Recommandations

Les chapitres de ce Rapport 2004 consacrés aux pays comportent de nombreux exemples des atteintes aux droits fondamentaux qu’Amnesty International s’est engagée à combattre. L’organisation exhorte tous les détenteurs de l’autorité dans les différents pays ou territoires où des atteintes aux droits humains sont commises à adopter les mesures recommandées ci-dessous. Des recommandations plus détaillées sont éventuellement incluses dans les entrées relatives aux pays et territoires.

Droit à la vie et à l’intégrité physique

Assassinats politiques et « disparitions »
Amnesty International appelle les gouvernements à mettre un terme aux exécutions extrajudiciaires et aux « disparitions ». Elle demande que soient menées dans les meilleurs délais des enquêtes indépendantes et efficaces sur ces violations, et que les responsables soient traduits en justice. L’organisation prie instamment les gouvernements :

 de manifester leur opposition totale aux exécutions extrajudiciaires et aux « disparitions » et de faire clairement savoir aux forces de sécurité que ces pratiques ne seront tolérées en aucune circonstance ;

 de mettre un terme à la détention secrète ou au secret et d’instaurer des mesures afin que le lieu où se trouvent les détenus soit connu et que leur protection soit possible ;

 d’offrir une protection efficace à quiconque risque d’être victime d’une exécution extrajudiciaire ou d’une « disparition », y compris aux personnes ayant reçu des menaces de mort ;

 de veiller à ce que les responsables de l’application des lois ne fassent usage de la force que lorsque cela est strictement nécessaire et ne causent que le minimum de dommages et d’atteintes à l’intégrité physique, la force meurtrière ne devant être utilisée que pour protéger des vies humaines, lorsque aucun autre choix n’est possible ;

 de veiller à ce que l’autorité soit exercée conformément à la voie hiérarchique au sein de l’ensemble des forces de sécurité ;

 d’interdire les escadrons de la mort, les armées privées et les forces paramilitaires agissant en dehors du contrôle hiérarchique officiel ;

 de veiller à ce que les victimes et leurs proches obtiennent réparation.

Torture et mauvais traitements
Amnesty International exhorte les gouvernements à prendre des mesures pour lutter contre la torture et les mauvais traitements. Elle leur demande notamment d’ordonner aussi rapidement que possible l’ouverture d’enquêtes impartiales et efficaces sur les allégations de torture et de traduire les tortionnaires en justice.
Pour lutter contre la torture et les mauvais traitements, l’organisation préconise par ailleurs :

 l’élaboration de lignes de conduite faisant clairement savoir que la torture et les mauvais traitements ne seront pas tolérés ;

 la suppression de la détention au secret et la possibilité pour les détenus d’être examinés par un médecin indépendant et de consulter un avocat ;
l’abolition de tous les châtiments corporels judiciaires et administratifs ;
l’interdiction d’utiliser les « aveux » obtenus sous la torture à titre de preuve devant les tribunaux ;

 l’inspection des lieux de détention par des personnes indépendantes ;

 la notification de leurs droits aux détenus ;

 la mise en place d’une formation relative aux droits humains pour le personnel chargé de l’application des lois ;

 le versement d’une indemnité aux victimes de torture, assortie d’une prise en charge médicale et d’une aide à leur réadaptation.

Peine de mort
Amnesty International demande aux États d’abolir la peine capitale dans la législation et dans la pratique. Dans l’attente de l’abolition complète de ce châtiment, elle les engage à commuer toutes les condamnations à mort, à décréter un moratoire sur les exécutions, à respecter les normes internationales restreignant le champ d’application de la peine de mort et à appliquer les normes d’équité les plus rigoureuses dans les affaires passibles de la peine capitale.

Questions relatives au fonctionnement de la justice

Impunité
Littéralement, le terme « impunité » signifie « absence de punition ». Amnesty International l’emploie pour dénoncer le fait que des États manquent à leur devoir de réparation en omettant de poursuivre en justice les responsables d’atteintes aux droits humains et d’établir ainsi leur innocence ou leur culpabilité, découvrir la vérité et obtenir réparation pour les victimes. Lorsque les crimes contre les droits humains demeurent impunis, leurs auteurs peuvent les répéter sans crainte de poursuites. L’impunité prive les victimes et leurs proches de leurs droits à faire établir et reconnaître la vérité, à ce que justice leur soit rendue et à obtenir réparation effective. L’impunité prive des sociétés entières de leurs droits à connaître la vérité sur leur passé et à se protéger contre toute nouvelle forme d’oppression à l’avenir.
Amnesty International demande aux États d’ordonner dans les plus brefs délais l’ouverture d’enquêtes impartiales et efficaces sur les allégations d’atteintes aux droits fondamentaux, et de déférer les responsables présumés à une cour de justice respectant les normes internationales d’équité.
L’organisation s’oppose aux amnisties générales pour les auteurs d’atteintes aux droits humains. Rechercher la vérité sur ce qui s’est passé, établir les responsabilités et traduire en justice les responsables présumés sont les seuls moyens de restaurer la confiance dans le système judiciaire et de garantir le respect des droits fondamentaux.

Prisonniers d’opinion
Amnesty International demande la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers d’opinion. Les prisonniers d’opinion sont des personnes détenues du fait de leurs convictions politiques ou religieuses ou pour toute autre raison de conscience, ou du fait de leur origine ethnique, de leur sexe, de leur couleur, de leur langue, de leur nationalité ou de leur origine sociale, de leur situation économique, de leur naissance ou de toute autre situation, et qui n’ont pas eu recours à la violence ni préconisé son usage.

Équité des procès

Amnesty International demande que tous les prisonniers dont le cas comporte un aspect politique bénéficient dans les meilleurs délais d’un procès équitable sur la base de chefs d’inculpation prévus par le droit pénal ou, à défaut, qu’ils soient libérés.
L’organisation demande que ces procès soient conformes aux règles internationales d’équité les plus élémentaires. Cela implique notamment qu’ils respectent le droit de l’accusé à une audience équitable devant un tribunal compétent, indépendant et impartial, le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires pour préparer sa défense et le droit d’interjeter appel devant une instance supérieure.

Conditions carcérales
Amnesty International exhorte les gouvernements à faire en sorte que les conditions carcérales ne constituent pas une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant, en se conformant aux normes internationales concernant le traitement des prisonniers.

Économie et protection des droits humains

Droits économiques, sociaux et culturels
Les droits de la personne humaine étant indivisibles et interdépendants, il n’est pas possible de mener un travail efficace en faveur des droits civils et politiques sans lutter également contre les atteintes aux droits économiques, sociaux et culturels. Amnesty International a donc élaboré un programme de travail sur la mise en œuvre de ces droits.
Les droits économiques, sociaux et culturels trouvent leur fondement dans le droit international. Les jurisprudences de nombreux pays - auxquelles s’ajoute une tendance à inscrire ces droits dans les réformes constitutionnelles - montrent qu’il est possible de les faire respecter en recourant à des moyens légaux. En outre, de nombreux textes internationaux autorisent des individus ou des collectivités à porter plainte pour atteinte à leurs droits économiques, sociaux et culturels auprès d’organisations intergouvernementales comme l’Organisation internationale du travail (OIT), l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), ou les instances régionales africaines et interaméricaines.
Les actions d’Amnesty International dans ce domaine ont notamment porté sur des projets relatifs aux droits à la santé, à la nourriture, à l’éducation et à l’emploi.

Entreprises et institutions économiques
La sphère politique est de plus en plus influencée et dominée par les intérêts de l’économique, dont le développement se fait trop souvent au mépris des droits élémentaires. Amnesty International estime que les professionnels de ce secteur (entreprises, institutions financières internationales, forums économiques régionaux et internationaux, organisations non gouvernementales et intergouvernementales concernées) sont comptables des conséquences de leurs activités, et qu’ils sont tenus de veiller à ce que celles-ci ne portent pas atteinte aux droits fondamentaux de la personne.
Amnesty International s’efforce de convaincre un nombre croissant d’acteurs économiques de définir et de mettre en pratique un ensemble de mesures concrètes portant sur le respect et la protection des droits humains.

Agents non gouvernementaux
Amnesty International utilise l’expression « agents non gouvernementaux » pour désigner les personnes (particuliers ou groupes) qui agissent à titre privé, sans représenter un État ni un groupe politique armé.
Aux termes des textes internationaux relatifs aux droits humains, tout État a le devoir de faire respecter, de protéger et d’appliquer les droits élémentaires de la personne. Si un gouvernement manque à l’obligation qui est la sienne de protéger et de faire respecter ces droits, il porte la responsabilité légale de ne pas avoir empêché l’atteinte aux droits humains de se produire ou de ne pas y avoir opposé une réaction appropriée. Amnesty International se donne donc la possibilité d’intervenir lorsqu’un État manque à ce devoir qui consiste à protéger les personnes présentes sur son territoire des exactions commises par des agents non gouvernementaux.
Amnesty International lutte contre les atteintes aux droits humains perpétrées par des agents non gouvernementaux :

 lorsque celles-ci s’apparentent en nature et en gravité aux violences auxquelles Amnesty International s’opposerait si elles étaient commises par des agents de l’État (par exemple, les crimes d’« honneur », l’infanticide, les mutilations génitales féminines, l’esclavage, la prostitution forcée) ;

 et lorsqu’il est établi que le gouvernement a failli aux obligations qui lui incombent aux termes du droit international, à savoir de chercher à mettre un terme à ces exactions. C’est le cas notamment lorsque le gouvernement n’a rien fait pour punir ni prévenir ces atteintes, que ces actes ne tombent sous le coup d’aucune interdiction ni disposition légales, et qu’aucune réparation ni indemnisation n’ont été proposées aux victimes.

Discrimination
Amnesty International lutte contre les atteintes graves au droit de ne pas être victime de discrimination. Elle considère comme prisonniers d’opinion les personnes détenues uniquement du fait de leur couleur de peau, de leur origine ethnique, de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur religion. L’organisation appelle les États à prendre des mesures préventives contre la discrimination, qu’elle soit le fait de leurs représentants ou de personnes privées, en ratifiant les textes internationaux contre la discrimination - dont la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes - et en veillant à ce que leurs législations nationales prohibent ces pratiques. Qu’il s’agisse de textes internationaux ou de législations nationales, leurs dispositions doivent être intégralement appliquées.

Violence contre les femmes
Amnesty International fait campagne pour mettre fin à la violence contre les femmes.
L’organisation demande l’adoption et la mise en application de lois visant protéger les femmes, afin que la violence dans la famille soit traitée avec le même sérieux que les agressions se déroulant dans d’autres contextes, et que le viol et toute autre forme de violence contre les femmes soient pénalisés.
Amnesty International demande l’abrogation de toutes les lois qui :
facilitent l’impunité pour le viol ou le meurtre de femmes ;
pénalisent les rapports sexuels privés consentis ;
_limitent le droit des femmes de choisir leur partenaire et restreignent l’accès des femmes aux soins de santé touchant à la reproduction et au planning familial.
Amnesty International appelle les autorités nationales et locales à financer et à soutenir des mesures permettant à toutes les femmes de vivre sans être soumises à la violence, par exemple des programmes d’éducation civique et de formation et des mécanismes soutenant et protégeant les victimes de violences ainsi que les défenseurs des droits des femmes.
Amnesty International demande instamment aux gouvernements, aux institutions financières et aux entreprises de lutter contre l’appauvrissement des femmes en leur assurant l’égalité d’accès aux droits économiques et sociaux, notamment à la nourriture, à l’eau, aux biens propres, à l’emploi et aux prestations sociales, et en maintenant des filets de sécurité et de protection sociale, surtout en période de tensions économiques et de bouleversements.
L’organisation prie les États de mettre un terme à l’impunité pour les auteurs de violences commises contre les femmes au cours de conflits armés.
Elle prie les groupes politiques armés de mettre un terme aux violences commises contre les femmes par leurs membres.

Demandeurs d’asile et réfugiés
Amnesty International invite les gouvernements à veiller à ce qu’aucun demandeur d’asile ne soit renvoyé dans un pays où il risque de voir ses droits fondamentaux bafoués. Elle appelle en outre les gouvernements à faire en sorte que les personnes en quête d’asile aient accès individuellement à une procédure d’examen équitable et impartiale de leur requête et qu’elles ne soient pas détenues arbitrairement ni soumises à d’autres formes de pressions indues.

Conflits armés

Les droits fondamentaux en temps de guerre
Dans les situations de conflit armé, Amnesty International continue de s’opposer à la peine de mort, aux mauvais traitements et à la torture, aux « disparitions », aux homicides illégaux et à l’incarcération de prisonniers d’opinion.
L’organisation ne prend pas position sur les raisons d’un conflit armé donné ; son souci est que, au cours du conflit, le droit international humanitaire soit respecté. Conformément à celui-ci, elle s’oppose aux attaques directes contre les populations civiles ainsi qu’aux attaques menées sans discrimination ou de façon disproportionnée.
Amnesty International ne s’oppose pas à la conscription, sauf pour les jeunes de moins de dix-huit ans. Toutefois, elle insiste pour que tous les objecteurs de conscience au service militaire soient autorisés à effectuer un service civil de remplacement approprié. Lorsque cette possibilité n’est pas mise à leur disposition et que des personnes sont incarcérées du fait de leur objection au service militaire, Amnesty International les considère comme des prisonniers d’opinion.

Enfants soldats
Amnesty International lutte pour faire cesser le recrutement d’enfants soldats et obtenir la protection des enfants dans les situations de conflits armés. Elle s’oppose aussi bien à l’enrôlement des moins de dix-huit ans dans les forces armées (qu’il soit volontaire ou forcé), qu’à leur participation dans les conflits armés.

Groupes politiques armés
Amnesty International s’oppose aux actes de torture, aux prises d’otage, aux homicides illégaux et aux autres infractions graves au droit international humanitaire commises par les groupes politiques armés. Elle utilise différents moyens pour faire connaître son action (appels directs, publications ou interventions auprès des médias).

Transferts d’équipements ou de compétences dans les domaines militaire, de sécurité et de police (MSP)
Amnesty International exhorte les États à adopter et à appliquer des lois et des réglementations prohibant les transferts d’armes, d’équipements de sécurité ou de services, sauf si l’on peut raisonnablement établir que ces transferts ne contribueront pas à des atteintes graves aux droits fondamentaux, à des crimes contre l’humanité ou à des crimes de guerre.
L’organisation appelle en particulier les gouvernements à :

 soutenir la mise en place au niveau international de dispositifs propres à permettre un contrôle effectif du commerce des armes, notamment un traité sur le commerce des armes fondé sur le droit international relatif aux droits humains et sur le droit international humanitaire, et à prohiber les armes non discriminantes (telles que les mines terrestres antipersonnel) ou de nature propre à occasionner des blessures superflues ou des souffrances inutiles ;

 introduire des mesures juridiques spéciales afin de contrôler les exportations d’armes fabriquées sous licence étrangère, le courtage et le trafic d’armes, pour garantir que ces activités ne contribuent pas à des violations graves des droits humains ;

 exercer au niveau national des contrôles stricts sur le transfert et l’utilisation d’équipements de sécurité et de répression des crimes, notamment des moyens d’immobilisation mécaniques (menottes) et des équipements antiémeutes (canons à eau, balles de plastique ou de caoutchouc, agents chimiques comme le gaz poivre ou le gaz lacrymogène), afin qu’ils ne soient pas utilisés pour commettre des atteintes aux droits humains ;

 interdire la production, le transfert et l’utilisation d’équipements destinés officiellement à l’application de la loi mais qui seront utilisés en premier lieu pour l’exécution de condamnés à mort ou pour faire subir des actes de torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants (par exemple les chaises électriques, les entraves pour les jambes, les menottes ou poucettes dentelées, les ceintures incapacitantes à décharges électriques) ;

 suspendre le transfert et l’utilisation d’équipements de sécurité dont les effets présentent un risque non négligeable d’atteinte aux droits humains (les pistolets paralysants à décharges électriques, le gaz poivre, les chaises d’immobilisation et les panneaux équipés de menottes) dans l’attente des conclusions d’une enquête rigoureuse et indépendante menée par des experts et s’inspirant des normes internationales en matière de droits humains ;

 mettre en place une réglementation stricte et un suivi rigoureux des transferts de compétences dans les domaines militaires, de sécurité et de police, afin de garantir un respect total des normes internationales relatives aux droits humains.

Défense et respect des droits humains
Amnesty International exhorte les États, d’une part à ratifier sans réserve les instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits humains et, d’autre part, à respecter et à promouvoir les dispositions contenues dans ces instruments.

2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit