AFRIQUE DU SUD

République sud-africaine
CAPITALE : Pretoria
SUPERFICIE : 1 219 090 km²
POPULATION : 47,4 millions
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Thabo Mbeki
PEINE DE MORT : abolie
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

La police a parfois fait usage d’une force excessive contre des manifestants et maltraité des suspects interpellés. Dans certaines affaires concernant des personnes ayant participé à des mouvements de protestation, l’attitude des présidents de tribunal et des enquêteurs de la police a porté atteinte au droit à un procès équitable. Le ministère de l’Intérieur a refusé à la majorité des demandeurs d’asile l’accès aux procédures de détermination du statut de réfugié. Les conditions carcérales ne répondaient pas aux normes internationales, essentiellement en raison d’une grave surpopulation. Un plus grand nombre de personnes porteuses du VIH ou atteintes du sida recevaient des traitements antirétroviraux, mais la majorité ne bénéficiaient toujours pas de soins médicaux dans les établissements publics. Les cas de viol signalés étaient plus nombreux et l’on s’inquiétait du retard pris dans les réformes juridiques permettant aux victimes de saisir la justice.

Contexte

En juin, le vice-président Jacob Zuma a démissionné à la suite de pressions et de la condamnation pour corruption de Schabir Shaik, son conseiller financier. En novembre, Jacob Zuma a été inculpé pour corruption. Ces événements ont fait éclater au grand jour les divergences existant au sein de l’African National Congress (ANC, Congrès national africain), le parti au pouvoir, ainsi qu’entre l’ANC et ses partenaires de la « triple alliance ». À l’approche des élections locales, les conseils municipaux majoritairement dirigés par l’ANC étaient de plus en plus souvent la cible de manifestations publiques dénonçant des actes de corruption et leur incapacité à améliorer les conditions de vie. Il était à craindre que les autorités municipales n’abusent de leurs pouvoirs, aux termes de la Loi de 1993 relative aux rassemblements, en cherchant à réprimer les manifestations organisées par les groupes critiquant le bilan de leur action.

Violations des droits humains commises par la police

Dans la plupart des cas, la police a réagi à la vague de manifestations sans recourir à une force excessive. Toutefois, à certains moments lors de manifestations organisées au Cap, à Durban, à Delmas, à Queenstown et à Johannesburg, les policiers ont utilisé de manière abusive des balles en caoutchouc - à n’employer qu’en « dernier recours » en vertu de la réglementation de la police sud-africaine. La police a également fait un usage abusif des aérosols de gaz poivre, en particulier la police municipale du Cap qui s’en est servie contre des suspects de droit commun en détention, ou pour tenter de disperser des manifestants qui protestaient pacifiquement contre les autorités locales.
Le 12 juillet, des membres non armés de la Treatment Action Campaign (TAC, Campagne d’action en vue du traitement du sida), qui participaient à une manifestation dénonçant les lenteurs de la mise à disposition des médicaments antirétroviraux, ont été chargés à coups de matraque par la police, qui a également utilisé du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc. La manifestation réunissait en majorité des femmes séropositives au VIH. La police n’a fait aucune sommation avant de les disperser de force du Frontier Hospital à Queenstown (province du Cap-Est). Cinquante-quatre personnes ont été grièvement blessées. Le directeur national de la police a ordonné l’ouverture d’une enquête départementale et a demandé que l’unité de police concernée reçoive une nouvelle formation. La TAC a déposé une plainte auprès de la Direction indépendante des plaintes, l’organe de surveillance de la police, qui enquêtait toujours sur cette affaire à la fin de l’année.
À la suite de la mort de Teboho Mkhonza, dix-sept ans, tué par balle le 30 août 2004, et des blessures infligées le même jour à de très nombreux autres manifestants, trois policiers de la province de l’État libre ont été accusés de meurtre et de 16 faits de violences et coups et blessures avec intention d’entraîner de graves lésions corporelles, le 26 mai 2005, devant le tribunal régional de Harrismith.

Procès iniques

Cinquante et un sympathisants du Landless People’s Movement (LPM, Mouvement des sans-terre) se trouvaient toujours en instance de jugement devant le tribunal de première instance de Lenasia pour avoir violé la Loi électorale en participant à une manifestation organisée un jour d’élection en avril 2004. La juge d’instruction chargée de l’affaire ayant déclaré, lors d’une audience publique, devoir rendre compte au ministre de la Justice au sujet du procès, la défense avait demandé qu’elle soit dessaisie de l’affaire pour cause de partialité, requête que la juge a rejetée en juin. Les représentants d’Amnesty International qui ont assisté aux audiences en août ont constaté que la magistrate avait un comportement hostile vis-à-vis des personnes mises en cause. Le 29 novembre, elle a rejeté la demande de non-lieu de la défense sans motiver sa décision. Le procès a été reporté à mars 2006.
En novembre, le président du tribunal de première instance de Protea a rejeté les accusations pesant sur un policier dans une affaire de torture dont auraient été victimes deux militants du LPM en avril 2004. En acquittant l’accusé, le juge aurait qualifié l’organisation des plaignants d’« irrespectueuse » envers le gouvernement et d’« insubordonnée » à l’égard des autorités nationales ; il a aussi accusé les plaignants de vouloir « porter atteinte à l’autorité de l’État ».
Au mois de février, 13 responsables et sympathisants d’une association d’habitants de l’agglomération de Harrismith résidant à Intabazwe ont été inculpés de violences publiques et de sédition en lien avec une manifestation organisée en août 2004. Cinq d’entre eux ont été libérés sous caution, ce qui restreignait leurs activités politiques publiques. Le 10 février, des agents de police auraient agressé Malefu Molaba, une résidente locale, la plaçant en état d’arrestation alors qu’ils l’interrogeaient sur le lieu où se trouvait l’un des inculpés, Neo Motaung. Malefu Molaba a porté plainte au poste de police de Harrismith. En juin, un autre inculpé, Sam Radebe, a semble-t-il été victime de violences et de menaces imputables au policier chargé de l’enquête. Il a déposé une plainte contre l’agent, également auprès du poste de police de Harrismith. En août, l’État a abandonné le chef de sédition et le tribunal a reporté le procès au mois de janvier 2006 pour le chef d’inculpation restant.

Droits des prisonniers

Le 15 décembre, la Commission Jali a remis son rapport au président après quatre années d’investigation sur la corruption et la violence dans les prisons ; le document n’avait pas été rendu public fin 2005.
Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire s’est rendu en Afrique du Sud au mois de septembre et s’est déclaré profondément préoccupé par le taux de surpopulation dans les centres de détention. En raison de cette surpopulation (dans certains établissements, les capacités d’accueil sont dépassées de plus de 300 p. cent) et des conditions carcérales déplorables en résultant, l’Inspection judiciaire des prisons a recommandé que la loi sur la peine minimale soit rendue caduque. En ce qui concerne les prisonniers attendant leur procès ou le prononcé de leur peine, les délégués des Nations unies ont constaté un manque très accentué de structures adaptées, à tel point que les garanties internationales n’étaient pas respectées. En novembre, la Civil Society Prison Reform Initiative (CSPRI, Initiative de la société civile pour la réforme des prisons) a exhorté le Parlement à promouvoir la mise en place de programmes de réinsertion et le remplacement de l’incarcération par des mesures non privatives de liberté.
Également en novembre, l’AIDS Law Project, une organisation non gouvernementale étudiant les aspects légaux du VIH et du sida, a entamé des poursuites judiciaires contre le directeur du centre correctionnel de Westville, à Durban, au nom de 20 prisonniers qui ne recevaient pas les médicaments antirétroviraux dont ils avaient un besoin urgent car le ministère de la Santé ne fournissait pas, semble-t-il, ces traitements aux hôpitaux des prisons. Le problème n’avait pas été résolu fin 2005.
Le 25 mai, la Cour constitutionnelle a confirmé la validité des dispositions de la Loi de 1997 portant modification du Code pénal, lesquelles autorisaient la commutation de toutes les peines capitales prononcées. En octobre, alors que la Cour constitutionnelle se réunissait une nouvelle fois, 40 des 465 prisonniers qui se trouvaient sous le coup d’une condamnation à mort lorsque la sentence capitale a été abolie, en 1995, attendaient toujours que soit prononcée leur peine de remplacement.

Violations des droits des réfugiés

Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), les tribunaux, la Commission sud-africaine des droits humains et des organisations non gouvernementales ont reproché au ministère de l’Intérieur de ne pas avoir résolu les problèmes structurels et les pratiques arbitraires qui empêchaient la majorité des demandeurs d’asile d’avoir accès à la procédure de détermination du statut de réfugié et de se voir délivrer des documents dans les délais impartis. En avril, la fermeture du Bureau d’accueil des réfugiés de la région de Johannesburg a aggravé la situation. L’impossibilité, dans les faits, de disposer de documents propres exposait les demandeurs d’asile au risque d’arrestation arbitraire, de placement en garde à vue dans les postes de police, d’incarcération au centre de rétention de Lindela et d’expulsion. De ce fait, les demandeurs d’asile se voyaient également refuser le droit de travailler légalement, de bénéficier des prestations de santé ou d’avoir accès à l’enseignement. En août, le ministère de l’Intérieur a confirmé la volonté du gouvernement de tenter de venir à bout de ces problèmes.
En octobre, le rapport de la commission ministérielle chargée d’enquêter sur les morts survenues au centre de rétention de Lindela a recommandé l’adoption de toute urgence de mesures afin de lutter contre les failles du système de soins médicaux du centre et sa surpopulation. En attendant leur renvoi, plus de 4 000 personnes passent tous les mois par le centre de Lindela, qui est géré par une compagnie privée pour le compte du ministère de l’Intérieur. Il s’avérait que le dispensaire de ce centre ne disposait pas de suffisamment de personnel qualifié ni de médicaments et ne pouvait pas assurer les soins d’urgence. Le 28 octobre, le ministre de l’Intérieur a annoncé la création d’un nouveau centre de soins.
Le 1er mars, irritées de devoir sans cesse faire la queue devant le Bureau d’accueil des réfugiés du Cap, des personnes en quête d’asile se sont introduites de force dans les locaux et ont refusé de les quitter. D’après des témoins et les déclarations des demandeurs d’asile, des responsables ont frappé ces derniers à coups de pied et de matraque. S’appuyant sur une enquête ouverte sur les faits, le ministre de l’Intérieur a conclu qu’il n’y avait pas eu recours à une force excessive et qu’un demandeur d’asile avait menacé l’un des responsables avec un couteau. Le ministre a toutefois donné des instructions pour que des modifications soient apportées au système de traitement des demandes d’asile.
Le 10 mai, la chambre de la Cour Suprême à Johannesburg a ordonné au ministère de l’Intérieur qu’il facilite l’accès aux procédures d’asile pour 14 Éthiopiens arrêtés à tort et retenus à Lindela. En octobre, des avocats ont obtenu qu’une personne devant être expulsée au Rwanda mais dont le statut de réfugié avait été reconnu soit libérée de Lindela.
Le 11 novembre, dans le cadre d’une affaire soumise par le Somali Refugee Forum (Forum des réfugiés somaliens), la chambre de la Cour Suprême à Pretoria a ordonné au ministère et au ministre de l’Intérieur l’adoption de toute urgence de mesures spécifiques, notamment la réouverture du Bureau d’accueil des réfugiés de Johannesburg, afin que les étrangers aient accès sans délai aux procédures de demande d’asile. Elle a demandé au gouvernement de soumettre avant le 28 février 2006 un rapport faisant état de la mise en œuvre de la décision de
justice.

Traitement des personnes séropositives ou atteintes du sida

Au mois de juillet, l’étude menée par le ministère de la Santé sur la séroprévalence prénatale du VIH et de la syphilis indiquait que 5,7 à 6,2 millions de Sud-Africains avaient été contaminés par le virus du sida en 2004. L’enquête constatait une augmentation de la séropositivité chez les femmes suivies dans les services de consultation prénatale, le taux le plus élevé, de 38,5 p. cent, étant celui de la tranche d’âge de vingt-cinq à vingt-neuf ans. En novembre, à la suite d’une étude menée auprès des ménages, un rapport du Conseil sud-africain pour la recherche en sciences humaines a conclu qu’un nombre disproportionné de femmes était contaminées et en particulier celles âgées de quinze à vingt-quatre ans, qui présentaient un taux d’infection par le VIH huit fois supérieur à celui des hommes du même âge.
À la fin de l’année, on dénombrait 229 centres de soins agréés par les pouvoirs publics. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est toutefois déclarée préoccupée par la lenteur de la mise en place du programme d’accès aux médicaments antirétroviraux, ainsi que par les déclarations officielles selon lesquelles d’autres formes de thérapie pouvaient à elles seules accroître l’espérance de vie des personnes atteintes du sida ou séropositives. En septembre, le ministère de la Santé a précisé que 86 000 personnes avaient accès au traitement antirétroviral dans les structures publiques, ce qui demeurait néanmoins inférieur à 20 p. cent (estimation) des patients. Environ 10 p. cent des enfants bénéficiaient du traitement qui leur était nécessaire. La grave pénurie de personnel médical qualifié était l’un des obstacles à l’accès au traitement. En novembre, le Joint Civil Society Monitoring Forum (Forum commun d’observation de la société civile) soulignait l’existence d’autres difficultés : la sous-utilisation des budgets théoriquement consacrés au traitement du sida et du VIH par les départements de santé à l’échelle provinciale, la pénurie de médicaments adaptés et le manque de programmes de traitement pour les enfants séropositifs, ainsi que l’absence d’initiative politique nationale.

Violences contre les femmes

Selon les statistiques de la police pour la période s’étendant d’avril 2004 à mars 2005, il y avait eu 55 114 dénonciations de viols, soit une augmentation de 4,5 p. cent par rapport à la même période de l’année précédente. Sur l’ensemble du pays, les victimes étaient mineures dans 40,8 p. cent des cas.
Au cours de la période 2004-2005, l’Autorité nationale chargée des poursuites a continué la mise en place des tribunaux spécialisés dans les crimes sexuels. Dans les affaires jugées devant ces instances, le taux de condamnation était d’au moins 62 p. cent, soit environ 20 p. cent de plus que dans les tribunaux ordinaires, qui traitaient la grande majorité de ces affaires.
Les organisations venant en aide aux victimes de violences sexuelles se sont inquiétées du retard persistant pris dans la finalisation du projet de loi sur les crimes sexuels, présenté devant le Parlement en 2003 mais renvoyé devant le ministère de la Justice au début de l’année 2004.
Le 6 décembre, le tribunal de première instance de Johannesburg a inculpé l’ancien vice-président Jacob Zuma du viol d’une femme de trente et un ans. Jacob Zuma a été libéré sous caution et son process a été reporté à février 2006.
Le 8 décembre, Ncedile Ntumbukana a été reconnu coupable du viol et du meurtre de Lorna Mlofana, membre du comité exécutif de la TAC de Khayelitsha, au Cap, en décembre 2003. La victime avait été battue à mort lorsqu’elle avait annoncé sa séropositivité à son agresseur.
À la fin de l’année, un policier de l’État libre était toujours en instance de jugement pour avoir violé à plusieurs reprises une femme placée en garde à vue au poste de police de Smithfield ; la femme était de ce fait tombée enceinte. La Cour constitutionnelle a prononcé deux décisions qui amélioraient la protection des droits des femmes.
Le 13 juin, la Cour a jugé qu’une femme, désignée sous les initiales N.K., qui avait été violée par trois policiers en service, pouvait engager une action en réparation contre le ministre de la Sécurité publique. La Cour a considéré qu’en commettant les crimes, non seulement les agents de police n’avaient pas protégé la requérante, mais ils avaient aussi bafoué ses droits à la dignité et à la sécurité. L’obligation d’empêcher ces crimes - qui était la leur ainsi que celle de leur employeur, le Ministre - n’avait pas non plus été respectée.
Le 7 novembre, la Cour a confirmé la constitutionnalité de l’article 8 de la Loi relative à la violence domestique. Cet article autorise un tribunal prenant une mesure de sûreté à délivrer un mandat d’arrêt en l’absence et à l’insu du défendeur.

Impunité

En septembre, la Cour constitutionnelle a confirmé que l’État avait le droit d’inculper de nouveau Wouter Basson, responsable dans les années 1980 du programme militaire secret de guerre chimique et biologique. Les chefs d’inculpation avaient trait à des complots avec intention de donner la mort, en dehors des frontières du pays, aux « ennemis » du gouvernement de l’époque. Les charges avaient été annulées en 1999 par le juge de première instance.
En novembre, à Butterworth, deux anciens agents de police, Pumelele Gumengu et Aron Tyani, ont été condamnés à vingt ans de réclusion chacun pour le meurtre d’un sympathisant de l’ANC, Sthembele Zokwe, commis en janvier 1988. Les deux hommes ont également été reconnus coupables de tentative de meurtre sur la personne de Sthembele Zokwe en 1987. Le 27 mars 2000, la Commission d’amnistie de la Commission vérité et réconciliation avait rejeté leurs recours en grâce au motif qu’ils n’avaient pas communiqué toutes les informations, comme l’exige la loi, en lien avec les deux événements.

Discrimination et identité sexuelle

Le 1er décembre, la Cour constitutionnelle a conclu que la définition du mariage en vertu de la common law n’était pas conforme à la Constitution et était non valide, dans la mesure où elle ne permettait pas aux couples homosexuels de jouir des mêmes droits que ceux accordés aux couples hétérosexuels. L’article 30-1 de la Loi de 1961 sur le mariage s’avérait également non valable car il omettait l’expression neutre « ou conjoint ». L’exécution de la décision a été suspendue pendant douze mois afin de permettre au Parlement de corriger ces irrégularités.

Visites d’Amnesty International
Des représentants d’Amnesty International se sont rendus en Afrique du Sud au cours des mois d’avril, de juillet et d’août.

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