Maroc et Sahara Occidental

ROYAUME DU MAROC
CAPITALE : Rabat
SUPERFICIE : 710 850 km_
POPULATION : 30,6 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Mohammed VI
CHEF DU GOUVERNEMENT : Driss Jettou
PEINE DE MORT : maintenue
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé

Quarante-cinq personnes ont trouvé la mort à la suite de plusieurs attentats à l’explosif perpétrés à Casablanca le 16 mai. L’adoption, le 28 mai, d’une nouvelle loi « antiterroriste » a renforcé la campagne de répression lancée en 2002 contre les militants islamistes présumés. Des poursuites judiciaires ont été engagées contre plus de 1 500 personnes soupçonnées d’implication dans ces attentats ou dans d’autres activités à caractère « terroriste » ; 16 au moins ont été condamnées à mort et des centaines d’autres à des peines d’emprisonnement. Plusieurs dizaines de ces prisonniers se sont plaints d’avoir été torturés et maltraités, dans certains cas alors qu’ils étaient détenus dans un lieu tenu secret, mais pratiquement aucune enquête n’a été effectuée sur ces allégations. Les restrictions à la liberté d’expression et d’association affectaient tout particulièrement les militants sahraouis des droits humains ainsi que les personnes perçues comme mettant en cause l’autorité de la monarchie. Un projet concernant le Code du statut personnel prévoyait des améliorations importantes dans le domaine des droits des femmes. Une commission a été désignée pour enquêter sur les « disparitions » et la détention arbitraire au cours des décennies passées. Toutefois, les autorités n’ont toujours pas fourni d’éclaircissement sur le sort de plusieurs centaines de personnes, sahraouies pour la plupart, ayant « disparu » entre les années 60 et le début des années 90. Plusieurs dizaines de prisonniers politiques condamnés au cours des années précédentes à l’issue de procès inéquitables restaient incarcérés.

Contexte
Le 16 mai à Casablanca, des attentats à l’explosif visant cinq cibles civiles ont entraîné la mort de 45 personnes, y compris les 12 auteurs de ces actions. Le roi Mohammed VI a annoncé la « fin de l’ère du laxisme », tout en réaffirmant l’attachement du Maroc à la démocratie et au développement ainsi qu’au respect de ses obligations internationales.
En juillet, le Conseil de sécurité des Nations unies a ratifié un nouveau plan sur le statut du Sahara occidental, territoire revendiqué à la fois par le Maroc qui l’a annexé en 1975 et par le Frente Popular para la Liberación de Saguia el Hamra y Río de Oro (Front populaire pour la libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro, connu sous le nom de Front Polisario). Ce mouvement indépendantiste a mis en place un gouvernement en exil autoproclamé dans les camps de réfugiés situés à proximité de Tindouf, dans le sud-ouest de l’Algérie. Selon le plan du Conseil de sécurité, le Sahara occidental deviendrait une partie semi-autonome du Maroc pendant une période de transition de cinq ans, à l’issue de laquelle un référendum permettrait aux électeurs de choisir entre l’indépendance, le maintien du statut de semi-autonomie ou l’intégration au Maroc. Les autorités marocaines ont rejeté ce plan de règlement.

Loi relative à la sécurité
À la suite des attentats du 16 mai, le Parlement a adopté une nouvelle loi « antiterroriste », qui est entrée en vigueur le 28 mai. Ce texte, qui donnait une définition large et imprécise du « terrorisme », allongeait la durée légale de la garde à vue - la période durant laquelle un suspect est détenu par les forces de sécurité sans inculpation et sans contrôle judiciaire - à un maximum de douze jours dans les affaires de « terrorisme », soit quatre jours de plus que la durée maximale antérieure. La nouvelle loi restreignait également le droit des suspects de consulter un avocat pendant la garde à vue, pendant laquelle les risques de torture ou de mauvais traitements sont les plus grands. Enfin, la loi « antiterroriste » a élargi le champ d’application de la peine de mort.

Répression contre les militants islamistes
Selon les autorités, plus de 1 500 personnes soupçonnées d’être impliquées dans les attentats du 16 mai ou d’avoir organisé ou préconisé d’autres actes de violence imputés à des islamistes ont fait l’objet de poursuites. Plusieurs centaines d’entre elles se sont vu infliger des peines allant de quelques mois à trente ans d’emprisonnement. Cinquante au moins ont été condamnées à la réclusion à perpétuité. Seize personnes, peut-être plus, ont été condamnées à mort ; elles étaient toujours détenues à la fin de l’année. Aucune exécution n’a eu lieu au Maroc ni au Sahara occidental depuis l’année 1993.
Des dizaines de condamnés auraient été contraints sous la torture de faire des « aveux » ou d’apposer leur signature ou l’empreinte de leur pouce sur des déclarations qu’ils récusaient. Dans bien des cas, les suspects auraient été torturés durant leur détention secrète et non reconnue dans les locaux de la Direction de la surveillance du territoire, un service de renseignements intérieur qui n’est pas habilité à mener des enquêtes criminelles. Les sévices infligés aux prisonniers pouvaient prendre différentes formes : coups, introduction forcée d’objets dans l’anus, suspension dans des positions douloureuses, menace de viol ou d’autres violences sexuelles sur le détenu ou sur ses proches (des femmes généralement). Alors qu’elles avaient fortement diminué pendant une période, les allégations de torture et de mauvais traitements ont connu une augmentation alarmante depuis 2002.
Abdelhak Bentassir, arrêté en mai, a été accusé d’avoir coordonné les attentats de Casablanca. Les autorités ont déclaré que cet homme avait été interpellé le 26 mai et qu’il était mort le 28 mai après son transfert à l’hôpital, intervenu alors que son interrogatoire n’était pas terminé. Elles ont ajouté qu’il souffrait de troubles cardiaques et hépatiques antérieurs à son arrestation et que l’autopsie avait conclu à une mort naturelle. La famille d’Abdelhak Bentassir a déclaré qu’il était en bonne santé au moment de son arrestation et qu’il avait en réalité été appréhendé le 21 mai, soit cinq jours avant la date donnée par les autorités. Les proches de cet homme, qui n’avaient apparemment pas été informés qu’une autopsie allait être pratiquée, n’ont pas eu la possibilité de désigner un médecin indépendant pour y assister.

Harcèlement de défenseurs des droits humains et de membres de la société civile
Des dizaines de Sahraouis membres de la société civile et défenseurs des droits humains, surtout ceux qui étaient perçus comme des partisans de l’indépendance du Sahara occidental, ont été soumis à des manœuvres de harcèlement et d’intimidation. Certains ont été arrêtés, placés en détention et jugés pour des infractions qui avaient visiblement un caractère politique. D’autres ont été empêchés de se rendre à l’étranger pour évoquer des sujets de préoccupation dans le domaine des droits humains, et leurs passeports ont été confisqués. Nombre d’entre eux faisaient partie de la section sahraouie du Forum pour la vérité et la justice, une organisation de défense des droits humains. Les autorités ont dissous cette section au mois de juin, arguant qu’elle s’était livrée à des activités illégales susceptibles de troubler l’ordre public et de porter atteinte à l’intégrité territoriale du Maroc. On reprochait apparemment aux membres de cette organisation d’avoir simplement exercé leur droit d’exprimer pacifiquement leur opinion quant à l’autodétermination du Sahara occidental et d’avoir diffusé des informations à propos de la situation des droits humains.
Salek Bazid, membre de la section sahraouie du Forum pour la vérité et la justice, a été condamné en mars à dix ans d’emprisonnement. Cette condamnation reposait apparemment sur une déclaration que cet homme aurait été contraint de signer après avoir été torturé durant sa garde à vue, en septembre 2002, et sur laquelle il était revenu au cours de son procès. Il aurait « avoué » avoir été l’instigateur d’une série d’actes de violence perpétrés entre 2000 et 2002 au Sahara occidental. Salek Bazid a affirmé que les policiers l’avaient battu après lui avoir attaché les mains et les pieds. Dans l’ensemble, les militants marocains d’organisations de défense des droits humains et de la société civile pouvaient exercer leurs activités sans être victimes de harcèlement ; toutefois, deux membres au moins de l’Association marocaine des droits de l’homme placés en garde à vue auraient été torturés pendant leur interrogatoire.

Restrictions à la liberté d’expression
Il était toujours interdit de débattre de la monarchie et du statut du Sahara occidental, notamment dans la presse. Plusieurs personnes, dont des journalistes et des militants politiques, ont été incarcérées après avoir exprimé pacifiquement leur opinion sur ces sujets.
En juin, Ali Lmrabet, directeur de la publication de deux journaux indépendants, Demain Magazine et Doumane, a été condamné à trois ans d’emprisonnement ainsi qu’à une amende de 20 000 dirhams (environ 1 800 euros) et à l’interdiction de parution de ses journaux. Il a été reconnu coupable d’« outrage à la personne du roi », d’« atteinte au régime monarchique » et d’« outrage à l’intégrité territoriale » du Maroc. Les charges retenues contre lui reposaient sur une série d’articles, de dessins satiriques et un photomontage parus dans ses journaux. À la suite des attentats du mois de mai à Casablanca, plusieurs journalistes ont été condamnés à des peines allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement, notamment pour diffusion de fausses nouvelles et incitation à la violence, car ils avaient publié les déclarations de militants islamistes présumés.

Droits des femmes
En octobre, le roi Mohammed VI a annoncé une série de réformes du Code du statut personnel en vue d’améliorer les droits des femmes. Citons, entre autres, l’élévation de quinze à dix-huit ans de l’âge minimum du mariage pour les femmes, des restrictions sévères à la polygamie et une responsabilité conjointe et égale pour les hommes et les femmes au sein de la famille. Les dispositions relatives au droit à l’héritage, qui sont discriminatoires à l’égard des femmes, devaient demeurer largement inchangées.

Réparation pour les crimes commis au cours des décennies passées
En novembre, le roi Mohammed VI a approuvé une recommandation de l’organe officiel de défense des droits humains qui préconisait la création d’une instance équité et réconciliation chargée d’examiner les cas de « disparition » et de détention arbitraire signalés au cours des décennies passées. Cette instance devait en outre poursuivre l’action menée par l’Instance d’arbitrage pour l’indemnisation. Depuis son instauration en 1999, cette dernière, selon un communiqué officiel publié en novembre, avait fait droit à quelque 4 500 demandes d’indemnisation émanant de victimes ou de leurs proches. L’instance équité et réconciliation devait élargir la portée des indemnisations, tenter de localiser les restes des personnes mortes en détention et publier un rapport résumant les conclusions d’environ une année de recherche sur les « disparitions » et les détentions arbitraires. Toutefois, la recommandation indiquait qu’aucune enquête approfondie n’était envisagée, excluait catégoriquement toute identification des responsables et rejetait toute poursuite pénale.
Bien que les autorités se soient montrées de plus en plus disposées à aborder la question des « disparitions », on restait sans nouvelles de plusieurs centaines de personnes « disparues » à la suite d’arrestations entre les années 60 et le début des années 90. Il s’agissait, pour la plupart, de Sahraouis arrêtés dans la période de troubles qui a suivi l’annexion par le Maroc du Sahara occidental en 1975. Les proches des « disparus » n’ont reçu aucune information de la part des autorités, qui n’ont pas reconnu leur responsabilité dans ces affaires. Aucun responsable présumé de « disparition », instigateur ou exécutant, n’a fait l’objet de poursuites. Certains se seraient livrés à de tels agissements pendant de longues périodes et plusieurs appartiendraient encore aux forces de sécurité, y compris au plus haut niveau.

Mécanismes des Nations unies dans le domaine des droits humains
En novembre, le Comité contre la torture a exprimé sa préoccupation à propos de l’augmentation des cas de torture signalés et de l’« extension considérable du délai de garde à vue, période pendant laquelle le risque de torture est le plus grand ». Le Comité a réclamé l’ouverture sans délai d’enquêtes impartiales sur toutes les allégations de torture et la fin de l’impunité pour les auteurs de tels agissements.
En juillet, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a demandé au Maroc de s’attaquer au problème de la violence contre les femmes, y compris domestique, et d’adopter une législation spécifique dans ce domaine. Il a recommandé que les responsables fassent l’objet de poursuites et de sanctions adéquates et que les victimes puissent bénéficier d’une protection et des moyens d’obtenir rapidement réparation.
En juin, le Comité des droits de l’enfant s’est déclaré préoccupé que « l’exploitation économique des enfants demeure très courante » et que les domestiques, essentiellement des jeunes filles, « qui travaillent dans des conditions très difficiles [soient] victimes de sévices ».

Camps du Front Polisario
Le Front Polisario a libéré près de 550 prisonniers de guerre marocains détenus dans ses camps, parfois depuis plus de vingt ans. Toutefois, plus de 600 autres personnes étaient maintenues en détention bien que les hostilités opposant le Front Polisario aux autorités marocaines aient pris fin en 1991, à la suite d’un cessez- le-feu conclu sous l’égide des Nations unies.
Les auteurs d’atteintes aux droits humains commises dans le passé dans ces camps continuaient de jouir de l’impunité. Les responsables présumés qui s’y trouvaient n’avaient toujours pas été remis par le Polisario aux autorités algériennes pour être déférés à la justice. Quant aux autorités marocaines, elles n’avaient pas traduit en justice les personnes présentes sur leur territoire et soupçonnées d’atteintes aux droits humains dans les camps du Polisario.

Visites d’Amnesty International
En octobre, des délégués d’Amnesty International ont rencontré des victimes de torture et leurs proches, ainsi que des défenseurs des droits humains, des membres du Conseil consultatif des droits de l’homme et des avocats à Rabat, à Casablanca et à Laayoune.

Autre document d’Amnesty International

Maroc et Sahara occidental. Observations au Comité contre la torture (novembre 2003) (MDE 29/011/2003).

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