Honduras

L’état de droit et la protection des droits humains ont été mis à mal à la suite du coup d’État organisé en juin avec le soutien de l’armée, qui a ouvert une crise politique durant laquelle les forces de sécurité ont fréquemment recouru à une force excessive contre des manifestants. Un grand nombre de partisans de l’opposition ont fait l’objet de manœuvres d’intimidation et d’agressions. L’immense majorité – et peut-être même la totalité – des cas signalés de violations des droits humains lors des troubles n’ont pas donné lieu à une enquête.

RÉPUBLIQUE DU HONDURAS
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : José Manuel Zelaya Rosales, destitué et remplacé par Roberto Micheletti le 28 juin
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 7,5 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 72 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 44 / 35 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 83,6 %

Contexte

Le président Zelaya a été chassé du pouvoir le 28 juin et expulsé du pays par un groupe de responsables politiques de l’opposition soutenus par l’armée et emmenés par Roberto Micheletti, membre du Parti libéral (PL) et alors président du Congrès national. Un gouvernement de facto dirigé par Roberto Micheletti est resté au pouvoir jusqu’à la fin de l’année. En septembre, le président déchu José Manuel Zelaya a regagné le Honduras et s’est installé dans l’ambassade du Brésil.
Le coup d’État a été condamné par une grande partie de la communauté internationale. Les négociations politiques mises en place grâce à la médiation de l’Organisation des États américains (OEA) et visant à rétablir le gouvernement élu ont échoué. En novembre, le gouvernement de facto a organisé des élections. Marquées par un fort taux d’abstention, elles ont été remportées par le candidat du Parti national, Porfirio (« Pepe ») Lobo. Le nouveau président devait entrer en fonction en janvier 2010.

Détention arbitraire et mauvais traitements

Plusieurs centaines de manifestants, pour la plupart des sympathisants du gouvernement de José Manuel Zelaya, mais aussi des personnes qui se trouvaient là par hasard, ont été arrêtés arbitrairement, frappés et maltraités par des membres de la police ou de l’armée. Beaucoup ont indiqué avoir été placés dans des centres de détention non officiels, comme des stades et des casernes militaires.
 ?Une adolescente de 16 ans a été arrêtée arbitrairement alors qu’elle s’adressait à des policiers pour s’enquérir de l’endroit où ils conduisaient son père. Elle a été enfermée pendant plusieurs heures dans une cellule avec neuf autres femmes. Un policier a pris du papier hygiénique et l’a imprégné de produit chimique avant de l’enflammer, répandant une fumée toxique dans la cellule. La jeune fille et les autres détenues ont déclaré qu’elles avaient souffert de difficultés respiratoires et de brûlures aux yeux et à la gorge. Pour certaines, ces symptômes ont duré plusieurs jours.
 ?En août, Alex Matamoros, un défenseur des droits humains travaillant pour le Centre de recherche et de promotion des droits humains (CIPRODEH), a été arrêté de manière arbitraire à Tegucigalpa, alors qu’il s’interposait à la fin d’une manifestation pour défendre trois garçons que des policiers étaient en train de frapper. Il a été détenu dans les locaux de la police du quartier d’El Manchén pendant près de 12 heures, avant d’être remis en liberté sans inculpation.

Recours excessif à la force et homicides illégaux

L’utilisation par la police de balles réelles, de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène a provoqué la mort d’au moins 10 personnes. Un très grand nombre de manifestants, parmi lesquels des enfants, ont été blessés en raison du recours arbitraire au gaz lacrymogène, utilisé sans avertissement approprié ni précautions suffisantes. Les hôpitaux n’ont pas été informés des substances chimiques utilisées, ce qui les a empêchés de dispenser des soins.
 ?Isis Obed Murillo, âgé de 19 ans, est mort le 5 juillet d’une blessure à la tête après que des soldats eurent tiré à balles réelles lors d’une manifestation à l’aéroport de Toncontín, à Tegucigalpa. Selon certaines sources, l’armée a refusé de collaborer à l’enquête ouverte sur ce décès.
 ?En août, Roger Abraham Vallejo, un enseignant de 38 ans, est mort à l’hôpital des suites d’une blessure à la tête ; il avait semble-t-il été touché par une balle tirée par un policier lors de la dispersion d’une manifestation organisée à Tegucigalpa en juillet.
 ?Gerson Ariel Cruz, 16 ans, a été grièvement blessé par la police en septembre, à la suite de la dispersion d’une manifestation à Tegucigalpa. D’après un témoin, les policiers ont poursuivi les manifestants dans un quartier résidentiel, où ils ont ouvert le feu. Gerson Ariel Cruz, qui n’avait pas participé au rassemblement, a été touché. Une enquête du procureur spécial chargé des droits humains était en cours à la fin de l’année.
Défenseurs des droits humains
Des représentants d’organisations œuvrant pour la défense des droits humains ont été menacés et harcelés.
 ?En septembre, une quinzaine de policiers ont lancé des grenades lacrymogènes dans les locaux du Comité des familles de détenus et disparus du Honduras (COFADEH), où s’étaient réfugiés de très nombreux manifestants favorables à José Manuel Zelaya. Une centaine de personnes, dont des enfants, se trouvaient alors à l’intérieur.
 ?Walter Tróchez a été assassiné à Tegucigalpa en décembre. Neuf jours plus tôt, ce défenseur des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles ou transgenres était parvenu à s’enfuir après avoir été enlevé par plusieurs hommes masqués qui lui avaient demandé les noms et adresses de partisans de l’opposition. Ses ravisseurs lui auraient déclaré avoir reçu l’ordre de le tuer.

Liberté d’expression et d’association

Plusieurs journalistes ont été agressés. À partir du 28 juin, les autorités de facto ont suspendu par intermittence les émissions de la station Radio Globo et de la chaîne de télévision Canal 36. Les deux médias, dont les locaux ont été investis à plusieurs reprises par des militaires, fonctionnaient toutefois de nouveau à la fin de l’année.
Le 26 septembre, le président de facto a émis un décret autorisant notamment l’interdiction des journaux et des médias soupçonnés d’« insulter les fonctionnaires de l’État ». Bien que le décret n’ait pas reçu l’aval parlementaire nécessaire pour sa mise en œuvre, la police et l’armée y ont eu recours pour autoriser des perquisitions dans les locaux d’organes de presse ainsi que la fermeture de ceux-ci. Le décret disposait également qu’une autorisation préalable était nécessaire pour toute réunion et tout rassemblement publics, de quelque nature qu’ils soient. Il a été abrogé le 19 octobre.
 ?En septembre, alors qu’il allait couvrir la situation à Radio Globo et Canal 36, Delmer Membreño, un photographe du journal El Libertador, a été embarqué de force dans un camion par quatre hommes encagoulés. Ceux-ci lui ont également placé une cagoule sur la tête avant de prendre la route. Au bout d’une heure et demie environ, ils se sont arrêtés, l’ont traîné hors du véhicule et lui ont braqué une arme à feu sur la tête. L’un des agresseurs a déclaré à Delmer Membreño qu’ils le laissaient en vie uniquement pour qu’il transmette une menace de mort au rédacteur en chef du Libertador. Les hommes l’ont ensuite frappé et lui ont brûlé le visage et le torse avec des cigarettes avant de le relâcher. L’enquête ouverte sur cette affaire n’était pas achevée à la fin de l’année.

Violences contre les femmes

Des femmes ont déclaré avoir subi des violences sexuelles et des actes de harcèlement durant des manifestations ou pendant leur détention par la police. De nombreuses femmes ont affirmé que des policiers les avaient frappées sur les fesses et l’arrière des cuisses pendant les manifestations. Les autorités n’ont pas ouvert d’enquête sur les violences liées au genre perpétrées pendant les troubles.
 ?N. a été séparée de sa famille au cours d’une manifestation à Choloma, le 14 août. Elle a été arrêtée de façon arbitraire par des policiers qui, après avoir déposé d’autres personnes interpellées dans un poste de police, l’ont conduite dans un lieu isolé où elle a été violée par quatre d’entre eux.
 ?Une femme de 34 ans a indiqué à Amnesty International que sa mère, âgée de 59 ans, et elle-même avaient été frappées à maintes reprises à coups de matraque sur l’arrière des cuisses et les fesses par des policiers, au cours d’une manifestation.
 ?« Eva », une jeune femme de 26 ans, a déclaré qu’un militaire avait tenté de l’interpeller et l’avait menacée avec une matraque en criant : « Chienne, je vais t’apprendre à être une femme ».


Droits des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et des transgenres

Des éléments d’information ont révélé une forte augmentation du nombre de meurtres de femmes transgenres à la suite du coup d’État du mois de juin. Entre 2004 et mars 2009, les organisations de défense des droits humains en avaient recensé 17 et, de fin juin à décembre 2009, 12 nouveaux cas ont été signalés par les ONG locales. Aucune donnée n’était disponible concernant les enquêtes éventuellement ouvertes sur ces homicides.

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