Espagne

ROYAUME D’ESPAGNE
CAPITALE : Madrid
SUPERFICIE : 504 782 km_
POPULATION : 41,1 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Juan Carlos 1er de Bourbon
CHEF DU GOUVERNEMENT : José María Aznar López
PEINE DE MORT : abolie
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifié

La menace d’une crise constitutionnelle planait entre le gouvernement national espagnol et le gouvernement autonome basque. Le groupe armé basque Euskadi Ta Askatasuna (ETA, « Le pays basque et sa liberté » ) a perpétré une nouvelle série de fusillades et d’attentats, dont certains se sont soldés par des morts. À plusieurs reprises, des policiers ou des gardes civils auraient fait usage de leur arme à feu de manière inconsidérée. De nombreux candidats à l’immigration se sont noyés en tentant de gagner l’Espagne depuis l’Afrique du Nord par la mer. Des détenus ont déclaré avoir été torturés et maltraités. Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a vivement critiqué l’absence persistante de garanties fondamentales devant protéger les personnes détenues en vertu des lois « antiterroristes » contre les mauvais traitements. Pourtant, une nouvelle loi a plus que doublé la durée maximum pendant laquelle les suspects pouvaient être détenus au secret. Cette année encore, le gouvernement a catégoriquement nié l’existence de la torture. Des enfants étrangers non accompagnés, âgés de seize ans et plus, risquaient d’être renvoyés dans des circonstances contraires aux normes internationales. Amnesty International s’est inquiétée de la persistance des allégations de mauvais traitements ou de traitements cruels, inhumains et dégradants dans les centres d’accueil pour mineurs. Une centaine de femmes ont été tuées, victimes de la violence liée au genre.

Crise au Pays basque
Plusieurs événements, essentiellement liés au Pays basque, ont accentué les menaces pesant sur la liberté d’expression et de réunion. L’homicide par balle dont a été victime un militant du Parti socialiste basque, Joseba Pagazaurtundua, perpétré par l’ETA à l’approche des élections municipales de février, a constitué une attaque manifeste contre ces libertés et le droit à la vie. Les élections ont été marquées par des tensions constantes, dues en partie à l’annulation de 249 listes de candidats par le gouvernement et le représentant du ministère public, au motif que des personnes liées à l’ETA et à la coalition nationaliste basque Batasuna figuraient sur ces listes. Batasuna a été officiellement interdite en mars en raison de ses liens structurels présumés avec l’ETA, allégation que les membres de Batasuna ont toujours niée. Le groupe parlementaire basque Sozialista Abertzaleak (SA) a aussi été déclaré illégal par la Cour suprême au motif qu’il servait les intérêts de Batasuna au Parlement. Le gouvernement espagnol a accusé le Parti nationaliste basque (PNV) de « soutenir » l’ETA.
En février, un juge de l’Audience nationale a ordonné, par mesure de précaution, la fermeture du journal basque Euskaldunon Egunkaria - le seul journal entièrement rédigé en langue basque - et l’arrestation de dix de ses collaborateurs au titre des lois « antiterroristes ». Il s’est avéré que cette décision a eu des conséquences néfastes pour le droit à la liberté d’expression.
Tout au long de l’année, la question de la légitimité des manifestations politiques a suscité la confusion. Par ailleurs, les tentatives visant à étouffer l’expression des sentiments nationalistes au motif qu’ils étaient synonymes de soutien à des groupes armés tels que l’ETA constituaient un sujet d’inquiétude. La tension est allée grandissant entre autorités basques et espagnoles après que le Parlement basque se fut abstenu, pour des raisons diverses, de dissoudre le groupe SA. Les autorités espagnoles ont qualifié le nouveau plan d’autodétermination proposé par le lehendakari (chef du gouvernement basque) d’attaque délibérée contre la souveraineté du peuple espagnol, et ont contesté cette initiative devant les tribunaux.

Homicides imputables à l’ETA
L’ETA a tenté d’étouffer la liberté d’expression en recourant aux fusillades, aux attentats à l’explosif et aux campagnes d’intimidation, visant même la population civile.
_Joseba Pagazaurtundua, chef de la police municipale d’Andoain, a été abattu en février. Membre du mouvement Basta Ya (Ça suffit), qui critique fermement la violence de l’ETA, il avait autrefois milité dans les rangs de l’aile politico-militaire de ce groupe armé. Au moment des faits, il était en congé pour maladie après avoir reçu plusieurs menaces de mort.
_En juillet, au moins 13 personnes, dont des touristes, ont été blessées par des explosifs dans les stations balnéaires d’Alicante et de Benidorm.

Allégations de torture
Des personnes détenues au secret, dont la plupart étaient des membres présumés de l’ETA, ont affirmé avoir été torturées ou maltraitées par des gardes civils ou des policiers.
_En novembre, la Cour européenne des droits de l’homme a donné des détails sur un dossier qu’elle était en train d’examiner et qui concernait 15 Catalans soupçonnés d’être des sympathisants d’un mouvement pour l’indépendance de la Catalogne. Ceux-ci ont déclaré avoir été soumis, au milieu de l’année 1992, à des tortures physiques et psychologiques ainsi qu’à des traitements inhumains et dégradants, lors de leur arrestation puis de nouveau pendant leur garde à vue en Catalogne et au siège de la Garde civile à Madrid.
En février, à la suite de la fermeture du journal Euskaldunon Egunkaria, des membres de la direction et des journalistes ont été arrêtés et détenus au secret. Après leur libération, Martxelo Otamendi Egiguren et d’autres détenus ont affirmé avoir été soumis à la bolsa (asphyxie provoquée par un sac en plastique placé sur la tête), à des exercices physiques épuisants, à des menaces et à des simulacres d’exécution. Le gouvernement espagnol a déposé une plainte contre eux auprès de l’Audience nationale, les accusant de « collaboration avec une bande armée [ETA] » parce qu’ils auraient déclaré avoir été torturés dans le cadre d’une stratégie inspirée par l’ETA et visant à saper les institutions démocratiques. Amnesty International a réagi en soutenant que le meilleur moyen d’éviter de fausses accusations était d’offrir des garanties plus sûres. L’organisation s’est inquiétée de ce que la réaction du gouvernement, avant même qu’il y ait eu enquête approfondie sur les allégations des journalistes, ne pouvait que contribuer à faire naître et à nourrir un climat d’impunité, dans lequel la crainte de représailles empêche la dénonciation d’actes de torture. Elle a lancé un appel pour qu’une enquête exhaustive soit ouverte sur les allégations des journalistes, que des plaintes aient été ou non déposées. Aucune réponse n’avait été reçue à la fin de l’année.

Impasse sur la torture
En mars, le CPT a publié les conclusions d’une visite effectuée en Espagne en juillet 2001. Le rapport dénonçait l’inaction des autorités, qui n’avaient pris aucune mesure pour mettre en œuvre les recommandations antérieures du CPT en dépit de leurs assurances répétées en ce sens. Il leur avait été demandé, en particulier, d’accorder le droit de consulter un avocat dès le début de la détention aux suspects détenus en vertu de lois « antiterroristes ». Le CPT a prié le gouvernement espagnol de prendre des mesures concrètes pour appliquer deux autres garanties fondamentales : le droit du détenu d’informer un tiers de sa situation et le droit d’être examiné par un médecin de son choix en plus de celui qui est désigné par l’État. Il a aussi demandé instamment la création d’un organisme d’investigation pleinement indépendant pour traiter les plaintes déposées contre des organes chargés de faire respecter la loi. Enfin, il a rappelé à l’Espagne son obligation de coopérer avec le CPT, déclarant que l’impasse dans lequel se trouvait l’importante question des garanties contre les mauvais traitements ne pouvait être tolérée plus longtemps.
Cependant, loin d’étudier la manière dont elles pourraient mettre en œuvre les recommandations formulées depuis longtemps par le CPT et d’autres organismes internationaux en vue de renforcer les garanties dont disposent les détenus, les autorités ont plus que doublé la période maximale de détention au secret à laquelle pouvaient être soumises certaines personnes. En octobre, un projet de loi organique portant modification du Code de procédure pénale en matière de détention provisoire est entré en vigueur. Il autorisait la détention au secret d’un suspect pendant treize jours au totale cinq jours au maximum dans les locaux de la police ou de la Garde civile dans un premier temps, puis encore huit jours dans une prison si un juge l’ordonnait.
Au mois de novembre, le Parlement espagnol a adopté une réforme du Code pénal qui a élargi la définition de la notion de torture afin d’inclure la « discrimination sous toutes ses formes » dans les actes assimilables à la torture.

Usage inconsidéré des armes à feu
Des gardes civils auraient fait un usage inconsidéré de leurs armes à feu en réponse à des jets de pierre dans des zones frontalières entre l’Espagne et le Maroc. Ces tirs auraient fait un mort dans au moins un cas et gravement blessé des ressortissants marocains dans d’autres cas. Plus de 200 épisodes de jets de pierres ont été rapportés, au cours desquels des gardes civils ont également été blessés. En novembre, Amnesty International s’est inquiétée du nombre de tirs « accidentels » qui seraient survenus au cours des deux dernières années et a souligné le danger des balles tirées en l’air à titre d’avertissement.
En juillet, le comportement manifestement irresponsable d’un garde civil a donné lieu à l’ouverture d’une enquête après qu’il eut été filmé en train de tirer sur plusieurs Marocains qui tentaient de gagner le rivage, aux abords de la ville autonome de Ceuta.
En octobre, un Marocain, Mustafa Labrach aurait été abattu par un garde civil. Il faisait partie d’un groupe que les gardes civils soupçonnaient de passer des marchandises en contrebande du Maroc à Ceuta. Selon des informations controversées, une patrouille accueillie par des jets de pierres à la clôture frontalière a d’abord riposté avec du matériel antiémeute. L’un des gardes civils a ensuite tiré en l’air à titre d’avertissement, mais il a glissé sur les rochers humides, et la balle a atteint Mustafa Labrach à la bouche, provoquant sa mort. Une enquête interne a été ouverte, suivie d’une information judiciaire après les incertitudes initiales sur la juridiction compétente. La mort était en effet survenue dans un no man’s land entre les frontières marocaine et espagnole.

Racisme
En juillet, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a publié un rapport sur les mesures prises par l’Espagne pour lutter contre le racisme et l’intolérance. Elle a souligné la persistance du racisme et de la xénophobie ainsi que l’usage répandu dans les débats publics d’arguments et de descriptions qui créent un climat négatif autour de l’immigration et des immigrés. Le racisme touchait plus particulièrement les Rom et les ressortissants des pays n’appartenant pas à l’Union européenne. L’ECRI a observé que la dimension raciste des infractions étaient souvent négligée et elle a souligné la nécessité urgente d’améliorer les réponses des mécanismes de contrôle aux plaintes pour comportement raciste ou discriminatoire de la police.

Noyades de candidats à l’immigration
Des milliers de candidats à l’immigration, dont une proportion accrue d’enfants non accompagnés, ont risqué la traversée par mer au départ du Maroc. Les nouveaux arrivants étaient confrontés à un manque cruel de ressources et d’infrastructures d’accueil ou de centres de détention. Plus de 150 personnes sont mortes noyées avant d’avoir pu atteindre la côte espagnole. Le Defensor del Pueblo (médiateur) a ouvert une enquête sur la mort de 36 émigrés sans papiers après le naufrage de leur embarcation dans la baie de Cadix, tout près de la base hispano-américaine de Rota. Selon certaines sources, la base n’aurait pas prêté attention à un appel l’avertissant que l’embarcation était en difficulté. Les autorités ont, semble-t-il, fait preuve de négligence en tardant à lancer une opération de sauvetage.

Renvois et mauvais traitements de mineurs
Au mois d’octobre, le procureur général a donné des instructions établissant des critères pour le renvoi d’enfants non accompagnés âgés de seize ans et plus. Ces directives ne prévoyaient pas l’examen de chaque dossier au cas par cas et constituaient manifestement une violation de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant ainsi que de la législation espagnole concernant la protection des mineurs et la discrimination.
Les autorités ont manqué à leur devoir de respecter les normes internationales relatives à la prise en charge et à la protection des enfants non accompagnés. Des allégations faisant état de mauvais traitements ou de conditions inhumaines et dégradantes dans les centres d’accueil pour mineurs ont été formulées.
_Des informations ont dénoncé des mauvais traitements, une surpopulation, une distribution abusive de calmants et des comportements racistes prévalant dans le centre de détention pour jeunes délinquants de Gáldar, dans l’île de Grande Canarie. Au mois de juillet, quatre procureurs attachés à la section des mineurs de la haute cour de justice des Canaries ont affirmé que les 42 enfants hébergés dans ce centre étaient soumis à des traitements « humiliants ». Ils ont notamment cité le cas d’un enfant africain que l’un des éducateurs du centre aurait laissé enchaîné toute une nuit, déshabillé, après l’avoir roué de coups.

« Disparitions »
Le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires a ajouté l’Espagne à la liste des pays où des personnes ont été victimes de « disparitions ». Ses travaux ont porté sur la période du régime du général Franco (1939-1975) et il a demandé au gouvernement d’enquêter sur deux affaires postérieures à 1945, année de la création des Nations unies. Les tentatives visant à localiser les corps de certaines des milliers de personnes fusillées pendant ou après la guerre civile de 1936-1939 se sont poursuivies. Cependant, les familles et les proches de ces « disparus » rencontraient toujours des difficultés dans leurs recherches en raison de l’insuffisance des fonds destinés à cette fin et de l’absence d’une politique commune et internationalement reconnue en matière de localisation des fosses communes, d’accès à ces fosses et d’exhumation.

Violence contre les femmes
Selon les chiffres officiels, 98 femmes sont mortes par suite de violences liées au genre : 72 ont été tuées par leur compagnon, 10 par d’autres proches parents, et 16 dans d’autres affaires de violences visant plus particulièrement les femmes, tels le viol ou la traite à des fins de prostitution. Bien que les pouvoirs des juges aient été accrus afin qu’ils puissent accélérer les procédures de plainte et alourdir les peines, cette année encore, certains tribunaux n’ont pas fait preuve de toute la diligence due à l’égard des victimes.
En septembre, le Conseil général du pouvoir judiciaire a ouvert une enquête sur la conduite d’un juge de Barcelone qui aurait ignoré toutes les démarches faites par Ana Maria Fábregas pour dénoncer les violences qui lui étaient infligées par son époux. Alors qu’elle avait tenté de porter plainte à 13 reprises, elle a été assassinée en juin, à l’aide d’un marteau, sur le pas de sa porte.

Autres documents d’Amnesty International

Concerns in Europe and Central Asia, January-June 2003 : Spain (EUR 01/016/2003).

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