PORTUGAL

Cette année encore, l’emploi disproportionné de la force et les mauvais traitements imputables à des policiers ont suscité des inquiétudes concernant le non-respect par le Portugal du droit international et des normes universellement reconnues. Des informations ont fait état de mauvais traitements et d’abus de pouvoir par le personnel pénitentiaire. L’incapacité du système à assurer la protection des droits fondamentaux des détenus dans la prison de Lisbonne a été mise en évidence. Le nombre de morts dans les établissements pénitentiaires était alarmant. Les organismes internationaux de surveillance des droits humains ont exprimé leur préoccupation quant au bilan du Portugal en matière de respect des droits fondamentaux.

République portugaise
CAPITALE : Lisbonne
SUPERFICIE : 88 940 km²
POPULATION : 10,1 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Jorge Fernando Branco de Sampaio
CHEF DU GOUVERNEMENT : José Manuel Durão Barroso, remplacé par Pedro Santana Lopes le 17 juillet
PEINE DE MORT : abolie
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

Contexte
Dans un avis publié en mars, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a exprimé son inquiétude concernant un certain nombre d’insuffisances procédurales affectant depuis longtemps l’exercice du droit de contester légalement la mise en détention provisoire. Il a conclu qu’une telle détention ne devait être imposée qu’à titre exceptionnel et qu’elle devait être assortie des garanties de procédure appropriées.
Le mois de juillet a été marqué par l’entrée en vigueur de la sixième loi portant révision de la Constitution portugaise. Elle prévoyait, entre autres, la prohibition de toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.
En juin, le gouvernement a approuvé des propositions de réforme du système carcéral. Au nombre des objectifs poursuivis figuraient la mise en place d’un système pénitentiaire humain, juste et sûr, visant à favoriser la réinsertion sociale ; la protection des droits fondamentaux des personnes incarcérées ; l’amélioration des conditions de détention ; l’adoption de mesures répondant aux besoins des détenus en matière de santé ; la lutte contre la surpopulation ; enfin, un suivi régulier, par des organismes de surveillance internes et externes, du fonctionnement et de la qualité des services pénitentiaires.

Préoccupations relatives au maintien de l’ordre
Cette année encore, des policiers auraient fait un emploi disproportionné de la force et se seraient rendus coupables de mauvais traitements. À la connaissance d’Amnesty International, aucune mesure n’avait été prise en vue de mettre en place un organisme de contrôle, indépendant du ministère de l’Intérieur, ayant le pouvoir d’enquêter sur les violations graves des droits humains commises par des agents des forces de l’ordre et de mettre en œuvre des mesures disciplinaires, comme l’a recommandé le Comité des droits de l’homme des Nations unies en août 2003. Par ailleurs, il n’y a eu, semble-t-il, aucune réaction à la suite des critiques rendues publiques en novembre 2003 par l’Inspection générale de l’administration interne (IGAI) sur l’usage des armes à feu par la police.
En mai, Amnesty International a réitéré auprès du ministre de l’Intérieur des préoccupations de longue date relatives à l’usage arbitraire de la force, notamment meurtrière, par la police. L’organisation était particulièrement préoccupée par des informations selon lesquelles des policiers auraient fait usage d’armes à feu et de balles en caoutchouc, sans nécessité ou de manière disproportionnée au regard du danger éventuel pour les agents concernés. Certains de ces tirs se seraient soldés par des homicides illégaux. Selon les informations recueillies, la formation de la police et les directives opérationnelles étaient inadéquates. Amnesty International a déploré l’insuffisance des dispositions prises en vue de garantir l’application des lois et des normes internationales relatives aux pratiques de la police.
En janvier, le ministre de l’Intérieur aurait décidé que le policier impliqué dans la mort de Nuno Lucas, survenue en août 2002, devait être expulsé des forces de police. À l’issue d’une procédure disciplinaire, l’IGAI serait parvenue à la conclusion que l’utilisation d’une arme à feu dans ces circonstances avait été inappropriée, que les coups de feu aient été ou non tirés intentionnellement.
Au mois de mars, un policier jugé pour avoir tué António Pereira, en juin 2002, a été acquitté après avoir affirmé qu’il ne savait pas que des balles en caoutchouc pouvaient tuer et qu’il n’avait pas été formé à l’utilisation d’une arme dotée de ce type de munitions. D’importantes interrogations demeuraient quant aux circonstances de la mort et aux responsabilités des personnes ayant autorisé des policiers à utiliser des armes sans formation appropriée, et en l’absence, semble-t-il, de directives indiquant dans quelles circonstances il est justifié de faire usage de balles.
En décembre s’est ouvert à Lisbonne le procès de six personnes, dont trois policiers, accusées d’avoir agressé les trois autres prévenus en 1995.

Préoccupations relatives aux prisons
Dans plusieurs établissements, des membres du personnel pénitentiaire se seraient rendus coupables de mauvais traitements et d’abus de pouvoir. Le Bureau du médiateur ne semblait pas disposer de ressources suffisantes pour pouvoir s’acquitter pleinement et efficacement de toutes ses fonctions, notamment des investigations relatives aux plaintes déposées par les détenus.
Cette année encore, la sécurité des détenus constituait un motif de préoccupation. Les garanties les protégeant contre le risque qu’ils ne s’infligent eux-mêmes des blessures, en particulier les mesures destinées à repérer les prisonniers vulnérables à cet égard, demeuraient insuffisantes dans certains établissements. L’attention a aussi été attirée sur l’insuffisance des dispositifs prévus pour leur fournir l’assistance voulue la nuit et dans les cellules disciplinaires. De vives inquiétudes ont été exprimées au vu du nombre de prisonniers morts après s’être infligé des blessures, notamment dans les prisons de Lisbonne, de Sintra et de Coimbra. Au pénitencier de Vale de Judeus, trois cas de suicide ont été signalés pour le seul mois de janvier. En 2004, un nombre alarmant de détenus seraient morts en prison : 70 au total, dont les deux tiers n’avaient pas été jugés.
Dans plusieurs établissements, les conditions de détention s’apparentaient toujours à une forme de traitement cruel, inhumain et dégradant, en raison souvent de la surpopulation et des graves insuffisances des installations sanitaires. Dans certaines prisons, les détenus placés en cellule disciplinaire enduraient des conditions particulièrement éprouvantes. Dans d’autres, des prisonniers seraient restés enfermés dans leur cellule pendant une durée allant jusqu’à vingt-trois heures sans pouvoir s’aérer, parfois plusieurs jours de suite. Les mesures en matière de soins de santé étaient toujours inappropriées, en dépit de nombreux cas de VIH/sida et d’autres maladies graves parmi la population carcérale. Cette année encore, les autorités n’ont rien fait pour garantir la séparation entre détenus en attente de jugement et prisonniers condamnés. Des avocats se sont inquiétés de ce que les personnes incarcérées ne recevaient pas d’exemplaire du règlement de l’administration pénitentiaire et ignoraient donc quels étaient leurs droits, notamment en matière de procédure disciplinaire.
Les inspecteurs des services pénitentiaires chargés de l’enquête sur le passage à tabac subi par Albino Libânio en novembre 2003 dans la prison de Lisbonne ont constaté qu’il avait été blessé à divers endroits. Il n’avait pourtant reçu aucune assistance médicale. Il aurait été victime de coups et blessures pouvant être assimilés à des actes de torture. À la fin de 2004, une information judiciaire était en cours et une procédure disciplinaire avait été engagée contre plusieurs surveillants. Les circonstances de l’agression et le refus de coopérer de la quasi-totalité des gardiens de la prison de Lisbonne lors de l’enquête interne qui a été menée sur cette affaire faisaient craindre qu’il ne s’agisse pas d’un épisode isolé. Selon Amnesty International, cette enquête aurait mis en évidence l’incapacité du système à assurer la protection des droits fondamentaux des prisonniers.

Racisme et discrimination
En raison de l’absence de données et d’informations statistiques pertinentes, il était particulièrement difficile d’évaluer dans quelle mesure l’application des lois était affectée par le racisme et la discrimination. Aucune statistique n’était disponible sur l’appartenance ethnique des personnes interpellées et fouillées par la police, ni sur celle des détenus (pour lesquels existent des données par nationalité).
Au mois d’août, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a adopté des observations finales après avoir examiné les dixième et onzième rapports périodiques présentés par le Portugal, conformément à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Les rapports considérés contenaient des affirmations non corroborées relatives aux circonstances de la mort d’Ângelo Semedo et d’António Pereira, deux hommes tués par balles en 2002 par la police, dans deux affaires distinctes. À l’évidence, le gouvernement cherchait à justifier la conduite des policiers mis en cause. Les quartiers où ont eu lieu les homicides étaient décrits comme des « zone[s] marginalisée[s]  », et celui de Bela Vista, à Setúbal, où a été abattu António Pereira, comme « une sorte de ghetto, où la police ne se sent pas la bienvenue et craint d’entrer ». De nouvelles informations ont fait état de procédures de police suivies de manière discriminatoire dans des quartiers pauvres. Les personnes appartenant à des minorités, ethniques ou autres, y avaient souvent le sentiment d’être prises pour cible par les policiers, mais n’avaient pas suffisamment confiance en la police pour porter plainte.
Parmi les sujets de préoccupation du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, on peut citer l’absence de données statistiques sur la composition ethnique de la population et la persistance des actes racistes et des incitations à la haine, ainsi que de l’intolérance et de la discrimination à l’égard des minorités. Le Comité a recommandé au Portugal d’introduire dans son droit pénal une disposition établissant que le fait de commettre une infraction ayant un motif ou un but raciste constitue une circonstance aggravante. Il était aussi préoccupé par des allégations faisant état d’irrégularités policières à l’encontre de minorités ethniques ou de personnes d’origine non portugaise, notamment de l’emploi excessif de la force et de mauvais traitements. Il a recommandé d’instruire ces allégations de façon approfondie, impartiale et efficace, de traduire les responsables devant la justice et de fournir des voies de recours et des réparations aux victimes. Il lui a en outre recommandé de donner une formation intensive aux responsables de l’application des lois afin de veiller à ce qu’ils respectent et défendent les droits humains de toutes les personnes, sans distinction. Le Comité a aussi exprimé ses inquiétudes concernant l’isolement relatif de certains groupes d’immigrés et de membres de minorités ethniques dans des « quartiers semblables à des ghettos », et a souligné les difficultés auxquelles sont confrontés de nombreux membres de la communauté rom (tsigane) dans divers domaines, notamment ceux de l’emploi, du logement et de l’éducation.
Enfin, le Comité était préoccupé par le fait que l’appel formé pendant l’examen de la recevabilité d’une demande d’asile n’était pas suspensif. Il a recommandé que le Portugal garantisse le respect des protections juridiques des demandeurs d’asile et fasse en sorte que sa législation et ses procédures en matière d’asile soient conformes à ses obligations internationales dans ce domaine.

Visites d’Amnesty International
Une déléguée d’Amnesty International s’est rendue au Portugal en mars.

Autres documents d’Amnesty International

 Portugal : Attack on a prisoner in Lisbon Prison (EUR 38/001/2004).

 Europe and Central Asia : Summary of Amnesty International’s concerns in the region, January-June 2004 : Portugal (EUR 01/005/2004).

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