ITALIE

Cette année encore, des membres des forces de l’ordre et du personnel pénitentiaire auraient fait un usage excessif de la force, se seraient rendus coupables de mauvais traitements et auraient proféré des injures à motivation raciste. Des personnes détenues seraient mortes dans des circonstances controversées. Les conditions de détention dans certains établissements, notamment dans les centres de rétention pour étrangers, ne respectaient pas les normes internationales. De nombreux étrangers ont vu leur exercice du droit d’asile entravé. Certains éléments laissaient à penser que des demandeurs d’asile avaient été renvoyés de force dans des pays où ils étaient menacés d’atteintes à leurs droits fondamentaux. Des Roms (Tsiganes), ainsi que des membres d’autres minorités ethniques, ont été victimes de discrimination lors d’opérations de maintien de l’ordre et dans divers domaines tels que le logement et l’emploi. Les violences domestiques contre les femmes au sein de la famille demeuraient très fréquentes, mais la majorité des victimes ne portaient pas plainte. De ce fait, des appels ont été lancés pour qu’il y ait davantage d’actions concertées visant à informer l’opinion publique sur les mécanismes d’assistance déjà disponibles pour les femmes, et pour que cette question préoccupante fasse l’objet d’études plus approfondies. Le phénomène de la traite d’êtres humains, notamment de femmes et de enfants, à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé était toujours bien réel, en dépit des efforts déployés par le gouvernement pour le combattre.

République italienne
CAPITALE : Rome
SUPERFICIE : 301 245 km²
POPULATION : 57,3 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Carlo Azeglio Ciampi
CHEF DU GOUVERNEMENT : Silvio Berlusconi
PEINE DE MORT : abolie
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

Contexte
En septembre, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a déploré « qu’il n’y ait pas encore d’amélioration stable » concernant la durée excessive des procédures judiciaires en Italie. Il a noté que « la situation s’est en fait détériorée entre 2002 et 2003 ». Les rapports demeuraient tendus entre les pouvoirs publics et de nombreux magistrats, qui affirmaient que les réformes proposées pour le système judiciaire porteraient atteinte à leur indépendance. En décembre, le rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats de la Commission des droits de l’homme des Nations unies a fait part de ses inquiétudes au président de la République. Faisant observer que les modifications envisagées constituaient « une limitation inquiétante » de l’indépendance du pouvoir judiciaire, le rapporteur spécial s’est félicité de la décision du chef de l’État de ne pas promulguer la réforme et de renvoyer le projet de loi devant le Parlement. Cette année encore, les initiatives du législateur visant à modifier le Code pénal pour que la torture y soit érigée en crime ont enregistré de nombreux revers et atermoiements ; les organes des Nations unies créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits humains ont pourtant formulé à maintes reprises des recommandations en ce sens.

Asile et immigration
Il n’existait toujours aucune loi générale sur l’asile. Un projet de loi en la matière attendait toujours d’être examiné par le Parlement à la fin de l’année ; il n’était pas conforme aux normes internationales pertinentes. La protection offerte aux demandeurs d’asile en vertu de certaines dispositions de la législation sur l’immigration ne leur garantissait pas l’accès à une procédure d’examen individuel, juste et impartial de leur demande. Il était à craindre que de nombreuses personnes ayant besoin d’une protection ne soient renvoyées de force dans des pays où elles étaient menacées de graves atteintes à leurs droits fondamentaux. En raison des retards excessifs accumulés dans le traitement des dossiers et de l’insuffisance des dispositions visant à couvrir les besoins élémentaires des demandeurs d’asile, nombre de personnes ont été laissées dans le dénuement le plus total pendant toute la période où elles attendaient la réponse à leur demande initiale.
Cette année encore, des milliers de migrants et de personnes en quête d’asile sont arrivés sur les rives méridionales du pays par bateau, tandis que des centaines d’autres sont morts au cours de tentatives similaires. Nombre de ces embarcations étaient parties de Libye. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Amnesty International et d’autres organisations nationales et internationales oeuvrant pour la défense des droits des réfugiés ont exprimé de vives inquiétudes à propos de plusieurs cas où les droits fondamentaux de personnes arrivées par la mer n’ont pas été respectés.
En juillet, le représentant du HCR a fait part de « sa grave préoccupation au sujet de ce qui apparaît comme la non-observation des normes européennes et internationales habituellement acceptées et des éléments fondamentaux d’un processus d’asile régulier », à la suite du renvoi au Ghana de 25 demandeurs d’asile. Ceux-ci faisaient partie d’un groupe de 37 personnes qui avaient été autorisées, pour des raisons humanitaires et après des délais considérables, à débarquer d’un bateau appartenant à une organisation non gouvernementale allemande.
En octobre, le représentant du HCR a exprimé sa « vive inquiétude [...] quant au sort de centaines de personnes récemment arrivées sur l’île de Lampedusa, dans le sud de l’Italie. Il semblerait en effet, a-t-il précisé, que beaucoup d’entre elles soient expulsées vers la Libye sans qu’une procédure adéquate ait été conduite pour déterminer leurs éventuels besoins en matière de protection ». Il a souligné que le fait de ne pas pouvoir se rendre auprès des demandeurs d’asile potentiels en Italie et en Libye constituait un obstacle à la mission de protection du HCR. Amnesty International a demandé qu’une réponse favorable soit donnée sans délai à cette requête. Dans un communiqué ultérieur, le HCR a indiqué que cinq jours environ après l’avoir sollicitée, et après que plus d’un millier de personnes eurent été renvoyées en Libye par voie aérienne, ses représentants avaient obtenu l’autorisation d’être présents dans le centre d’accueil de Lampedusa, où les nouveaux arrivants avaient d’abord été détenus. Il ressortait de sa première évaluation que la précipitation avec laquelle elles avaient été séparées selon leur nationalité n’avait pas permis à toutes les personnes de chacun des groupes nationaux concernés de déposer une demande d’asile.

Centres de rétention
Plusieurs milliers d’étrangers ne disposant pas d’une autorisation de séjour ou soupçonnés de se trouver en situation irrégulière étaient détenus dans des centres de rétention, où ils pouvaient rester jusqu’à soixante jours avant d’être renvoyés d’Italie ou libérés. Il y était souvent difficile d’obtenir le droit de consulter un avocat afin de contester la légalité de la détention ou de la mesure d’éloignement. Malgré leurs efforts en ce sens, certaines des personnes ainsi détenues n’arrivaient manifestement pas à entamer une procédure de demande d’asile.
Une forte tension régnait dans ces centres, où des mouvements de protestation ont éclaté à plusieurs reprises, souvent accompagnés de tentatives d’évasion. De nombreux actes d’automutilation y ont été enregistrés. Selon les informations reçues, la surpopulation constituait souvent un problème aigu dans ces structures dépourvues d’installations appropriées et de toute hygiène, et où l’alimentation et les soins médicaux étaient insuffisants. Plusieurs informations judiciaires ont été ouvertes sur des agressions présumées de personnes détenues.

Mises à jour
En janvier, un prêtre catholique qui dirigeait le centre de rétention Regina Pacis (province des Pouilles), ainsi que deux médecins, cinq membres du personnel administratif et 11 carabiniers chargés de la sécurité ont été renvoyés devant un tribunal pour y répondre de l’agression et des violences à caractère raciste dont avaient été victimes, en novembre 2002, plusieurs personnes détenues dans ce centre. Le procès se poursuivait fin 2004.
Le procureur de la République de Bologne a mené à bien une enquête judiciaire ouverte sur des informations selon lesquelles 11 policiers, un carabinier et un membre de l’administration du centre de rétention Via Mattei étaient impliqués dans l’agression, en mars 2003, de plusieurs détenus de cet établissement, géré par la Croix-Rouge. Le procureur a fait savoir qu’il demanderait le renvoi devant un tribunal d’au moins quatre policiers.
En janvier, le représentant du parquet a ouvert une nouvelle information judiciaire à la suite de plaintes déposées par trois autres personnes ayant séjourné dans ce centre. Selon leurs allégations, on leur aurait administré régulièrement à leur insu, ainsi qu’à d’autres personnes également détenues, de puissants sédatifs. Les expertises menées sur la nourriture et les boissons prélevées dans le centre n’ayant pas révélé la présence des produits spécifiés dans les plaintes et dans les résultats des analyses de sang fournis à l’appui, le procureur a estimé que ces derniers n’étaient pas fiables et a demandé au juge chargé de l’enquête préliminaire de classer l’affaire. Ses conclusions ont été contestées par les avocats des plaignants. À la fin de l’année, le juge n’avait pas encore fait part de sa décision.

Brutalités policières
Les allégations de mauvais traitements imputables à des responsables des forces de l’ordre concernaient souvent des Roms, des immigrés originaires de pays n’appartenant pas à l’Union européenne ou des manifestants. Des policiers ont tiré des coups de feu, parfois mortels, dans des circonstances controversées. Plusieurs informations judiciaires étaient en cours pour faire la lumière sur ces affaires. Bien que certains policiers aient été traduits en justice, les membres des forces de l’ordre jouissaient le plus souvent d’une impunité considérable.
En février, la Cour de cassation a annulé l’arrêt par lequel une cour d’appel avait acquitté un policier napolitain du meurtre de Mario Castellano, un garçon de dix-sept ans tué en 2000. Le policier avait été condamné en première instance à dix années d’emprisonnement. L’adolescent, qui n’était pas armé, circulait en scooter sans porter le casque réglementaire. Comme il n’avait pas, semble-t-il, obtempéré lorsque le policier lui avait ordonné de s’arrêter, celui-ci lui avait tiré dans le dos. L’agent a affirmé l’avoir tué par accident. La famille de Mario Castellano a demandé, en vain, le remplacement du président de la cour d’appel et a mis en doute son impartialité après qu’il eut critiqué le jugement du tribunal d’instance dans des déclarations à la presse. La Cour de cassation a estimé que l’argument invoqué par la cour d’appel pour justifier l’acquittement était « illogique » et a ordonné la tenue d’un nouveau procès.

Mises à jour : maintien de l’ordre au cours des manifestations de 2001
Parmi les enquêtes judiciaires en cours, certaines concernaient les opérations de maintien de l’ordre qui ont accompagné les manifestations de grande ampleur organisées à Naples, en mars 2001, et lors du sommet du G8 à Gênes, en juillet 2001.
En juillet, 31 policiers qui, le jour de la manifestation de Naples, étaient de service dans une caserne de carabiniers utilisée comme centre de détention ont été renvoyés devant un tribunal. Ils étaient inculpés d’enlèvement, de coups et blessures et de coercition, et certains d’entre eux également d’abus d’autorité et de falsification de documents. Le procès s’est ouvert en décembre.
Un juge a décidé, en février, que les éléments de preuve disponibles ne permettaient pas de poursuivre les 93 personnes qui étaient accusées d’appartenance à une association de malfaiteurs ayant pour but le pillage et la destruction de biens. Ces personnes avaient été arrêtées au cours d’une descente de police menée en pleine nuit dans un bâtiment occupé en toute légalité par le Forum social de Gênes, principal organisateur de la manifestation. Toutes les autres charges retenues initialement contre elles, telles que rébellion envers les forces de l’ordre et port d’armes offensives, avaient été abandonnées en 2003.
En décembre, 28 policiers ayant participé à cette opération, dont plusieurs fonctionnaires de haut rang, ont été mis en accusation, notamment pour coups et blessures, falsification de preuves, mise en place de faux éléments de preuve et abus de pouvoir. De nombreux autres membres des forces de l’ordre impliqués dans les faits se seraient également livrés à des agressions, mais ne pouvaient pas être identifiés car leurs visages étaient pour la plupart dissimulés par des casques anti-émeute, des masques ou des foulards, et ils ne portaient aucun autre signe distinctif. Leur procès devait s’ouvrir au mois d’avril 2005.
À l’issue d’une information judiciaire, les services du procureur de la République de Gênes ont requis l’inculpation de 12 carabiniers, 14 policiers, ainsi que de 16 gardiens et cinq médecins et infirmières membres du personnel pénitentiaire qui étaient de service dans le centre de détention provisoire de Bolzaneto, où ont séjourné plus de 200 détenus au cours du sommet du G8. Les chefs d’inculpation envisagés portaient notamment sur l’abus d’autorité, les menaces, les coups et blessures, la falsification de documents et la non-déclaration officielle de blessures. Un juge d’instruction devait commencer à examiner cette demande en janvier 2005.
En octobre, un premier responsable de l’application des lois a été déclaré coupable de faits liés aux opérations de maintien de l’ordre lors du sommet du G8. Ayant choisi d’être jugé selon une procédure accélérée, qui permet une réduction des peines d’un tiers, le policier a été condamné à vingt mois d’emprisonnement avec sursis et à des dommages et intérêts pour avoir frappé au visage, à coups de matraque, un manifestant âgé de quinze ans. Cinq autres policiers, également accusés d’avoir infligé des coups et blessures à cet adolescent et à six autres manifestants, avaient choisi d’être jugés selon la procédure pénale ordinaire. Ils ont été mis en accusation au même moment pour abus d’autorité, menaces, coups et blessures, faux témoignage et falsification de documents, entre autres charges. L’adolescent et les six autres manifestants avaient à l’origine été accusés de coups et blessures contre les policiers et de rébellion lors de leur arrestation. Les procureurs, qui avaient déjà prononcé un non-lieu en faveur de l’adolescent, avaient demandé que l’affaire soit classée sans qu’aucune charge ne soit retenue contre les autres manifestants.

Conditions de détention et mauvais traitements en prison
La surpopulation carcérale et le manque d’effectifs constituaient un problème chronique et s’accompagnaient d’un grand nombre de suicides et d’actes d’automutilation. De nombreuses informations faisaient état de conditions sanitaires déplorables et d’une insuffisance des soins médicaux. Les cas de maladies infectieuses et les problèmes de santé mentale étaient en augmentation.
De nombreuses procédures pénales contre des membres du personnel pénitentiaire étaient en cours à propos de mauvais traitements qui auraient été infligés à des prisonniers pris séparément ou à d’importants groupes de détenus. Nombre de ces procédures, dont certaines remontaient au milieu des années 90, accusaient des retards excessifs. Les plaintes, qui se rapportaient à plusieurs prisons du pays, faisaient état de violences psychologiques et physiques, notamment de sévices sexuels, infligées à des détenus, parfois de manière systématique. Elles s’apparentaient dans certains cas à une forme de torture. Ces procédures concernaient au moins six cas de prisonniers morts dans des circonstances controversées entre 1997 et 2004.

Visites d’Amnesty International
Deux représentants d’Amnesty International se sont rendus en Italie en octobre.

Autres documents d’Amnesty International

 Europe and Central Asia — Summary of Amnesty International’s concerns in the region, January-June 2004, Italy (EUR 01/005/2004).

  Italie. Le gouvernement doit donner l’accès à l’asile aux personnes ayant besoin de protection (EUR 30/001/2004).

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