Fidji

La suspension de la Constitution, la destitution des magistrats et l’imposition de mesures d’exception ont encore davantage mis à mal la protection des droits humains et l’état de droit. Le régime militaire a continué de bafouer le droit à la liberté d’expression et de soumettre les journalistes et d’autres personnes à des manœuvres d’intimidation. Un décret gouvernemental a rendu inopérante la Commission fidjienne des droits humains, qui manquait déjà d’indépendance. Ses auteurs jouissant par principe de l’impunité, la violence contre les femmes demeurait très répandue.

RÉPUBLIQUE DES ÎLES FIDJI
CHEF DE L’ÉTAT : Ratu Josefa Iloilovatu Uluivuda, remplacé par Ratu Epeli Nailatikau le 1er août
CHEF DU GOUVERNEMENT : Josaia Voreqe Bainimarama
PEINE DE MORT : abolie sauf pour crimes exceptionnels
POPULATION : 0,8 million
ESPÉRANCE DE VIE : 68,7 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 25 / 24 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 94,4 %

Contexte

Le 10 avril, au lendemain de la décision de la Cour d’appel déclarant illégal le coup d’État militaire de décembre 2006, de même que les actions postérieures du président Iloilovatu et du commodore Bainimarama (qui était à la tête du putsch), le chef de l’État a abrogé la Constitution, destitué les magistrats et instauré l’état d’urgence. La liberté de la presse a été gravement restreinte à partir du mois d’avril ; le pouvoir exécutif a entravé l’indépendance des magistrats et des avocats, et des dizaines de défenseurs des droits humains, de détracteurs du gouvernement et de journalistes ont été arrêtés et détenus durant de courtes périodes, menacés ou soumis à d’autres manœuvres d’intimidation.

Évolutions législatives, constitutionnelles ou institutionnelles

Toutes les nominations de magistrats effectuées en vertu de la Constitution ont été annulées par décret en avril. Des juges ont été nommés à la Haute Cour six semaines plus tard. Certains magistrats démis de leurs fonctions en avril ont accepté une nouvelle nomination, d’autres non.
Deux décrets (pris en avril et mai) ont empêché les tribunaux et la Commission des droits humains, respectivement, d’examiner des affaires liées à l’abrogation de la Constitution et aux autres décisions du gouvernement. Le décret de mai a en outre limité les pouvoirs de la Commission en matière d’éducation aux droits humains. En mai, le Décret relatif aux juristes a ôté au barreau fidjien le pouvoir de délivrer aux avocats l’autorisation d’exercer, désormais attribué au greffier de la Haute Cour (désigné par l’État). Ce texte a également exclu le barreau de la Commission des services judiciaires, qui est habilitée à nommer les juges de la Haute Cour.
 ?Sous la direction de la greffière de la Haute Cour, qui agissait sans mandat, une perquisition a eu lieu en mai au siège du barreau. Des dossiers ont été saisis.
 ?Le président de tribunal Ajmal Khan et le juge Maika Nakora, tous deux nommés en mai, ont été démis de leurs fonctions, respectivement en juillet et en août, sans explication officielle.

Liberté d’expression

Le Décret d’urgence publique a conféré au secrétaire permanent à l’Information le pouvoir de retirer sa licence à tout organe de presse qui imprimerait, publierait ou diffuserait des informations donnant une image négative du gouvernement. Cette menace a entraîné une censure considérable des médias. À partir d’avril, le gouvernement a utilisé le Décret d’urgence publique pour intimider ses détracteurs et les défenseurs des droits humains. Au moins 20 journalistes ont par ailleurs été arrêtés et détenus sans inculpation en application des dispositions de ce texte.
 ?Plusieurs journalistes ont été arrêtés par la police en avril en vertu de ce décret. L’un d’eux a été interrogé pour avoir transmis des images de télévision à un journaliste australien. Les professionnels des médias ont été sommés de pratiquer un « journalisme de l’espoir », ce qui signifiait qu’ils devaient éviter de parler du gouvernement de façon négative, sous peine de sanctions sévères.
 ?En mai, deux journalistes ont été interpellés et interrogés pour avoir publié un article au sujet de la libération d’un policier et de plusieurs soldats qui avaient tous été déclarés coupables d’homicide à la suite de la mort d’un jeune homme en juin 2007. Le gouvernement a admis par la suite que cette information était vraie.
 ?En novembre, l’armée a arrêté l’universitaire australien d’origine fidjienne Brij Lal, en raison d’une interview qu’il avait accordée à des médias étrangers. Les militaires ont menacé de le tuer s’il ne quittait par le pays immédiatement. Il est parti dès le lendemain.

Liberté de religion

En juillet, le gouvernement a interdit la tenue du congrès annuel de l’Église méthodiste. D’éminents membres et une haute responsable de cette Église ont été arrêtés et interrogés par la police, puis par des militaires. Ils ont été inculpés au titre du Décret d’urgence publique pour avoir continué à préparer ce rassemblement. D’autres Églises et organisations religieuses ont été autorisées à organiser leur congrès annuel.
Le chef de la police, Esala Teleni, a lancé une « croisade chrétienne », un programme chrétien destiné à réduire la criminalité. Dans ce cadre, les policiers devaient transmettre les valeurs chrétiennes au sein de la population en participant à des événements religieux dans les villes. Cette « croisade » était obligatoire pour tous les policiers, quelle que soit leur religion. Ceux qui n’y ont pas participé parce qu’ils avaient d’autres convictions ont été relevés de leurs fonctions.

Violences contre les femmes et les filles

La violence contre les femmes demeurait fréquente. La police n’a pris aucune mesure efficace pour la combattre, s’abstenant d’arrêter les suspects ou d’engager des poursuites contre eux. Dans le cadre de la « croisade chrétienne », les policiers obligeaient en revanche les victimes à se réconcilier avec leur compagnon violent. De nombreux viols de femmes et de jeunes filles ont été signalés entre juin et octobre.
 ?En juillet, une femme a été violée et jetée à la mer. Le même mois, un homme a été accusé d’avoir violé ses filles et sa belle-fille à plusieurs reprises.
Les statistiques du Centre d’aide d’urgence aux femmes de Fidji ont révélé que le nombre de cas de violence domestique traités au cours de l’année était en constante hausse.

À lire

Fiji : Paradise Lost, A tale of ongoing human rights violations, April – July 2009 (ASA 18/002/2009).

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