Philippines

RÉPUBLIQUE DES PHILIPPINES
CAPITALE : Manille
SUPERFICIE : 300 000 km_
POPULATION : 80 millions
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Gloria Macapagal Arroyo
PEINE DE MORT : maintenue, mais un moratoire sur les exécutions est en vigueur depuis l’an 2000
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifié

Les tentatives visant à relancer les pourparlers de paix avec les séparatistes musulmans de Mindanao n’ont guère donné de résultats, car elles avaient été précédées d’une offensive militaire qui avait entraîné des déplacements massifs de la population civile et provoqué un regain de tension à la suite d’une série d’attentats à la bombe attribués à des « terroristes » islamistes. Les opérations menées contre les « terroristes » islamistes présumés, les séparatistes musulmans et les insurgés communistes auraient été marquées par des arrestations arbitraires, des actes de torture, des exécutions extrajudiciaires et des « disparitions ». Les carences de la justice pénale exposaient les suspects de droit commun, y compris les femmes et les enfants, aux mauvais traitements et à la torture, ainsi qu’à des procès inéquitables. Le moratoire sur les exécutions a été levé dans le cas des personnes condamnées pour enlèvement ou pour trafic de stupéfiants. Certains groupes d’opposition armés se sont rendus coupables d’homicides, de prises d’otages et d’autres exactions.

Contexte

À la suite d’une série d’attentats à la bombe attribués à des « terroristes » islamistes et survenus aux mois de mars et d’avril, le gouvernement a promis d’intensifier la « guerre contre le terrorisme » par des mesures législatives et des actions militaires. Au mois de juillet, plus de 300 soldats ont occupé une partie du quartier des affaires de Manille, apparemment en prélude à une tentative de coup d’État. Cette mutinerie a accentué les craintes relatives à une instabilité politique et économique plus générale. Les soldats se sont finalement rendus et ont été inculpés de rébellion. Le malaise croissant de l’opinion publique face à l’augmentation de la criminalité (cristallisée notamment par certains enlèvements contre rançon très médiatisés) et la tentative avortée de destitution du président de la Cour suprême, accusé de corruption, par un groupe d’opposition parlementaire, ont encore accentué les tensions politiques. Les manœuvres politiques à l’approche de l’élection présidentielle de 2004 se sont accélérées, la présidente de la République, Gloria Macapagal Arroyo, ayant annoncé en octobre son intention de se représenter.

Le conflit armé à Mindanao
Les tentatives de relance des pourparlers de paix avec les séparatistes du Moro Islamic Liberation Front (MILF, Front de libération islamique moro) se sont succédé tout au long de l’année, en vain. Après une série d’affrontements qui ont opposé, en février, dans les environs de Pikit (centre de Mindanao), des éléments des Armed Forces of the Philippines (AFP, Forces armées des Philippines) et des combattants du MILF, et alors que le mouvement séparatiste était accusé de protéger des auteurs d’enlèvements, les AFP ont lancé une offensive contre les camps et les localités contrôlés par le MILF dans la région. Les combats auraient fait plus de 200 morts et contraint plus de 40 000 civils à quitter leurs foyers. Après cette offensive, le MILF a mené des attaques sporadiques contre des villages et des infrastructures. De très nombreux civils auraient été tués. Les deux parties ont conclu en juillet un accord de cessez-le-feu, mais la reprise des pourparlers de paix, dans lesquels la Malaisie proposait de jouer les médiateurs, a été entravée par des accrochages réguliers sur le terrain. Les réserves du gouvernement, qui soupçonnait le MILF d’entretenir des liens avec la Jemaah Islamiyah (JI, Communauté islamique), réseau « terroriste » régional considéré comme responsable des attentats à la bombe perpétrés en 2002 à Bali, pesaient également sur le processus.

Attentats à la bombe et arrestations de suspects musulmans
Deux attentats à la bombe commis en mars et en avril à Davao, dans l’est de Mindanao, ont fait au moins 38 morts dans la population civile. Les pouvoirs publics ont évoqué la possible responsabilité du MILF et de la JI dans ces actes, et la présidente de la République a déclaré qu’un état de « non-droit » régnait dans cette ville. La police s’est alors livrée à des rafles au cours desquelles 12 suspects musulmans, peut-être plus, auraient été arrêtés sans mandat, à Davao et à Cotabato, avant d’être placés en détention au secret pour une durée prolongée. Il était à craindre que certains d’entre eux n’aient été torturés ou maltraités par la police nationale, désireuse de leur arracher des « aveux » ou des informations.
Au mois d’avril, Datu Abdullah Sabudura, un dirigeant de la communauté musulmane locale, et Zulkifle Alimmudin, enseignant en sciences islamiques, ont été enlevés lors de deux opérations distinctes menées par des inconnus armés à la suite des attentats de Davao. Les familles des deux hommes pensaient que les ravisseurs appartenaient à la police nationale. Amnesty International ne disposait d’aucune information sur le sort des deux hommes ni sur l’endroit où ils se trouvaient.
_Au mois d’octobre, un tribunal a ordonné la libération de 14 civils musulmans qui avaient été arrêtés en 2001 sur l’île de Basilan, dans le sud de la région de Mindanao, inculpés d’enlèvement, puis transférés dans une prison située près de Manille. Ces hommes faisaient partie d’un groupe d’au moins 28 personnes arrêtées lors de rafles menées par les AFP contre des groupes musulmans de l’île de Basilan. La population visée était soupçonnée de sympathies pour le groupe séparatiste musulman Abu Sayyaf, auteur d’enlèvements et d’homicides. Nombre des détenus ont affirmé avoir été torturés alors qu’ils se trouvaient en détention au secret. Ils auraient notamment été roués de coups, brûlés à la cigarette et torturés avec des tenailles. Ces plaintes n’ont pas donné lieu à des poursuites contre les membres des AFP présumés responsables.

Insurrection communiste
Les négociations de paix entre le gouvernement et le National Democratic Front (NDF, Front démocratique national), représentant le Communist Party of the Philippines (CPP, Parti communiste des Philippines) et sa branche armée, la New People’s Army (NPA, Nouvelle armée du peuple), n’ont guère avancé. Elles se heurtaient notamment à l’inscription du CPP-NPA sur une liste d’organisations « terroristes » par les gouvernements des Philippines, des États-Unis et de certains pays de l’Union européenne. Des entretiens informels concernant l’éventuelle reprise d’un dialogue officiel ont cependant eu lieu en Norvège en octobre et novembre.
Des affrontements isolés entre les AFP et la NPA ont continué de se produire tout au long de l’année. Les personnes accusées d’appartenir à la NPA couraient de grands risques (arrestation arbitraire, « disparition », torture ou exécution extrajudiciaire). Les militants d’organisations de gauche légales soupçonnés par les AFP de sympathies pour la NPA étaient également en danger.
_Au mois d’avril, deux militants de gauche, Eden Marcellena, représentante locale du groupe de défense des droits humains Karapatan, et le dirigeant paysan Eddie Gumaloy, ont été enlevés et tués dans la province du Mindoro-Oriental par des hommes soupçonnés d’appartenir à un groupe d’autodéfense apparemment proche des AFP. Un officier supérieur des AFP a été muté dans l’attente des conclusions de l’enquête. Des témoins auraient été soumis à des manœuvres d’intimidation ; aucune inculpation n’avait été prononcée à la fin de l’année.
_Au mois de novembre, plusieurs groupes de défense des droits humains se sont félicités de la décision du parquet de Davao d’engager des poursuites pour meurtre contre plusieurs membres des AFP et des milices accusés d’avoir tué, en 2002, une femme engagée dans l’organisation Karapatan, Benjaline Hernandez, et trois militants du mouvement paysan. Des représentants des AFP avaient prétendu que ces quatre personnes avaient été tuées lors d’un affrontement armé avec la NPA.
Le CPP-NPA s’est rendu coupable d’un certain nombre d’exactions. Au mois de janvier, il a revendiqué le meurtre, à Manille, de Romulo Kintanar, l’un de ses anciens hauts dirigeants, accusé par l’organisation d’activités « criminelles et contre-révolutionnaires ». Par ailleurs, des éléments de la NPA auraient enlevé et tué deux villageois au mois de novembre dans les environs de Bananga (Mindanao). Ils les soupçonnaient apparemment de collaboration avec les AFP.

Torture et administration de la justice
Un certain nombre de carences de la justice pénale continuaient de favoriser le recours à la torture et aux mauvais traitements dans le but d’obtenir des « aveux » : arrestations illégales et sans mandat par la police, détention prolongée « pour enquête » avant inculpation sans pouvoir consulter un avocat ou un médecin, notamment. Les menaces et les actes de torture continuaient de fausser les procédures de recours et d’hypothéquer les garanties censées assurer l’équité des procès. Aussi bien les membres présumés de groupes d’opposition armés que les suspects de droit commun étaient exposés à ce genre de pratiques, qui n’épargnaient ni les femmes ni les enfants. Une coalition d’organisations non gouvernementales (ONG) s’est mobilisée en faveur de certaines initiatives législatives visant à faire de la torture un crime à part entière et à mieux garantir les droits des détenus. Le Parlement n’avait cependant pas adopté les réformes attendues à la fin de l’année.
Au mois d’août, la Commission philippine des droits humains a déclaré recevable la plainte déposée par Paterno Pitulan. Cet ouvrier du bâtiment avait été arrêté en juin dans le cadre d’une enquête judiciaire menée par la police nationale. Il aurait fait l’objet de tortures, notamment au moyen de décharges électriques et d’un sac en plastique placé sur sa tête pour le faire suffoquer. La Commission philippine des droits humains a recommandé au parquet d’entamer des poursuites pour coups et blessures contre quatre fonctionnaires de police.
Déficiences de la justice pour mineurs
Malgré l’existence de toute une série de lois et de garanties destinées à assurer la protection des enfants en détention, un certain nombre de carences du système de justice pour mineurs continuaient de favoriser les violences, y compris les actes de torture et les mauvais traitements. Les enfants étaient détenus en compagnie d’adultes dans des établissements surpeuplés, ce qui les exposait à d’éventuels sévices de la part de leurs codétenus. Après leur arrestation, certains se sont vu refuser le droit de voir rapidement un travailleur social, un avocat ou leur famille et ont dû attendre longtemps avant d’être présentés à un magistrat et, finalement, jugés. Le fait qu’il n’était pas obligatoire de déterminer l’âge exact d’un mineur au moment de son arrestation s’est traduit, cette année encore, par un certain nombre d’irrégularités en matière de condamnation et de traitement.

Violence contre les femmes
Malgré les projets de certains organismes gouvernementaux en faveur d’un renforcement de la protection des femmes en détention, ces dernières risquaient toujours d’être victimes d’actes de torture et de mauvais traitements, y compris de viols et d’autres violences sexuelles. Les enquêtes menées sur ce genre d’agissements n’étaient pas satisfaisantes et débouchaient rarement sur des poursuites. La violence au sein du foyer restait très répandue. L’absence de tout texte de loi criminalisant ce type de violence continuait de limiter les possibilités de recours juridiques des victimes. Un projet de loi visant à faire de la violence domestique un crime à part entière était toujours en attente d’examen au Parlement.

Peine de mort
La présidente de la République a déclaré, en novembre, que le moratoire sur les exécutions, confirmé en 2002 en attendant que le Congrès se prononce sur plusieurs projets de loi visant à abolir la peine capitale, allait être levé dans le cas des condamnés à mort pour enlèvement ou pour trafic de stupéfiants. Depuis 1993, année où ce châtiment avait été rétabli, 1 916 personnes, peut-être plus, s’étaient vu infliger la peine capitale. Sept hommes avaient été exécutés au cours de la même période. La présidente avait jusqu’alors refusé d’accéder aux demandes de reprise des exécutions motivées par l’inquiétude que suscitait dans l’opinion publique l’augmentation de la criminalité, notamment des enlèvements contre rançon. Sa position était qu’il valait mieux, pour lutter efficacement contre la criminalité, mener une vaste réforme institutionnelle de la police nationale et du système judiciaire.
Au moins sept jeunes gens étaient toujours sous le coup d’une condamnation à mort pour des crimes commis lors qu’ils avaient moins de dix-huit ans, alors même que la loi indiquait clairement qu’un mineur délinquant ne pouvait être ni condamné à mort ni exécuté. Tous ont quitté le quartier des condamnés à mort dans le courant de l’année 2002, mais leurs dossiers n’avaient toujours pas été réexaminés par les tribunaux et leurs peines n’avaient pas non plus été commuées.
Au mois de novembre, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a estimé que l’absence de garantie d’équité du procès d’Albert Wilson, condamné à mort pour viol en 1998, puis placé en détention dans le quartier des condamnés à mort et finalement acquitté en 1999 par la Cour suprême, ainsi que la manière dont il avait été traité en détention violaient de fait les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), notamment l’interdiction de soumettre les personnes à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Préoccupations du Comité des droits de l’homme
Au mois d’octobre, les Philippines ont présenté au Comité des droits de l’homme des Nations unies leurs deuxième et troisième rapports périodiques, regroupés en un seul document et portant sur leur application du PIDCP. À cette occasion, le Comité a exprimé sa préoccupation sur un certain nombre de violations graves des droits humains n’ayant donné lieu à aucune enquête ou poursuite, ce qui encourageait une véritable culture de l’impunité. Il a également déploré l’existence de menaces et d’actes d’intimidation hypothéquant le droit de toute personne à disposer de moyens de recours réels. En ce qui concerne les allégations persistantes de torture, le Comité a préconisé l’adoption d’un système efficace de contrôle du traitement de tous les détenus, l’ouverture sans délai d’une enquête indépendante en cas de plainte et la garantie concrète de pouvoir consulter gratuitement un médecin ou un avocat, immédiatement après l’arrestation et à tous les stades de la détention. Le Comité a recommandé en outre l’adoption de lois et de mesures plus efficaces de protection de l’enfance, notamment pour les détenus mineurs, et de prévention de la traite de femmes et d’enfants. Le Comité a enfin regretté les définitions vagues figurant dans un certain nombre de propositions de loi « antiterroristes », ainsi que l’ampleur du champ d’application de ces dernières. Il a également appelé à une meilleure protection des populations indigènes.

Meurtres de journalistes
Dans un pays où la presse libre est particulièrement dynamique, sept journalistes ont été tués au cours de l’année 2003. La plupart de ces homicides seraient liés à des émissions ou à des articles dénonçant des cas de corruption présumée ou attaquant certains intérêts locaux dans le monde de la politique, des affaires ou encore de la pègre. Bien que le gouvernement ait offert des récompenses pour tout renseignement susceptible de permettre l’arrestation de suspects, les enquêtes sur ces homicides n’avaient guère enregistré de progrès à la fin de l’année.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus aux Philippines au mois de mai, en liaison avec la coalition des ONG contre la torture et dans le but d’effectuer sur place des travaux de recherche.

Autres documents d’Amnesty International
Philippines : Torture persists — appearance and reality within the criminal justice system (ASA 35/001/2003).
Philippines : A different childhood - the apprehension and detention of child suspects and offenders (ASA 35/007/2003).
Philippines. Quand la mort rôde : des mineurs condamnés à la peine capitale (ASA 35/014/2003).

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