AUTORITÉ PALESTINIENNE

La situation s’est considérablement dégradée sur le plan de la sécurité en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Les luttes de pouvoir et les dissensions entre l’Autorité palestinienne et les factions et groupes politiques, voire au sein même de l’une ou des autres, ont entraîné une multiplication des enlèvements, des affrontements armés et des attaques contre les personnes et les biens. Les groupes armés et les membres des différents services de sécurité ont également tué 18 Palestiniens soupçonnés de « collaborer » avec les services israéliens. Comme les années précédentes, des membres de groupes armés ont mené des attaques contre des Israéliens dans les territoires occupés et en Israël, tuant 109 personnes. L’Autorité palestinienne a condamné régulièrement les attaques visant des Israéliens et des Palestiniens. Toutefois, les forces de sécurité et les autorités judiciaires se sont montrées réticentes à agir - lorsqu’elles en avaient la possibilité - pour empêcher ces attaques et mener des enquêtes débouchant éventuellement sur des poursuites.

Contexte
Déclenchée le 29 septembre 2000, l’Intifada (soulèvement) d’Al Aqsa s’est poursuivie. Quelque 700 Palestiniens ont été tués par les forces de sécurité israéliennes, illégalement dans la plupart des cas (voir Israël et territoires occupés). Des membres de groupes armés palestiniens ont tué 109 Israéliens, dont 67 civils. La moitié d’entre eux ont trouvé la mort dans des attentats-suicides revendiqués pour la plupart par les Brigades des martyrs d’Al Aqsa (groupe issu du Fatah) et les Brigades Ezzedine al Qassam (branche militaire du Hamas). Certaines attaques ont été revendiquées par le Djihad islamique et le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Cette année encore, des groupes armés palestiniens ont procédé, depuis la bande de Gaza, à des tirs de mortier visant des localités israéliennes voisines ainsi que des colonies israéliennes situées dans la bande de Gaza ; ces tirs ont fait cinq morts israéliens. Le conflit a fait des centaines de blessés parmi les Israéliens et des milliers chez les Palestiniens.
Les barrages routiers et les restrictions qu’imposait l’armée israélienne à la liberté de mouvement des Palestiniens des territoires occupés par Israël limitaient, voire interdisaient l’accès aux soins médicaux, aux terres et aux lieux de travail ou d’étude. Les soldats israéliens ont en outre mené de nombreux raids contre des villes et villages palestiniens. La construction du mur/barrière de séparation, qui devait s’étendre sur 600 kilomètres à l’intérieur de la Cisjordanie, isolait les villes et les villages les uns des autres. Le taux de chômage restait très élevé et l’extrême pauvreté était fréquente : environ deux tiers des Palestiniens dépendaient de l’aide internationale.
Le président Arafat a été empêché de quitter son quartier général à Ramallah jusqu’à son départ pour la France afin d’y recevoir des soins médicaux ; il est décédé le 11 novembre. Le président du Conseil législatif palestinien, Rawhi Fattouh, a été nommé président par intérim pour une durée de soixante jours. L’élection présidentielle devait avoir lieu en janvier 2005.

Aggravation du chaos
Les institutions chargées de la sécurité et de la justice, dont les infrastructures avaient été régulièrement prises pour cible et en grande partie détruites par l’armée israélienne au cours des années précédentes, n’étaient plus en état de fonctionner et subissaient le contrecoup de conflits entre factions. La capacité opérationnelle des forces de sécurité palestiniennes était très limitée, l’armée israélienne les empêchant de porter les armes et d’intervenir dans la plus grande partie de la Cisjordanie. L’autorité et le contrôle exercés par l’Autorité palestinienne se sont affaiblis ; les dissensions, les rivalités et les luttes intestines entre factions politiques, services de sécurité et groupes armés ont entraîné une augmentation des affrontements. Ceux-ci ont pris la forme de manifestations, de protestations armées, d’enlèvements et d’attaques visant des membres des forces de sécurité, des responsables de l’Autorité palestinienne et des étrangers. Différentes factions des Brigades des martyrs d’Al Aqsa, qui agissaient de plus en plus souvent de manière indépendante ou s’opposaient les unes aux autres, se sont régulièrement affrontées.
Au moins 13 personnes, parmi lesquelles figuraient des employés d’organisations internationales humanitaires et des responsables des services de sécurité de l’Autorité palestinienne, ont été enlevées par des Palestiniens armés, pour la plupart dans la bande de Gaza. Elles ont toutes été relâchées saines et sauves quelques heures plus tard. Selon les informations reçues, les auteurs des enlèvements protestaient contre la corruption généralisée, réclamaient une réforme de l’Autorité palestinienne ou exigeaient le versement de leur salaire. Des journalistes et des employés des médias ont été menacés, battus ou enlevés par des hommes armés qui voulaient, semble-t-il, empêcher la diffusion d’informations critiques et indépendantes, notamment à propos de la situation politique interne et des allégations de corruption de l’Autorité palestinienne. La plupart de ces attaques n’ont pas été revendiquées, mais on les attribuait aux Brigades des martyrs d’Al Aqsa.
Le 8 janvier Saifeddin Shahin, le correspondant à Gaza de la chaîne de télévision Al Arabiya, a été agressé et battu à Gaza par cinq hommes armés qui lui auraient enjoint de ne pas critiquer le Fatah dans ses reportages. L’un des agresseurs présumés a été arrêté par la police palestinienne, mais il a été remis en liberté sans inculpation.
En février, des hommes armés ont pénétré dans les bureaux de Ghazi al Jabali, le chef de la police de Gaza, et ont ouvert le feu, tuant un policier et blessant 11 de ses collègues, dont l’un n’a pas survécu.
Le 20 juillet, à Ramallah, des hommes armés ont tiré sur Nabil Amr, membre du Conseil législatif palestinien et ancien ministre de l’Information, le blessant à la jambe ; il a été amputé de la jambe droite. Cet homme avait dénoncé la corruption, l’anarchie et le fait que l’Autorité palestinienne n’ait pas à rendre compte de ses actes. Aucune enquête ne semblait avoir été ordonnée et aucune arrestation n’avait eu lieu à la fin de l’année.

Homicides illégaux imputables à des Palestiniens
De très nombreux Palestiniens ont trouvé la mort à la suite de règlements de comptes et de luttes politiques entre factions. Au moins 18 autres, soupçonnés de « collaborer » avec les services de sécurité israéliens, ont été tués par des personnes agissant à titre individuel ou par des membres de groupes armés. Au moins cinq Palestiniens ont été abattus pendant qu’ils étaient détenus par l’Autorité palestinienne. La plupart des homicides ont été attribués aux Brigades des martyrs d’Al Aqsa. L’Autorité palestinienne n’a ordonné aucune enquête sur ces homicides, et aucun responsable n’a été traduit en justice.
Shafi Ali Ahmad a été enlevé le 8 mai par un groupe d’hommes armés devant le magasin dans lequel il travaillait occasionnellement dans le village de Kafr el Dik en Cisjordanie. Son corps a été retrouvé le lendemain à la sortie du village. Selon un communiqué des Brigades des martyrs d’Al Aqsa, ce jeune homme de dix-neuf ans a été tué en raison de sa « collaboration » avec les services de sécurité israéliens. Le groupe a toutefois présenté des excuses par la suite et annoncé publiquement que Shafi Ali Ahmad n’était pas un « collaborateur » et que son homicide était injustifié.
Le 2 juillet, Muhammad Rafiq Daraghmeh a été tué à Qabatiya, en Cisjordanie, par des membres des Brigades des martyrs d’Al Aqsa qui l’accusaient de « collaborer » avec les services de sécurité israéliens et d’avoir abusé sexuellement de ses propres filles. Cet homme a été tué en place publique en présence d’une foule nombreuse qui s’était rassemblée après que des hommes armés eurent annoncé son exécution par des haut-parleurs.

Utilisation d’enfants par des groupes armés
Plusieurs mineurs ont participé à des attaques visant des Israéliens. Deux d’entre eux ont perpétré un attentat-suicide en Israël, d’autres ont été arrêtés par l’armée israélienne qui les soupçonnait d’avoir participé à des attaques similaires. Les groupes armés palestiniens n’ont pas pour politique déclarée de recruter des enfants et ils affirment être opposés à leur utilisation. Certains ont imputé ces agissements à une initiative de cellules locales ou à des « collaborateurs » qui voulaient discréditer les groupes armés.
En mars, Hussam Abdu, un adolescent de seize ans atteint d’un handicap mental, a été arrêté au poste de contrôle de Huwa, non loin de Naplouse, alors qu’il portait une ceinture d’explosifs. L’armée israélienne, informée à l’avance, avait fermé le poste de contrôle. Hussam Abdu était maintenu en détention en Israël à la fin de l’année en attendant d’être jugé.

Emprisonnement, torture et mauvais traitements
Quelque 750 Palestiniens étaient détenus dans des prisons et centres de détention de l’Autorité palestinienne. La plupart de ces prisonniers étaient incarcérés sans jugement, vraisemblablement pour des infractions de droit commun, et 115 environ étaient accusés de « collaboration » avec les services de renseignements israéliens. La plupart avaient été arrêtés les années précédentes. Des informations ont fait état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés aux détenus par les membres des différentes forces de sécurité palestiniennes, essentiellement le service des enquêtes criminelles de la police et les services de sécurité préventive.

Peine de mort
Aucune exécution n’a été signalée, mais au moins huit personnes ont été condamnées à mort. Trois d’entre elles ont été reconnues coupables de « collaboration » avec les services de sécurité israéliens et les autres d’infractions de droit commun. Au moins 21 Palestiniens restaient sous le coup d’une condamnation à la peine capitale.
Le 13 avril, Ihab Abu al Umrein, Rami Juha et Abd el Fatah Samur ont été condamnés à mort par un tribunal de Gaza pour le viol suivi du meurtre de Mayada Khalil Abu Lamadi, une collégienne de seize ans, perpétré en 2003. Un quatrième accusé a été condamné à la réclusion à perpétuité.

Violences contre les femmes
La rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes s’est rendue en juin dans les territoires occupés par Israël pour recueillir des informations sur les répercussions de l’occupation et du conflit. Elle a conclu que les Palestiniennes des territoires occupés étaient affectées de manière disproportionnée, dans le domaine public comme dans la sphère privée. Si certaines de ces femmes ont été tuées ou blessées par les forces israéliennes, d’autres ont vu leur maison détruite et subi des restrictions à la liberté de mouvement qui les ont privées d’éducation et de soins médicaux. Elles ont également souffert de l’augmentation brutale de la pauvreté. L’occupation et le conflit ont entraîné une aggravation des violences domestiques et sociales, dans un contexte où les femmes étaient de plus en plus sollicitées pour s’occuper de la famille et subvenir à ses besoins.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus dans les territoires relevant de l’Autorité palestinienne en mai et en septembre-octobre.

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