MAURITANIE

République islamique de Mauritanie
CAPITALE : Nouakchott
SUPERFICIE : 1 030 700 km²
POPULATION : 3,1 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya, destitué et remplacé par Ely Ould Mohamed Vall le 3 août
CHEF DU GOUVERNEMENT : Sghaïr Ould M’Bareck, remplacé provisoirement par Sidi Mohamed Ould Boubacar le 9 août
PEINE DE MORT : abolie en pratique
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : non signé

Au cours de l’année, des dizaines de personnes ont été placées en détention, certaines en raison de leurs seules opinions ou convictions. De très nombreuses personnes arrêtées avant 2005 en relation avec des complots présumés contre le gouvernement ont été condamnées à des peines d’emprisonnement au terme de procès inéquitables. Toutes ont été remises en liberté, bénéficiant de l’amnistie générale prononcée en septembre, un mois après le coup d’État qui avait abouti au renversement du président. Des cas de torture ont été signalés, mais aucun ne semble avoir donné lieu à l’ouverture d’une enquête indépendante. Les pratiques esclavagistes n’ont pas disparu.

Contexte

En août, un coup d’État militaire sans effusion de sang mené par le colonel Ely Ould Mohamed Vall a déposé le président Maaouyia Ould Taya, qui se trouvait alors en Arabie saoudite et qui avait pris ses fonctions en 1984. Salué par une majorité de Mauritaniens, le putsch a été condamné par la communauté internationale, notamment par les Nations unies et l’Union africaine. Un Conseil militaire pour la justice et la démocratie dirigé par le nouveau président a rédigé une charte constitutionnelle. Un gouvernement provisoire a été constitué et chargé d’organiser dans les deux ans des élections législatives et présidentielle. En septembre, le président Vall a amnistié tous les prisonniers politiques.

Prisonniers d’opinion

Des dizaines de personnes ont été placées en détention pour des raisons politiques. Des prisonniers d’opinion figuraient parmi les détenus. Certaines de ces personnes sont restées incarcérées plusieurs mois avant d’être libérées à titre provisoire. D’autres étaient maintenues au secret à Nouakchott, dans un lieu non précisé. Plusieurs arrestations s’inscrivaient semble-t-il dans le cadre d’une campagne d’intimidation visant des personnalités religieuses et des membres de l’opposition.
Incarcérés à la prison centrale de Nouakchott, Jemil Ould Mansour et deux autres prisonniers ont été remis en liberté à titre provisoire en février. Ces prisonniers d’opinion étaient détenus uniquement en raison de leurs convictions religieuses ou de leurs activités politiques pacifiques. Arrêtés en novembre 2004, ils avaient été maintenus au secret durant quatorze jours dans un lieu inconnu pour « connivence dans la fabrication et la falsification de documents de nature à provoquer des troubles à l’ordre public et à porter préjudice à la sécurité intérieure et extérieure », avant d’être transférés dans une prison civile de Nouakchott.
Cheikh Mohamed El Hacen Ould Dedew et 20 autres hommes arrêtés entre avril et juillet ont été libérés à titre provisoire en août après qu’un tribunal eut prononcé un non-lieu. Ils avaient été maintenus au secret à Nouakchott, dans un lieu de détention inconnu. La police les accusait d’avoir planifié des actes terroristes et d’être en contact avec un groupe lié à Al Qaïda.
Vingt et un autres prisonniers politiques, parmi lesquels se trouvaient Abdallahi Ould Eminou et deux ressortissants algériens, étaient toujours en détention à la fin de l’année. Le parquet a fait appel d’une décision de justice ordonnant leur libération.

Procès inéquitable

En février, une centaine de civils et d’officiers de l’armée, dont 50 étaient jugés par contumace, ont été déclarés coupables d’atteinte à la sûreté de l’État en relation avec la tentative de putsch de juin 2003 et les complots présumés d’août et septembre 2004. Les peines prononcées contre eux variaient de dix-huit mois d’emprisonnement à la détention à perpétuité. Ces accusés faisaient partie des 195 personnes dont le procès s’était ouvert en novembre 2004 devant la cour criminelle d’Ouad-Naga. Les autres ont été acquittés, y compris l’ancien président Mohamed Khouna Ould Haidalla, chef du Rassemblement des forces démocratiques, et Ahmed Ould Daddah.
Le procès ne s’est pas déroulé conformément aux normes internationales d’équité : les avocats de la défense n’ont pas eu accès au dossier de leurs clients avant les audiences et ont été la cible de manœuvres d’intimidation graves de la part du président de la cour. L’accusation reposait principalement sur des déclarations extorquées sous la torture, que la cour a considérées comme des preuves recevables sans même examiner les allégations de torture.

Tortures et mauvais traitements

Cette année encore, tortures et mauvais traitements ont été couramment, voire systématiquement, pratiqués durant les gardes à vue et au moment des arrestations. D’après certaines informations, des détenus étaient ligotés dans des positions extrêmement douloureuses et soumis à la torture dite du jaguar, qui consiste à suspendre la personne la tête en bas à une barre métallique et à la frapper sur la plante des pieds. Plusieurs prisonniers jugés ensuite à Ouad-Naga (voir ci-dessus) ont déclaré avoir été victimes de cette pratique, entre autres tortures.
Arrêté au mois de mai et placé en détention dans une école de police, Mahfoudh Ould Hamed Ould Idoumou aurait été menotté et entravé vingt-cinq jours durant. D’autres personnes appréhendées entre avril et juin ont été contraintes de rester nues et ont été frappées pendant leur interrogatoire.

Conditions carcérales et santé des détenus

La santé de nombreux prisonniers restait un sujet de préoccupation. Selon des informations recueillies, certains ne bénéficiaient pas de soins médicaux appropriés et voyaient leur état de santé se dégrader en raison de la dureté des conditions carcérales. La nourriture était médiocre et inadaptée aux besoins particuliers des détenus.
Saleh Ould Hannena et Abdehramane Ould Mini ont été placés à l’isolement dans des cellules aveugles. Ils sont restés menottés et entravés plusieurs jours d’affilée. Tous deux ont été remis en liberté après l’amnistie de septembre.

Reconnaissance des organisations de défense des droits humains

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), dont SOS Esclaves et l’Association mauritanienne des droits de l’homme, ont été officiellement reconnues en juin. Pourtant reconnues par les organes internationaux relatifs aux droits humains, notamment par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, ces ONG et plusieurs autres n’avaient pas d’existence légale depuis des années, ce qui rendait leur travail très difficile.

Esclavage

De nouveaux éléments sont venus attester la persistance de cette pratique, abolie officiellement depuis 1981. Ceux qui dénonçaient l’esclavage continuaient de s’exposer à des actes de harcèlement.
En mars, le journaliste indépendant Mohamed Lemine Ould Mahmoudi a été arrêté après avoir enquêté sur une affaire d’esclavage domestique à Mederdra, dans le sud-ouest de la Mauritanie. Il a été interpellé en compagnie de deux autres personnes, dont l’épouse d’un sénateur de l’opposition, alors qu’il transcrivait le récit de Jabhallah Mint Mohamed. Celle-ci venait de s’enfuir de la propriété où elle avait toujours vécu, à Abokak, à 20 kilomètres de Mederdra. Mohamed Lemine Ould Mahmoudi a été accusé d’attenter à la sûreté nationale et aux intérêts économiques et diplomatiques de la Mauritanie en publiant de « fausses informations ». Les trois inculpés ont été libérés à titre provisoire au bout d’un mois.

Autres documents d’Amnesty International

 Mauritanie. Inquiétudes quant à la santé de quatre hommes détenus dans la prison d’Ouad-Naga (AFR 38/004/2005).

 Mauritania : 2005 UN Commission on Human Rights - Recommendations to the government of Mauritania on the occasion of its election on the Bureau of the Commission on Human Rights (AFR 38/005/2005).

 Mauritanie. Craintes de torture ou de mauvais traitements / Détention au secret / Prisonniers d’opinion présumés (AFR 38/006/2005).

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