Croatie

Le travail de la justice croate concernant les crimes de guerre perpétrés entre 1991 et 1995 par des membres de l’armée et de la police croates contre des membres de minorités, notamment contre des Serbes de Croatie, n’a guère avancé. Les pouvoirs publics ont continué de faire preuve d’un total manque de coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le Tribunal), auquel ils n’avaient toujours pas communiqué les documents militaires relatifs à l’opération Tempête de 1995. Plusieurs affaires d’agressions contre des journalistes n’étaient pas élucidées. Les Roms et les membres de la communauté serbe faisaient toujours l’objet de discriminations, notamment en matière de droits économiques et sociaux.

RÉPUBLIQUE DE CROATIE
CHEF DE L’ÉTAT : Stjepan Mesi ?
CHEF DU GOUVERNEMENT : Ivo Sanader, remplacé par Jadranka Kosor le 6 juillet
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 4,4 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 76 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 8 / 7 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 98,7 %

Contexte

Interrompues en décembre 2008, en raison d’une part d’un litige frontalier avec la Slovénie, d’autre part du manque de coopération de Zagreb avec le Tribunal, les négociations en vue de l’adhésion à l’Union européenne ont redémarré au mois de septembre. Au vu du rapport défavorable remis par le procureur du Tribunal, certains États membres de l’Union européenne restaient opposés à l’ouverture de négociations dans le domaine du judiciaire et des droits humains.
Justice internationale – crimes de guerre
Le Comité des droits de l’homme [ONU] et le procureur du Tribunal ont l’un comme l’autre déploré l’attitude de la Croatie, qui n’avait toujours pas transmis au Tribunal l’ensemble des documents militaires relatifs à l’opération Tempête, alors que trois généraux de l’armée croate (Ante Gotovina, Ivan ?ermak et Mladen Marka ?) étaient jugés à La Haye pour leur rôle présumé dans cette offensive, menée en 1995.
En dépit des déclarations de représentants du gouvernement, qui affirmaient que les autorités étaient prêtes à coopérer avec le Tribunal, les documents militaires demandés n’avaient toujours pas été fournis.
Le procès de Mom ?ilo Periši ?, accusé entre autres de crimes liés au bombardement de Zagreb, en mai 1995, s’est poursuivi devant la chambre de première instance du Tribunal.
Suspendu en 2008, le procès de Jovica Staniši ? et de Franko Simatovi ? a repris au mois de juin. Les deux hommes étaient notamment inculpés de persécutions pour des raisons raciales ou religieuses, de meurtre, d’expulsion et d’actes inhumains perpétrés contre la population non serbe des zones de Croatie sous contrôle serbe pendant la guerre de 1991-1995.

Justice nationale – crimes de guerre

Les autorités n’avaient toujours pas enquêté sur les crimes de guerre perpétrés entre 1991 et 1995 par des membres de l’armée et de la police croates contre des personnes issues des minorités, notamment des Serbes de Croatie. Ce blocage était en grande partie dû à un manque de volonté politique. Les poursuites intentées par la justice croate visaient de manière disproportionnée des Serbes de Croatie – une situation confirmée par un article du quotidien croate Jutarnji List, dans lequel le ministre de la Justice a déclaré en septembre que 2 % seulement des affaires traitées par le système judiciaire croate concernaient des membres de la communauté majoritaire du pays, tandis que, dans 98 % des cas, les personnes poursuivies appartenaient à une minorité, et notamment à la minorité serbe de Croatie. Pour le ministre, cet écart s’expliquait fort bien, car, selon lui, les Serbes de Croatie avaient commis davantage de crimes de guerre que les membres de la communauté croate.
Les mesures décidées par le gouvernement pour lutter contre l’impunité des auteurs de crimes de guerre n’avaient toujours pas été appliquées. Une seule affaire était en cours en 2009 devant les chambres spécialisées dans les crimes de guerre qui ont été créées au sein de quatre tribunaux régionaux (Zagreb, Osijek, Rijeka et Split). Mises en place en 2003, ces instances avaient pour mission de juger les auteurs présumés de crimes de guerre loin des lieux où ceux-ci avaient été commis, afin, dans l’esprit de leurs promoteurs, de diminuer les pressions potentielles et de parvenir à des procès plus objectifs.
 ?Branimir Glavaš et cinq autres personnes ont été condamnées en mai par le tribunal régional de Zagreb. Reconnu coupable de n’avoir rien fait, en 1991, pour empêcher ses subordonnés d’arrêter, de maltraiter et de tuer des civils, et d’avoir participé en personne à certains de ces crimes, en sa qualité de commandant militaire local, Branimir Glavaš s’est vu infliger une peine de 10 ans de détention. Les cinq autres accusés ont été condamnés à des peines allant de cinq à huit années d’emprisonnement pour avoir illégalement arrêté des civils serbes de Croatie, les avoir torturés et les avoir tués, à Osijek en 1991.
Peu après le jugement, Branimir Glavaš, qui était détenteur d’un passeport bosniaque, a pris la fuite et s’est réfugié en Bosnie-Herzégovine, où il se trouvait toujours à la fin de l’année. Les autorités croates n’ont pas obtenu son extradition, en l’absence d’un accord prévoyant une telle procédure entre les deux pays.
 ?Le procès en appel de Mirko Norac et Rahim Ademi, deux généraux de l’armée croate, a débuté en novembre devant la Cour suprême. Rahim Ademi avait été acquitté en 2008 par le tribunal régional de Zagreb de toutes les charges pesant contre lui, tandis que Mirko Norac, reconnu coupable d’un certain nombre des chefs d’accusation dont il faisait l’objet, avait été condamné à sept années d’emprisonnement. Les deux hommes étaient accusés de crimes de guerre, et notamment de meurtre, de traitements inhumains, de pillage et de destruction sans motif de biens, commis contre des civils et des prisonniers de guerre serbes de Croatie dans le cadre des opérations militaires de 1993.
Le plan d’action concernant les poursuites pour crimes de guerre n’avait pas permis de faire disparaître les préjugés communautaristes dans l’appareil judiciaire. Ce plan prévoyait notamment que le choix des affaires à traiter en priorité relevait de la compétence des procureurs locaux. En conséquence, dans le secteur de Sisak, où une centaine de membres de la communauté serbe ont été tués ou ont disparu au début de la guerre, aucune des affaires retenues comme prioritaires ne concernaient des victimes de ce groupe. Dans les sept affaires considérées comme devant être jugées en priorité, les victimes étaient toutes croates. Ces pratiques ne faisaient qu’aggraver les inégalités de traitement entre les communautés et l’impunité dont jouissaient les membres des forces de sécurité croates coupables d’actes criminels.
Au mois de mars, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU] s’est dit préoccupé par les informations faisant état de discrimination ethnique dans la manière dont était rendue la justice dans les affaires de crimes de guerre. Il a recommandé à la Croatie de prendre des mesures effectives pour faire en sorte que toutes les affaires de crimes de guerre soient jugées de façon non discriminatoire, indépendamment de l’origine ethnique de leurs auteurs ou des victimes.
Le Comité des droits de l’homme [ONU] s’est inquiété en octobre de l’impunité dont jouissaient toujours les auteurs de crimes de guerre, déplorant que de nombreux crimes probables de ce genre n’aient toujours pas été jugés et que les affaires traitées en priorité concernent de manière disproportionnée des suspects appartenant à la communauté serbe de Croatie. Les autorités croates disposaient d’un délai d’un an pour appliquer ces recommandations, ainsi qu’un certain nombre d’autres mesures préconisées.
Dans son rapport sur les progrès réalisés par la Croatie, publié en octobre, la Commission européenne observait elle aussi que la question des crimes de guerre restait un problème, en particulier lorsque les victimes étaient des personnes d’origine ethnique serbe ou lorsque les auteurs présumés appartenaient à l’armée croate. Ce rapport indiquait que de nombreux crimes n’avaient toujours pas fait l’objet de poursuites, pour diverses raisons, et notamment du fait des pressions dont les témoins faisaient l’objet et de la réticence de la police et du parquet à se saisir de ce genre d’affaires.

Liberté d’expression – journalistes

Les pouvoirs publics n’assuraient toujours pas la protection des journalistes qui travaillaient sur les affaires de crimes de guerre et sur les agissements relevant de la criminalité organisée, et qui faisaient l’objet d’actes d’intimidation, voire d’agressions. La lenteur de la procédure dans plusieurs de ces affaires avait pour effet de créer un climat d’impunité pour les agresseurs.
 ?L’enquête sur l’agression dont a été victime Dušan Miljuš, journaliste au Jutarnji List, roué de coups par des inconnus devant son domicile de Zagreb en juin 2008, était au point mort. Ce journaliste a par ailleurs reçu de nouvelles menaces de mort.
 ?Des poursuites ont été engagées en janvier contre le journaliste Željko Peratovi ? pour « diffusion d’informations de nature à semer le trouble dans la population ». Cette action a été entamée à la demande du ministre de l’Intérieur, accusé par le journaliste de bloquer une enquête sur le meurtre, en 2000, de Milan Levar, un homme dont le témoignage aurait pu intéresser le Tribunal.
 ?En mars, Drago Hedl, journaliste au Jutarnji List, et un photographe qui l’accompagnait ont été expulsés manu militari d’une conférence de presse que donnait le parlementaire Branimir Glavaš (avant sa condamnation, en mai, pour crimes de guerre commis en 1991 à Osijek, où il commandait un contingent militaire). Drago Hedl avait déjà été la cible, les années précédentes, de manœuvres d’intimidation, y compris de menaces de mort, parce qu’il enquêtait sur les crimes de guerre perpétrés à Osijek pendant le conflit.
Au mois d’octobre, le Comité des droits de l’homme s’est dit préoccupé par les menaces et les agressions dont avaient été victimes certains journalistes. Il a fait remarquer que ces actes présumés ne faisaient que rarement l’objet d’enquêtes et que leurs auteurs n’étaient généralement pas traduits en justice, ce qui constituait de fait une atteinte à la liberté de la presse. Le Conseil priait instamment la Croatie de prendre des mesures visant à prévenir les actes d’intimidation contre les journalistes et à faire en sorte que les responsables de tels actes rendent des comptes devant la justice.
Discrimination

Les Roms

Les Roms faisaient toujours l’objet de discriminations en matière de droits économiques et sociaux, notamment dans le domaine de l’enseignement, de l’emploi et du logement. Les mesures prises par les autorités restaient insuffisantes.
En avril, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg a examiné l’affaire Oršuš et autres c. Croatie qui portait notamment sur des allégations de ségrégation ethnique, des classes étant réservées aux enfants roms dans les écoles de la région de Me ?imurje, en Croatie.
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale et le Comité des droits de l’homme se sont l’un comme l’autre inquiétés de la ségrégation dont étaient victimes les élèves roms au sein du système scolaire.

Les Serbes de Croatie

Les autorités croates ne garantissaient toujours pas les droits des Serbes de Croatie, qui, pour beaucoup d’entre eux, ont été déplacés pendant la guerre de 1991-1995.
Au mois d’octobre, l’ONG Human Rights Watch a dénoncé les difficultés que les Serbes de Croatie continuaient de rencontrer, à leur retour, pour récupérer leurs logements, désormais occupés par d’autres personnes, et ce bien souvent en dépit de jugements prononcés en leur faveur par les tribunaux. De nombreux Serbes rentrés chez eux ne pouvaient pas bénéficier des programmes de reconstruction et avaient également du mal à trouver un emploi.
Au mois de mars, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale s’est dit préoccupé par le nombre considérable d’affaires non résolues concernant la restitution de biens et la reconnaissance de droits d’occupation, et a instamment prié les pouvoirs publics de mettre en place des mesures équitables et transparentes permettant aux Serbes de Croatie de se réinstaller durablement chez eux.
Au mois d’octobre, le Comité des droits de l’homme a demandé aux autorités de vérifier le nombre des personnes ne souhaitant pas ou ne pouvant pas rentrer chez elles, et d’examiner les raisons de leur décision ou de leur situation.

Droit à la santé – santé mentale

Le Comité des droits de l’homme s’est inquiété en octobre de l’usage qui continuait d’être fait des « lits cages » dans les institutions de prise en charge des malades mentaux de Croatie, y compris pour des enfants. Il a appelé la Croatie à abandonner sans délai l’utilisation de ces dispositifs et à mettre en place un système d’inspections dans les établissements de santé mentale.

A Lire
Briefing to the UN Human Rights Committee on the Republic of Croatia (EUR 64/001/2009).

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