Philippines

Le gouvernement s’étant donné jusqu’en 2010 pour « écraser » l’insurrection communiste, l’armée s’en prenait sans distinction, dans les zones rurales, aux combattants de la Nouvelle Armée du peuple (NPA), aux militants de la société civile et aux défenseurs des droits humains. Ces opérations ont donné lieu à des déplacements de populations et à des homicides illégaux. De nombreux civils ont été placés en détention secrète et soumis à la torture ou à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants par l’armée. Les deux camps se sont livrés à des homicides à caractère politique et à des disparitions forcées. L’impunité continuait de prévaloir, les auteurs de ces actes n’étant quasiment jamais inquiétés par la justice. En juillet, le gouvernement a activement cherché à relancer les négociations de paix officielles avec le Front démocratique national (NDF) et le Front de libération islamique moro (MILF).
Des centaines de milliers de personnes étaient toujours déplacées. Ce problème touchait particulièrement les populations autochtones vivant dans des régions reculées du pays et les Moros (musulmans des Philippines) de Mindanao. Des milices armées privées et des escadrons de la mort se sont rendus coupables d’homicides illégaux. Les peuples autochtones pâtissaient à la fois des conséquences du conflit et de mesures visant à les chasser de leurs terres au profit de compagnies minières.

République des Philippines
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Gloria Macapagal-Arroyo
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 92 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 71,6 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 32 / 21 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 93,4 %

Le conflit armé interne

La présidente de la République a promulgué en dé-cembre une loi « définissant et sanctionnant les infractions au droit international humanitaire, le génocide et les autres crimes contre l’humanité ».
Le Front de libération islamique moro
Après une année de combats sur l’île de Mindanao, dans le sud des Philippines, l’armée et le MILF ont décidé en juillet de mettre fin aux opérations militaires. Les deux parties ont signé en septembre un accord-cadre prévoyant la mise en place d’un groupe international de contact chargé de garantir le bon déroulement des négociations de paix. Elles ont conclu en octobre un accord relatif à la protection des civils réaffirmant leurs obligations aux termes du droit humanitaire et des normes relatives aux droits humains, et chargeant une équipe internationale de surveillance et des ONG de contrôler le respect de ces obligations et de protéger la population civile. Les pourparlers de paix officiels ont repris au mois de décembre.
Le gouvernement estimait en décembre à environ 125 000 le nombre de personnes déplacées à l’intérieur de la province de Maguindanao. Seules 20 % d’entre elles vivaient dans des centres pour personnes déplacées. Beaucoup étaient abritées sous des tentes, ce qui ne pouvait constituer une solution à long terme, en particulier dans une région fréquemment touchée par des typhons et des inondations. Ces personnes vivaient dans des conditions très difficiles, sans eau salubre et sans les installations sanitaires nécessaires ; elles souffraient souvent de malnutrition.
Le Front démocratique national
En juin, le gouvernement et le NDF ont convenu de faire le nécessaire pour relancer les pourparlers de paix officiels afin de mettre un terme à un conflit armé qui se poursuivait de manière sporadique depuis 40 ans. Le NDF a des liens avec le Parti communiste des Philippines (CPP) et la NPA.
En juillet, le gouvernement a levé la mesure de suspension de l’Accord commun sur les garanties de sécurité et d’immunité, qui avait été décidée quatre ans plus tôt, afin de permettre au NDF de se préparer à la reprise des pourparlers, dans l’impasse depuis 2005. Les opérations militaires destinées à débusquer les combattants de la NPA ont cependant provoqué le déplacement de milliers de personnes, y compris de populations autochtones, qui vivaient dans des forêts à travers le pays.
 ?En juillet et en août, environ 1 800 personnes appartenant à 15 communautés autochtones de la province de Surigao del Sur, quelque 400 autres de sept communautés de la province du Cotabato-Nord, et 500 autres encore de sept communautés de la province du Davao del Sur, ont fui devant l’avancée des forces de l’armée régulière. Ces opérations militaires ont eu de graves conséquences sur leurs activités économiques et leur liberté de mouvement. Des membres de ces communautés indigènes ont été contraints, sous la menace, de rejoindre une formation baptisée Task Force Gantangan – Bagani Force, une unité paramilitaire soutenue par le gouvernement qui recrutait parmi les peuples autochtones et était chargée de combattre la NPA. Certains avaient regagné leurs foyers à la fin de l’année.
Homicides illégaux
Dans un rapport de suivi concernant les Philippines et datant du mois d’avril, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires indiquait que le gouvernement philippin n’avait pas procédé aux réformes qui étaient nécessaires pour que les responsables hiérarchiques assument leurs responsabilités en cas d’atteinte aux droits humains ; il ajoutait que les auteurs d’exécutions illégales jouissaient d’une large impunité et que la protection des témoins était toujours insuffisante. Par ailleurs, le nombre d’homicides illégaux commis par le CPP et la NPA n’avait pas diminué.
 ?En mars, dans la province du Cotabato-Sud, Eliezer Billanes, un opposant aux activités des compagnies minières, a été abattu en plein jour par des individus non identifiés. Il revenait d’une réunion où il avait fait part à des militaires de ses craintes concernant sa sécurité.
 ?En juin, dans la province de Maguindanao, cinq soldats ont roué de coups puis abattu Katog Sapalon, un fabricant de charbon de bois, sous les yeux de sa famille. Un proche de la victime a indiqué que les soldats lui avaient demandé à plusieurs reprises s’il était membre du MILF.
 ?En septembre, dans la province de Samar-Nord, des hommes armés ont tué Cecilio Lucero, prêtre catholique et défenseur des droits humains. Ce dernier se déplaçait accompagné d’un policier armé chargé d’assurer sa sécurité.
 ?En novembre, dans la province de Maguindanao, plus de 60 personnes, dont 33 journalistes et autres professionnels des médias, sont mortes dans un massacre perpétré par une centaine d’hommes armés membres de groupes paramilitaires et d’une armée privée à la solde d’un puissant clan politique. Les victimes ont été tuées alors qu’elles allaient déposer une candidature pour l’élection au poste de gouverneur de la province.
Torture et autres mauvais traitements, disparitions forcées
La torture continuait d’être pratiquée dans les locaux et les centres de détention secrets de l’armée. En mai, le Comité contre la torture [ONU] s’est dit préoccupé par le « grand nombre d’allégations persistantes, crédibles et concordantes [...] qui font état de l’utilisation systématique et généralisée de la torture et des mauvais traitements sur les suspects en garde à vue, en particulier pour obtenir des aveux ». Il a en outre noté que « les actes de torture et de mauvais traitements imputés à des membres des forces de l’ordre et des forces armées [faisaient] rarement l’objet d’enquêtes et de poursuites ».
 ?Mansur Salih, un chauffeur de tricycle de la province de Maguindanao, a été enlevé en janvier par l’armée, lors d’une opération menée dans son village. Il a été placé dans un centre de détention secret et privé de tout contact avec le monde extérieur. Pendant sa détention, il a été roué de coups et torturé plusieurs fois à l’électricité. Il ne mangeait qu’une fois tous les trois jours. Il a été contraint de signer un document qu’il n’avait pas pu lire, puis a réapparu en avril et été inculpé d’incendie criminel.
 ?L’armée aurait enlevé Melissa Roxas, une ressortissante américaine d’origine philippine, en mai dans la province de Tarlac. La jeune femme a été frappée et amenée au bord de l’asphyxie au moyen de sacs en plastique. Elle a indiqué que ses ravisseurs l’avaient confondue avec l’ancienne secrétaire générale du syndicat de gauche Migrante.
Le projet de loi contre la torture a été adopté en novembre.

Droits des peuples autochtones

Le principe du consentement libre, préalable et éclairé, inscrit dans la législation philippine, continuait d’être contourné ou bafoué dans la pratique. En août, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU] s’est dit préoccupé par le fait que les communautés autochtones n’étaient pas suffisamment consultées au sujet de l’exploitation des ressources naturelles et des infrastructures. Le Comité s’est également dit préoccupé par les conséquences des déplacements internes sur les moyens de subsistance, la santé et l’éducation des peuples autochtones.
 ?En octobre, une centaine de policiers armés et une équipe de démolition ont violemment dispersé des manifestants à Didipio, dans la province de Nueva Vizcaya. La population locale protestait contre l’expulsion forcée, en raison de travaux de prospection minière, de plusieurs centaines d’autochtones et de paysans habitant dans le secteur de Didipio. La police aurait fait un usage injustifié et excessif de la force. Elle aurait notamment utilisé du gaz lacrymogène.

Liberté d’expression

Le gouvernement a accusé des militants et des ONG considérés comme étant de gauche de soutenir les communistes. Des militants ont fait l’objet de poursuites pénales visant à les dissuader de participer aux affaires publiques.

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