Banghladesh

Au moins 74 personnes, dont des civils et des officiers de l’armée, ont été tuées lors d’une mutinerie au sein des Bangladesh Rifles (BDR), en février. Plus de 3 000 éléments de cette force paramilitaire ont été arrêtés par la suite ; 48 d’entre eux, peut-être plus, sont morts en détention. Des membres de la police et des forces de sécurité ont été impliqués dans l’exécution extrajudiciaire présumée de quelque 70 suspects de droit commun. Il y a eu au moins 64 condamnations à mort et au moins trois exécutions. Alors que des femmes ont, cette année encore, été victimes d’agressions à l’acide, de viol, de coups et d’autres sévices, les autorités n’ont pratiquement rien fait pour prévenir ces violences.

RÉPUBLIQUE POPULAIRE DU BANGLADESH
CHEF DE L’ÉTAT : Iajuddin Ahmed, remplacé par Zilur Rahman le 12 février
CHEF DU GOUVERNEMENT : Fakhruddin Ahmed, remplacé par Sheikh Hasina le 6 janvier
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 162,2 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 65,7 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 58 / 56 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 53,5 %

Contexte

Le gouvernement de la Ligue Awami est entré en fonction en janvier, mettant fin à deux ans d’état d’urgence sous un gouvernement intérimaire civil soutenu par l’armée. Il a repris à son compte des réformes institutionnelles que le gouvernement intérimaire avait introduites sous forme de législation temporaire, telles que la Loi relative à la Commission nationale des droits humains, adoptée par le Parlement en juillet. Le nouveau gouvernement a également mis en place en juillet une Commission de l’information, le Parlement ayant adopté en mars la Loi sur le droit à l’information.

Répression de la dissidence

Comme les années précédentes, la police a fait un usage injustifié et excessif de la force pour disperser des manifestants.
 ?En septembre, plusieurs dizaines de policiers ont attaqué à coups de matraque des personnes qui manifestaient pacifiquement à Dacca à l’initiative de la Commission nationale de protection des ressources pétrolières, gazières et minières, de l’énergie et des ports. Au moins 20 manifestants ont été blessés, dont un de leurs chefs de file, le professeur Anu Mohammed. Un millier de personnes s’étaient rassemblées pour réclamer plus de transparence dans la décision gouvernementale d’accorder des contrats à des compagnies pétrolières étrangères. Aucune enquête indépendante n’a été effectuée sur cette opération de la police.

Mutinerie des Bangladesh Rifles – torture et crainte de procès inéquitables

Des éléments des Bangladesh Rifles (BDR) ont mené, en février, une mutinerie de grande ampleur dans leur quartier général à Dacca. Les mutins ont tué au moins 74 personnes : six civils, 57 officiers de l’armée, un soldat, neuf jawans (le grade le moins élevé des BDR) et une personne qui, à la fin de l’année, n’avait pas encore été identifiée. Plusieurs milliers de membres des BDR ont été par la suite confinés dans leur caserne et privés de tout contact avec le monde extérieur. Des informations ont rapidement filtré selon lesquelles un très grand nombre d’entre eux, peut-être plusieurs centaines, avaient subi des violations de leurs droits fondamentaux et notamment avaient été torturés en raison de leur implication présumée dans la mutinerie. Au moins 20 sont morts en détention pour la seule période de mars à mai ; selon les responsables des BDR, quatre se sont suicidés et 16 sont décédés de causes naturelles. Au 10 octobre, le chiffre était passé de 20 à 48. D’après certaines sources, il est possible que plusieurs membres des BDR soient morts des suites directes ou indirectes de torture. Une commission officielle désignée en mai pour enquêter sur ces affaires n’avait pas remis son rapport à la fin de l’année.
L’enquête officielle sur les circonstances de la mutinerie n’a pas permis d’en établir les causes. Le Département des enquêtes judiciaires (CID) de la police a démarré une autre enquête pour déterminer les charges pesant sur plus de 3 000 membres des BDR en instance de procès ; ses conclusions n’avaient pas été rendues publiques à la fin de l’année. Le gouvernement a confirmé en septembre que des procès pour homicides, prises d’otages et pillages se dérouleraient devant des tribunaux civils. On ignorait si les tribunaux disposaient de moyens, notamment en matière de formation complémentaire des juges, pour garantir un procès équitable à tous les accusés, dont le nombre était sans précédent.

Droits des peuples autochtones

Le gouvernement a commencé en août à démanteler les principaux camps de l’armée dans les Chittagong Hill Tracts, afin de mettre en œuvre l’une des dispositions non encore appliquées de l’accord de paix de 1997. Cet accord, signé par le gouvernement et des représentants des Chittagong Hill Tracts, avait reconnu les droits des populations autochtones de la région et mis un terme à une insurrection qui durait depuis plus de 20 ans. Les autorités n’ont cependant rien fait pour mettre en œuvre les autres dispositions non appliquées, et notamment pour résoudre un conflit sur la propriété de terres dont les autochtones affirment qu’elles ont été confisquées par l’armée durant l’insurrection et données à des Bangladais non indigènes que le gouvernement a encouragés à s’installer dans la région.

Exécutions extrajudiciaires

La Première ministre Sheikh Hasina a affirmé, en février et en octobre, que le gouvernement allait mettre un terme aux exécutions extrajudiciaires. Pourtant, jusqu’à 70 personnes auraient trouvé la mort lors d’« échanges de tirs » au cours des neuf premiers mois de l’année. En général, lorsqu’ils voulaient désigner des exécutions extrajudiciaires, les responsables de la police parlaient d’« échanges de tirs » ou de « fusillades » ayant entraîné la mort.
 ?Les proches de Mohsin Sheikh et de Mohammad Ali Jinnah, deux dirigeants de la branche étudiante de la Ligue Awami respectivement âgés de 23 et 22 ans, ont affirmé que ces derniers avaient été abattus à Dacca en mai par des membres du Bataillon d’action rapide (RAB). Le RAB a déclaré qu’ils n’avaient pas obtempéré à l’ordre de s’arrêter à un poste de contrôle et qu’ils avaient été abattus dans la « fusillade » qui avait suivi. L’autopsie pratiquée a révélé qu’aucune des balles tirées par les membres du RAB ne s’était perdue, ce qui laissait à penser qu’il s’agissait d’un homicide planifié et non d’une « fusillade ». La police a mené des investigations criminelles sur 10 membres du RAB, mais aucun d’entre eux n’a été traduit en justice.

Violences contre les femmes

La presse a fait état d’au moins 21 cas dans lesquels un mari avait tué sa femme parce que la famille de celle-ci n’avait pas les moyens de lui verser la dot. Des sources policières ont indiqué avoir reçu entre janvier et octobre au moins 3 413 plaintes pour coups, entre autres violences contre les femmes liées à la dot. Dans bien des cas portés à la connaissance d’Amnesty International, les poursuites ont débouché sur une condamnation, mais les autorités n’ont pris aucune mesure pour élaborer, financer et mettre en œuvre un programme de prévention des violences contre les femmes. Selon des groupes de défense des droits des femmes, de nombreux cas de violences, par exemple le viol présumé de travailleuses du sexe durant leur garde à vue, n’étaient pas dénoncés par peur de représailles et par manque de protection.
 ?En octobre, Smrity Begum est morte après avoir été, semble-t-il, contrainte par son mari d’avaler du poison. Celui-ci avait réclamé à la famille de son épouse une moto à titre de dot, ce qu’elle n’avait pas les moyens de lui fournir. La police a inculpé le mari de meurtre.
Évolutions juridiques, constitutionnelles ou institutionnelles
Le ministre des Lois, de la Justice et des Relations avec le Parlement a annoncé en août la création d’un tribunal chargé d’examiner le cas des personnes accusées d’atteintes aux droits humains commises durant la guerre d’indépendance, en 1971. Aucune juridiction de ce type n’a cependant été mise en place.

Peine de mort

Cinq hommes reconnus coupables du meurtre du président Sheikh Mujibur Rahman en 1975 ont vu leur sentence capitale confirmée par la Cour suprême en novembre. Au moins 64 personnes ont été condamnées à mort et au moins trois exécutions ont eu lieu.

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