Egypte

RÉPUBLIQUE ARABE D’ÉGYPTE
CAPITALE : Le Caire
SUPERFICIE : 1 000 250 km_
POPULATION : 71,9 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Hosni Moubarak
CHEF DU GOUVERNEMENT : Atef Mohamed Ebeid
PEINE DE MORT : maintenue
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé

Comme les années précédentes, des personnes ont été condamnées à des peines d’emprisonnement pour avoir simplement exprimé leurs opinions. Des milliers de sympathisants présumés de groupes islamistes interdits étaient toujours détenus sans inculpation ni jugement à la fin de l’année 2003, parfois depuis plusieurs années. Parmi eux se trouvaient peut-être des prisonniers d’opinion. D’autres personnes purgeaient des peines d’emprisonnement infligées par des tribunaux d’exception à l’issue de procès manifestement inéquitables. La torture et les mauvais traitements en détention restaient systématiques. Des condamnations à mort ont été prononcées et des exécutions ont été signalées.

Contexte
En février, l’état d’urgence a été prorogé de trois ans, bien que des organisations de défense des droits humains, des partis politiques et des militants de la société civile aient demandé sa levée.
En avril, l’Égypte a ratifié l’Accord d’association euro-méditerranéen conclu avec l’Union européenne. Ce traité, qui concerne essentiellement le commerce, l’intégration économique, la sécurité et le dialogue politique, contient également une clause obligeant les parties contractantes à promouvoir et protéger les droits humains.
Deux lois ont été adoptées en juin. La première a instauré un Conseil national des droits humains. À la fin de l’année 2003, ses 27 membres n’avaient toujours pas été nommés par le Maglis al Shura (Conseil consultatif), la chambre haute du Parlement égyptien, mais on s’attendait à ce qu’il comprenne des représentants des organisations de défense des droits humains. Quant à la seconde loi, elle a limité le nombre d’infractions qui relèvent des cours de sûreté de l’État et aboli les travaux forcés à titre de châtiment judiciaire.
Entre 1 000 et 2 000 membres présumés de groupes armés islamistes auraient recouvré la liberté au cours de l’année. Le ministre de l’Intérieur a indiqué que ces libérations faisaient suite aux déclarations publiques de dirigeants d’Al Gamaa al Islamiya (Groupe islamique), en particulier, qui ont affirmé renoncer à la violence.
Plusieurs dizaines de membres présumés d’Al Ikhwan al Muslimin (Les Frères musulmans), mouvement interdit, ont été placés en détention « préventive ». À la fin de 2003, la majorité d’entre eux avaient été remis en liberté sans avoir été jugés.
Au cours des six premiers mois de l’année, des centaines de personnes qui s’étaient jointes au mouvement de protestation contre la guerre en Irak - et parmi lesquelles figuraient des avocats, des journalistes, des parlementaires, des professeurs d’université et des étudiants - ont été arrêtées, dans la plupart des cas pour avoir participé à des manifestations non autorisées. Certaines ont été maintenues en détention administrative pendant plusieurs semaines en vertu de la législation d’exception. Beaucoup de ces prisonniers se sont plaints d’avoir été torturés ou maltraités en détention.

Restriction à la liberté d’expression et d’association
Les partis politiques, les organisations non gouvernementales (ONG), les associations professionnelles, les syndicats et les médias restaient soumis à des restrictions légales et au contrôle des autorités. Le gouvernement a maintenu les interdictions prononcées les années précédentes contre plusieurs partis politiques, ainsi que la suspension de leurs publications.
Comme les années précédentes, des personnes ont été arrêtées, jugées et emprisonnées au mépris de leur droit à la liberté d’expression et d’association. Des militants de la société civile et des membres de groupes religieux figuraient au nombre des prisonniers d’opinion.
_Le jugement qui devait être annoncé à la fin de l’année dans le procès de 23 Égyptiens et de trois Britanniques se déroulant devant la Mahkama Amn al Daula al Ulya - Tawari (Haute Cour de sûreté de l’État, instaurée par législation d’exception) a été reporté à 2004. Les 26 hommes étaient tous considérés comme des prisonniers d’opinion. Ils faisaient l’objet de poursuites liées à leur appartenance présumée au Hizb al Tahrir al Islami (Parti de la libération islamique), mouvement non enregistré en Égypte. Plusieurs d’entre eux auraient subi des actes de torture ou autres mauvais traitements après leur arrestation, en avril ou en mai 2002.
Le procès d’Ashraf Ibrahim et de quatre autres hommes (qui n’avaient pas été arrêtés) s’est ouvert en décembre devant la Haute Cour de sûreté de l’État. Trois des accusés, dont Ashraf Ibrahim, étaient mis en cause pour leur rôle dirigeant au sein d’une organisation illégale et encouraient une peine de quinze ans d’emprisonnement. Ashraf Ibrahim faisait l’objet de deux autres inculpations ; on lui reprochait notamment d’avoir porté atteinte à la réputation de l’Égypte en diffusant à l’étranger des informations mensongères sur les affaires intérieures du pays, particulièrement en communiquant des renseignements sur des violations présumées à des organisations internationales de défense des droits humains. Le procès n’était pas terminé à la fin de l’année 2003.

Défenseurs des droits humains
Les ONG continuaient d’être soumises à une loi restrictive adoptée en juin 2002 et réglementant leurs activités. Le ministère des Affaires sociales a fait connaître, à partir du mois de juin, ses décisions sur les demandes d’enregistrement formulées en vertu de la nouvelle loi par les ONG existantes et par celles qui venaient de se créer. Certains dossiers ont été acceptés, tandis que d’autres auraient été rejetés sans explication valable. Plusieurs organisations qui se sont vu refuser leur enregistrement ont exercé un recours en justice.
Au mois de mars, la Cour de cassation a acquitté Saad Eddin Ibrahim et Nadia Abd al Nur, militants des droits humains du Centre d’études sur le développement Ibn Khaldun, de toutes les accusations formulées contre eux. Ils avaient été condamnés respectivement à sept ans et à deux ans d’emprisonnement à l’issue de précédents procès. Les principales charges retenues contre eux avaient un rapport avec des initiatives financées par l’Union européenne et visant à promouvoir la participation électorale.

Atteintes à la liberté de religion
Cette année encore, des personnes risquaient d’être arrêtées, jugées et emprisonnées uniquement parce qu’elles avaient exercé leur droit à la liberté de religion.
_En février, le tribunal correctionnel de la cour de sûreté de l’État a condamné cinq hommes et une femme à six mois d’emprisonnement pour « mépris de la religion ». Il leur était reproché d’avoir organisé des réunions religieuses privées et d’avoir prôné des modifications de certaines règles fondamentales de l’islam. Ces personnes avaient comparu en mars 2002 devant le même tribunal, qui les avait relaxées. Amin Youssef et Ali Mamdouh, qui avaient été jugés en même temps qu’elles et condamnés à des peines de trois ans d’emprisonnement, n’ont pas été appelés à comparaître lors du nouveau procès ordonné par le président Moubarak.

Procès liés à l’orientation sexuelle supposée
Plusieurs dizaines d’hommes ont fait l’objet de discrimination et de persécutions ou ont été emprisonnés, uniquement en raison de leur orientation sexuelle, réelle ou supposée. Beaucoup se sont plaints d’avoir été torturés ou maltraités en détention. Bien que les relations homosexuelles ne soient pas explicitement prohibées par la législation égyptienne, de nouvelles condamnations ont été prononcées pour « pratique de la débauche », un chef d’inculpation appliqué aux relations homosexuelles entre adultes consentants.
En juin et en juillet, 14 hommes ont vu leur condamnation ramenée en appel de trois à un an d’emprisonnement. Il s’agissait de la dernière phase du nouveau procès de 50 hommes ordonné en juillet 2002 par le président Moubarak. Dans cette même affaire, 52 hommes avaient été jugés en 2001 en raison de leur orientation sexuelle supposée.
Plusieurs hommes ont été arrêtés et jugés après avoir accepté de rencontrer des personnes avec lesquelles ils avaient été en contact sur Internet et qui s’étaient avérées être des membres des services de sécurité ou des informateurs de la police.
_Au mois de février, Wissam Tawfiq Abyad a été condamné à quinze mois d’emprisonnement après avoir rencontré un homme qu’il avait contacté par l’intermédiaire d’un site Internet s’adressant aux homosexuels et qui semblait, en fait, être un membre des services de sécurité ou un informateur de la police. Des conversations électroniques privées ont été retenues à titre de preuve.

Procès inéquitables
Des dizaines de personnes ont été déférées à des tribunaux d’exception, comme les cours de sûreté de l’État. Elles étaient poursuivies, entre autres, pour appartenance à des organisations interdites, mépris de la religion, espionnage et corruption. Les procédures appliquées par ces juridictions étaient loin de respecter les normes internationales d’équité.
Au mois de février, Nabil Ahmed Soliman a été condamné à cinq ans d’emprisonnement par la Haute Cour de sûreté de l’État siégeant au Caire, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’appel. Ce membre présumé du groupe armé islamiste Al Djihad (Guerre sainte) était accusé d’appartenance à une organisation illégale. Il a été jugé après avoir été renvoyé des États-Unis vers l’Égypte, le 12 juin 2002, à la demande des autorités égyptiennes, en raison de son appartenance présumée à Al Djihad.

Torture et mauvais traitements
La torture était toujours pratiquée de façon systématique dans les centres de détention de tout le pays. Plusieurs personnes sont mortes en détention dans des circonstances laissant à penser que leur décès résultait, directement ou indirectement, d’actes de torture ou de mauvais traitements.
Les victimes de torture venaient de toutes les sphères de la société ; parmi elles figuraient des militants politiques et des personnes placées en détention dans le cadre d’enquêtes judiciaires. Les méthodes le plus fréquemment décrites étaient les décharges électriques, les coups, la suspension par les poignets ou les chevilles, ainsi que diverses formes de torture psychologique comme les menaces de mort, de viol ou d’autres sévices sexuels contre la victime ou une parente.
_Ramiz Gihad était l’un des six hommes arrêtés à la suite d’une manifestation contre la guerre en Irak organisée, le 12 avril, devant les locaux du Syndicat des journalistes égyptiens au Caire. Tous les six auraient été détenus au secret pendant deux à dix jours au siège du Service de renseignements de la sûreté de l’État, situé place Lazoghly, au Caire. Ramiz Gihad s’est plaint d’avoir été battu, giflé, frappé à coups de pied et suspendu ; on lui aurait également administré des décharges électriques.
Enquêtes insuffisantes
Aucune poursuite n’a été engagée dans la grande majorité des cas de torture qui ont été signalés, les autorités n’ayant pas ordonné l’ouverture rapide d’une enquête approfondie et impartiale. Certains tortionnaires présumés ont toutefois été jugés, mais uniquement pour des affaires de droit commun, à l’exclusion des affaires politiques, et souvent dans les cas les plus graves seulement (ceux qui ont entraîné la mort de la victime).
Au mois de juin, quatre policiers ont été condamnés en appel à un an d’emprisonnement avec sursis à la suite de la mort, au cours de l’année 1999, au poste de police d’Al Muntaza, de Farid Shawqy Abd al Al. Le rapport d’autopsie avait fait état de lésions sur tout le corps, correspondant à des coups de poing et de bâton assénés notamment sur la plante des pieds (falaqa).
Le procès de sept policiers mis en cause après l’arrestation, le placement en détention et la torture, en 1996, à Alexandrie, de Muhammad Badr al Din Guma Ismail, un chauffeur de bus scolaire, s’est ouvert en novembre devant la juridiction pénale d’Alexandrie.

Extraditions et atteintes aux droits humains
Les autorités auraient demandé l’extradition de ressortissants égyptiens auprès de plusieurs pays, parmi lesquels figuraient la Bosnie-Herzégovine, l’Iran et l’Uruguay. Plusieurs personnes étaient ainsi menacées d’extradition vers l’Égypte ou ont été renvoyées contre leur gré dans ce pays, où elles risquaient d’être victimes d’atteintes à leurs droits fondamentaux, notamment d’actes de torture et de mauvais traitements.
Le 7 juillet, l’Uruguay a renvoyé Al Sayid Hassan Mukhlis en Égypte contre son gré à la suite d’une demande d’extradition des autorités égyptiennes. Il aurait été détenu au secret au siège du Service de renseignements de la sûreté de l’État, au Caire, où des tortures ont été souvent signalées. Son extradition avait été sollicitée en raison de sa responsabilité présumée dans des exactions perpétrées par le Groupe islamique.

Autres documents d’Amnesty International

Égypte. Il est temps de mettre en œuvre les recommandations du Comité des Nations unies contre la torture (MDE 12/038/2003)

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