Myanmar

Près de 2 200 prisonniers politiques étaient toujours détenus au Myanmar. La plupart vivaient dans des conditions épouvantables et beaucoup étaient dans un état physique et psychologique préoccupant. Les autorités ont arrêté Aung San Suu Kyi, secrétaire générale du principal parti d’opposition du Myanmar, la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), et l’ont condamnée à 18 mois supplémentaires de résidence surveillée. Les combats se sont intensifiés entre l’armée et un groupe de combattants karens ralliés au gouvernement, d’une part, et l’Armée de libération nationale karen (KNLA), une organisation d’opposition armée, d’autre part. Les affrontements se sont accompagnés de graves atteintes aux droits humains et ont contraint des milliers de personnes à aller chercher refuge en Thaïlande. Les autorités ont continué de réprimer les membres de minorités ethniques impliqués d’une manière ou d’une autre dans des actions de résistance à leur politique, à leurs pratiques ou à leurs projets.

Myanmar
Union du Myanmar
CHEF DE L’ÉTAT : Than Shwe
CHEF DU GOUVERNEMENT : Thein Sein
PEINE DE MORT : abolie en pratique
POPULATION : 50 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 61,2 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 120 / 102 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 89,9 %

Contexte

Aung San Suu Kyi a été autorisée en août à rencontrer un sénateur américain. En octobre, pour la première fois depuis janvier 2008, elle a pu s’entretenir avec le chargé de liaison du gouvernement. Elle a rencontré en novembre une délégation américaine de haut rang.
Au mois d’avril, le Conseil national pour la paix et le développement (SPDC, le gouvernement militaire) a proposé que les groupes armés s’appuyant sur des minorités ethniques et ayant conclu avec le pouvoir central des accords de cessez-le-feu fassent office de forces gardes-frontières, sous son autorité. Cette proposition s’inscrivait dans le contexte de l’approche des élections de 2010 (les premières depuis 1990), mais les négociations et les affrontements avec les groupes concernés se sont succédé toute l’année. Fin 2009, seuls neuf groupes avaient accepté l’offre du gouvernement. Les autres avaient refusé, indiquant la plupart du temps qu’ils craignaient de perdre une partie de leur territoire ou de leur autonomie en pactisant avec les autorités.
Les opérations de secours, de restauration et de reconstruction entamées après le passage en 2008 du cyclone Nargis se sont poursuivies. Les États Chin et d’Arakan ont souffert d’une grave pénurie alimentaire. Le Myanmar a commencé la construction d’une clôture le long de la frontière avec le Bangladesh, ce qui a entraîné un surcroît de tensions entre les deux pays. La communauté internationale s’est dite préoccupée par la possibilité de voir les autorités du Myanmar tenter de se doter d’armes atomiques.
Prisonniers politiques
Deux opérations de remise en liberté, en février et en septembre, ont concerné plus de 13 000 prisonniers. Il n’y avait cependant parmi eux que 158 détenus politiques connus, dont cinq prisonniers d’opinion (Ma Khin Khin Leh, U Saw Naing Naing, U Soe Han, Ko Aung Tun et Khaing Kaung San). Toutes ces personnes avaient passé une dizaine d’années derrière les barreaux. Cinquante personnes au moins ont été arrêtées après les libérations de septembre, ce qui portait à près de 2 200 le nombre des prisonniers politiques encore en détention à la fin de l’année.
•  ?Bo Min Yu Ko (Phyo Gyi), membre de la Fédération des syndicats étudiants de Birmanie (ABFSU), a été condamné en janvier à 104 ans d’emprisonnement pour toute une série d’infractions, et notamment après avoir été reconnu coupable de six chefs d’inculpation au titre de la Loi sur l’immigration.
•  ?Aung San Suu Kyi a été arrêtée en mai, pour violation des conditions de la mesure de résidence surveillée dont elle faisait l’objet depuis 2003. Un ressortissant américain non identifié avait peu auparavant pénétré dans l’enceinte de sa propriété. À l’issue d’un procès qui s’est déroulé – en partie à huis clos – dans la prison d’Insein, à Yangon, elle a été condamnée à trois ans de travaux forcés, peine immédiatement réduite à 18 mois de résidence surveillée supplémentaires.
•  ?Les autorités ont interpellé en septembre Kyaw Zaw Lwin (Nyi Nyi Aung), un citoyen des États-Unis originaire du Myanmar, qui arrivait dans le pays pour rendre visite à sa famille, dont quatre membres sont actuellement prisonniers d‘opinion. Des agents des services de sécurité ont torturé Kyaw Zaw Lwin pendant sa garde à vue et ont refusé que des soins médicaux lui soient prodigués. Il a été jugé en octobre pour faux et usage de faux. Les autorités ont publiquement déclaré que Kyaw Zaw Lwin risquait la peine de mort s’il était déclaré coupable.
Conditions carcérales
Les prisonniers politiques continuaient d’être incarcérés dans des prisons éloignées du lieu de résidence de leurs proches et de leurs amis, malgré les assurances données par les autorités au Conseil des droits de l’homme [ONU] que les détenus recevaient des visites et les soins nécessaires. Depuis novembre 2008, au moins 220 prisonniers politiques ont été envoyés dans des prisons situées dans des régions reculées du pays. Dans ces conditions, il était extrêmement difficile pour les familles d’apporter à leurs parents emprisonnés l’aide dont ils avaient absolument besoin. Les conditions de vie en prison restaient des plus médiocres. La nourriture, l’eau et les soins médicaux, en particulier, étaient tout à fait insuffisants, en quantité comme en qualité. Les autorités plaçaient souvent les détenus politiques à l’isolement.
•  ?Selon des informations datant du mois de mars, Hla Myo Naung, un militant emprisonné à près de 1 500 kilomètres de chez lui, risquait de perdre totalement la vue. Il ne voyait déjà plus que d’un œil, n’ayant pas pu recevoir les soins médicaux spécialisés que son état exigeait.
•  ?Le leader étudiant Ko Htay Kywe, détenu à plus de 1 100 kilomètres du domicile de sa famille, a été placé au secret et à l’isolement en mars. Les autorités pénitentiaires ont menacé les autres prisonniers de sanctions sévères si jamais ils lui adressaient la parole.
•  ?En mars, Su Su Nway, une responsable de la NLD, a été hospitalisée à l’infirmerie d’une prison située à plus de 1 000 kilomètres de chez elle. L’administration pénitentiaire lui a donné un médicament contre certains troubles mentaux, qui n’a fait qu’aggraver son état. Elle était placée à l’isolement par intermittence, à titre de punition, et elle n’avait pas le droit de recevoir de visites de sa famille.
•  ?En mai, l’état de santé du chansonnier et militant Zarganar, détenu à plus de 1 400 kilomètres de chez lui, était très préoccupant. Il avait besoin de toute urgence de soins médicaux pour divers troubles, et notamment pour une cardiomyopathie. Il avait subi une perte de connaissance en avril, mais n’avait été hospitalisé que 10 jours plus tard. Sa belle-sœur, qui lui a rendu visite à la prison de Myitkyina le 7 décembre, a confirmé qu’il souffrait de prurit, une affection cutanée.
Minorités ethniques prises pour cibles
Le gouvernement a poursuivi sa politique de répression systématique à l’encontre de toutes celles et ceux qui, parmi les minorités ethniques du pays, militaient pour des causes politiques, environnementales ou religieuses, et qu’il soupçonnait, à tort ou à raison, de soutenir tel ou tel groupe armé à base ethnique.
•  ?Au mois de janvier, au moins 19 hommes et femmes de l’ethnie rakhine ont été arrêtés, roués de coups et emprisonnés pour création d’une organisation politique et possession de documents consacrés aux droits humains et à la démocratie. Ces personnes ont été condamnées à des peines d’emprisonnement comprises entre cinq et sept ans.
•  ?En janvier, des soldats ont roué de coups à plusieurs reprises une femme d’ethnie chan à qui ils reprochaient de fournir du riz à des insurgés chans et de leur servir de guide.
•  ?En février, la police a arrêté deux jeunes Kachins qui avaient eu le tort d’aller visiter des sites Internet interdits consacrés au Myanmar.
•  ?En mars et au début du mois d’avril, les autorités ont renforcé dans tout l’État mon la surveillance à laquelle étaient soumis les membres du Parti pour un nouvel État mon (NMSP), signataire d’un accord de cessez-le-feu, les interrogeant régulièrement sur les contacts éventuels qu’ils pouvaient avoir avec les médias.
•  ?Soe Soe a été arrêtée en juin par les autorités de l’État d’Arakan. Accusée d’avoir pris contact avec des groupes d’opposition en exil, elle a été condamnée à six ans d’emprisonnement.
Dans ce même État d’Arakan, la minorité rohingya faisait l’objet de persécutions systématiques contraignant des milliers de personnes à fuir vers le Bangladesh, la Thaïlande ou la Malaisie, souvent par bateau. En janvier, la marine du Myanmar a intercepté une embarcation qui venait de quitter la côte avec à son bord 78 Rohingyas. Ces derniers ont été retenus pendant six jours, durant lesquels ils ont été passés à tabac, puis ont été renvoyés vers le large. Lors des réunions régionales du Processus de Bali, le gouvernement du Myanmar a publiquement refusé de reconnaître les Rohingyas comme une minorité ethnique, allant même jusqu’à nier leur statut de citoyens du pays.
Arrestations et emprisonnements liés au cyclone Nargis
Au moins 29 personnes ayant participé à des initiatives privées de secours aux victimes du cyclone Nargis, qui a frappé le Myanmar en mai 2008, étaient toujours en prison. Les autorités avaient considéré leur engagement comme une action politique. Au moins 18 d’entre elles avaient été condamnées à des peines allant de 10 à 35 ans d’emprisonnement.
•  ?En octobre, une dizaine de personnes ont été arrêtées pour avoir accepté des dons de l’étranger. Sept d’entre elles au moins étaient membres d’une organisation locale, la Lin Let Kye, qui se consacrait à l’aide d’urgence et à l’assistance sociale.
Conflit armé et déplacements de population
L’armée du Myanmar a poursuivi ses attaques contre divers groupes armés recrutant dans les différentes minorités ethniques du pays. Elle s’en est pris fréquemment aux civils, provoquant des déplacements de population de grande ampleur. En juin, une offensive menée par l’armée régulière et par ses alliés de l’Armée bouddhiste karen démocratique (DKBA) a contraint des milliers de civils karens à quitter leur foyer. Quelque 4 800 personnes sont allées se réfugier en Thaïlande. Lors de ces opérations, la DKBA a enrôlé de force des civils pour les affecter à des tâches militaires ou de portage. Elle a détruit les villages abandonnés et installé des mines terrestres dans les secteurs désertés par les habitants.
Au mois d’août, l’armée a lancé une série d’at¬taques contre l’Armée de l’État chan-Sud (SSA-South) et contre la population civile chan, les plus violentes de ces 10 dernières années. Plus de 10 000 personnes ont dû fuir la région, la plupart sans quitter pour autant le Myanmar. Ces attaques ont été marquées par des exécutions extrajudiciaires et de nombreux sévices sexuels. Toujours au mois d’août, les forces militaires régulières ont lancé une offensive contre l’Armée de l’alliance démocratique nationale du Myanmar, entraînant l’exode vers la Chine de plus de 30 000 personnes qui appartenaient pour la plupart à la minorité kokang. La quasi-totalité de ces personnes sont ensuite rentrées au Myanmar. Le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays a encore augmenté, pour dépasser la barre des 500 000.
Atteintes aux droits humains commises dans le cadre de projets de développement
L’armée a perpétré diverses violations des droits humains dans le cadre de grands chantiers de développement conduits par les pouvoirs publics : travaux forcés – y compris agricoles – homicides, brutalités, spoliations de terres, limitations des déplacements, confiscations de biens, entre autres. Les contingents assurant la sécurité des gazoducs de Yadana, Yetagun et Kanbauk-Myiang Kalay, dans la division de Tanintharyi et dans l’État kayin, ont contraint des civils à travailler à la construction de casernes, de routes et de postes de sentinelles. Les autorités ont également confisqué des terres, sans la moindre compensation, dans le cadre du projet gazier de Shwe, dans l’État d’Arakan, où elles s’en sont prises tout particulièrement aux habitants soupçonnés d’être opposés à ce projet, ou simplement sceptiques. Des villageois ont été arrêtés, placés en détention et interrogés. Certains ont dû quitter la région.

Enfants soldats

L’armée du Myanmar et les milices soutenues par le gouvernement continuaient d’enrôler, d’utiliser et d’emprisonner systématiquement des enfants soldats, directement et par le biais d’agents recruteurs. De même, plusieurs groupes armés s’appuyant sur des minorités ethniques avaient toujours recours à des combattants mineurs. Le gouvernement n’a pas mis son plan d’action contre le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats en conformité avec les normes internationales, malgré l’engagement verbal qu’il avait pris en septembre 2007 d’y veiller dans un « avenir proche ». Le gouvernement n’a pris aucune mesure destinée à élaborer un programme officiel de désarmement, de démobilisation et de réinsertion susceptible de permettre la libération et le retour dans leurs foyers de tous les enfants soldats.
L’Organisation internationale du travail (OIT) a, cette année encore, reçu des informations faisant état de l’enrôlement d’enfants soldats par des représentants de l’État et s’est saisie des cas qui lui étaient signalés. Entre février 2007 et la fin de l’année 2009, l’OIT a reçu 131 plaintes concernant des cas de recrutement de mineurs. Cinquante-neuf enfants avaient été libérés par l’armée. Les autorités continuaient d’affirmer que ces enfants s’engageaient de leur plein gré, et se contentaient généralement de sanctionner d’une simple réprimande ceux qui recrutaient des mineurs. Trois enfants soldats qui avaient été condamnés à des peines d’emprisonnement pour désertion ont par ailleurs été libérés et rendus à la vie civile. Un quatrième mineur condamné pour le même motif était apparemment toujours détenu.

Surveillance internationale

Le conseiller spécial du secrétaire général de l’ONU sur le Myanmar s’est déplacé dans le pays en janvier et février. Il a rendu compte de sa mission au Conseil de sécurité le mois suivant. En février également, le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Myanmar s’est lui aussi rendu sur place. Il a remis son rapport au Conseil des droits de l’homme en mars. Toujours en février, le ministre thaïlandais des Affaires étrangères a mené une série de discussions informelles avec l’Union nationale karen. Il avait reçu l’aval du gouvernement du Myanmar. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a effectué une visite dans le pays au mois de mars. Des réunions ont également eu lieu, en avril et en juin, dans le cadre du Processus de Bali, destiné à lutter contre la traite des êtres humains et contre les migrations illégales en Asie et dans la région du Pacifique. La situation des Rohingyas du Myanmar y a été évoquée.
Après l’arrestation d’Aung San Suu Kyi en mai, le Conseil de sécurité de l’ONU a diffusé un communiqué de presse dans lequel il exprimait son inquiétude et appelait à la libération de tous les prisonniers politiques. L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), le haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies et le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Myanmar ont également déploré officiellement cette arrestation. L’Union européenne a renforcé ses sanctions économiques contre le Myanmar.
Le secrétaire général de l’ONU s’est rendu au Myanmar en juin et le représentant spécial du secrétaire général pour les enfants et les conflits armés a fait de même le mois suivant. En août, l’ONU a discuté avec le gouvernement des modalités d’un éventuel plan d’action conjoint visant à résoudre la question du sort des enfants dans les conflits armés, conformément aux résolutions 1612 et 1882 du Conseil de sécurité. En application de ces résolutions, le groupe de travail du Conseil de sécurité a rendu publiques en octobre ses conclusions sur la question. L’Assemblée générale des Nations unies a adopté en décembre une résolution sur la situation des droits humains au Myanmar.
Les États-Unis ont allongé en janvier la liste des personnes et des réseaux commerciaux faisant l’objet de sanctions financières ciblées. En février, ils ont annoncé qu’ils allaient procéder à un réexamen de leur politique concernant le Myanmar. Washington a finalement conclu en septembre que les sanctions économiques seraient maintenues, mais qu’un dialogue allait être ouvert avec le gouvernement. Un sénateur américain a effectué une visite au Myanmar au mois d’août. Il a été suivi en novembre par une délégation de haut rang du gouvernement américain.

Peine de mort

En octobre, un tribunal de Laogai, dans l’État chan, a condamné à mort au moins un enfant soldat, pour le meurtre d’un individu qui était peut-être lui aussi un mineur combattant.

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