KENYA

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République du Kenya
CAPITALE : Nairobi
SUPERFICIE : 582 646 km²
POPULATION : 34,3 millions
CHEF DE L’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : Mwai Kibaki
PEINE DE MORT : abolie en pratique
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : non signé

Les autorités ont intensifié leur action d’intimidation et de harcèlement envers les médias et les journalistes. Les violences contre les femmes, notamment les viols et la violence au sein du foyer, constituaient cette année encore un motif de préoccupation majeur. Les défenseurs des droits humains ont vu leur action entravée.

Contexte

Le long processus d’élaboration d’une nouvelle Loi fondamentale s’est achevé le 21 novembre par un référendum rejetant le projet de constitution par 57 p. cent des votes. La campagne a été marquée par des actes de violence qui ont entraîné la mort d’au moins huit personnes, à Kisumu et à Mombasa. À la suite du référendum, le président Kibaki a révoqué l’ensemble du gouvernement et a annoncé, le 7 décembre, la formation d’un nouvel exécutif.
La prolifération d’armes illégales demeurait un grave sujet de préoccupation. Au mois de juillet, les autorités ont brûlé 3 786 armes légères saisies par la police. D’après les estimations de celle-ci, plus de 20 000 infractions sont commises chaque année au Kenya à l’aide d’armes de petit calibre.
Début juin, quatre hommes inculpés de meurtre à la suite de l’attentat à l’explosif perpétré en novembre 2002 dans un hôtel de Kikambala, près de Mombasa, ont été acquittés ; le juge a conclu qu’aucun élément de preuve ne permettait de faire le lien entre les accusés et les homicides. L’un d’eux a de nouveau été arrêté et inculpé de détention d’armes illégales. Sa demande de mise en liberté sous caution a été rejetée. Le 27 juin, le premier président du tribunal de Nairobi a acquitté trois autres hommes de l’accusation de complot avec intention de donner la mort qui pesait sur eux dans le cadre de l’attentat de novembre 2002, arguant que le ministère public n’avait pas réussi à établir la validité de sa thèse.
Plus de 300 000 personnes restaient déplacées à l’intérieur du pays. Ces déplacements internes s’expliquaient principalement par les conflits sévissant dans les zones frontalières, les tensions relatives à l’accès aux ressources rares, comme l’eau ou les pâturages, ou encore par des hostilités intercommunautaires exacerbées par des rivalités politiques.
En mars, le Kenya a ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). Il n’a pas signé la dérogation prévue à l’article 98, qui aurait permis aux ressortissants des États-Unis présents sur le territoire kenyan de ne pas être poursuivis par la CPI.
Également en mars, le Kenya a présenté, avec dix-huit ans de retard, son second rapport périodique au Comité des droits de l’homme [ONU].

Atteintes à la liberté des médias

Les actes d’intimidation et de harcèlement envers les médias et les journalistes se sont accrus, les autorités ayant adopté des mesures draconiennes pour museler ceux qui enquêtaient sur le gouvernement ou qui le critiquaient.
Kamau Ngotho, journaliste d’investigation, a été inculpé de diffamation après la publication, en janvier, d’un article du Standard dénonçant des actes de corruption. Les poursuites ont toutefois été abandonnées à la suite de l’indignation générale provoquée par cette affaire.
En septembre, David Ochami du Kenya Times a été arrêté et inculpé pour avoir publié des « informations alarmantes » ; il avait écrit un article critique vis-à-vis du président. Son procès s’est ouvert au mois de novembre.
Le 2 mai, l’épouse du chef de l’État s’est rendue dans les locaux du groupe de presse Nation Media Group avec des gardes du corps afin, semble-t-il, de se plaindre de critiques formulées à son encontre. Elle aurait agressé un caméraman, Clifford Derrick Otieno, qui filmait la scène. Ce dernier a déposé auprès de la police une plainte qui n’a pas été suivie d’aucun effet ; le procureur général a clos la procédure de citation directe qu’il avait entamée.

Violences contre les femmes

Les femmes, les jeunes filles et les fillettes continuaient de subir couramment des violences et des discriminations. Les données statistiques sur ces actes, notamment les violences domestiques et le viol, étaient toutefois incomplètes. D’après des chiffres cités devant le Parlement, la police avait enregistré 2 300 affaires de viol en 2004. Les statistiques fournies par les établissements de santé et les organisations non gouvernementales laissaient néanmoins penser que le nombre de viols non signalés pouvait s’élever à 16 000 par an.
Au mois d’avril, le Parlement a convenu d’examiner un projet de loi sur les crimes sexuels.

Manifestants et défenseurs des droits humains

L’action des défenseurs des droits humains a été entravée. Ils ont été victimes de harcèlement et de mauvais traitements. Des militants et leurs dirigeants ont été arrêtés au cours de manifestations et d’actions de protestation, puis inculpés.
De nombreux militants altermondialistes ont été interpellés début mars à Mombasa. Ils dénonçaient l’injustice des pratiques commerciales, pendant que les représentants de 33 pays se réunissaient pour négocier sur diverses questions avant le sommet de l’Organisation mondiale du commerce, prévu en décembre à Hong Kong. Ces militants ont été inculpés de « conduite d’un défilé illégal ».
Avant l’ouverture du Parlement en mars, la police de Nairobi a utilisé du gaz lacrymogène et des canons à eau pour disperser quelque 200 manifestants qui réclamaient de manière pacifique la tenue d’un referendum sur le projet de constitution. Sept personnes ont été arrêtées et incarcérées. Deux d’entre elles, blessées au moment de leur interpellation, n’auraient pas été autorisées à recevoir des soins médicaux.
Au moins une personne a été tuée par la police au cours d’autres manifestations organisées au mois de juillet au sujet du projet de constitution. Une vingtaine de personnes ont été placées en détention et inculpées d’« atteinte à la tranquillité publique et de dégradations volontaires ».
Le 10 août, 22 militants qui manifestaient contre l’attribution irrégulière de terres publiques à des investisseurs privés à Kitale ont été interpellés et incarcérés. Le 12 août, le père Gabriel Dolan, un éminent défenseur des droits humains qui avait participé à la manifestation, a été arrêté alors qu’il rendait visite à ceux qui se trouvaient en détention provisoire. Le père Dolan a été inculpé d’« incitation à la violence », de « dégradation volontaire de biens appartenant à autrui par un groupe d’émeutiers » et de « participation à une réunion illicite ».

Torture et exécutions illégales

Cette année encore, les informations recueillies faisaient état d’actes de torture et d’exécutions illégales imputables à des représentants de l’État.
Selon une étude commanditée par la Commission kenyane des droits humains pour évaluer le degré de sensibilisation de l’opinion aux droits humains, il existait une certaine réticence à signaler les cas de torture.
Au mois de mars, des groupes de défense des droits humains ont condamné une déclaration du ministre de la Sécurité nationale, qui avait demandé que la police abatte toute personne surprise en possession d’armes à feu illégales. Les défenseurs des droits humains ont déclaré que, s’ils déploraient le niveau d’insécurité régnant dans le pays, ouvrir le feu dans de telles circonstances reviendrait à commettre un homicide illégal.
Plusieurs cas d’exécutions illégales commises par des agents de la force publique ont été signalés. Ces affaires faisaient rarement l’objet d’une enquête ou de poursuites, ce qui encourageait l’impunité pour les actes de ce type. On ne disposait d’aucune statistique sur le nombre de personnes tuées par la police.

Protection des réfugiés et des demandeurs d’asile

Environ 240 000 réfugiés et demandeurs d’asile se trouvaient au Kenya. Les réfugiés vivaient dans des camps qui leur étaient affectés - Dadaab abritait environ 138 000 personnes, essentiellement originaires de Somalie, et Kakuma en recensait environ 87 100, des Soudanais pour la plupart. Le pays accueillait également un nombre important d’Éthiopiens, d’Érythréens et de ressortissants des États voisins de la région des Grands Lacs. Selon les estimations, entre 15 000 et 60 000 réfugiés vivaient dans la clandestinité à Nairobi et dans d’autres villes du Kenya.
En avril, la ministre de l’Immigration a déclaré que les étrangers qui n’étaient pas enregistrés seraient renvoyés vers leur pays d’origine. La date limite d’enregistrement avait été initialement fixée au 30 juin, mais a ensuite été repoussée au 15 août 2005. Un grand nombre d’étrangers se sont présentés, en juin, au bureau du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) de Nairobi afin de déposer une demande d’asile. Une partie importante d’entre eux, s’ils étaient arrêtés et renvoyés dans leur pays d’origine, risquaient d’y subir de graves atteintes aux droits humains. La procédure de détermination du statut de réfugié était toujours en cours à la fin de l’année.
Au mois de mars, les autorités ont remis en liberté Adel Mohammed Al Dahas, ancien pilote de l’armée irakienne, qui avait passé quatre années dans une cellule de police à Nairobi, alors qu’il bénéficiait du statut de réfugié depuis 2001. À la fin de l’année 2005, sa demande de réinstallation dans un pays tiers n’avait pas encore été satisfaite.

Peine de mort

En mars, le ministre de la Justice et des Affaires constitutionnelles a déclaré à la Commission des droits de l’homme [ONU] que son gouvernement s’était engagé à abolir la peine de mort et que, d’ici là, toutes les sentences capitales seraient commuées en peines de réclusion à perpétuité. Fin 2005, toutefois, ce processus n’était pas encore achevé.
Quatre Ougandais condamnés à mort en 1995 ont obtenu gain de cause en appel et ont été remis en liberté par la haute cour de Kakamega. Ils appartenaient au February Eighteen Movement (FEM, Mouvement du 18 février), organisation qui aurait cherché à renverser l’ancien gouvernement kenyan.

Conséquences des opérations de lutte contre le terrorisme sur les droits humains
Des violations des droits humains ont été commises lors d’opérations de lutte contre le terrorisme lancées après l’attentat à l’explosif contre un hôtel proche de Mombasa qui, en 2002, avait fait 15 victimes. Ces violations comprenaient notamment le recours à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements (en particulier des violences physiques) lors de la détention, la détention de suspects dans des lieux secrets sans inculpation et sans possibilité de consulter un avocat ni de recevoir la visite de proches, la détention de suspects dans des conditions dégradantes et insalubres sans soins médicaux, le harcèlement et l’arrestation arbitraire de proches de suspects afin de contraindre ceux-ci à se rendre, ainsi que la non-présentation par la police de mandates au moment des interpellations ou des perquisitions au domicile.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Kenya en mars afin de rencontrer des représentants de l’État et de rendre public le rapport intitulé Kenya : The impact of “anti-terrorism” operations on human rights.

Autres documents d’Amnesty International

 Kenya : The impact of “anti-terrorism” operations on human rights (AFR 32/002/2005).

 Kenya. L’abolition de la peine de mort est une disposition essentielle de toute Constitution conforme aux droits humains (AFR 32/005/2005).

 Kenya. Le gouvernement doit respecter le droit des réfugiés dans le cadre du droit international (AFR 32/007/2005).

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