RUSSIE

Fédération de Russie
CAPITALE : Moscou
SUPERFICIE : 17 075 400 km²
POPULATION : 143,2 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Vladimir Poutine
CHEF DU GOUVERNEMENT : Mikhaïl Fradkov
PEINE DE MORT : abolie en pratique
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

Les défenseurs des droits humains étaient en butte à une hostilité croissante. Certains ont été poursuivis en justice pour des activités relevant de l’exercice non violent du droit à la liberté d’expression. Le nombre de condamnations pour crimes racistes a légèrement augmenté, mais de nouvelles agressions de ce type ont été signalées. Certaines ont entraîné la mort. La violence domestique était un phénomène courant, dont les victimes n’étaient pas suffisamment protégées par l’État. Dans des colonies pénitentiaires, des détenus ont mené d’importants mouvements de protestation. Le conflit en Tchétchénie a, cette année encore, donné lieu à de graves atteintes aux droits humains (« disparitions », enlèvements, actes de torture, homicides, détentions arbitraires). Les auteurs de ces actes continuaient généralement de jouir d’une totale impunité. Les personnes qui tentaient d’obtenir justice étaient la cible de manœuvres d’intimidation ou de menaces de mort. Certaines ont même été tuées ou ont « disparu ».

Contexte

D’importantes manifestations ont eu lieu en début d’année pour protester contre la réforme du système d’aide sociale. Au mois de septembre, le Comité des droits de l’enfant [ONU] a signalé toute une série de problèmes relevés en Russie dans son domaine de compétence. Le Service fédéral des migrations a fait part en novembre de son intention de régulariser, en leur accordant un permis de travail, environ un million de personnes originaires de pays qui faisaient naguère partie de l’Union soviétique et travaillant clandestinement en Russie. En Tchétchénie, le chef séparatiste Aslan Maskhadov a été tué le 8 mars à Tolstoï-Iourt, lors d’une opération menée par les forces de sécurité fédérales. De source officielle, Aslan Maskhadov aurait refusé de se rendre alors que les forces fédérales tentaient de l’arrêter. Des élections législatives se sont tenues en novembre en Tchétchénie. Elles ont été remportées par le parti Russie unie, favorable au Kremlin, avec 60 p. cent des voix. Selon un représentant du Conseil de l’Europe, la consultation aurait eu lieu dans un climat de peur. Pour les organisations russes et internationales de défense des droits humains, l’insécurité et l’atmosphère d’impunité qui régnaient en Tchétchénie rendaient impossible la tenue d’élections libres et régulières.

Le conflit dans le Caucase du Nord

En Tchétchénie, les forces fédérales et tchétchènes étaient toujours à l’origine de violations des droits humains, notamment de crimes de guerre. Placées sous le commandement du vice-Premier ministre, Ramzan Kadyrov, et composées de Tchétchènes, les forces de sécurité locales multipliaient les arrestations arbitraires, les actes de torture et les « disparitions ». Un certain nombre de hauts responsables, dont le président tchétchène lui-même, Alou Alkhanov, auraient reconnu que les forces régulières fédérales et tchétchènes étaient impliquées dans des « disparitions ». Par ailleurs, des personnes étaient maintenues au secret, parfois dans des centres de détention non reconnus par les autorités. Des proches de personnes « disparues » ont manifesté en Tchétchénie, exigeant que la lumière soit faite sur le sort des victimes. Des femmes auraient, cette année encore, fait l’objet de violences à caractère sexiste (viols et menaces de viol, notamment) de la part de membres des forces de sécurité, fédérales ou tchétchènes. Les groupes armés d’opposition tchétchènes auraient perpétré des crimes de guerre, n’hésitant pas, notamment, à s’en prendre directement à des civils.
D’autres républiques du Caucase du Nord ont été touchées par des violences et des troubles. Un nombre croissant d’atteintes aux droits humains - arrestations arbitraires, torture, « disparitions » et enlèvements - y ont été signalées.
Il restait plus de 30 000 personnes déplacées du fait du conflit en Tchétchénie, un peu partout dans le Caucase du Nord et plus particulièrement en Ingouchie et au Daghestan. Bien que la situation puisse varier d’un endroit à un autre, les camps en Ingouchie étaient généralement surpeuplés et offraient des conditions de vie médiocres. Le Caucase du Nord abritait en outre des populations déplacées en raison d’autres conflits.
Onze hommes auraient « disparu » en juin lors d’une opération menée par le bataillon Vostok des forces fédérales russes à Borozdinovskaïa, un village de Tchétchénie. Une personne au moins aurait été tuée lors de cette attaque : il s’agit d’un homme de soixante-dix-sept ans, Magomaz Magomazov. Cette intervention a provoqué le départ d’un millier d’habitants de la région, qui sont allés se réfugier au Daghestan voisin. Reconnu coupable d’« abus d’autorité », un membre du bataillon Vostok a été condamné, en octobre, à trois ans d’emprisonnement avec sursis.
Le lendemain d’une opération de vérification des passeports effectuée en mars par les forces de sécurité dans un quartier de Nazran, en Ingouchie, des hommes armés, masqués, en tenue de camouflage seraient revenus sur place et auraient fouillé le domicile de Vakha Matouïev. Ils seraient repartis en emmenant ce dernier. Son épouse a expliqué à Amnesty International en septembre que les pouvoirs publics ingouches n’avaient pas ouvert d’information judiciaire et qu’elle ne savait absolument pas ce qu’était devenu son mari.
Adam Gortchkhanov aurait été arrêté le 23 mai à son domicile, en Ingouchie, par des agents non identifiés des services de sécurité. Il aurait été retenu dans un centre de détention provisoire, puis au siège du Service régional de lutte contre le crime organisé, à Vladikavkaz, capitale d’Ossétie du Nord. Transféré à l’hôpital pour une grave blessure à la tête, il est mort le 30 mai. Selon le certificat médical émis lors de son décès, il aurait succombé à des blessures occasionnées par une chute, après avoir « sauté du troisième étage ». Un proche d’Adam Gortchkhanov a déclaré en septembre qu’aucune enquête n’avait été ouverte sur cette affaire, au motif que les causes de la mort avaient été officiellement « établies ».
Offensive armée en Kabardino-Balkarie

Le 13 octobre, un groupe d’hommes armés (certaines sources parlent de 300 personnes) a mené une série d’attaques contre des bâtiments officiels de Naltchik, capitale de la Kabardino-Balkarie, et des environs. Les assaillants s’en sont notamment pris au siège du Service fédéral de sécurité (FSB), à des postes de police, aux locaux de la télévision et à l’aéroport. Selon certaines informations, ils auraient pris au moins deux civils en otages. Plus d’une centaine de personnes, dont au moins 12 civils, auraient été tuées lors des affrontements entre les assaillants et les forces de sécurité, qui ont également fait de nombreux blessés. Cette offensive aurait été lancée en réaction à la répression dont faisaient l’objet, depuis plusieurs mois, les musulmans pratiquants de la région (arrestations arbitraires, torture, fermeture de très nombreuses mosquées). Dans les jours qui ont suivi, les forces de sécurité ont procédé à des dizaines d’interpellations. Nombre des personnes arrêtées auraient été torturées. Une personne au moins aurait « disparu ».
Rassoul Koudaïev, un ancien détenu de la base de Guantánamo, a été arrêté le 23 octobre à son domicile, en Kabardino-Balkarie. Il a été conduit au siège du Service de lutte contre le crime organisé de Naltchik, où il aurait été torturé, avant d’être transféré dans un centre de détention provisoire. Inculpé d’infractions à la législation antiterroriste, il était toujours en détention à la fin de l’année. Sa mère ne pouvait pas lui rendre visite ni lui faire parvenir en quantité suffisante les médicaments requis pour soigner les graves problèmes de santé dont il souffrait et qui, selon sa famille, le clouaient au lit. Un avocat qui avait voulu dénoncer le traitement réservé à son client a été écarté et remplacé par un de ses confrères commis d’office, apparemment contre la volonté de Rassoul Koudaïev.
Impunité

À la connaissance d’Amnesty International, il n’y a eu en 2005 que deux condamnations pour atteinte grave aux droits humains en Tchétchénie. La plupart du temps, les enquêtes ouvertes sur de tels faits ne débouchaient sur rien et, les rares fois où des poursuites étaient quand même engagées, la procédure était entachée de nombreuses irrégularités. Les personnes qui introduisaient un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme s’exposaient à de sévères représailles, allant des manœuvres d’intimidation et des menaces de mort jusqu’au meurtre ou à la « disparition ».
Au mois de mars, Sergueï Lapine, membre du Détachement de la police chargé des opérations spéciales (OMON), a été reconnu coupable par un tribunal de Grozny, capitale de la Tchétchénie, d’avoir torturé Zelimkhan Mourdalov. Il a été condamné à onze ans d’emprisonnement. Arrêté à Grozny par des policiers en janvier 2001, Zelimkhan Mourdalov avait ensuite « disparu ». Une information a été ouverte en novembre contre le commandant de l’unité du condamné et contre son adjoint, également impliqués dans la torture et la « disparition » de Zelimkhan Mourdalov. On ne disposait d’aucune information concernant le sort réservé à ce dernier.
En mai, un tribunal de Rostov-sur-le-Don a, pour la seconde fois, déclaré quatre membres d’une unité spéciale des services de renseignement militaires russes non coupables du meurtre de six civils, près de Daï, en Tchétchénie. Bien que les quatre accusés aient reconnu les faits, le tribunal a estimé qu’ils n’étaient pas condamnables, dans la mesure où ils avaient obéi à un ordre. Cette décision, tout comme le premier acquittement, prononcé en avril 2004, a été largement critiquée. Elle a été annulée, en août 2005, par le Collège militaire de la Cour suprême. Un troisième procès s’est ouvert en novembre.
Le Conseil de l’Europe

La Cour européenne des droits de l’homme a rendu en février ses arrêts concernant les six premières affaires émanant de Tchétchénie qui lui aient été soumises. Elle a estimé que le gouvernement russe avait commis des violations des droits à la vie, à ne pas être soumis à la torture, à un recours effectif et à la pleine jouissance du droit de propriété. Présentées par le European Human Rights Advocacy Centre, une organisation basée à Londres, les requêtes examinées concernaient le bombardement aérien, mené sans discernement par les forces fédérales russes, d’un convoi de réfugiés qui tentaient de fuir Grozny en octobre 1999, la « disparition » et l’exécution extrajudiciaire de cinq personnes à Grozny en janvier 2000 et le bombardement sans discernement, à la fois aérien et au moyen d’engins d’artillerie, du village de Katyr-Iourt, en février 2000.
L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a examiné en juin les progrès accomplis par la Russie sur la voie du respect des obligations contractées et des engagements pris lors de son adhésion, en 1996. L’Assemblée a adopté une résolution qui, tout en reconnaissant le chemin parcouru dans certains domaines en matière de droits humains, regrettait que très peu de progrès aient été enregistrés concernant l’obligation de traduire en justice les responsables de violations des droits humains, en particulier en relation avec les événements de Tchétchénie. L’Assemblée encourageait donc fortement le gouvernement russe à « agir effectivement pour mettre fin sans délai aux “disparitions”, aux tortures, aux détentions arbitraires, aux détentions au secret dans des lieux de détention illégaux et secrets, et aux meurtres » signalés en Tchétchénie. Cette résolution soulignait également le peu de progrès enregistrés en ce qui concernait d’autres engagements pris par les autorités russes, notamment l’abolition formelle de la peine de mort et le retrait des troupes russes de Moldavie.

Violences contre les femmes

Si l’on en croit le quotidien officiel Rossiskaïa Gazeta, près de 80 p. cent des actes de violence perpétrés en Russie relèveraient de la sphère privée. Les organisations non gouvernementales soulignaient avec inquiétude que les principales victimes de ces actes étaient des femmes. En l’absence de chiffres officiels, des études réalisées par des chercheurs indépendants montraient qu’environ 70 p. cent des femmes mariées faisaient ou avaient fait l’objet de violences de la part de leur conjoint. Le droit russe ne prévoyait aucune disposition permettant de réprimer la violence au foyer en tant que telle. Le ministère de la Santé et du Développement social a indiqué qu’il existait en Russie 23 centres d’accueil pour femmes battues gérés par l’État. Les organisations de défense des droits de la femme déploraient cependant le désengagement progressif de l’État dans le financement de ces centres et des numéros d’appel d’urgence. Selon ces organisations, il existait en Russie une place dans un centre d’accueil pour neuf millions de femmes.

Défenseurs des droits humains

Certaines organisations non gouvernementales (ONG) subissaient un climat d’hostilité de plus en plus net, encouragé par les déclarations du président Poutine selon lesquelles le financement par des fonds étrangers des activités politiques des ONG était inacceptable. Les défenseurs et militants des droits humains, ainsi que les journalistes indépendants abordant des sujets relatifs aux droits fondamentaux, notamment en relation avec les événements en Tchétchénie, faisaient l’objet d’actes de harcèlement, de poursuites, voire d’arrestations arbitraires ou même de « disparitions ». Certains procès, intentés à des militants en vertu de la législation relative à la lutte contre l’extrémisme ou contre la haine raciale, constituaient, de fait, une violation du droit à la liberté d’expression. La Société pour l’amitié russo-tchétchène a été la cible d’un véritable harcèlement administratif de la part du fisc et des services d’agrément du ministère de la Justice.
Prisonniers d’opinion probables

En mars, un tribunal de Moscou a reconnu Iouri Samodourov et Loudmila Vassilovskaïa, respectivement directeur et conservatrice du musée et centre d’information Andreï Sakharov de Moscou, coupables de faits relevant de l’incitation à la discorde nationale et religieuse. Ils ont été condamnés à une amende. Inculpée pour les mêmes motifs, l’artiste Anna Mikhaltchouk a été relaxée. Ces trois personnes avaient organisé, en janvier 2003, une exposition intitulée Attention : religion ! présentant des œuvres dans lesquelles figuraient certains symboles religieux.
Stanislav Dmitrievski, directeur général de la Société pour l’amitié russo-tchétchène et rédacteur en chef du journal Pravo-zachtchita, a comparu en novembre devant un tribunal pour incitation à la haine raciale. On lui reprochait d’avoir publié des articles rédigés par un ancien dirigeant séparatiste tchétchène et par un de ses représentants. Ces deux textes dénonçaient cependant non pas les Russes en tant que groupe, mais la politique du gouvernement russe, et leurs auteurs se prononçaient pour un règlement pacifique du conflit en Tchétchénie. Stanislav Dmitrievski était passible de cinq années d’emprisonnement.
Suites judiciaires du meurtre de Galina Starovoïtova

En juin, le tribunal municipal de Saint-Pétersbourg a reconnu deux hommes coupables du meurtre de Galina Starovoïtova, députée à la Douma et dirigeante du parti Russie démocratique, et de la tentative de meurtre contre l’assistant de cette dernière, Rouslan Linkov. L’instigateur de ces attentats commis en 1999 n’a cependant pas été identifié et ne fait pas l’objet de poursuites. Le prononcé de la sentence reconnaissait le caractère politique de l’assassinat. Galina Starovoïtova s’était élevée publiquement contre la corruption et en faveur des droits humains.
Législation et organisations non gouvernementales

En juin est entrée en vigueur une modification du Code fiscal qui élargissait la liste des domaines dans lesquels les dons n’étaient pas soumis à l’impôt, en y incluant notamment la défense des droits humains. Les organisations militantes se sont félicitées de cette mesure. En revanche, la Douma a adopté à la fin de l’année un projet de loi sur les organisations de la société civile qui suscitait de graves inquiétudes quant au respect du droit à la liberté d’expression. Ce texte renforçait considérablement le contrôle des pouvoirs publics sur les activités et le financement de ces organisations. Le projet de loi était une porte ouverte à l’arbitraire des autorités et constituait une menace pour l’indépendance des organisations de la société civile.

Racisme, xénophobie et intolérance

Originaires de pays du monde entier, des étrangers (demandeurs d’asile, réfugiés, étudiants ou travailleurs immigrés) ont été victimes d’agressions racistes, dont certaines ont eu une issue fatale. Selon le centre d’information Sova, au moins 28 homicides et 365 agressions à caractère raciste ont été commis en 2005 sur l’ensemble du territoire national. Des citoyens de la Fédération de Russie ont également été victimes de tels actes, les Tchétchènes - et de manière générale les personnes originaires du Caucase du Nord -, les juifs, les Roms et les musulmans pratiquants étant tout particulièrement visés. Dans certains cas, le sentiment de méfiance vis-à-vis de la police a empêché les victimes de porter plainte. Les membres de la communauté turque meskhète vivant dans le territoire de Krasnodar ne pouvaient toujours pas obtenir la nationalité russe, en raison de leur appartenance ethnique, et étaient par conséquent en proie à la discrimination dans presque tous les domaines de la vie courante. Des manifestations et des initiatives antiracistes ont été organisées dans plusieurs villes où des agressions avaient eu lieu, comme Voronej, Saint-Pétersbourg, Tioumen ou Moscou.
Un étudiant péruvien, Enrique Arturo Angelis Urtado, a été battu et tué à coups de couteau à Voronej au mois d’octobre. Deux autres étudiants ont été grièvement blessés. Plusieurs personnes ont été placées en détention dans le cadre de l’enquête sur cette agression.
Un certain nombre d’incendies criminels et de cambriolages auraient visé des logements d’habitants roms d’Iskitim, une ville de la région de Novossibirsk. Des Roms y auraient également été victimes de menaces et d’agressions. Le parquet régional de Novossibirsk a annoncé qu’il avait ouvert une enquête.
En octobre s’est ouvert à Saint-Pétersbourg le procès des agresseurs présumés de Khourcheda Soultanova, une fillette tadjike de neuf ans tuée au mois de février 2004. Sept jeunes gens, âgés de quatorze à vingt et un ans au moment des faits, comparaissaient pour « houliganisme », infraction passible de sept ans d’emprisonnement. Un huitième, âgé de quatorze ans au moment des faits, était inculpé d’homicide volontaire sur la personne d’un individu sans défense et pour des motifs racistes, de « houliganisme » et de vol.

Équité des procès

Mikhaïl Khodorkovski et Platon Lebedev, deux anciens responsables de la compagnie pétrolière et gazière Ioukos, ont été condamnés en mai à neuf ans d’emprisonnement pour fraude fiscale et escroquerie. L’instruction et le procès proprement dit avaient été entachés par diverses atteintes aux normes d’équité. Nombre d’observateurs estimaient que ce procès avait été avant tout politique. Cette affaire a mis en évidence les graves problèmes que connaissait la justice russe : manque d’indépendance du pouvoir judiciaire, contacts limités des accusés avec leurs avocats, mauvaises conditions de détention et recours à la torture ou aux mauvais traitements pour obtenir des « aveux ». Le procès et la condamnation de Mikhaïl Khodorkovski ont fait l’effet d’une douche froide pour les tenants de la liberté d’expression et du pluralisme politique en Russie.

Arrestations arbitraires, torture et conditions de détention

Diverses violations de la législation russe et du droit international en matière de détention ont été signalées. Des cas de détention arbitraire ou de torture ont notamment été relevés. Les conditions régnant dans certains centres de détention provisoire bondés étaient telles qu’elles constituaient, de fait, un traitement cruel, inhumain et dégradant. Les prisonniers purgeant des peines d’emprisonnement à vie étaient incarcérés dans des conditions assimilables à un mauvais traitement, voire, dans certains cas, à de la torture. Dans plusieurs régions, notamment à Koursk, à Oulianovsk, à Smolensk et en Mordovie, des prisonniers ont manifesté contre leurs conditions de vie et contre les mauvais traitements dont ils s’estimaient victimes, en se livrant, entre autres, à des grèves de la faim ou à des actions collectives d’automutilation.
Senyo Adzokpa, Ghanéen résidant à Moscou, aurait été torturé en mai et en juin alors qu’il se trouvait au centre de détention provisoire d’Ivanovo. Il aurait été roué de coups à plusieurs reprises et contraint de signer des « aveux ». Ses tortionnaires l’auraient en outre placé dans un cachot et auraient menacé de le violer. Senyo Adzokpa aurait également fait l’objet d’injures racistes.
En août, deux anciens détenus de la base américaine de Guantánamo, Aïrat Vakhitov et Roustam Akhmiarov, ont été arrêtés arbitrairement à Moscou par des agents des forces de sécurité de Moscou et de la République du Tatarstan. Transférés au Tatarstan, ils sont restés en détention pendant six jours, sans pouvoir faire appel à un avocat autre que celui qui leur avait été fourni par les autorités, avant d’être finalement remis en liberté. Un tribunal du Tatarstan a estimé en leur absence que leur détention était légale, en violation du droit russe et du droit international, qui exigent l’un comme l’autre que le suspect soit présent à l’audience lorsqu’une décision de ce type doit être prise. Aïrat Vakhitov et Roustam Akhmiarov se sont simplement vu remettre une copie de la décision du tribunal de les maintenir sous les verrous.
Mikhaïl Trepachkine, un détenu de la colonie pénitentiaire IK-13, dans la région de Sverdlovsk, n’a pas reçu les soins médicaux dont il avait besoin d’urgence. Il a été examiné le 20 octobre par un médecin, qui a recommandé son hospitalisation afin qu’il puisse être suivi et soigné. Toutefois, selon ses avocats, les autorités pénitentiaires ont refusé d’autoriser son transfert dans un hôpital, sans pour autant mettre en place les soins que son état de santé rendait nécessaires.

Expulsion

Les autorités russes ont renvoyé de force au moins une personne dans un pays de l’ex-Asie centrale soviétique, alors que celle-ci risquait fort d’y être victime de graves violations de ses droits fondamentaux, et notamment d’y être torturée.
Un étudiant, Marsel Issaïev, a été expulsé en octobre de la République du Tatarstan, qui fait partie de la Fédération de Russie, vers l’Ouzbékistan. Il avait pourtant déposé auprès des autorités russes une demande d’asile, qui était en cours d’examen. Il avait indiqué dans son dossier qu’il craignait d’être torturé en Ouzbékistan car il était soupçonné dans ce pays d’appartenir à l’organisation interdite Hizbut-Tahrir (Parti de la libération).

Visites d’Amnesty International

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Russie aux mois de février, mars, septembre et décembre.

Autres documents d’Amnesty International

 Russie. Des exactions qui perdurent et pas de justice en vue. Document d’information sur les atteintes aux droits humains dans le contexte du conflit armé en République tchétchène (EUR 46/029/2005).

 Russie. Actes de torture, « disparitions » et allégations de procès iniques dans le nord du Caucase (EUR 46/039/2005).

 Russie. Violences domestiques contre les femmes : vers qui se tourner ? (EUR 46/056/2005).

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