TURKMÉNISTAN

Les atteintes aux droits humains étaient très fréquentes au Turkménistan. Quelques timides mesures, adoptées pour tenter de répondre aux critiques formulées à cet égard par la communauté internationale, n’ont rien changé aux problèmes dénoncés par les organisations de défense des droits humains et plusieurs organismes intergouvernementaux, dont l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la Commission des droits de l’homme des Nations unies et l’Assemblée générale des Nations unies. Les membres des minorités religieuses, les militants de la société civile et, de manière générale, toutes les personnes qui tentaient d’exercer leur droit à la liberté d’expression étaient la cible d’actes de harcèlement, voire se retrouvaient en prison ou étaient contraints à l’exil. Les pouvoirs publics s’en prenaient également aux proches des dissidents. Les personnes incarcérées au lendemain de la tentative d’assassinat dont aurait été victime le chef de l’État en novembre 2002 étaient toujours en détention au secret. Des objecteurs de conscience ont été emprisonnés.

Turkménistan
CAPITALE : Achgabat (ex-Achkhabad)
SUPERFICIE : 488 100 km²
POPULATION : 4,9 millions
CHEF DE L’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : Saparmourad Niazov
PEINE DE MORT : abolie
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : non signé

Contexte
Le chef de l’État, Saparmourad Niazov, et le culte de la personnalité dont il faisait l’objet dominaient toujours tous les aspects de la vie du pays. Rien n’a été fait pour mettre un terme à l’impunité ou pour lutter contre les très nombreuses violations des droits humains.
Au mois d’octobre, le Khalk Maslakhati (Conseil du peuple), organe rassemblant des représentants des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, a une nouvelle fois exprimé le souhait de voir Saparmourad Niazov rester président à vie. En l’absence de partis politiques indépendants, les élections législatives de décembre ont été remportées par la formation du chef de l’État.
Les minorités ethniques étaient toujours menacées de harcèlement et d’intimidation, certaines personnes risquant même de perdre leur emploi.
En janvier, Saparmourad Niazov a abrogé une clause exigeant que tout résident du Turkménistan obtienne une autorisation du gouvernement avant de se rendre à l’étranger. Les autorités auraient cependant empêché de nombreux dissidents, ainsi que leurs familles, de quitter le pays. La liberté de déplacement sur le territoire national était très sévèrement limitée.
Une nouvelle mosquée, destinée à devenir la plus grande de toute l’Asie centrale, a été inaugurée en octobre à Kiptchak, le village natal du chef de l’État. Sur les murs figuraient à la fois des versets du Coran et des citations extraites du Roukhnama, sorte de manuel spirituel attribué à Saparmourad Niazov. Cette mosquée était la dernière en date de toute une série de réalisations monumentales exécutées par une entreprise française du bâtiment pour le compte des autorités turkmènes.
Les pouvoirs publics ont expulsé un certain nombre de personnes de chez elles, pour faire place aux projets architecturaux du gouvernement ou pour appliquer, de manière manifestement arbitraire, certaines décisions présidentielles. Les personnes affectées auraient été prévenues au dernier moment et auraient reçu, dans le meilleur des cas, une très faible indemnisation.

Le regard de la communauté internationale
En avril, dans une deuxième résolution sur le Turkménistan, la Commission des droits de l’homme a exprimé une nouvelle fois sa grande préoccupation quant à la situation des droits humains dans ce pays. Elle a notamment dénoncé « la répression de toutes les activités d’opposition politique » et « l’utilisation abusive du système juridique par le biais de la détention, de l’emprisonnement et de la surveillance arbitraires de personnes qui essaient d’exercer leur liberté de pensée, d’expression, de réunion et d’association, et le harcèlement de leur famille », ainsi que « les restrictions à l’exercice de la liberté [...] de pensée, de conscience, de religion et de conviction ». Elle a en outre regretté que les autorités persistent à interdire tout contact avec les personnes condamnées à la suite des événements de novembre 2002. La Commission a également demandé au gouvernement turkmène de « permettre aux organisations non gouvernementales [...] ainsi qu’à d’autres acteurs de la société civile de mener sans entrave leurs activités ».
Dans sa deuxième résolution sur le Turkménistan, adoptée le 20 décembre, l’Assemblée générale des Nations unies a exprimé sa vive inquiétude face aux graves violations des droits humains qui continuaient d’être commises au Turkménistan, rappelant les principaux motifs de préoccupation déjà exprimés un peu plus tôt par la Commission des droits de l’homme.
Aucun des experts des Nations unies spécialisés dans les droits humains n’a été autorisé à se rendre dans le pays, bien que nombre d’entre eux en aient fait la demande.
Dans le cadre de sa nouvelle stratégie relative au Turkménistan, adoptée en juillet, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) s’est inquiétée de la dégradation de la situation en matière de protection des droits humains et de respect de l’état de droit.

Répression de la dissidence
Toute personne perçue comme critique à l’égard du régime risquait, de même que ses proches, d’être la cible de mesures de répression. Les familles de dissidents en exil continuaient d’être harcelées par les autorités, qui cherchaient manifestement à empêcher ces derniers de critiquer le gouvernement et de dénoncer les violations des droits humains depuis l’étranger. Les pouvoirs publics ont pris des mesures pour éviter que le Turkménistan ne se retrouve sur la liste des « pays particulièrement préoccupants » établie par les États-Unis au titre de la Loi sur la liberté religieuse dans le monde. Ils ont notamment enregistré l’Église adventiste, la communauté baha’i et le mouvement Hare Krishna ; six objecteurs de conscience emprisonnés ont en outre été libérés. Les pays mis à l’index par les États-Unis peuvent faire l’objet d’actions allant de la protestation diplomatique jusqu’à des sanctions commerciales spécifiques. Les membres de groupes religieux minoritaires, officiellement reconnus ou non, ont néanmoins été, cette année encore, victimes d’actes de harcèlement ou d’intimidation.
La loi de 2003 prohibant les activités des organisations non gouvernementales non enregistrées a été annulée au mois de novembre, mais les associations indépendantes issues de la société civile restaient dans l’incapacité de fonctionner. Des militants de la société civile, ainsi qu’un journaliste de Radio Liberty, ont été contraints à l’exil. Plusieurs personnes qui avaient accordé des interviews à Radio Liberty, ainsi que certains de leurs proches, ont été victimes de manœuvres de harcèlement ou d’intimidation, voire d’arrestations arbitraires. À de nombreuses reprises, des observateurs internationaux des droits humains et des journalistes étrangers se sont vu refuser le droit d’entrer au Turkménistan. Les autorités harcelaient très fréquemment les militants de la société civile qui cherchaient à rencontrer des représentants d’organisations intergouvernementales.
En février, Gourbandourdi Dourdykouliyev a été interné de force dans un hôpital psychiatrique, pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression. Amnesty International le considérait comme un prisonnier d’opinion. En janvier, Gourbandourdi Dourdykouliyev avait adressé une lettre à Saparmourad Niazov et au gouverneur de la région de Balkan, pour leur demander d’autoriser la tenue d’une manifestation non violente et ne pas recourir à la force contre les participants. Il avait un peu plus tôt critiqué la politique du chef de l’État sur les ondes de Radio Liberty et avait ouvertement exprimé sa conviction qu’un parti politique d’opposition était indispensable.
Au mois de mars, l’ancien mufti Nasroullah ibn Ibadoullah a été condamné pour trahison à vingt-deux ans d’emprisonnement par un tribunal d’Achgabat. Il était accusé d’avoir participé à la tentative d’assassinat du chef de l’État qui aurait été perpétrée en 2002. Nasroullah ibn Ibadoullah aurait été passé à tabac au mois de mai par des agents du ministère de l’Intérieur, dans la prison de très haute sécurité de Turkmenbachi. Selon certaines allégations, les charges pesant contre lui auraient été fabriquées de toutes pièces. Ce dignitaire religieux aurait en fait été puni pour avoir exprimé son désaccord quant à l’usage immodéré du Roukhnama présidentiel dans les mosquées, et pour s’être opposé, en décembre 2002, à certains projets visant à rétablir la peine de mort avant que le chef de l’État n’ait lui-même précisé sa position. Selon certaines sources, il aurait également été pris pour cible en raison de ses origines ouzbèkes, le gouvernement ayant apparemment pour politique de réserver les postes les plus influents aux membres de la majorité turkmène.
Au mois de septembre, deux femmes témoins de Jéhovah, Goulkamar Djoumaïeva et Goulcherine Babakoulieva, auraient été retenues pendant toute une nuit dans un poste de police du quartier Gagarine de Turkmenabad, uniquement en raison de leur religion. Deux représentants du parquet auraient harcelé sexuellement Goulcherine Babakoulieva. L’un d’eux l’aurait frappée à plusieurs reprises et menacée de viol. Un troisième homme était apparemment présent, mais n’aurait rien fait pour venir en aide à la victime.
Rakhim Essenov, soixante-dix-huit ans, a été arrêté le 23 février. Il était accusé d’incitation à la haine sociale, nationale et religieuse par voie de presse. Les autorités lui reprochaient également d’avoir introduit clandestinement dans le pays un certain nombre d’exemplaires d’un roman historique dont il était l’auteur, Ventsenosny Skitalets (Le Vagabond couronné), interdit par la censure. Bien qu’il ait été victime d’un accident vasculaire en détention, son interrogatoire n’a été que brièvement interrompu. Il a finalement été remis en liberté le 9 mars, à la suite de pressions de la part de la communauté internationale. Ses déplacements restaient toutefois soumis à des restrictions et les poursuites engagées contre lui n’ont pas été abandonnées. Le gendre de Rakhim Essenov, Igor Kaprielov, accusé d’avoir conspiré avec son beau-père, a été condamné en mars à cinq ans d’emprisonnement avec sursis, pour « contrebande ».
Condamné en 1995 pour atteintes à la sûreté de l’État, à l’issue d’un procès non équitable, Moukhametkouli Aïmouradov a été ramené, en mai ou en juin, à la prison de très haute sécurité de Turkmenbachi, où les conditions de détention étaient extrêmement pénibles. Il avait déjà passé plusieurs années dans cet établissement. Amnesty International était préoccupée par sa santé, d’autant plus que certaines informations indiquaient qu’il ne bénéficiait pas d’un suivi médical suffisant.

Emprisonnement au secret
Des dizaines de personnes incarcérées après avoir été jugées de manière non équitable pour leur participation présumée aux événements de novembre 2002 se trouvaient toujours en détention au secret, sans aucun contact avec leur famille et leurs avocats. Elles ne pouvaient pas non plus communiquer avec le Comité international de la Croix-Rouge ni avec d’autres organismes indépendants similaires. Les autorités n’ont pas répondu aux accusations selon lesquelles au moins deux prisonniers seraient morts en détention en 2003, des suites d’actes de torture, de mauvais traitements et des conditions carcérales, particulièrement pénibles. Au mois d’avril, le ministère des Affaires étrangères a informé le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies que nul ne pourrait rencontrer ces prisonniers pendant cinq ans.

Objecteurs de conscience
À la connaissance d’Amnesty International, sept objecteurs de conscience, tous des témoins de Jéhovah, ont été libérés, dont six en juin. En revanche, trois autres objecteurs - Mansour Macharipov, Vepa Touvakov et Atamourat Souvkhanov - ont été condamnés à dix-huit mois d’emprisonnement chacun, respectivement en mai, juin et décembre, pour avoir refusé d’effectuer leur service militaire en raison de leurs convictions religieuses. Ces trois hommes étaient des prisonniers d’opinion.

Autres documents d’Amnesty International

 Europe and Central Asia : Summary of Amnesty International’s concerns in the region, January-June 2004 : Turkmenistan (EUR 01/005/2004).

 Biélorussie et Ouzbékistan. Encore des exécutions avant l’abolition définitive de la peine de mort dans l’ex-Union soviétique (EUR 04/009/2004).

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