VIÊT-NAM

La situation relative aux droits humains s’est aggravée dans les régions montagneuses du centre du Viêt-Nam. En effet, au mois d’avril, des manifestations réunissant des membres de minorités ethniques locales (connus collectivement sous le nom de Montagnards) ont été violemment réprimées par les forces gouvernementales. Huit manifestants au moins ont été tués et de nombreux autres blessés. Les pouvoirs publics ont ensuite imposé un contrôle très strict des communications avec la région. Au niveau national, la liberté d’expression demeurait très restreinte. Les procès d’opposants politiques se sont poursuivis tout au long de l’année. La répression des activités de certaines congrégations religieuses non reconnues par l’État a continué. De nombreuses condamnations à mort et exécutions ont été signalées.

République socialiste du Viêt-Nam
SUPERFICIE : 329 565 km²
CAPITALE : Hanoï
POPULATION : 82,5 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Trân Duc Luong
CHEF DU GOUVERNEMENT : Phan Van Khai
PEINE DE MORT : maintenue
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : non signé

Contexte
L’évolution de certains indices (espérance de vie, taux d’alphabétisation, hygiène et santé, niveau de vie) traduisait un net progrès dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. Toutefois, les zones habitées par des minorités ethniques étaient en retard par rapport au reste du pays.
Plusieurs affaires de corruption impliquant des responsables gouvernementaux ont accaparé la une de la presse vietnamienne. Plus de 8 000 détenus ont été libérés avant l’expiration de leur peine, dans le cadre de la première phase de la plus importante mesure d’amnistie depuis 1998. Aucun prisonnier d’opinion n’a apparemment été libéré. Le Viêt-Nam a accueilli en octobre le Sommet euro-asiatique bisannuel. Un forum rassemblant un certain nombre d’organisations non gouvernementales asiatiques et européennes de défense des droits humains et de promotion du développement s’est tenu parallèlement, sous étroite surveillance, la presse étant notamment très encadrée. Les autorités de Hanoï ont empêché une association cambodgienne de participer à ce forum. Les seules organisations vietnamiennes autorisées à y assister étaient chapeautées par l’État.
Un nouveau Code de procédure pénale est entré en vigueur le 1er juillet. Toute une série de règles régissant l’usage d’Internet ont été adoptées. Elles visaient à restreindre l’accès à l’information, en particulier aux sites mis en place par les groupes d’opposition de la diaspora vietnamienne. Le Viêt-Nam refusait toujours d’autoriser la venue d’observateurs indépendants des droits humains.

Situation dans les hauts plateaux du Centre
Les 10 et 11 avril, plusieurs milliers de Montagnards, dont des femmes et des enfants, ont manifesté contre la politique menée par le gouvernement dans les trois provinces du centre du pays. La plupart des manifestants étaient des chrétiens, qui avaient décidé de mener un mouvement de protestation non violente de cinq jours. Ils entendaient revendiquer leurs droits fonciers ancestraux et leur droit à la liberté de culte, tout en dénonçant les restrictions supplémentaires apportées à leur liberté de mouvement, de communication et de pratique religieuse depuis les grandes manifestations de 2001. Les autorités ont dispersé les manifestants avec une grande brutalité, faisant usage d’une force disproportionnée. Au cours de la répression qui a suivi, au moins huit personnes ont été tuées en violation du droit international ; des centaines d’autres ont été blessées. De fait, la région a été coupée du reste du pays pendant plusieurs mois. Toutes les communications, y compris les liaisons téléphoniques, étaient extrêmement difficiles. Les diplomates et les journalistes qui souhaitaient se rendre dans le secteur étaient soumis à une étroite surveillance.
Arrestations et procès ont continué de frapper les personnes liées aux troubles de 2001, à leurs suites et aux événements d’avril 2004. Des centaines de Montagnards ont, cette année encore, tenté de trouver refuge au Cambodge voisin. Au moins 142 personnes ont été condamnées à de lourdes peines d’emprisonnement depuis les troubles de 2001, dont 31 en 2004. On ignorait tout du sort de plusieurs centaines d’autres personnes appréhendées.
Les 11 et 12 août, neuf hommes appartenant au groupe ethnique Ede - Y Hoang Bkrong, Y K’rec Bya, Y Kuang E Cam, Y Nguyen Kdoh, Y Ruan Bya, Y Tan Nie, Y Tlup Adrong, Yben Nie et Y Som H’mok - ont été condamnés par le tribunal populaire provincial de Dak Lak à des peines allant de cinq à douze ans d’emprisonnement. Ils étaient accusés, en vertu de l’article 87 du Code pénal, d’avoir, « à plusieurs reprises, réuni un grand nombre de membres de l’ethnie Ede, afin de les convaincre de la nécessité de s’opposer à la politique de l’État concernant les nationalités ».

Arrestation et procès de détracteurs du gouvernement
Les dissidents critiques à l’égard de la politique du gouvernement et qui recueillaient et diffusaient des informations sur Internet faisaient toujours l’objet de poursuites. Au mois de janvier, un décret a classé « secret d’État » tous les documents officiels relatifs aux procès de personnes accusées d’atteintes à la sûreté du pays.
Au mois de juillet, l’ancien prisonnier d’opinion et défenseur des droits humains Nguyen Dan Que, soixante-deux ans, qui avait de nouveau été arrêté en mars 2003, a été condamné à trente mois d’emprisonnement à l’issue d’un procès qui n’a duré que trois heures et pour lequel il n’a pas bénéficié de l’assistance d’un avocat. Il était accusé, en vertu de l’article 258 du Code pénal, d’avoir « abusé des droits démocratiques dans le but de porter atteinte aux intérêts de l’État ». Après son procès, il a été incarcéré dans une colonie pénitentiaire située dans le nord du pays, à plus de deux jours du lieu de résidence de sa famille. D’une santé fragile, Nguyen Dan Que avait déjà passé dix-huit ans en prison pour s’être publiquement opposé à la politique officielle.
Un autre détracteur de la politique du gouvernement, Pham Que Duong, soixante-treize ans, a été jugé en juillet. Ce spécialiste respecté d’histoire militaire a été condamné à dix-neuf mois d’emprisonnement en vertu de l’article 258 du Code pénal. Ayant déjà passé une durée équivalente en détention provisoire, il a été libéré peu après le jugement.

Atteinte à la liberté de religion
Un nouveau décret sur la religion est entré en vigueur en novembre. Plusieurs organisations religieuses du pays ont dénoncé ce texte qui, selon elles, ne faisait que codifier la mainmise des pouvoirs publics sur tous les aspects de la vie religieuse.
Les personnes appartenant à des congrégations non reconnues étaient toujours en butte à la répression. Elles étaient notamment victimes d’actes de harcèlement ou de mesures de détention administrative ou d’emprisonnement. Elles étaient aussi contraintes d’abjurer leur foi. Les fidèles de l’Église bouddhique unifiée du Viêt-Nam (EBUV), dont les dirigeants étaient toujours en résidence surveillée, étaient la cible d’une répression particulièrement dure. Les adeptes des différentes Églises protestantes évangéliques étaient eux aussi soumis à des actes de harcèlement.
Le pasteur mennonite et défenseur des droits humains Nguyen Hong Quang a été arrêté et condamné à trois ans d’emprisonnement au mois de novembre. Il avait dénoncé publiquement la situation dans la région montagneuse du centre du Viêt- Nam, déplorant l’absence de liberté religieuse dont souffraient les minorités qui y vivent. Il avait également pris la défense de certains agriculteurs dans des litiges fonciers.
Le père Nguyen Van Ly, prêtre de l’Église catholique ouvertement critique à l’égard de la politique officielle, a bénéficié d’une nouvelle réduction de peine, grâce à la mobilisation internationale en sa faveur. Condamné à quinze ans d’emprisonnement en 2001, au titre d’une loi sur la sécurité nationale rédigée en des termes vagues, il a vu sa peine ramenée à cinq ans de détention.
Thich Tri Luc, un moine de l’EBUV, a été jugé en mars et condamné à vingt mois d’emprisonnement pour avoir « déformé la politique gouvernementale d’unité nationale et contacté des groupes hostiles, dans le but de saper la sécurité interne du gouvernement et sa politique extérieure ». Ayant déjà passé vingt mois en détention provisoire, il a été libéré fin mars. Il a pu gagner la Suède, où il a obtenu l’asile. Thich Tri Luc avait été reconnu réfugié par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en 2002, alors qu’il se trouvait au Cambodge. Il avait cependant été enlevé dans ce pays par des agents vietnamiens, puis détenu au secret pendant près d’un an, avant le début de son procès. Après sa libération, Thich Tri Luc a confirmé les rôles joués respectivement par les autorités vietnamiennes et cambodgiennes dans son enlèvement, et la complicité entre les deux pays dans cette affaire.

Peine de mort
Au moins 88 personnes, dont 12 femmes, ont été condamnées à mort en 2004. Selon les chiffres officiels, 44 l’ont été pour infraction à la législation sur les stupéfiants et six pour escroquerie. Au moins 64 personnes, dont quatre femmes, auraient été exécutées. Ces chiffres ne représenteraient toutefois qu’une petite partie de la réalité.
En janvier, le Premier ministre a pris un décret aux termes duquel la publication et la diffusion de statistiques concernant l’usage de la peine capitale relevaient désormais du « secret d’État ». Un certain nombre de condamnations à mort et d’exécutions ont néanmoins continué d’être signalées par la presse vietnamienne.
Au mois d’octobre, le Premier ministre a demandé à la police d’envisager une nouvelle méthode de mise à mort des condamnés, certains membres des pelotons d’exécution, émotifs, étant pris de tremblements qui leur feraient fréquemment rater leur cible. Selon certaines informations, les familles des suppliciés seraient obligées de verser des pots-de-vin à certains fonctionnaires pour obtenir la dépouille de leur proche, si elles ne voulaient pas que celle-ci soit directement enterrée sur le lieu d’exécution.
Bien qu’il ait été dit que les autorités envisageaient d’abolir la peine capitale pour les crimes économiques, deux personnes condamnées pour escroquerie auraient été exécutées cette année. Certaines exécutions continuaient d’avoir lieu en public, devant plusieurs centaines de spectateurs.
Tran Thi My Ha, trente et un ans, a été fusillée le 17 novembre sur le champ d’exécution de Tan Xuan, dans la province de Quang Nam. La jeune femme avait été condamnée à mort en août 2003. Elle avait été reconnue coupable d’avoir dirigé un réseau de trafic de fausse monnaie.
Nguyen Thi Ha, quarante-huit ans, a été exécutée le 9 avril sur le champ d’exécution de Long Binh, à Ho Chi Minh-Ville, devant plusieurs centaines de spectateurs. Elle avait été condamnée à mort pour contrebande d’héroïne.

Autres documents d’Amnesty International
. Viêt-Nam. La peine de mort, un secret honteux (ASA 41/003/2004).
. Viêt-Nam. Les Montagnards : une minorité qui suscite à nouveau des inquiétudes (ASA 41/005/2004).
. Viêt-Nam. Libération anticipée du cyberdissident Le Chi Quang (ASA 41/007/2004).

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