ÉGYPTE

République arabe d’Égypte
CAPITALE : Le Caire
SUPERFICIE : 1 000 250 km²
POPULATION : 74 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Hosni Moubarak
CHEF DU GOUVERNEMENT : Ahmed Mahmoud Mohamed Nazif
PEINE DE MORT : maintenue
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : non signé

Quatre-vingt-dix personnes ont été tuées et plus d’une centaine blessées dans des attentats à l’explosif perpétrés en avril au Caire et en juillet à Charm el Cheikh. De très nombreuses arrestations ont eu lieu à la suite de ces attaques ; au moins 14 personnes, dont plusieurs policiers, ont trouvé la mort lors d’affrontements armés entre la police et des suspects. Des manifestations en faveur de réformes politiques, pourtant pacifiques, ont été dispersées par la force. Les organisations non gouvernementales (ONG) restaient soumises à une loi restrictive adoptée en 2002. Plusieurs centaines de membres d’ Al Ikhwanal Muslimin (Les Frères musulmans), mouvement interdit, ont été arrêtés ; beaucoup étaient maintenus en détention à la fin de l’année dans l’attente de leur procès. Des milliers de sympathisants présumés de groupes islamistes interdits étaient toujours incarcérés sans inculpation ni jugement, parfois depuis plusieurs années. Parmi eux se trouvaient peut-être des prisonniers d’opinion. La torture et les mauvais traitements en détention restaient systématiques. Des informations ont également fait état de morts en détention. La plupart des tortionnaires présumés n’ont pas été traduits en justice. Deux personnes au moins ont été condamnées à mort ; à la connaissance d’Amnesty International, aucune exécution n’a eu lieu.

Contexte

L’état d’urgence proclamé en 1981 est resté en vigueur bien que des groupes de défense des droits humains, parmi d’autres, aient réclamé sa levée.
Le président Moubarak a entamé un cinquième mandat à l’issue d’une élection qui a eu lieu en septembre ; pour la première fois, d’autres candidates avaient été autorisés à se présenter, le gouvernement ayant modifié l’article 76 de la Constitution. Proposée par le président en février, cette modification avait été approuvée en mai par un référendum que certains parties d’opposition avaient appelé à boycotter. Neuf candidates se sont présentés contre le président Moubarak, qui a toutefois été réélu avec une forte majorité des voix. Des allégations de fraude électorale ont été formulées. En décembre, Ayman Nour, dirigeant du parti Al Ghad (Demain) arrivé en deuxième position au scrutin de septembre avec moins de 10 p. cent des voix, a fait l’objet de poursuites qui ont débouché sur une peine de cinq ans d’emprisonnement. On lui reprochait d’avoir falsifié des signatures appuyant la demande de légalisation de son parti. Cette condamnation a suscité de nombreuses protestations aux niveaux national et international.
Les élections législatives, qui se sont déroulées en trois étapes, en novembre et en décembre, ont été marquées par des irrégularités graves et par des violences ; des policiers ont notamment tiré sur des électeurs, faisant beaucoup de blessés et au moins 11 morts. De nombreux sympathisants des candidates liés aux Frères musulmans ont été arrêtés, et beaucoup d’autres ont été attaqués par des sympathisants du Parti national démocrate (PND), au pouvoir, qui ont pu agir en toute impunité. Le PND a conservé la majorité, mais les Frères musulmans ont remporté 88 sièges, soit six fois plus que dans la précédente composition du Parlement.
Le Conseil national des droits humains, soutenu par le gouvernement, a publié en avril son premier rapport, qui couvre la période de la mi-février 2004 à la fin février 2005. Il a préconisé la levée de l’état d’urgence et attiré l’attention sur les violations persistantes des droits humains, notamment sur le recours à la torture et aux mauvais traitements. Le rapport contenait également des recommandations. En septembre, l’Égypte et l’Union européenne ont entamé des négociations en vue d’élaborer, dans le cadre de la Politique européenne de voisinage, un plan d’action pour l’Égypte. Vingt-cinq ONG égyptiennes ont demandé que le thème des droits humains figure en bonne place dans les négociations.

Violations des droits humains et « guerre contre le terrorisme »

De nouvelles informations sont parvenues à propos du rôle de l’Égypte dans la « guerre contre le terrorisme » au niveau international. Lors d’une visite aux États-Unis, en mai, le Premier ministre Ahmed Nazif a déclaré que, depuis septembre 2001, les forces américaines avaient transféré plus de 60 personnes contre leur gré en Égypte. Aucun responsable égyptien ou américain n’a toutefois fourni de précisions sur ces personnes ni sur ce qu’elles sont devenues. Les autorités égyptiennes continuaient en outre de chercher à obtenir le renvoi forcé de l’étranger de membres présumés de groupes islamistes.
De très nombreuses personnes arrêtées à la suite des attentats à l’explosif perpétrés contre des civils à Taba et à Nuweiba en octobre 2004 ont recouvré la liberté. Bon nombre d’entre elles se sont plaintes d’avoir été torturées en détention. Plus de 100 autres étaient toujours incarcérées à la fin de l’année, souvent en vertu, semble-t-il, des pouvoirs dont jouissaient les autorités en matière de détention administrative.
Ahmed Abdallah Raba, arrêté en novembre 2004 à Al Arish, a été emprisonné pendant trois mois et demi sans être inculpé ; il n’a eu pratiquement aucun contact avec son avocat ni avec sa famille. Détenu la plupart du temps dans le centre pénitentiaire de Tora, il a toutefois été emmené deux fois au siège du Service de renseignement de la sûreté de l’État au Caire pour y être interrogé. Il s’est plaint d’y avoir été torturé pendant une semaine ; alors qu’il était nu et avait les yeux bandés, il aurait été battu, suspendu par les poignets et les chevilles dans des positions contorsionnées et soumis à des décharges électriques. Il a ajouté qu’un médecin contrôlait régulièrement l’état de santé des personnes torturées.
De nouvelles arrestations ont eu lieu à la suite des attentats à l’explosif qui se sont produits au Caire en avril et à Charm el Cheikh en juillet. De nombreux détenus auraient été torturés et deux personnes au moins sont mortes en détention dans des circonstances laissant à penser que leur décès résultait, directement ou indirectement, d’actes de torture ou de mauvais traitements.
Muhammad Suleyman Youssef et Ashraf Said Youssef, deux cousins, sont morts peu après leur interpellation. Après la mort du premier, le 29 avril, les autorités auraient fait pression sur sa famille pour la contraindre à signer un certificat médical qui attribuait son décès à des causes naturelles. Ashraf Said Youssef, arrêté le jour de la mort de son cousin, a été maintenu au secret pendant treize jours. Sa famille n’a eu de ses nouvelles que lorsqu’il a été transféré à l’hôpital universitaire Al Minyal, le 11 mai. Il présentait des blessures graves à la tête et il a succombé six jours plus tard. Le procureur a affirmé qu’il s’était blessé lui-même en se cognant plusieurs fois la tête contre le mur de sa cellule. Aucune enquête approfondie ne semble avoir été menée.
Les autorités s’abstenaient généralement d’ordonner l’ouverture rapide d’enquêtes approfondies et impartiales sur les allégations de torture, notamment dans les affaires politiques ou de sécurité, où les enquêteurs étaient laissés libres de commettre impunément des violations des droits humains. En revanche, dans certaines affaires de droit commun, des poursuites ont été engagées contre des policiers accusés d’avoir torturé ou maltraité des suspects, ou d’avoir occasionné leur mort. Selon les informations recueillies, certaines personnes ont reçu une indemnisation pour les actes de torture dont elles avaient été victimes.
Les personnes soupçonnées d’atteinte à la sécurité nationale ou d’activités terroristes étaient souvent déférées à des tribunaux instaurés par la législation d’exception ou à des tribunaux militaires, même lorsqu’il s’agissait de civils. À bien des égards, ces juridictions ne respectent pas les normes internationales d’équité ; les accusés ne peuvent par exemple pas faire réexaminer leur dossier par une juridiction supérieure.
Muhammad Abdallah Raba et Muhammad Gayiz Sabbah ont comparu en juillet à Ismaïlia devant la Haute Cour de sûreté de l’État, instaurée par la législation d’exception. Ils étaient accusés d’implication dans les attentats perpétrés en octobre 2004 à Taba et à Nuweiba. Lors de la première audience, à laquelle assistait un observateur d’Amnesty International, les deux hommes ont affirmé que des agents du Service de renseignement de la sûreté de l’État les avaient torturés pour les contraindre à faire des « aveux ». Le juge a ordonné un examen médical, mais un rapport déposé par la suite a rejeté leurs allégations et le tribunal n’a pas ordonné une enquête approfondie et impartiale. Alors qu’ils étaient détenus depuis octobre 2004, ce n’est que le jour de l’ouverture de leur procès que ces deux hommes ont été autorisés à consulter leurs avocats pour la première fois.

Violences contre les femmes

En juillet, une coalition de 94 organisations et associations de la société civile actives dans différents gouvernorats a lancé une campagne nationale pour réclamer que toutes les formes de violence domestique contre les femmes soient érigées en infractions pénales. Le lancement a été annoncé au cours d’une conférence organisée par le Centre Nadim de traitement psychologique et de réadaptation des victimes de violences, en présence d’un certain nombre de personnes militant pour les droits humains et en particulier pour les droits des femmes.

Restrictions à la liberté d’expression, d’association et de réunion

Des restrictions pesaient toujours sur la liberté d’expression, d’association et de réunion. Les ONG restaient soumises à une loi restrictive adoptée en 2002 ; certaines d’entre elles se voyaient notifier un refus d’enregistrement par le ministère des Affaires sociales et étaient privées de statut légal. C’est ainsi que la demande d’enregistrement de l’Association égyptienne contre la torture a été rejetée, décision qui a été confirmée par un tribunal administratif.
Comme les années précédentes, des journalistes ont été menacés, battus ou emprisonnés à cause de leurs écrits. Présenté en février 2004 par le président Moubarak, un projet de loi qui supprimait les peines d’emprisonnement pour les délits de presse n’avait pas été adopté à la fin de l’année.
La police a fait à plusieurs reprises usage d’une force excessive pour disperser des manifestants qui protestaient contre la politique gouvernementale ou réclamaient le respect de leurs droits fondamentaux.
Dans d’autres cas, la police n’est pas intervenue lorsque des partisans du PND, le parti au pouvoir, ont agressé des sympathisants de l’opposition.
Des partisans du PND auraient agressé de nombreux manifestants qui appelaient au boycott du referendum sur la réforme constitutionnelle organisé en mai, ainsi que des journalistes travaillant pour des publications de l’opposition. Certaines agressions se seraient produites en présence de policiers, qui ne seraient pas intervenus. Le procureur a ordonné l’ouverture d’une enquête, mais celle-ci a été classée sans suite en décembre, pour insuffisance de preuves.
Lors des élections législatives de décembre, des policiers ont fait usage de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc pour disperser la foule qui tentait d’accéder à des bureaux de vote dans les gouvernorats de Daqahliya et de Sharqiya, entre autres. La police, qui avait fermé ces bureaux de vote ou en avait interdit l’accès, a également tiré à balles réelles. Onze personnes au moins ont été tuées. Aucune enquête officielle ne semble avoir été ordonnée.

Réfugiés et immigrés

En décembre, 27 réfugiés et immigrés soudanais ont été tués et d’autres ont été blessés lorsque la police a dispersé par la force un sit-in pacifique qui durait depuis trois mois à proximité du bureau du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), au Caire. Les policiers auraient utilisé des canons à eau et battu les manifestants sans discernement. Ceux-ci, dont le nombre avait atteint quelque 2 500 en décembre, réclamaient une amélioration de leurs conditions de vie, la protection contre le rapatriement forcé et des possibilités de réinstallation en Europe ou en Amérique du Nord.

Conditions de détention
Quelque 2 000 détenus ont été remis en liberté en septembre pour des raisons humanitaires et de santé, apparemment à la suite de recommandations formulées par le Conseil national des droits humains. Des milliers d’autres ont été maintenus en détention dans des conditions qui s’apparentaient à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Selon certaines sources, plusieurs centaines de personnes en détention administrative souffraient de tuberculose, de maladies de peau et de paralysie, entre autres. Ces maladies étaient répandues en raison du manque d’hygiène et de soins médicaux ainsi que de la surpopulation et de la médiocrité du régime alimentaire. De très nombreux détenus ont observé une grève de la faim en mai et en juin pour protester contre les mauvais traitements et l’absence de soins médicaux appropriés.
Avant le scrutin présidentiel de septembre, les familles de plusieurs centaines de détenus administratifs ont organisé un sit-in dans le bâtiment du Syndicat des avocats égyptiens, au Caire. Cette manifestation a duré plusieurs mois. Les participants protestaient contre le maintien en détention de leurs proches et dénonçaient la dureté des conditions carcérales, qui avaient contribué à la dégradation de l’état de santé des détenus. En octobre ils ont également organisé une manifestation devant le bâtiment du ministère de l’Intérieur, place Lazoghly au Caire, pour réclamer la libération de ces personnes dont certaines étaient, semble-t-il, incarcérées depuis plus de dix ans.

Visites d’Amnesty International
Aux mois de juin et de juillet, des délégués d’Amnesty International ont rencontré des victimes de torture et leurs proches, des familles de détenus administratifs, ainsi que des défenseurs des droits humains et des avocats. Ils se sont également entretenus avec des représentants du Conseil national des droits humains et des responsables gouvernementaux.

Autres documents d’Amnesty International

 Égypte. Situation ambiguë : des opposants politiques arrêtés alors que le gouvernement entame un « dialogue national » (MDE 12/016/2005).

 Égypte. Les vagues d’arrestations visant les détracteurs et les opposants compromettent les chances de réforme (MDE 12/021/2005).

 Égypte. Actes d’intimidation et agressions de journalistes et de manifestants pacifiques doivent cesser (MDE 12/025/2005).

 Égypte. Amnesty International condamne les attentats de Charm el Cheikh (MDE 12/030/2005).

 Égypte. Les droits humains doivent se trouver au cœur de l’agenda électoral (MDE 12/032/2005).

 Égypte. Amnesty International préoccupée par une vague d’arrestations et de violentes attaques (MDE 12/037/2005).

 Égypte. La mort d’électeurs tués par des policiers nécessite une enquête indépendante de toute urgence (MDE 12/039/2005).

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