RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

République démocratique du Congo
CAPITALE : Kinshasa
SUPERFICIE : 2 345 410 km²
POPULATION : 57,5 millions
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Joseph Kabila
PEINE DE MORT : maintenue
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : non signé

De timides progrès ont été accomplis dans l’instauration d’un climat de sécurité, de justice et de respect des droits humains, après quasiment dix ans de guerre. Des dizaines de milliers de personnes sont mortes, victimes de la poursuite des combats, de maladies - pourtant évitables - et de la famine. Des exécutions extrajudiciaires et autres homicides illégaux, des arrestations arbitraires, des détentions illicites, des actes de torture, des mauvais traitements et des conditions de détention dangereuses ont été signalés dans l’ensemble du pays. Les forces de sécurité ont usé sans discernement et de façon excessive de la force pour mettre fin aux protestations politiques. Les tensions ethniques ont été manipulées à des fins politiques dans les zones présentant une importance stratégique sur le plan politique ou militaire, comme par exemple les provinces du Katanga et du Nord-Kivu. L’insécurité a persisté dans l’est du pays, où des crimes de guerre (homicides illégaux, viols, tortures et recrutement d’enfants soldats) ont été commis par des factions armées congolaises et des groupes armés du Rwanda et de l’Ouganda. Le gouvernement et la communauté internationale n’ont pas réussi à répondre aux besoins humanitaires considérables de la population occasionnés par l’insécurité, la fuite vers d’autres régions du pays et le manque d’accès aux soins, notamment médicaux.

Contexte
Le gouvernement de transition de 2003, constitué sur la base d’un partage du pouvoir et réunissant des membres de l’ancien gouvernement et des représentants des principaux groupes armés, des partis politiques d’opposition et de la société civile, a peu progressé vers l’unification et la démocratisation. Le retard considérable pris dans l’adoption des lois électorales et dans l’organisation des élections qui avaient été prévues pour juin 2005 s’est traduit par la prolongation de l’étape de transition jusqu’en juin 2006.
Les querelles intestines et la méfiance au sein du gouvernement ont créé un climat de tension permanente et suscité des conflits armés occasionnels entre les unités militaires censées constituer une armée nationale unifiée. C’est au début de 2005 qu’a commence l’intégration dans la nouvelle armée de plusieurs dizaines de milliers de membres des anciens groupes armés et des anciennes forces militaires, ainsi que le désarmement, la démobilisation et la réinsertion dans la vie civile de dizaines de milliers d’autres combattants. Certains groupes ont montré des réticences à démanteler leurs structures militaires, et le processus s’est, dans plusieurs régions, heurté à des résistances. Au Nord-Kivu, des centaines de soldats ont déserté, avant d’être persuades de réintégrer leurs unités. Les ressources disponibles pour mener à bien l’intégration étaient insuffisantes : les salaires ont été versés partiellement, voire pas du tout, et les réserves de nourriture, d’eau et d’équipement médical sur les sites militaires étaient inférieures aux besoins. Le processus d’intégration des combattants dans la nouvelle armée, dirigé par les militaires, et celui du retour à la vie civile des personnes démobilisées, mené par un organe gouvernemental civil, ont été mal coordonnés. Les projets visant à faciliter la réinsertion dans la vie civile des soldats - dont des milliers d’enfants - n’ont toujours pas été complètement définis ou mis en route. Dans le district de l’Ituri, un programme privé de désarmement et de réinsertion avait permis de désarmer, à la fin de 2005, plus de 12 500 combattants des anciens groupes armés sur un total - contesté - d’environ 15 000. Néanmoins, la plupart des projets conçus par la collectivité pour faciliter la réinsertion des soldats ont pris énormément de retard ou n’ont tout simplement pas été mis en œuvre, d’où l’impossibilité pour des milliers de miliciens démobilisés d’accéder à d’autres formes d’emploi. Des milliers d’autres combattants, opposés à la démobilisation, échappaient toujours à tout programme.
La force de maintien de la paix de la Mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUC), qui ne comptait que quelque 16 000 hommes fin 2005, était toujours en nombre insuffisant. Selon certaines informations, les gouvernements ougandais et rwandais continuaient à apporter leur soutien aux groupes armés - ou à leurs factions - qui s’opposaient au gouvernement de transition.

Exécutions illégales
L’ensemble des forces et des groupes armés ont été impliqués dans des exécutions illégales, dont la fréquence était presque quotidienne.
Les forces de sécurité gouvernementales ont eu recours de façon excessive à la force - parfois meurtrière - pour mettre fin à des manifestations populaires. En janvier, à Kinshasa, un nombre considérable de personnes ont été tuées ou grièvement blessées par l’armée et la police lors de rassemblements de protestation contre le report des élections.
Le 30 juin, date théorique de fin de la période de transition, dix manifestants auraient été abattus par les forces de sécurité dans plusieurs villes du pays.
Nord-Kivu
Les groupes armés qui n’ont pas pris part au processus d’intégration de l’armée ont continué à commettre presque quotidiennement des exécutions et d’autres exactions graves au Nord-Kivu, en particulier dans le territoire de Rutshuru. Selon certaines sources, des centaines de civils auraient été tués, violés ou torturés en décembre 2004 à Nyabiondo, dans le territoire de Masisi, et à Buramba, dans le territoire de Rutshuru, à la suite d’affrontements entre des forces rivales non intégrées dans la nouvelle armée. De nombreuses exactions auraient été motivées par des considérations ethniques.
Sud-Kivu
Des milliers de civils ont été tués, violés et enlevés, et l’on a continué à utiliser des enfants comme soldats, notamment dans les territoires de Walungu et Kabare, où opéraient des insurgés rwandais.
Les 9 et 10 juillet, près de 40 civils - principalement des femmes et des enfants - ont été tués dans la localité de Ntulumamba, vraisemblablement par un groupe armé de combattants rwandais.
Les forces gouvernementales se sont elles aussi livrées à des exécutions, des viols et des pillages au cours d’opérations anti-insurrectionnelles.
Ituri
Malgré une nette amélioration de la sécurité autour de la ville de Bunia, le district de l’Ituri a été encore le théâtre de violences. Le 25 février, neuf soldats de la force de maintien de la paix de l’ONU ont été tués à Kafe, une région considérée comme le bastion de plusieurs milices armées créées sur la base d’une appartenance à un groupe ethnique ou politique. Les meurtres, viols et pillages perpétrés par les milices ont conduit plus de 80 000 civils à se réfugier dans des camps à l’intérieur du pays, et ce malgré la presence de trois brigades de l’armée intégrées lors des opérations de sécurité menées parallèlement ou conjointement avec les forces de la MONUC.
Katanga
La province du Katanga a connu un regain d’instabilité et une forte augmentation du nombre de meurtres, de viols, d’enlèvements et de pillages, commis principalement par des milices maï maï. Au nord, de fréquents affrontements entre ces milices et les forces gouvernementales ont entraîné un déplacement massif de la population. Sur fond de lutte de pouvoir à caractère ethnique et politique, 65 personnes, peut-être plus, ont été arrêtées et placées en détention au secret en avril et mai par des agents des services de renseignement militaires, pour leur implication présumée dans un prétendu complot sécessionniste. Un certain nombre d’entre elles auraient été torturées ou auraient subi de graves sévices. La plupart ont été relâchées sans être inculpées. D’autres se trouvaient toujours en détention à Kinshasa fin 2005.

Violences contre les femmes
Cette année encore, un grand nombre de femmes, de jeunes filles et de fillettes ont été victimes de viols et d’autres formes de violences sexuelles commises par les forces gouvernementales et par des groupes armés. Dans l’est de la RDC, même des fillettes de moins de cinq ans et des femmes de plus de soixante-dix ans n’ont pas été épargnées. Dans certains cas, les viols ont été commis sous les yeux des enfants, des proches ou des membres de l’entourage de la victime ; souvent, ils étaient accompagnés d’autres formes extrêmes de torture. Il est parfois arrivé que la victime soit tuée ou blessée délibérément. Rares sont les femmes violées qui ont eu accès à des soins médicaux appropriés.
Bitombo Nyumba, une veuve âgée de cinquante-six ans et mère de quatre enfants, a été torturée et violée par sept soldats dans le territoire de Fizi, au Sud-Kivu. Faute d’un traitement médical adéquat, elle a succombé à ses blessures en juin 2005.

Agressions contre des défenseurs des droits humains
Dans la plupart des régions, les autorités ont continue à manifester de l’hostilité à l’égard des défenseurs des droits humains. Plusieurs militants de premier plan ont été victimes d’agressions physiques, de détention illégale ou de menaces.
Pascal Kabungulu, secrétaire général des Héritiers de la justice (HJ), une organisation de défense des droits humains, a été abattu le 31 juillet à son domicile à Bukavu, au Sud-Kivu, par trois homes armés. La commission d’enquête officielle n’a pas divulgué ses conclusions, et aucun suspect n’avait été traduit en justice fin 2005.

Torture et mauvais traitements
Des personnes détenues par l’armée, la police et d’autres forces de sécurité ont encore fait l’objet de torture et de mauvais traitements. Cette pratique a souvent été facilitée par le recours à la détention au secret. Plusieurs formes de sévices ont été répertoriées : longues séances de matraquage, souvent à l’aide de bâtons, de morceaux de métal ou de crosses de fusil ; menaces de mort ou simulacres d’exécutions ; suspension prolongée par les bras ou les jambes aux murs ou aux portes ; enfin, exposition forcée du regard à la lumière intense du soleil pendant de longues périodes.
Les conditions carcérales dans un grand nombre de prisons et de centres de détention - qui se caractérisent souvent par la surpopulation, le manque d’hygiène et la violence - s’apparentaient à des traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Nombre de détenus sont morts de malnutrition ou par manque de soins médicaux. Dans certaines prisons, rares étaient les mesures prises pour séparer convenablement les enfants des adultes, ou les hommes des femmes. Dans de nombreux cas, les personnes privées de liberté, notamment celles qui se trouvaient en détention provisoire, n’ont pas été autorisées à contacter un avocat, recevoir la visite de leurs proches ou bénéficier de soins.

Impunité et difficulté d’accès à la justice
Malgré les violations systématiques des droits humains qui ont été commises, presque aucun des auteurs présumés de ces actes n’a été déféré à la justice. Aucune initiative n’a été prise pour exclure de la nouvelle armée les individus soupçonnés d’atteintes graves aux droits fondamentaux, et certaines personnes considérées comme responsables de crimes et d’autres atteintes aux droits humains en vertu du droit international occupaient des postes clés au sein de l’armée et des institutions de transition.
Des failles dans le système judiciaire empêchaient les victimes d’engager des actions en justice contre les auteurs des violences. Dans les cas, fort rares, où des personnes ont eu suffisamment confiance dans le système pour déposer plainte, elles ont dû couvrir les frais engagés pour les assignations et les audiences au tribunal. Les autorités n’ont rien fait pour protéger victimes et témoins contre les manœuvres d’intimidation ou de représailles. Les victimes de viols - qui, souvent, résidaient dans la même localité ou zone que leurs agresseurs - étaient particulièrement affectées par les difficultés d’accès à la justice et vivaient dans la peur d’une nouvelle agression.
Les représentants de l’appareil judiciaire disposaient de ressources limitées, travaillant sans équipement de bureau et parfois sans textes juridiques de base. Le non-versement des salaires dans les institutions policière et judiciaire provoquait mécontentement et corruption. Les personnes placées en détention provisoire croupissaient en prison en attendant que l’on ait les moyens d’organiser leur procès, car on manquait parfois de fonds pour les emmener au tribunal. Juges, procureurs et policiers faisaient l’objet d’actes d’ingérence et de pressions politiques, parfois accompagnés de menaces ou de suspensions de fonctions.
Malgré l’adoption en 2002 d’une version révisée du Code pénal militaire, les différents degrés de juridiction militaire ne respectaient pas toujours les normes internationales d’équité des procès. Lors des procès sommaires qui ont eu lieu devant ces tribunaux, les accusés n’ont pas pu bénéficier d’une assistance juridique complète ou adaptée.
Justice internationale
Deux ans après l’annonce par le procureur de la Cour pénale internationale que cette institution allait enquêter sur les crimes commis en République démocratique du Congo depuis juillet 2002, les enquêtes n’ont toujours pas donné lieu à la diffusion de mandats d’arrêt internationaux. L’éventualité que seule une minorité de suspects soient poursuivis rendait d’autant plus nette la nécessité pour le gouvernement d’engager une action globale afin de réformer l’appareil judiciaire national et de mettre un terme à l’impunité, notamment par la promulgation des lois d’application du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Peine de mort
Des sentences de mort ont été prononcées, principalement par des tribunaux militaires. Des centaines de prisonniers attendaient dans le quartier des condamnés à mort, la quasi-totalité d’entre eux ayant été jugés par des tribunaux militaires lors de procès iniques. Aucune exécution n’a été signalée.
Au mois de mars, le différend concernant l’abolition de la peine de mort a refait surface lors des débats parlementaires sur la nouvelle constitution nationale.
Un premier projet de constitution proposait l’abolition, mais une majorité de sénateurs et de députés à l’Assemblée nationale se sont opposés au changement.

Répression de la liberté d’expression
Avant la tenue des élections nationales, et tandis que l’insatisfaction grandissait à l’égard du gouvernement de transition, des persécutions et des arrestations à caractère politique ont été signalées ; elles visaient à faire taire les détracteurs du régime. Des représentants d’organisations de défense des droits humains, des journalistes et des membres de l’opposition ont été détenus arbitrairement pour avoir dénoncé les violations des droits humains ou critique les autorités. Plus de 40 journalistes ont été arrêtés, et nombre d’entre eux ont été accusés de diffamation. D’autres ont fait l’objet de menaces. Le 3 novembre, le journaliste Franck Ngyke Kangundu et sa femme ont été abattus devant leur maison dans des circonstances non élucidées. Des dizaines d’opposants au gouvernement et plusieurs personnalités perçues comme représentant un danger politique ont été persécutés ou placés en détention.

Visites d’Amnesty International
Au cours des mois de février et de mars, des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Nord et au Sud-Kivu, en Province-Orientale et à Kinshasa, et ont organisé un atelier à Bukavu, dans le Sud-Kivu, en vue de soutenir les initiatives d’organisations non gouvernementales locales et d’aborder la question des violences sexuelles contre les femmes. En novembre, des délégués d’Amnesty International et de Front Line, une fondation internationale pour la protection des défenseurs des droits humains, se sont rendus ensemble au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, ainsi qu’à Kinshasa, pour évaluer les besoins en matière de protection des défenseurs des droits humains.

Autres documents d’Amnesty International

 République démocratique du Congo. Les flux d’armes à destination de l’est (AFR 62/006/2005).

 République démocratique du Congo. Nord-Kivu : les civils paient le prix des rivalités politiques et militaires (AFR 62/013/2005).

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