MYANMAR

En octobre, le Premier ministre, le général Khin Nyunt, a été arrêté et placé en résidence surveillée. Il a été remplacé à la tête du gouvernement par un autre général. Les autorités ont annoncé le mois suivant la libération de nombreux prisonniers mais, à la fin de l’année, plus de 1 300 personnes étaient toujours détenues pour des raisons politiques, et les arrestations et les incarcérations pour activités d’opposition, même pacifiques, se poursuivaient. Au cours d’opérations antiinsurrectionnelles, l’armée a encore infligé de graves violations des droits humains à des civils appartenant aux minorités ethniques des États mon, chan et kayin et de la division de Tanintharyi. Les restrictions à la liberté de mouvement dans les États essentiellement peuplés de minorités ethniques constituaient toujours autant d’entraves à l’agriculture, au commerce et à l’emploi. Ce phénomène était particulièrement sensible chez les Rohingyas de l’État d’Arakan. Dans toutes ces régions, l’armée continuait d’astreindre les civils de ces minorités au travail forcé.

Union du Myanmar
CAPITALE : Yangon (ex-Rangoon)
SUPERFICIE : 676 577 km²
POPULATION : 50,1 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Than Shwe
CHEF DU GOUVERNEMENT : Khin Nyunt, remplacé par Soe Win le 19 octobre
PEINE DE MORT : maintenue
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : non signé

Contexte
En mai, le gouvernement a convoqué la Convention nationale en vue de l’élaboration d’une nouvelle constitution. La plupart des partis politiques, notamment la Ligue nationale pour la démocratie (LND), n’ont pas été conviés à prendre part à ces travaux, auxquels ont cependant participé 28 groupes favorables au cessez-le-feu. Parmi ceux-ci, 13 ont évoqué la question d’une plus grande autonomie au niveau local. La Convention a suspendu ses travaux en juillet et ne s’est pas réunie depuis.
Au mois d’octobre, le Premier ministre, le général Khin Nyunt, qui avait également dirigé le Service de renseignements de l’armée, a été destitué et placé en résidence surveillée. Il a été remplacé par le premier secrétaire du Conseil national pour la paix et le développement (CNPD), le général Soe Win. Plusieurs autres membres du gouvernement considérés comme proches du général Khin Nyunt, dont le colonel Tin Hlaing, ministre de l’Intérieur, ont également été démis de leurs fonctions et placés en résidence surveillée. Toujours au mois d’octobre, le CNPD a fait part de son intention d’appliquer la « feuille de route » en sept points présentée en août 2003 par Khin Nyunt et censée permettre l’instauration de la démocratie.
Les pourparlers de cessez-le-feu entre l’Union nationale karen (UNK), groupe d’opposition armée karen, et le CNPD se sont poursuivis de façon sporadique tout au long de l’année, mais aucun accord n’a été conclu. De nouveaux accrochages ont été signalés entre l’UNK et l’armée, dans l’État kayin et dans la division de Tanintharyi. Des combats ont continué d’opposer, dans le sud-est de l’État chan, les forces régulières et un autre groupe d’opposition armée, l’Armée de l’État chan-Sud. L’armée gouvernementale a par ailleurs renforcé sa présence dans le sud du district de Ye, dans l’État mon, où le parti Hongsawati s’opposait au pouvoir central. Ce parti était un mouvement dissident du Parti pour un nouvel État mon, favorable au cessez-le-feu.
Le siège de la LND a pu rouvrir au mois de mai, mais tous ses bureaux locaux étaient toujours fermés à la fin de l’année. En outre, un certain nombre d’informations indiquaient que le CNPD n’avait pas renoncé à la répression contre ce parti. Il aurait notamment sanctionné certains de ses membres parce qu’ils se livraient à des activités d’opposition pourtant pacifiques, soit en leur retirant une licence d’exploitation ou un permis d’exercer telle ou telle activité professionnelle, soit en les plaçant en détention de courte durée, soit encore en limitant leurs déplacements.

Arrestations et incarcérations politiques
Plus de 1 300 prisonniers politiques, dont beaucoup avaient purgé leur peine, demeuraient en détention. La secrétaire générale de la LND, Daw Aung San Suu Kyi, a été maintenue en résidence surveillée pendant toute l’année 2004 et le vice-président du parti, U Tin Oo, a quitté au mois de février la prison de Kalay pour être lui aussi assigné à domicile. Quelques prisonniers ont recouvré la liberté au terme de leur peine.
Au moins 33 personnes ont été condamnées à des peines d’emprisonnement pour raisons politiques. Parmi elles se trouvaient des responsables régionaux de la LND pour les divisions de Mandalay et d’Irrawaddy et pour l’État chan, ainsi que des militants étudiants et d’anciens prisonniers politiques. Jugés en deux groupes, plusieurs militants ont été condamnés en avril et mai à des peines allant de sept à vingt-deux ans d’emprisonnement. Il leur était apparemment reproché d’avoir été en contact avec des groupes d’opposition en exil.
U Ohn Than, un ancien prisonnier politique arrêté en septembre, a été condamné au mois d’octobre à deux années d’emprisonnement pour trouble à l’ordre public. Il aurait manifesté, seul, devant l’hôtel de ville de Yangon, en faveur du respect des libertés politiques.
Au moins 24 prisonniers politiques restaient en détention après l’expiration de leur peine. Parmi eux figuraient six dirigeants étudiants et une dizaine de membres présumés du Parti communiste de Birmanie. La plupart d’entre eux étaient en prison depuis 1989 ou 1991. Deux étaient des prisonniers d’opinion, qui ont souffert pendant l’année de problèmes de santé graves et chroniques. Il s’agissait de Daw May Win Myint et de Than Nyein, deux élus parlementaires de la LND.
Au moins trois personnes sont mortes en détention ou peu après leur libération.
Le prisonnier d’opinion Min Thu, un avocat arrêté en 1998 parce qu’il préparait une étude sur l’histoire du mouvement étudiant, est mort en juin à la prison d’Insein. Selon certaines informations, il avait été maltraité en 2001. Confrontées à une grève de la faim entamée par des détenus, les autorités carcérales avaient à l’époque placé un certain nombre de prisonniers dans les locaux normalement destinés aux chiens de l’armée.
Un nombre indéterminé de membres du Service de renseignements de l’armée et de responsables du gouvernement ont été arrêtés, sur fond d’informations faisant état de pratiques de corruption généralisées. Le colonel Hla Min, des services d’information du ministère de la Défense, ainsi que plusieurs autres personnes étaient, à la fin de l’année, en détention à la prison d’Insein.

Libérations
À la fin du mois de novembre, 9 248 prisonniers ont été libérés. Parmi eux, on comptait une quarantaine de prisonniers politiques, dont des prisonniers d’opinion avérés ou probables. Le CNPD a déclaré que toutes ces personnes avaient été arrêtées à tort par le Service national de renseignements, organisme dissous le 22 octobre par l’instance dirigeante du Myanmar. Le CNPD n’a cependant pas précisé si les personnes libérées étaient des prisonniers politiques ou des détenus de droit commun.
Le prisonnier d’opinion Paw U Tun, également connu sous le nom de Min Ko Naing, a été libéré le 19 octobre. Ce dirigeant de premier plan du mouvement étudiant avait passé plus de quinze années derrière les barreaux.

Violations des droits fondamentaux des minorités ethniques
L’immense majorité des Rohingyas n’étaient toujours pas reconnus, de fait, comme citoyens du Myanmar au titre de la Loi de 1982 relative à la citoyenneté. Les Rohingyas du nord de l’État d’Arakan ne pouvaient généralement pas quitter leurs villages sans avoir obtenu au préalable la permission des autorités et avoir payé un droit spécial. Cette pratique avait de graves conséquences dans les domaines du commerce et de l’emploi. Les Rohingyas étaient en outre fréquemment astreints au travail forcé.
Au mois de janvier, des jeunes femmes célibataires de Kyong Kanya, un village du groupe de Khaw Za, dans le sud du district de Ye (État mon), ont été contraintes de servir et de distraire un groupe d’officiers de l’armée. Des hommes du village ont été obligés d’acheter de l’alcool pour les militaires. Ces pratiques ont également été signalées dans d’autres secteurs du sud du district de Ye, où le parti Hongsawati était actif.
Un agriculteur chan de Murngkhun, un village du groupe de Non Laew, dans le district de Laikha (État chan), a été contraint de transporter des soldats avec son tracteur à une fréquence telle qu’il n’avait plus le temps de s’occuper des travaux de sa ferme. Au mois de janvier, des soldats qui lui reprochaient de ne pas vouloir les transporter l’ont poussé à bas de son tracteur à coups de pied, puis lui ont cassé un bras en le piétinant.
Selon un homme originaire du nord du district de Maungdaw et faisant partie de la communauté rohingya, les habitants de neuf groupes de villages auraient été contraints de construire une route pour les forces de sécurité, à partir du mois de février.

Impunité
Nul n’a été traduit en justice à la suite de l’attaque lancée par des partisans du gouvernement contre la LND, le 30 mai 2003, à Depeyin, dans la division de Sagaing. Cette agression avait fait un nombre indéterminé de morts et de blessés. Aucune enquête indépendante n’a été menée sur cette affaire.

Peine de mort
Neuf personnes condamnées à mort en novembre 2003 pour haute trahison ont bénéficié en cours d’année d’une commutation de leur peine. Elles étaient accusées d’avoir conspiré en vue d’assassiner des responsables gouvernementaux et d’avoir préparé des attentats à la bombe contre des bâtiments officiels. Parmi elles figuraient Thet Zaw, rédacteur en chef du magazine sportif First Eleven, et deux avocats, U Aye Myint et Min Kyi. Les peines de ces trois prisonniers d’opinion ont été commuées en mai en trois ans d’emprisonnement. Le même mois, Shwe Mann, un quatrième prisonnier d’opinion condamné dans le cadre de la même affaire, a vu sa peine capitale commuée en peine de « transportation à vie ». U Aye Myint, Min Kyi et Shwe Mann étaient entre autres accusés d’avoir transmis des informations concernant le travail forcé à l’Organisation internationale du travail (OIT). En mars, l’OIT a attiré l’attention du CNPD sur leur sort après les avoir rencontrés à la prison d’Insein. Les trois hommes ont affirmé avoir été torturés pendant leur interrogatoire initial au lendemain de leur arrestation, en juillet 2003. Ces quatre prisonniers d’opinion ont bénéficié d’une nouvelle remise de peine en octobre et n’étaient plus condamnés, à la fin de l’année, qu’à deux ans d’emprisonnement. Cinq autres personnes condamnées à mort dans la même affaire ont également vu leur peine commuée en emprisonnement à vie en mai. La peine de l’une d’elles a été réduite à cinq ans d’emprisonnement en octobre. Aucune exécution n’a été signalée.

Initiatives internationales
L’envoyé spécial des Nations unies pour le Myanmar a été autorisé à se rendre dans le pays en mars. Il a pu rencontrer Daw Aung San Suu Kyi, qui lui a fait part de sa volonté de collaborer avec le gouvernement du général Khin Nyunt. Le rapporteur spécial sur le Myanmar n’a en revanche pas été autorisé à aller sur place.
En avril, la Commission des droits de l’homme a prolongé d’un an le mandat du rapporteur spécial sur le Myanmar. En décembre, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution exprimant sa profonde inquiétude face aux « violations systématiques des droits de l’homme [...] dont continue à souffrir le peuple du Myanmar ».
À l’issue de la Réunion Asie-Europe qui s’est tenue en octobre, à laquelle le CNPD a assisté pour la première fois en tant que membre à part entière, la position commune de l’Union européenne a été renforcée. Elle prévoit un certain nombre de sanctions contre le Myanmar, où la libéralisation de la vie politique n’a pas progressé.
En mars, le Conseil d’administration de l’OIT a décidé de remettre à plus tard la mise en œuvre de son Plan d’action pour le Myanmar, qui prévoyait la nomination d’un médiateur chargé de recevoir les plaintes des victimes de travail forcé et de trouver des solutions. Cette décision a été prise en raison de la condamnation à mort, quelques mois plus tôt, de trois hommes accusés d’avoir transmis des informations à l’OIT (voir ci-dessus). En novembre, le Conseil d’administration de l’OIT a annoncé la réactivation des mesures initialement adoptées lors de la Conférence internationale du travail de juin 2000, qui avait appelé tous les membres de l’Organisation, ainsi que les organisations internationales, à bien considérer leurs activités au Myanmar et les relations qu’ils entretenaient avec le CNPD, afin d’être certains qu’elles ne donnent pas lieu à du travail forcé.

Autres documents d’Amnesty International
. Myanmar : The Administration of Justice - Grave and Abiding Concerns (ASA 16/001/2004).
. Myanmar. La minorité Rohingya : déni des droits fondamentaux (ASA 16/005/2004).
. Myanmar : Facing political imprisonment - Prisoners of concern to Amnesty International (ASA 16/007/2004).

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