Malaisie

La liberté d’expression restait limitée ; les autorités s’en sont notamment prises aux blogueurs et il n’était pas rare par ailleurs que des manifestants non violents soient interpellés. Deux personnes au moins sont mortes en garde à vue. Les travailleurs migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile étaient régulièrement arrêtés et internés dans des camps, où ils étaient victimes de mauvais traitements. La Malaisie a rejeté les recommandations qui lui avaient été adressées dans le cadre de la procédure d’examen périodique universel [ONU], et qui invitaient notamment les autorités à garantir le droit des individus à se rassembler pacifiquement et à ratifier d’une part la Convention relative au statut des réfugiés, d’autre part la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Malaisie
CHEF DE L’ÉTAT : Mizan Zainal Abidin
CHEF DU GOUVERNEMENT : Abdullah Ahmad Badawi, remplacé par Najib Tun Razak le 3 avril
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 27,5 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 74,1 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 12 / 10 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 91,9 %

Contexte

Najib Tun Razak a été nommé Premier ministre au mois d’avril. Les tensions politiques se sont intensifiées dans l’État de Perak, un territoire situé au nord de la capitale, Kuala-Lumpur, et contrôlé par l’Alliance du peuple (opposition) jusqu’à la défection de trois de ses membres élus. Après avoir rencontré le Premier ministre, le sultan de Perak a ordonné en février au chef du gouvernement de l’État de se retirer. En mai, le chef de l’opposition au Parlement, V. Sivakumar, a été expulsé par la police d’une séance de l’assemblée de l’État, au cours de laquelle les députés devaient porter à la tête de l’administration locale Zambry Abdul Kadir, candidat du parti gouvernemental, le Front national. Des dizaines de personnes ont été arrêtées et placées en détention pendant une courte période avant et après cette séance de l’assemblée.

Liberté d’expression

La liberté d’expression faisait l’objet de sévères restrictions, les autorités n’hésitant pas à faire appel à tout un arsenal de lois pour étouffer les critiques, notamment à la Loi de 1998 sur les communications et le multimédia.
 ?Le portail d’informations indépendant Malaysiakini s’est fait l’écho d’une manifestation organisée au mois d’août par des musulmans qui entendaient protester contre l’implantation d’un temple hindou dans leur quartier. Deux vidéos de cette manifestation ont été mises en ligne. L’organisme gouvernemental de régulation d’Internet a ordonné au site de retirer ces vidéos, le menaçant de poursuites au titre de la Loi sur les communications et le multimédia, sous prétexte qu’elles avaient un caractère choquant. L’action engagée contre le site n’avait pas été abandonnée à la fin de l’année.
 ?Les autorités ont lancé en mars une vague de répression contre les blogueurs au niveau national. Inculpés au titre de la Loi sur les communications et le multimédia, huit internautes risquaient la prison et une amende pour avoir mis en ligne des commentaires critiques à l’égard du sultan de Perak, concernant son attitude dans la crise politique qui touchait cet État. Karpal Singh, un parlementaire de l’opposition, a été inculpé au titre de la Loi relative à la sédition, pour avoir menacé de poursuivre en justice le sultan en l’accusant d’avoir porté atteinte à la Constitution de l’État. L’un des blogueurs inculpés a plaidé coupable et la procédure engagée contre les autres suivait son cours. Tous ont été remis en liberté sous caution.
 ?Pour avoir prononcé un discours religieux sans autorisation du gouvernement, le dirigeant religieux Mohamad Asri Zainul Abidin a été inculpé en novembre au titre de la législation de l’État de Selangor sur les affaires islamiques. Il a été laissé en liberté sous caution en attendant l’ouverture de son procès. Il est passible de deux ans d’emprisonnement et d’une amende pouvant atteindre 3 000 ringgits (650 euros environ).
 ?En octobre, plusieurs signalements de police ont été faits contre l’organisation de défense des droits de la femme Sœurs en Islam, qui avait dénoncé la bastonnade en tant que punition pouvant être administrée aux musulmans. Au moins deux des dirigeantes de cette association ont été interrogées par la police en vertu de la Loi relative à la sédition.

Arrestations et détentions arbitraires

Dans l’espoir de faire taire les voix dissidentes, les autorités ont arrêté des centaines de manifestants non violents, pour ne les relâcher que plusieurs heures après (jusqu’à 24 heures pour certains). Cinq prisonniers d’opinion ont été remis en liberté. Il s’agissait de dirigeants de la Force d’action pour les droits des hindous, qui avaient été arrêtés au nom de la Loi relative à la sécurité intérieure. Dix autres personnes détenues au titre de cette même loi ont également été libérées. À la fin de l’année, neuf autres étaient apparemment toujours en détention en vertu des dispositions de ce texte.
 ?Wong Chin Huat a été arrêté en mai, en vertu de la Loi relative à la sédition, pour avoir appelé à manifester contre l’attitude du gouvernement dans la crise de l’État de Perak. Le même mois, 15 personnes au moins, parmi lesquelles Mohamad Sabu, vice-président du Parti islamique panmalaisien, ont été arrêtées parce qu’on leur reprochait d’avoir pris part à des manifestations visant à dénoncer la crise dans la région, ou de les avoir organisées. Cinq avocats qui représentaient les 14 personnes appréhendées en même temps que Mohamad Sabu ont également été interpellés. Tous ont été relâchés après avoir passé la nuit en garde à vue.
 ?Au mois d’août, près de 600 personnes ont été brièvement placées en détention à l’issue d’un rassemblement organisé pour dénoncer la Loi relative à la sécurité intérieure. Soixante-trois d’entre elles, dont le vice-président de l’Alliance du peuple, Sivarasa Rasiah, ont passé la nuit en garde à vue.
 ?En septembre, 16 membres de la Force d’action pour les droits des hindous, dont un ancien détenu arrêté au titre de la Loi relative à la sécurité intérieure, P. Uthayakumar, ont été interpellés et privés de liberté durant une courte période alors qu’ils tentaient d’organiser une manifestation silencieuse à Kuala-Lumpur.

Morts en détention

 ?Le corps de Kugan Ananthan, mort en garde à vue au mois de janvier, portait de nombreuses traces de torture. Un policier a été inculpé en octobre de coups et blessures aggravés.
 ?Teoh Beng Hock, secrétaire politique d’un dirigeant de l’opposition, est mort en juillet après avoir fait une chute depuis le dernier étage du bâtiment abritant le siège de l’antenne de Selangor de la Commission anticorruption de Malaisie. Il avait été interpellé la veille au soir par la police, qui souhaitait l’entendre en tant que témoin dans le cadre d’une enquête sur des abus de fonds publics mettant en cause l’opposition, à l’époque où elle était à la tête de l’État. L’enquête ouverte sur sa mort était en cours à la fin de l’année.

Violences contre les femmes et les filles

Un rapport d’une mission gouvernementale publié en septembre faisait état de sévices sexuels, et notamment de viols, perpétrés par des employés d’une entreprise forestière sur la personne de femmes, de jeunes filles et de fillettes d’ethnie penan à Baram, un village de l’État du Sarawak. Ce rapport confirmait les informations selon lesquelles des femmes et des fillettes, certaines âgées de 10 ans à peine, avaient été violées par des employés d’une compagnie forestière. Les autorités de l’État ont cependant démenti toute implication de salariés de cette entreprise dans ces viols et la police a renoncé à poursuivre son enquête.
Châtiment cruel, inhumain et dégradant
La bastonnade était toujours infligée pour toute une série d’infractions.
 ?Le gouvernement a annoncé en juin que 47 914 migrants avaient été condamnés depuis 2002 à la bastonnade pour atteinte à la législation sur l’immigration, et que 34 923 peines avaient été exécutées fin 2008.
 ?En juillet, le tribunal islamique de l’État de Pahang a condamné Kartika Dewi à six coups de canne, assortis d’une amende, pour avoir consommé de l’alcool. En septembre, Nazarudin Kamaruddin s’est quant à lui vu infliger une peine de six coups de canne et un an d’emprisonnement pour le même délit. Mohamad Shahrin et Nadiah Hussin ont été condamnés par le tribunal islamique de l’État de Selangor à six coups de canne parce qu’ils avaient voulu avoir des relations sexuelles avant le mariage. Toutes ces personnes étaient de confession musulmane.

Réfugiés et migrants

Les migrants, y compris les demandeurs d’asile et les réfugiés, étaient souvent arrêtés et placés en détention prolongée. Le gouvernement ne faisait aucune distinction entre travailleurs migrants et demandeurs d’asile ou réfugiés. En mai, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) avait enregistré 49 000 personnes relevant de son mandat, dont 89 % étaient originaires du Myanmar. On estimait à 45 000 le nombre de demandeurs d’asile qui n’étaient pas enregistrés.
Les conditions de vie dans les centres de détention restaient très en deçà des normes internationales. Des informations persistantes continuaient de faire état de nourriture insuffisante, en quantité comme en qualité, de conditions insalubres et de sévices corporels.
 ?Deux ressortissants du Myanmar présents au centre de rétention pour immigrés de Juru sont morts en mai de leptospirose, une infection bactérienne provoquée par le contact avec de l’eau souillée par de l’urine animale. Un détenu du centre de rétention de l’aéroport international de Kuala Lumpur (KLIA) est mort au mois d’août après avoir contracté le virus de la grippe H1N1. Dans les deux cas, d’autres détenus ont également été hospitalisés.

Peine de mort

Au moins 68 personnes ont été condamnées à mort par les hautes cours. On ignorait combien de condamnés avaient été exécutés. La Malaisie ne s’est pas montrée favorable aux recommandations faites par l’ONU dans le cadre de la procédure d’examen périodique universel, qui l’invitaient à mettre en place un moratoire sur la peine de mort ou à abolir cette dernière. Elle n’a par ailleurs pas rendu public le nombre d’exécutions ayant eu lieu.

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