SYRIE

Des restrictions sévères pesaient toujours sur la liberté d’expression et d’association. De très nombreuses personnes ont été arrêtées et plusieurs centaines – dont des prisonniers d’opinion et des condamnés n’ayant pas bénéficié d’un procès équitable – ont été maintenues en détention pour des motifs politiques. Les femmes et les membres de la minorité kurde étaient toujours victimes de discrimination dans la législation et en pratique. De nouvelles informations ont fait état de torture et de mauvais traitements infligés aux détenus en toute impunité. Comme les années précédentes, des défenseurs des droits humains ont été victimes de manœuvres de harcèlement, d’arrestations et de mesures de restriction à leur liberté de mouvement.






Contexte
L’état d’urgence proclamé en 1962 était toujours en vigueur à la fin de l’année. Selon une enquête diligentée par les Nations unies, la Syrie était impliquée dans l’assassinat, en février 2005, de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri ; le gouvernement de Damas a nié toute responsabilité dans cette affaire.
La Syrie a accueilli plus de 200 000 Libanais qui ont fui la guerre en juillet et en août, et quelque 500 000 Irakiens contraints de quitter leur foyer en raison de la poursuite du conflit dans leur pays. Environ 500 000 réfugiés palestiniens vivaient également en Syrie, et des dizaines de milliers de Syriens étaient toujours déplacés en raison de l’occupation du Golan par Israël.
Un centre de formation sur les droits humains financé par l’Union européenne a été fermé en mars, peu après sa création. Signé en octobre 2004, l’accord d’association entre la Syrie et l’Union européenne, qui contenait une clause relative aux droits humains, n’avait toujours pas été approuvé à la fin de l’année. Les relations de la Syrie avec les États-Unis restaient tendues.


Libération de prisonniers

Cinq hommes détenus pour leur participation au mouvement de réformes du « Printemps de Damas » – Riad Seif et Mamun al Homsi, anciens députés, Walid al Bunni, Habib Issa et Fawaz Tello – ont été libérés le 18 janvier, sept mois avant l’expiration de leur peine de cinq ans d’emprisonnement.

Emprisonnement pour des motifs politiques
De très nombreuses personnes ont été arrêtées pour des motifs politiques ; des dizaines d’entre elles ont été considérées comme des prisonniers d’opinion. Il y avait plusieurs centaines de prisonniers politiques, parmi lesquels des détenus d’opinion. Beaucoup ont comparu devant la Cour suprême de sûreté de l’État ou devant des juridictions pénales et militaires, qui appliquaient toutes des procédures non conformes aux normes internationales d’équité.
En avril, Riad Drar al Hamood a été condamné par la Cour suprême de sûreté de l’État à une peine de cinq ans d’emprisonnement pour « appartenance à une société secrète », « diffusion de fausses nouvelles » et « incitation aux luttes de factions ». Membre des Comités pour le renouveau de la société civile, un réseau clandestin de personnes qui débattent de questions liées à la politique et aux droits humains, il avait été arrêté en juin 2005 après avoir prononcé un discours lors des obsèques de Sheikh Muhammad Mashuq al Khiznawi, un Kurde, éminent spécialiste de l’islam, qui avait été enlevé et tué. Le chef d’accusation d’« incitation aux luttes de factions » était couramment utilisé contre les défenseurs des droits humains et des droits des Kurdes de Syrie.
Dix des nombreux signataires de la « Déclaration Beyrouth-Damas », un texte prônant une normalisation des relations entre la Syrie et le Liban, ont été arrêtés entre le 14 et le 18 mai. Anwar al Bunni, avocat spécialiste des droits humains et Michel Kilo, écrivain, étaient maintenus en détention à la fin de l’année, de même que Mahmoud Issa. Ce dernier avait été libéré sous caution en septembre, en même temps que l’ancien prisonnier d’opinion Khalil Hussein et que Suleyman Shummar, avant d’être de nouveau arrêté en octobre. Ces cinq hommes ont fait l’objet de multiples inculpations, et notamment d’injure envers le président, des responsables gouvernementaux et des agents de l’État.
L’état de santé d’Arif Dalilah était de plus en plus préoccupant. Cet homme de soixante-trois ans aurait été victime d’une attaque cérébrale à la mi-2006 et souffrait également de diabète et d’hypertension. Il était maintenu dans une petite cellule isolée où il purgeait une peine de dix ans d’emprisonnement pour sa participation, en 2001, au « Printemps de Damas ».
Le procès de Kamal al Labwani s’est poursuivi devant un tribunal pénal. Précédemment détenu pour sa participation au « Printemps de Damas », il avait été libéré puis de nouveau arrêté en novembre 2005, alors qu’il rentrait en Syrie après avoir passé en Europe et aux États-Unis plusieurs mois au cours desquels il avait réclamé pacifiquement une réforme démocratique. Il était accusé de « conspiration avec une nation hostile en vue d’attaquer la Syrie », infraction pour laquelle il encourait une peine de détention à perpétuité. En novembre, il a été violemment battu par un détenu de droit commun, apparemment à l’instigation des autorités.
Huit jeunes hommes arrêtés entre janvier et mars en raison, semble-t-il, de leur participation à la création d’un groupe de discussion politique, étaient maintenus en détention au secret à la fin de l’année. Ils auraient été torturés durant leur interrogatoire. Ils ont comparu devant la Cour suprême de sûreté de l’État ; sept d’entre eux étaient accusés d’avoir « exposé la Syrie à des actes hostiles », et tous de « diffusion de fausses nouvelles susceptibles de porter atteinte à la dignité de l’État ».
En août, Habib Saleh, ancien prisonnier d’opinion dans le cadre de la répression du « Printemps de Damas », a été condamné par le tribunal militaire de Homs à une peine de trois ans d’emprisonnement pour avoir « affaibli les sentiments nationalistes » et « diffusé des fausses nouvelles ». Ces accusations étaient liées à des articles critiquant les autorités syriennes qu’il avait diffusés sur Internet.
De très nombreux Syriens étaient jugés pour leur appartenance présumée à la « tendance islamiste ». Arrêtés en avril 2004, 11 hommes d’Al Otaybe ont été condamnés le 14 novembre par la Cour suprême de sûreté de l’État à des peines comprises entre six et neuf ans d’emprisonnement. Ils avaient été déclarés coupables d’appartenance à une organisation salafiste. Vingt-trois jeunes gens originaires de Qatana qui avaient été arrêtés en juillet 2004 ont été maintenus en détention. Les membres de ces deux groupes auraient été torturés et maltraités pendant de longues périodes de détention au secret.
Muhi al Din al Sheikh Aali, militant et secrétaire du Hizb al Ittihad al Dimoqrati (Parti de l’union démocratique), un groupe kurde interdit, aurait été arrêté le 20 décembre à Alep (nord du pays) par des membres du Service des renseignements militaires. Il était maintenu en détention au secret à la fin de l’année dans un lieu inconnu.

Liberté d’expression
La liberté d’expression demeurait soumise à de sévères restrictions.
Dix-sept fonctionnaires employés de différents ministères ont été révoqués sans explication en raison, semble-t-il, de leur soutien à la « Déclaration Beyrouth-Damas ». Ces révocations ont été ordonnées, le 14 juin, par le Premier ministre Mohammad Naji Otri.
Remis en liberté après avoir purgé une peine de six mois d’emprisonnement prononcée par un tribunal militaire pour « injures envers le président », « atteinte à la dignité de l’État » et « incitation aux luttes de factions », l’écrivain Mohammad Ghanem aurait été suspendu de ses fonctions à la Direction de l’éducation d’Al Raqqa.
L’accès à plusieurs dizaines de sites Internet syriens consacrés à l’information, parmi lesquels www.syriaview.net, www.thisissyria.net, www.kurdroj.com, www.shril.info et www.arraee.com, aurait été bloqué au cours de l’année.

Torture et mauvais traitements
Comme les années précédentes, des informations ont signalé des actes de torture et des mauvais traitements ; ces allégations n’ont fait l’objet d’aucune enquête.
On a appris en avril que Muhammad Shaher Haysala avait succombé en prison, à Damas, des suites d’actes de torture et de mauvais traitements infligés durant les six mois de sa détention. Cet homme avait, semble-t-il, été arrêté en raison de ses liens présumés avec l’organisation Jund al Sham (Armée de la Syrie).
Ali Sayed al Shihabi, un ancien prisonnier d’opinion qui avait déjà été incarcéré durant neuf ans, a été de nouveau arrêté en août, apparemment pour avoir écrit des articles diffusés en ligne. Il était toujours détenu à la fin de l’année. Il a reçu des coups de bâton sur les pieds et les mains alors qu’il était détenu dans les locaux du Service des renseignements, à Damas.
Muhammad Haydar Zammar a été traduit devant la Cour suprême de sûreté de l’État en octobre pour répondre, entre autres, d’appartenance à l’organisation interdite des Frères musulmans – chef d’accusation qui le rend passible de la peine de mort en cas de condamnation. Ce citoyen allemand d’origine syrienne est détenu au secret depuis décembre 2001 dans un lieu qui n’a pas été révélé. Il aurait été torturé.

Violences et discrimination envers les femmes
Au moins 10 femmes auraient été tuées par un membre de leur famille pour des raisons « d’honneur ». Faute d’enquête appropriée et compte tenu des dispositions du Code pénal prévoyant qu’un homme qui a tué une parente présumée coupable d’« adultère » ou d’autres « relations sexuelles en dehors du mariage » peut être condamné à une peine plus faible que les autres meurtriers, les auteurs de tels crimes continuaient de bénéficier d’une quasi-impunité. Des militantes des droits des femmes s’efforçaient d’obtenir l’abrogation des lois discriminatoires, notamment en matière de mariage, de divorce, de droit de la famille, d’héritage et de nationalité, ainsi qu’une meilleure protection contre les violences, en particulier domestiques.
En juillet, dans un village proche de Sweida, une adolescente handicapée mentale qui avait été violée par un parent aurait été tuée par son frère. Un procès était en cours à la fin de l’année.
En mars, une jeune femme aurait été contrainte d’épouser l’homme qui l’avait violée, permettant à celui-ci, conformément aux dispositions de l’article 508 du Code pénal, d’échapper aux poursuites.

Discriminations envers les Kurdes
Les Kurdes continuaient de souffrir de discrimination fondée sur leur identité, et notamment de restrictions frappant l’utilisation de leur langue et de leur culture. Des dizaines de milliers de Kurdes de Syrie étaient de fait apatrides et ne bénéficiaient donc pas pleinement de leurs droits économiques et sociaux.
Quelque 75 personnes arrêtées en mars pour avoir célébré le Nouvel An kurde à Alep auraient été libérées en septembre. La fête, pourtant pacifique, avait été violemment interrompue par les forces de sécurité.
Quatre enseignants auraient été arrêtés le 4 août et incarcérés pendant un mois pour avoir enseigné la langue kurde.

Défenseurs des droits humains
Plusieurs organisations de défense des droits humains non autorisées poursuivaient leurs activités. Leurs membres risquaient toujours cependant d’être arrêtés, harcelés ou interdits de déplacement.
En mars, Ammar Qurabi, porte-parole de l’Organisation nationale des droits humains, a été détenu pendant quatre jours dans les locaux de la Section Palestine, une branche du Service des renseignements militaires à Damas, puis remis en liberté sans inculpation.
Les locaux de la Société des droits humains en Syrie ont été attaqués le 11 juillet ; les fenêtres ont été brisées et les murs souillés par des excréments d’animaux.
Le 27 juillet, Muhannad al Hasani, président de l’Organisation syrienne des droits humains, a été empêché, sur ordre des services de sécurité, de se rendre en Jordanie où il devait participer à une réunion sur les systèmes organisationnels. Par ailleurs, en octobre, il n’a pas été autorisé à se rendre au Maroc pour assister au Forum civil euro-méditerranéen.
Nizar Ristnawi, membre fondateur de l’Organisation arabe des droits humains en Syrie, a été condamné en novembre par la Cour suprême de sûreté de l’État à une peine de quatre ans d’emprisonnement pour « diffusion de fausses nouvelles » et « injure envers le président ». Il semble que sa condamnation pour ces chefs d’accusation soit liée à son action en faveur des droits humains et de la démocratie. Nizar Ristnawi avait été arrêté en avril 2005 et maintenu au secret jusqu’en août de la même année.

Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire
Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a conclu, en mai, que la détention de cinq hommes expulsés vers la Syrie était arbitraire, étant donné qu’ils avaient subi une violation grave de leur droit à un procès équitable. Muhammad Faiq Mustafa, renvoyé de Bulgarie en novembre 2002 et condamné à douze ans d’emprisonnement par un tribunal militaire, a été libéré en novembre 2005. Ahmet Muhammad Ibrahim, expulsé de Turquie en mars 2005, a été élargi en janvier 2006. Il aurait été torturé durant sa détention. Nabil al Marabh, renvoyé des États-Unis en janvier 2004, a été condamné en mars à cinq années d’emprisonnement par la Cour suprême de sûreté de l’État, qui l’a déclaré coupable d’avoir « exposé l’État à des actes hostiles ». Abd al Rahman al Musa, renvoyé des États-Unis en janvier 2005, et Muhammad Osama Sayes, renvoyé du Royaume-Uni en mai 2005, ont été condamnés à mort en juin par la Cour suprême de sûreté de l’État pour appartenance aux Frères musulmans. La sentence a été immédiatement commuée en une peine de douze ans d’emprisonnement.

Peine de mort
La peine de mort était toujours appliquée pour toute une série de crimes, mais les autorités ne fournissaient pratiquement aucune information sur l’utilisation de ce châtiment. Sept personnes au moins ont été condamnées à mort aux termes de la Loi 49 de 1980 pour appartenance à l’organisation interdite des Frères musulmans ; leurs sentences ont été commuées en une peine de douze ans d’emprisonnement.

Impunité et disparitions forcées
La question de l’impunité pour les atteintes massives aux droits humains commises dans le passé, en particulier depuis la fin des années 1970, était de plus en plus au cœur des débats menés dans la société civile. Les autorités n’avaient toujours pas donné d’informations sur le sort de plus de 17 000 personnes, pour la plupart des islamistes, « disparues » après leur arrestation à la fin des années 1970 et au début des années 1980, ni sur celui de centaines de Libanais et de Palestiniens arrêtés en Syrie ou enlevés au Liban par les forces syriennes ou des milices libanaises ou palestiniennes.


Visites d’Amnesty International

En janvier, des représentants d’Amnesty International se sont rendus en Syrie pour la première fois depuis 1997. Ils se sont entretenus avec des responsables gouvernementaux et des avocats, ainsi qu’avec les familles de plusieurs détenus.

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