Nigéria

République fédérale du Nigéria
CAPITALE : Abuja
SUPERFICIE : 923 768 km²
POPULATION : 127,1 millions
CHEF DE L’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : Olusegun Obasanjo
PEINE DE MORT : maintenue
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

Comme les années précédentes, des condamnations à mort par lapidation ont été prononcées pour des infractions liées au comportement sexuel ; aucune exécution n’a eu lieu. Des actes de violence, dont certains étaient imputables à des membres des forces de sécurité, ont été signalés dans la région du delta du Niger. Les violences contre les femmes étaient très répandues et la discrimination liée au genre, tant dans la législation qu’en pratique, restait un sujet de profonde préoccupation. Les autorités n’ont ordonné aucune enquête indépendante sur les atteintes aux droits humains et aucun responsable de ces agissements n’a été traduit en justice. Les détracteurs du gouvernement ont été l’objet d’actes de harcèlement et d’intimidation.

Peine de mort
Aucune exécution n’a eu lieu au cours de l’année. Des sentences capitales ont été prononcées par des hautes cours ainsi que par des tribunaux islamiques dans le nord du pays.
Des cours d’appel ont annulé trois condamnations à mort prononcées par des tribunaux siégeant dans le nord du pays et qui appliquent une nouvelle législation fondée sur la charia (droit musulman). Celle-ci a remplacé la flagellation par la peine de mort obligatoire pour les musulmans, mariés ou l’ayant été, reconnus coupables de zina (adultère ou fornication). Ces dispositions pénales ont servi à priver les hommes et les femmes de leur droit à la liberté d’expression et d’association ainsi qu’au respect de leur vie privée ; dans la pratique, elles permettaient souvent de restreindre l’accès des femmes à la justice. On continuait d’appliquer des règles d’administration de la preuve discriminatoires à l’égard des femmes, ce qui renforçait le risque d’une condamnation pour zina. Avec cette nouvelle législation, les procès étaient contraires aux règles d’équité les plus élémentaires, les individus les plus pauvres et les plus vulnérables étant privés du droit fondamental d’être défendus par un avocat. Par ailleurs, les juridictions inférieures étaient désormais compétentes pour juger les infractions passibles de la peine de mort.
• En mars, une haute cour islamique de l’État de Bauchi, dans le nord-est du pays, a acquitté Jibrin Babaji. Cet homme avait été reconnu coupable de « sodomie » et condamné à mort par lapidation en septembre 2003 par un tribunal islamique du même État. La haute cour a conclu qu’il avait été privé de son droit à un procès équitable et que la juridiction inférieure avait commis des erreurs de procédure en retenant ses « aveux » à titre de preuve.
• Au mois de septembre, la haute cour islamique de Katanga (État de Bauchi) a condamné Saleh Dabo, reconnu coupable de viol, à la mort par lapidation.
• En novembre, la haute cour islamique de Dass (État de Bauchi) a annulé la sentence capitale prononcée au début de l’année contre Hajara Ibrahim, reconnue coupable de zina. La cour a considéré que cette femme ne pouvait pas être condamnée à mort à titre de châtiment obligatoire car elle n’avait jamais été mariée.
• En décembre, la haute cour islamique de Ningi (État de Bauchi) a annulé la condamnation à mort par lapidation prononcée en septembre contre Daso Adamu, reconnue coupable de zina. La cour a considéré, entre autres, que la juridiction inférieure avait commis des erreurs de procédure en retenant les « aveux » de cette femme à titre de preuve. Daso Adamu, qui était détenue dans la prison de Ningi avec sa fille de trois mois, a été remise en liberté sous caution. L’homme poursuivi dans le cadre de cette affaire aurait nié les faits ; il n’a pas été condamné.
• En juin, la cour d’appel islamique de Minna (État du Niger) a de nouveau ajourné l’examen de l’appel de la condamnation à mort par lapidation prononcée, en mai 2002, contre Fatima Usman et Ahmadu Ibrahim. Reconnu coupable de zina, ce couple avait toutefois été remis en liberté pour raisons humanitaires en attendant qu’il soit statué sur son appel. La décision n’avait toujours pas été rendue fin 2004.
• Le Groupe national d’étude sur la peine de mort, mis en place en novembre 2003 par le président Obasanjo, a déposé son rapport en octobre. Il recommandait la proclamation d’un moratoire sur les exécutions jusqu’à ce que le système de justice nigérian soit en mesure de garantir l’équité des procès et les droits de la défense. Le gouvernement fédéral n’avait pas imposé de moratoire fin 2004.

Région du delta du Niger : pétrole, droits humains et violence
Les violences se sont poursuivies dans le delta du Niger et des informations ont fait état d’un recours excessif à la force par les forces de sécurité ou les responsables de l’application des lois. Des centaines de personnes auraient été tuées dans les États du Delta, de Bayelsa et de Rivers. De façon générale, les droits économiques, sociaux et culturels des habitants de la région du delta du Niger, principale zone pétrolifère, n’étaient toujours pas respectés, ce qui entraînait une frustration et des tensions intra et intercommunautaires. La situation était aggravée par la prolifération d’armes dans la région. Les employés des compagnies pétrolières et les biens de celles-ci, notamment les oléoducs, étaient fréquemment la cible d’attaques et de sabotages.
• En janvier, la communauté Ohoror-Uwheru - dans la zone nord du gouvernement local d’Ughelli (État du Delta) - a été attaquée par des hommes armés parmi lesquels figuraient des membres de l’opération Restore Hope (Restaurer l’espoir), une brigade d’intervention conjointe de l’armée et de la police. Un nombre indéterminé de civils ont été tués et une cinquantaine de femmes et de jeunes filles auraient été violées.
• En août, au moins 20 civils ont trouvé la mort à la suite d’affrontements entre des groupes rivaux lors d’une flambée de violence dans la région de Port Harcourt (État de Rivers). Les organisations non gouvernementales nationales ont toutefois estimé que le nombre de personnes tuées était très supérieur. De nombreuses personnes auraient fui cette zone pour échapper aux combats.

Violences contre les femmes
Les violences contre les femmes restaient très répandues. En 2004, on a notamment signalé des violences sexuelles, des violences au sein de la famille, des mutilations génitales féminines et des mariages forcés. La législation est restée discriminatoire à l’égard des femmes. C’est ainsi que le Code pénal des États du sud du pays prévoyait, pour les attentats à la pudeur, une peine de trois ans d’emprisonnement lorsque la victime était un homme, et de deux ans seulement s’il s’agissait d’une femme. Dans les États du Nord, le Code pénal dispose qu’un homme a le droit de « corriger » un enfant, un élève, un domestique ou sa femme en cas de désobéissance, sous réserve de ne pas provoquer de blessures graves.
Malgré l’absence de statistiques sur les violences domestiques, on estimait qu’elles étaient très répandues. Des hommes et des femmes ont été victimes d’actes de violence : des cas d’agression, d’inceste et de viol sur des employés de maison ont notamment été signalés. Les difficultés économiques, comme les lois et pratiques discriminatoires en matière de divorce, de garde d’enfants et d’accès à l’emploi, contraignaient de nombreuses femmes à rester avec un conjoint violent.
Dans l’État de Lagos, un projet de loi sur les violences domestiques, déjà examiné à deux reprises par la Chambre des représentants, se heurtait toujours à des résistances et faisait l’objet d’un débat animé centré sur les valeurs culturelles.
Dans la plupart des cas, les violences domestiques n’étaient pas dénoncées en raison de l’absence de cadre légal pour la protection des victimes, mais également du fait des pratiques et de l’attitude des responsables de l’application des lois et des dignitaires religieux, entre autres. Les auteurs de tels agissements n’étaient que rarement traduits en justice.

Impunité
Cette année encore, les autorités n’ont pris aucune mesure pour traduire en justice tant les auteurs présumés de violations des droits humains que des personnes accusées de crimes graves relevant du droit international.
Les enquêtes sur les violations commises par les forces armées sous le gouvernement actuel, notamment les massacres de civils perpétrés à Odi (État de Bayelsa) en 1999 et dans l’État de Benue en 2001, n’ont pas progressé.
Les conclusions de la Commission d’enquête sur les violations des droits humains, connue sous le nom de Commission Oputa, n’ont toujours pas été rendues publiques. Mise en place au cours de l’année 1999 pour enquêter sur les violations des droits humains commises entre 1996 et le retour à un régime civil, en 1999, cette Commission avait remis au président Obasanjo, au mois de mai 2002, son rapport sur les audiences publiques et les investigations effectuées. Fin 2004, le gouvernement n’avait pas indiqué comment il entendait mettre en œuvre les recommandations formulées.
• On ignorait où se trouvait un policier responsable du meurtre de Nnaemeka Ugwuoke, seize ans, et d’Izuchukwu Ayogu, dix-sept ans, commis en mars 2002 dans l’État d’Enugu. Il s’était apparemment évadé d’un poste de police d’Abuja. Les corps mutilés des deux lycéens avaient été retrouvés sur un chantier quinze jours après leur arrestation arbitraire par des policiers de l’État d’Enugu. Près de trois ans plus tard, personne n’avait été traduit en justice pour ces homicides.

Charles Taylor
En août 2003, le président libérien Charles Taylor avait renoncé au pouvoir et quitté le Libéria pour le Nigéria, après avoir obtenu la promesse des autorités nigérianes qu’il ne ferait pas l’objet de poursuites dans le pays et ne serait pas livré au Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Un mandat d’arrêt international avait été décerné contre lui en juin 2003, après que le Tribunal spécial l’eut mis en accusation pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres violations graves du droit international humanitaire perpétrés pendant le conflit armé interne en Sierra Leone - en raison du soutien actif qu’il avait apporté à l’opposition armée sierra-léonaise. Amnesty International a dénoncé la violation par le Nigéria de ses obligations au regard du droit international. Les appels adressés par l’organisation aux autorités nigérianes pour qu’elles livrent Charles Taylor au Tribunal spécial ou, à défaut, ouvrent une enquête afin de déterminer s’il fallait engager une procédure pénale ou une procédure d’extradition devant les tribunaux nigérians sont restés lettre morte.
Le 31 mai 2004, la Haute Cour fédérale du Nigéria a autorisé deux Nigérians qui avaient été torturés en Sierra Leone par des membres de l’opposition armée à contester la décision du gouvernement nigérian d’accorder l’asile à Charles Taylor au motif qu’il n’avait pas vocation à bénéficier d’une protection et que la procédure de détermination du statut de réfugié n’avait pas été correctement suivie. En novembre, la Haute Cour fédérale a déclaré recevable le mémoire soumis par Amnesty International en qualité d’amicus curiae. Dans ce texte, l’organisation démontrait que la décision des autorités nigérianes violait les obligations du pays au regard du droit international, et notamment la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et la Convention régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, mise en place en 1969 par l’Organisation de l’unité africaine (OUA). La procédure n’était pas terminée à la fin de l’année.

Harcèlement de défenseurs des droits humains et de journalistes
Cette année encore, des défenseurs des droits humains et des journalistes critiques à l’égard du gouvernement, et en particulier du président Obasanjo, ont subi des manœuvres d’intimidation et de harcèlement. Des journalistes et des syndicalistes ont été arrêtés et interrogés par la police.
• Le 4 et le 5 septembre, les services de sécurité de l’État ont arrêté deux employés ainsi que l’agent de sécurité de l’hebdomadaire Insider Weekly, qui aurait publié des articles critiques à l’égard du président. Des exemplaires du numéro à paraître du magazine ont été saisis, ainsi que des ordinateurs et des dossiers. Les trois hommes ont été interrogés et maintenus au secret, avant d’être libérés sans inculpation le 10 septembre.
• Le 9 septembre, Isaac Umunna a été arrêté par les services de sécurité de l’État quand il s’est présenté pour solliciter la remise en liberté sous caution de son épouse, arrêtée la veille. Ce journaliste, qui avait été employé par l’Insider Weekly, travaillait au moment de son interpellation pour le magazine Africa Today, basé à Londres, ainsi que pour l’hebdomadaire Global Star, de Lagos. Transféré le 15 septembre dans un lieu tenu secret, il a été remis en liberté sans inculpation le 17 septembre.
• Buba Galadima, membre de la Conférence des partis politiques nigérians et président du comité de mobilisation de cet organisme, a été arrêté le 29 avril par les services de sécurité de l’État. Détenu quelque temps au secret, il a été libéré sans inculpation le 13 mai. Cette arrestation l’a empêché de participer à une manifestation antigouvernementale prévue pour le 3 mai.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Nigéria en mars et en novembre.

Autres documents d’Amnesty International
. Open Letter to the Chairman of the African Union (AU) seeking clarifications and assurances that the Establishment of an effective African Court on Human and Peoples’ Rights will not be delayed or undermined (IOR 63/008/2004).
. Nigéria. Les femmes et la peine de mort (AFR 44/001/2004).
. Nigeria : The security situation in Rivers State — an open letter from Amnesty International to Peter Odili, State Governor of Rivers State (AFR 44/027/2004).
. Nigeria : Amicus Curiae brief submitted to the Federal High Court reviewing refugee status granted to Charles Taylor (AFR 44/030/2004).
. Nigéria. Pétrole et droits humains (AFR 44/031/2004).

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