THAILANDE

Au lendemain du coup d’État militaire du 19 septembre, les nouveaux dirigeants ont abrogé la Constitution de 1997 et décrété la loi martiale, limitant la liberté d’expression, d’association et de rassemblement. La loi martiale a été levée dans 41 provinces au mois de décembre, mais restait en vigueur pour 35 autres situées dans les régions frontalières. Les provinces du sud, à population essentiellement musulmane, étaient toujours en proie à la violence. Des groupes armés ont commis des attentats à la bombe et ont tué, par balle ou par décapitation, des civils musulmans ou bouddhistes, notamment des moines et des enseignants, ainsi que des membres des forces de sécurité. Les autorités se sont livrées à des arrestations arbitraires et n’ont pas enquêté sur les atteintes aux droits humains qui leur étaient signalées. Deux défenseurs des droits humains ont été tués. Les autres, en particulier dans le sud du pays, étaient la cible d’actes d’intimidation, de menaces et d’agressions diverses. Cette année encore, des actes de torture et des mauvais traitements ont été signalés. Près de 900 personnes restaient sous le coup d’une condamnation à mort. Il n’y a apparemment pas eu d’exécution en 2006. Les travailleurs immigrés ne jouissaient pas des droits fondamentaux prévus par la législation du travail. Les autorités ont renvoyé de force au Laos des demandeurs d’asile hmongs.




Contexte
D’importantes manifestations hostiles au gouvernement du Premier ministre Thaksin Shinawatra ont été organisées à Bangkok à partir de février et pendant plusieurs mois. Les protestataires entendaient dénoncer les nombreuses malversations financières qui auraient été commises pendant son mandat. Thaksin Shinawatra a convoqué des élections au mois d’avril. Boycottées par les principaux partis d’opposition, elles ont été remportées par la formation du chef du gouvernement, le Thai Rak Thai (Les Thaïlandais aiment les Thaïlandais). Les résultats du scrutin ont été annulés en mai par la Cour constitutionnelle et de nouvelles élections ont été programmées pour le mois de novembre. Thaksin Shinawatra a été renversé en septembre, alors qu’il se trouvait à l’étranger, par un coup d’État mené sans effusion de sang par le Conseil pour une réforme démocratique (CRD), dirigé par le commandant en chef des forces armées, Sondhi Boonyaratkalin. La Constitution de 1997 a été abrogée et une charte provisoire, prévoyant notamment l’élaboration d’une nouvelle constitution, l’organisation d’un référendum et la tenue d’élections, a été promulguée au mois d’octobre. Quatre membres du gouvernement renversé ont été placés en détention durant une courte période au lendemain du putsch.
Au mois d’octobre, le CRD a nommé le général Surayud Chulanont Premier ministre par intérim. Rebaptisé Conseil pour la sécurité nationale, le CRD conservait les principaux pouvoirs décisionnels pour les nominations au sein de l’appareil de l’État et de l’Assemblée législative nationale (Parlement provisoire), et pour l’élaboration de la prochaine constitution.
Au mois de décembre, à Bangkok, une série d’attentats à la bombe a fait trois morts et une quarantaine de blessés. Ces actions n’ont pas été revendiquées.

Mesures législatives
L’article 3 de la charte provisoire dispose que « la dignité humaine, les droits, les libertés et l’égalité [...], ainsi que les obligations internationales de la Thaïlande » seront garantis. Il ne précise pas, cependant, de quels droits il s’agit et comment ils seront protégés. La Déclaration 10 du CRD limitait la liberté de la presse. Quelque 300 stations de radio locales ont été fermées et l’accès à un certain nombre de sites Internet a été bloqué. La Déclaration 15 interdisait aux partis politiques de se réunir et, plus généralement, de mener des activités politiques. La Déclaration 7 interdisait les rassemblements politiques de plus de cinq personnes. En novembre, le gouvernement a annoncé son intention de lever cette dernière interdiction, mais il n’est pas certain que cette mesure ait été officiellement prise. Les forces de sécurité n’ont pas cherché à s’opposer aux manifestants.
Le décret relatif à l’état d’urgence, adopté en juillet 2005 par le gouvernement précédent, restait en vigueur dans les trois provinces les plus méridionales du pays, essentiellement peuplées de musulmans. Il prévoyait notamment que les suspects pouvaient être maintenus en détention sans inculpation ni procès pendant trente jours ou être placés en détention administrative. Il autorisait en outre la détention en dehors des établissements officiels.

Le conflit dans le sud du pays
Les violences sévissant depuis trois ans dans les provinces de Songkla, Pattani, Yala et Narathiwat, dans le sud de la Thaïlande, ont fait environ 1 900 victimes. Des fusillades, des décapitations et des attentats à la bombe ont été signalés tout au long de l’année, de manière presque quotidienne. Les groupes armés responsables de ces actes ont gardé l’anonymat. Le nouveau gouvernement a déclaré vouloir adopter dans cette crise une politique totalement différente, fondée sur une approche pacifique. Les violences des insurgés n’ont pas cessé pour autant.
La découverte dans des charniers de 300 corps non identifiés a été annoncée au mois de janvier. Certains des cadavres pourraient être ceux de victimes de disparitions forcées. Selon les premières constatations des médecins légistes, certaines de ces personnes ne seraient pas mortes de causes naturelles. L’identification des dépouilles n’était pas terminée à la fin de l’année.
La Commission nationale de réconciliation (CNR), créée en 2005 par le gouvernement de Thaksin Shinawatra dans le souci de trouver une solution à la crise que connaissait le sud du pays, a rendu son rapport final au mois de juin. Elle recommandait entre autres que le bahasa, le dialecte local parlé par les musulmans, soit adopté comme langue de travail.
De nombreuses personnes ont été détenues durant trente jours sans inculpation ni procès, aux termes des dispositions du décret relatif à l’état d’urgence. Placées dans les locaux de l’école de formation de la police de Yala et dans divers camps militaires, elles n’avaient pas la possibilité de consulter un avocat. Certaines d’entre elles auraient été torturées ou maltraitées pendant leur interrogatoire. En novembre, les pouvoirs publics ont annoncé qu’ils allaient abandonner l’usage d’une « liste noire » répertoriant les personnes à arrêter ou à interner dans des camps dépendant de l’armée, pour des périodes allant de une à quatre semaines, ce qui constituait de fait une détention arbitraire.
Au mois d’octobre, le gouvernement a rétabli le Centre d’administration des provinces frontalières du sud, fermé en 2002 par Thaksin Shinawatra. Cette structure avait pour mission de coordonner les actions du gouvernement visant à venir à bout de la violence dans le sud du pays.
Début novembre, le nouveau Premier ministre, le général Surayud Chulanont, a présenté des excuses publiques pour la mort de 85 musulmans, imputable à l’action des forces de sécurité lors de manifestations qui s’étaient déroulées en octobre 2004 devant le commissariat de Tak Bai, dans la province méridionale de Narathiwat. Aucun membre des forces de l’ordre n’a cependant été traduit en justice dans cette affaire. Le procureur général a annoncé l’abandon des poursuites engagées contre 58 manifestants, inculpés de rassemblement illégal et de troubles à l’ordre public dans le cadre des mêmes événements. Un tribunal a en outre estimé que des réparations devaient être accordées aux familles de 78 manifestants morts écrasés dans des camions de l’armée, où ils avaient été entassés après avoir été arrêtés. Les familles ont cependant signé un compromis selon lequel elles s’engageaient à ne pas exercer d’autre recours en justice. La demande de réparation déposée par les familles des sept autres victimes était en instance devant les tribunaux à la fin de l’année.
Au mois d’octobre, Muhammad Dunai Tanyeeno a été abattu alors qu’il tentait d’organiser une rencontre entre des victimes des événements survenus à Tak Bai en 2004 et le commandant en chef de la Quatrième Armée. Ce chef de village de la province de Narathiwat s’était engagé auprès des victimes de la répression pour les aider à obtenir justice.

Exactions commises par des groupes armés
Au mois de septembre, cinq personnes ont été tuées dans une série d’attentats à la bombe perpétrés par des insurgés à Hat Yai, dans la province de Songkla. En octobre, des rebelles ont décapité un travailleur immigré birman dans la province de Pattani. En décembre, ils ont abattu deux enseignants, avant de brûler leurs cadavres.
Au mois de novembre, plus de 200 civils, bouddhistes pour la plupart, des districts de Bannag Sata et de Than Tho, dans la province de Yala, se sont réfugiés dans un temple après que deux villageois eurent été tués et leurs maisons incendiées, apparemment par des insurgés. Toujours au mois de novembre, des moines bouddhistes de la province de Narathiwat, craignant d’être attaqués, ont décidé de ne plus passer dans les villages de la région pour demander l’aumône. Les établissements scolaires de nombreux districts du sud du pays ont été fermés pour raisons de sécurité.

Torture et mauvais traitements
Charnchai Promthongchai est mort en détention au mois de décembre, dans la province de Mae Hong Son. Il aurait été battu à mort par des soldats.

Impunité
L’article 17 du décret relatif à l’état d’urgence exonère de poursuites judiciaires, pénales aussi bien que civiles, ainsi que de toute sanction disciplinaire, les agents de l’État agissant en application de ses dispositions. Les forces de sécurité avaient ouvert le feu sur des groupes de musulmans armés en avril 2004, tuant plus d’une centaine de personnes. Personne n’a été traduit en justice pour usage excessif de la force ou pour exécution extrajudiciaire. Les forces de sécurité avaient agi en représailles, après que ces groupes armés s’en furent pris à des bâtiments gouvernementaux, entraînant la mort de cinq représentants de la force publique. En vertu de l’article 37 de la charte provisoire, les dirigeants du CRD et les personnes ayant reçu d’eux l’ordre « d’appliquer des sanctions et autres actes administratifs » jouissaient de l’immunité judiciaire.
Au mois de janvier, un policier a été reconnu coupable d’avoir fait monter de force dans sa voiture l’avocat et défenseur des droits humains Somchai Neelapaijit, de confession musulmane. Somchai Neelapaijit n’a pas été revu depuis ces faits, qui s’étaient déroulés en mars 2004, à Bangkok. Le policier mis en cause a été condamné à trois années d’emprisonnement, mais a été remis en liberté sous caution et a pu reprendre son service.
Les disparitions forcées de plus d’une vingtaine de personnes, survenues depuis l’intensification des violences dans le sud, n’ont pas donné lieu à des enquêtes sérieuses de la part de la police. Le ministère de la Justice a annoncé en novembre son intention d’enquêter sur les circonstances de la mort de quelques-unes des 2 500 personnes tuées en 2003 dans le cadre de la « guerre de la drogue ». Il a appelé les familles des victimes à se constituer parties civiles.

Réfugiés et migrants
Au mois de novembre, 53 demandeurs d’asile d’origine hmong qui s’étaient réfugiés dans la province de Nong Khai ont été renvoyés de force au Laos. Quelque 7 000 demandeurs d’asile hmongs du Laos vivaient toujours dans un camp de la province de Phetchabun, dans des conditions déplorables. Environ 400 autres, dont des enfants, se trouvaient dans plusieurs centres de détention, dans des conditions tout aussi mauvaises.
Des camps situés sur la frontière avec le Myanmar accueillaient quelque 150 000 réfugiés. Depuis 2004, plus de 24 000 réfugiés du Myanmar ont été réinstallés dans des pays tiers. Quelque 740 000 travailleurs immigrés originaires du Myanmar ont pu faire renouveler leurs permis de séjour, mais des dizaines de milliers d’autres travaillaient clandestinement.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Thaïlande en juillet et en décembre.

Autres documents d’Amnesty International

 Thailand : “If you want peace, work for justice” (ASA 39/001/2006).

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