonctions de chef de l’État, Jama Ali Jama. Des dirigeants de l’opposition ont trouvé place au sein du gouvernement du Puntland, tandis que les milices étaient intégrées aux forces de sécurité. Tous les membres des milices d’opposition qui avaient été capturés ont été remis en liberté. La sécurité s’est améliorée sur le territoire, mais les questions constitutionnelles relatives au statut du gouvernement et du Parlement n’étaient pas résolues.

Négociations en faveur de la paix

La Conférence de réconciliation et de paix pour la Somalie a repris dans un nouveau lieu, à Mbagathi, près de Nairobi (Kenya), sous l’égide d’un nouveau président. Les pourparlers, auxquels assistaient 430 délégués, étaient organisés par l’Intergovernmental Authority on Development (IGAD, Autorité intergouvernementale pour le développement), qui regroupe plusieurs États de la région. Parmi les participants figuraient les dirigeants de plus de 20 factions armées (les « seigneurs de la guerre »), des membres du gouvernement de transition et des représentants de groupes issus de la société civile, dont quelques organisations indépendantes oeuvrant pour la défense des droits humains et des droits des femmes et des minorités.
Au mois de septembre, la Conférence a proposé une charte transitoire prévoyant la mise en place d’un gouvernement fédéral provisoire pour une durée de quatre années. Le gouvernement national de transition et un autre groupement de factions ont, dans un premier temps, rejeté cette proposition, avant de reprendre les négociations. La désignation d’un Parlement provisoire chargé d’élire un président n’était pas achevée à la fin du mois de décembre.

La communauté internationale

Face à la menace pesant en permanence sur la sécurité régionale et internationale et résultant de plus de douze années de désintégration de l’État et d’affrontements constants entre factions rivales dans le sud de la Somalie, le Conseil de sécurité et le secrétaire général des Nations unies ont appelé à une conclusion urgente des pourparlers de paix et à la fin des violations du cessez-le-feu et des atteintes aux droits humains. Les Nations unies ont condamné le fait que le gouvernement national de transition et toutes les factions, ou presque, fassent appel à des enfants en tant que combattants.
Au mois de mars, un groupe d’experts des Nations unies a présenté au Conseil de sécurité un rapport relatif aux violations de l’embargo international sur les armes dont se sont rendus coupables les États voisins et d’autres pays qui fournissaient le gouvernement de transition ou des chefs de factions. Le mandat du groupe a été prolongé de six mois et, en novembre, ce dernier a rendu public un nouveau rapport comprenant des recommandations et établissant un lien entre la circulation des armes et le « terrorisme » international.
Au mois d’avril, à la suite du rapport de l’expert indépendant de l’ONU chargé d’examiner la situation des droits de l’homme en Somalie, la Commission des droits de l’homme des Nations unies a exhorté tous les groupes somaliens à cesser les actes de violence et les atteintes aux droits humains, à respecter l’embargo sur les armes, à empêcher le « terrorisme » et à protéger les personnes travaillant pour des organisations humanitaires. L’Union africaine a commencé à établir un groupe de surveillance du cessez-le-feu. Les Nations unies ont condamné les homicides et les enlèvements d’enfants, notamment le meurtre de trois fillettes à Baidoa au mois de mai lors d’affrontements claniques, ainsi que le rapt et la détention pendant une courte période d’un groupe de collégiennes qui se rendaient en bus à Mogadiscio au mois de juin.

Violence contre les femmes

Les mutilations génitales féminines étaient toujours pratiquées sur une majorité de fillettes, malgré une campagne d’éducation menée par des organisations somaliennes de défense des droits des femmes. Les membres de la Coalition des organisations populaires de femmes ont également recueilli des informations sur des viols de femmes et de jeunes filles déplacées commis par des miliciens et des bandits armés à Mogadiscio. La plupart des victimes appartenaient à des minorités. Un rapport des Nations unies a indiqué que les femmes rencontraient de nombreux obstacles lorsqu’elles tentaient de faire appel à la justice.

Réfugiés et personnes déplacées

L’exode des populations du sud du pays s’est poursuivi : les civils fuyaient les affrontements entre factions rivales, les enlèvements, les menaces proférées contre les défenseurs des droits humains et les autres exactions. Les Somaliens représentaient une part considérable des demandeurs d’asile présents dans les États voisins, mais aussi dans les pays industrialisés de l’hémisphère Nord.
En avril, le coordonnateur résident des Nations unies pour les affaires humanitaires en Somalie a adressé un appel aux chefs de milices et aux responsables politiques somaliens afin qu’ils protègent 350 000 personnes déplacées, pour la plupart des femmes et des enfants, dans plus d’une dizaine de régions. Ces personnes, dont beaucoup sont issues de minorités, ont été la cible de viols, d’enlèvements et de pillages de la part de groupes armés. Elles connaissaient, de plus, de mauvaises conditions de vie dans les camps.

État de droit

Dans tout le sud de la Somalie, il n’existait aucun système approprié ou efficace d’administration de la justice susceptible de faire respecter le droit et d’assurer une protection impartiale des droits fondamentaux. Le gouvernement national de transition et les chefs des factions n’ont pas pris les mesures nécessaires pour protéger les citoyens ; les violences perpétrées par les milices liées aux factions ont été commises en toute impunité. Quelques tribunaux se fondant sur la charia (loi islamique) fonctionnaient au niveau local, mais appliquaient des procédures n’ayant qu’un rapport lointain avec les normes internationales en matière d’équité des procès. Les milices liées aux factions claniques se contentaient de protéger les membres de leur clan, de sorte que les personnes non armées appartenant à des minorités étaient exposées à des violences. Les conditions de détention dans la prison centrale du gouvernement de transition à Mogadiscio étaient éprouvantes.
Des informations ont fait état d’arrestations arbitraires au Somaliland. Le général Jama Mohamed Ghalib, ancien responsable de la police et partisan de la réintégration du Somaliland au sein d’un État fédéral, a été placé en détention pendant deux jours après son retour à Hargeisa, en juin, avant d’être expulsé. Plusieurs de ses sympathisants ont été arrêtés après une fusillade avec les forces de sécurité du Somaliland et étaient toujours détenus à la fin de l’année, sans avoir été jugés ni même inculpés.
Les tribunaux du Puntland ont siégé de façon occasionnelle dans certaines régions ; ces juridictions ne respectaient pas les normes internationales relatives à l’équité des procès.

Médias et liberté d’expression

Les militants et les journalistes qui faisaient état d’atteintes aux droits humains ou se montraient critiques à l’égard des autorités politiques étaient bien souvent susceptibles d’être arrêtés arbitrairement et, dans le Sud, risquaient même d’être tués. Seul le Somaliland garantissait la liberté politique, avec des structures de parti ouvertes, et laissait ses citoyens jouir d’une grande liberté pour exprimer leurs opinions, critiquer publiquement le gouvernement et mener campagne lors des élections.
_À Mogadiscio, en janvier, la chaîne de télévision et station de radio Hornafrik a été la cible d’une attaque menée par un chef de faction, à la suite de la diffusion d’une émission révélant les liens qu’entretenaient certains hommes d’affaires avec le « terrorisme ».
_Deux journalistes de radio ont été arrêtés par la police gouvernementale en juin à Mogadiscio. Accusés d’avoir critiqué le gouvernement, Abdurahman Mohamed Hudeifi et Hussein Mohamed Gedi ont été remis en liberté au bout de deux jours.
_Quatre ONG de défense des droits humains ont été interdites au Puntland en mars, peu après que leurs représentants eurent participé à un atelier destiné aux défenseurs des libertés fondamentales organisé au Somaliland par Amnesty International. Ces organisations ont par la suite été autorisées à reprendre leurs activités, à l’issue de négociations avec des représentants du gouvernement.
En octobre, au Somaliland, un journaliste de Jamhuuriya (The Republican), a été reconnu coupable de diffamation. En appel, sa condamnation à une peine de huit mois d’emprisonnement a toutefois été rapidement commuée en une simple amende.

Visites d’Amnesty International

En février, Amnesty International a organisé à Hargeisa un atelier destiné aux défenseurs des droits humains et a rencontré les autorités du Somaliland. En avril, un délégué d’Amnesty International a assisté à la conférence pour la paix en Somalie, qui se tenait au Kenya, et a rencontré des représentants du gouvernement du Puntland, d’autres responsables politiques et des membres d’ONG.

Autres documents d’Amnesty International

Somalie. Amnesty International demande à la Commission des droits de l’homme des Nations unies de soutenir le rétablissement des droits humains (AFR 52/003/2003).
Somalie / Somaliland. Soutenir et renforcer le travail des défenseurs somaliens des droits humains. Rapport de séminaire (AFR 52/004/2003).
Somalie. Amnesty International demande que le parlement de transition s’engage en faveur des droits humains (AFR 52/005/2003).

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