Albanie

RÉPUBLIQUE D’ALBANIE
CAPITALE : Tirana
SUPERFICIE : 28 748 km_
POPULATION : 3,2 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Alfred Moisiu
CHEF DU GOUVERNEMENT : Fatos Nano
PEINE DE MORT : abolie sauf pour crimes exceptionnels
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifié

Comme les années précédentes, des détenus ont subi des mauvais traitements à la suite de leur arrestation et pendant leur détention dans les locaux de la police, le but étant généralement de leur extorquer des « aveux ». Plusieurs policiers accusés d’avoir brutalisé des détenus ont été jugés. Toutefois, un grand nombre de cas de mauvais traitements n’ont fait l’objet d’aucune enquête. Les conditions de détention étaient dures, en particulier pour les personnes n’ayant pas encore été jugées ; celles-ci étaient généralement détenues dans des cellules de commissariats surpeuplées et souvent sales. Un grand nombre de femmes et d’enfants ont été victimes de violences au sein de leur foyer. Le trafic de femmes et d’enfants aux fins de les contraindre à se prostituer ou à travailler à bas prix s’est poursuivi.

Contexte

Les déficiences des pouvoirs publics, la corruption, le taux de chômage élevé et le manque de confiance de la population dans l’indépendance du système judiciaire étaient autant de facteurs contribuant à la persistance de la criminalité violente et organisée en Albanie, l’un des pays les plus pauvres d’Europe. En octobre, l’Albanie a été le deuxième pays à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Torture et mauvais traitements

Les mauvais traitements au moment de l’arrestation et pendant la détention dans les locaux de la police étaient toujours monnaie courante.
En mai, Ndoc Vuksani, âgé de trente-sept ans, aurait été violemment frappé au poste de police de Shkodër, où il était interrogé dans une affaire de crime. Il a été relâché au bout de six heures faute de preuve. Un expert médico-légal a constaté qu’il avait une fracture au bras gauche et des contusions à l’épaule gauche.
Les plaintes pour mauvais traitements émanant de prisonniers condamnés étaient moins fréquentes que celles qui provenaient de personnes en détention provisoire, en partie parce que ces prisonniers étaient relativement isolés dans les établissements pénitentiaires.
En novembre, après avoir reçu un appel téléphonique d’un détenu blessé, le médiateur s’est rendu dans une prison de haute sécurité à Burrel. Il a conclu qu’un responsable de l’établissement avait frappé et maltraité 10 prisonniers, et a demandé au procureur local d’engager des poursuites contre lui.

Impunité pour les auteurs de mauvais traitements

Les victimes de mauvais traitements infligés par des policiers portaient assez rarement plainte. Lorsqu’un détenu comparaissant devant eux présentait des lésions visibles, les procureurs et les juges s’abstenaient généralement d’ordonner une enquête si aucune plainte n’avait été formulée. Les procureurs n’enquêtaient même pas toujours en cas de dépôt de plainte, ou le faisaient très tardivement.
En juillet, Artan Llango, un jeune homme de dix-huit ans habitant à Çorovodë, a voulu déposer une plainte auprès du procureur du district de Skrapar. Il affirmait que deux policiers l’avaient frappé après qu’il se fut interposé lorsqu’ils expulsaient un de ses amis d’une fête organisée pour la remise des diplômes dans son école. Bien que les faits se soient déroulés en présence de nombreux témoins et que des photographies de la victime présumée semblaient montrer des ecchymoses, le procureur aurait refusé d’ordonner une enquête.

Procès de policiers

Les policiers bénéficiaient dans l’ensemble d’une grande impunité. Cela étant, plusieurs fonctionnaires de police ont fait l’objet de poursuites judiciaires et ont été traduits devant les tribunaux, parfois à l’issue de procédures très lentes, pour répondre d’accusations de mauvais traitements perpétrés contre des détenus. Dans un cas, ces brutalités se sont soldées par la mort de la victime.
_Le 3 janvier, Gazmend Tahirllari, un homme de trente-sept ans originaire d’un village situé près de Korça, a été arrêté parce qu’on l’accusait d’avoir menacé un chauffeur de taxi. Plus tard le même jour, il a été conduit à l’hôpital par des policiers qui ont affirmé, semble-t-il, qu’ils l’avaient trouvé ivre sur la voie publique. Il est mort le lendemain. Dans un premier temps, un médecin de la région a imputé sa mort à une consommation excessive d’alcool. Soutenue par le médiateur, sa famille a insisté pour que le corps soit exhumé. Un nouvel examen médico-légal, conduit cette fois par des experts de Tirana, la capitale, a conclu que la mort résultait de coups de pied ou de poing portés à la tête. En mars, le tribunal du district de Korça a condamné par contumace le policier Lorenc Balliu à seize années d’emprisonnement pour meurtre. Cinq coaccusés présents lors du procès, eux aussi fonctionnaires de police, se sont vu infliger des peines allant de quatre mois à trois ans d’emprisonnement.
_En avril, une enquête menée par le Bureau du procureur de Tirana à la suite d’une plainte pour torture portée contre Edmond Koseni, un ancien responsable de la police du district d’Elbasan, a été interrompue. Plusieurs enquêtes ouvertes à la suite d’allégations de mauvais traitements le concernant avaient déjà été suspendues de la sorte. Toutefois, le procureur général a ordonné la réouverture de la dernière enquête. En mai, Edmond Koseni et son beau-frère, Xhaferr Elezi, lui aussi fonctionnaire de police, ont comparu devant le tribunal de district d’Elbasan. Ils étaient accusés d’avoir, un jour de décembre 2001, frappé et blessé un chauffeur de taxi, Naim Pulaku, et de l’avoir agressé le lendemain alors qu’il se trouvait à l’hôpital. En novembre, Xhaferr Elezi a été déclaré coupable d’actes de torture et de détention d’une arme pour laquelle il ne possédait pas de permis. Il devra purger une peine de dix ans d’emprisonnement, dont quatre ont été prononcés par un tribunal italien pour proxénétisme. Accusé de torture, Edmond Koseni a été acquitté. Le procureur a fait appel de cette décision.

Conditions de détention

Plus d’un millier de personnes étaient détenues dans des cellules de commissariats, souvent extrêmement surpeuplées et dépourvues de conditions d’hygiène adéquates. La plupart étaient en détention provisoire. Elles n’étaient pas nourries convenablement, ne pouvaient se procurer de livres, de journaux ou de matériel pour écrire, ni regarder la télévision ou écouter la radio. Les conditions de détention s’apparentaient souvent à un traitement inhumain et dégradant, et ont été à l’origine de protestations de la part de détenus. Il n’était pas rare que des enfants âgés de quatorze à dix-sept ans partagent une cellule avec des adultes, en violation des dispositions législatives. Plusieurs centaines de prisonniers condamnés étaient eux aussi détenus illégalement dans des postes de police, faute de pouvoir être transférés vers des prisons engorgées. Certains d’entre eux ont été conduits à partir de la fin novembre dans un nouvel établissement pénitentiaire à Peqin, dont la construction a été financée par l’Italie et qui est essentiellement destiné à accueillir les Albanais renvoyés dans leur pays d’origine après avoir été condamnés en Italie.
_En juin, 80 p. cent des personnes détenues dans les locaux de la police à Vlorë étaient, selon les informations recueillies, atteintes de la gale. Il pouvait arriver que 125 détenus s’entassent dans des cellules d’une capacité totale de 45 personnes. En août, le quartier de détention provisoire du commissariat de Vlorë a été placé sous la responsabilité du ministère de la Justice. Il s’agissait de la première mesure prise dans le cadre d’un plan gouvernemental visant à améliorer les conditions de détention. Attendu de longue date, ce plan prévoyait le transfert de la tutelle de tous les centres de détention provisoire du ministère de l’Ordre public à celui de la Justice.
_Le tribunal du district de Mirdita a créé un précédent en ordonnant au commissariat de Mirdita et à l’administration pénitentiaire de verser la somme de 700 000 leks (environ 4 800 euros) à Artan Beleshi, à titre de réparation. Ce dernier avait été détenu dans des conditions dégradantes pendant plus de trois ans, et n’avait pas été transféré dans un établissement pénitentiaire dans le délai légal après sa condamnation.

Violences au foyer et traite d’êtres humains

En raison notamment de la persistance de mentalités héritées du passé, les brutalités perpétrées contre les femmes et les enfants étaient fréquentes, en particulier dans les régions rurales. Selon les données publiées en septembre par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), 40 p. cent des femmes de 11 districts étaient régulièrement la cible de violences au sein de leur foyer. L’appareil législatif ne comportait aucune disposition spécifique interdisant la violence domestique, et les décisions rendues par les tribunaux n’étaient pas toujours en rapport avec la gravité de l’infraction.
_En octobre, le Conseil national des femmes albanaises a protesté contre la peine de seize mois d’emprisonnement à laquelle le tribunal du district de Tirana a condamné Ruzhdi Qinami pour avoir tué sa fille de dix-sept ans pour l’« honneur », une décision jugée trop clémente. Le tribunal a estimé que le meurtrier avait agi alors qu’il se trouvait en état de choc psychologique grave, après que sa fille, promise par la famille à un homme, fut rentrée au domicile familial tard un soir après en avoir rencontré un autre.
La pauvreté, le manque d’éducation et la dislocation des familles étaient parmi les principaux facteurs de la persistance d’un trafic qui envoyait des femmes et des enfants se prostituer ou travailler à bas prix, essentiellement en Italie et en Grèce. Bien que les autorités se soient employées plus activement à arrêter et poursuivre en justice les responsables présumés, un petit nombre seulement d’affaires avaient été déférées devant les tribunaux fin 2003. En juillet, une étude aurait montré que 80 p. cent des poursuites engagées pour traite d’êtres humains aux fins de prostitution durant les six mois précédents n’avaient pas abouti parce que les victimes craignaient des représailles. En juin, le gouvernement a signé avec plusieurs organismes internationaux un accord sur la protection des témoins ; au mois de novembre, il a approuvé un projet de loi en la matière.

Visites d’Amnesty International

Des représentants d’Amnesty International se sont rendus en Albanie au mois d’avril afin d’y mener des recherches.

Autres documents d’Amnesty International
Concerns in Europe and Central Asia, January-June 2003 : Albania (EUR 01/016/2003).

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