Algérie

Des personnes soupçonnées d’actes de terrorisme ont été arrêtées et incarcérées sans contact avec le monde extérieur ; certaines ont été jugées dans le cadre de procès ne respectant pas les normes d’équité. Les autorités ont harcelé des défenseurs des droits humains, des avocats et des journalistes, dont certains ont fait l’objet de poursuites pour avoir critiqué des responsables gouvernementaux. Une nouvelle loi érigeant en infraction la migration clandestine a été adoptée. Cette année encore, les autorités n’ont pris aucune mesure pour élucider le sort des milliers de personnes qui ont été victimes de disparition forcée, entre autres atteintes graves aux droits humains commises par le passé, ni pour traduire les responsables en justice.

ALGÉRIE
RÉPUBLIQUE ALGÉRIENNE DÉMOCRATIQUE ET POPULAIRE
CHEF DE L’ÉTAT : Abdelaziz Bouteflika
CHEF DU GOUVERNEMENT : Ahmed Ouyahiya
PEINE DE MORT : abolie en pratique
POPULATION : 34,9 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 72,2 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 35 / 31 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 75,4 %

Contexte
Le 9 avril, le président Abdelaziz Bouteflika a été réélu après qu’une modification de la Constitution adoptée en 2008 l’eut autorisé à briguer un troisième mandat. Le 19 avril, il a exprimé son engagement à poursuivre le processus de « réconciliation nationale » démarré lors de son accession au pouvoir en 1999. En vertu de ce processus, le gouvernement a proclamé une amnistie ainsi que d’autres mesures qui institutionnalisent l’impunité pour les atteintes massives aux droits humains commises dans le cadre du conflit interne des années 1990 et qui privent les victimes de leur droit à connaître la vérité, à obtenir justice et à recevoir une réparation appropriée. Durant sa campagne électorale, le président Bouteflika a proposé la proclamation d’une amnistie pour les groupes armés.
Des groupes armés ont poursuivi leurs attaques ; celles perpétrées sans discrimination contre des civils ont toutefois diminué par rapport aux années précédentes. Quelque 30 civils et 90 membres des forces de sécurité auraient trouvé la mort dans de telles circonstances, essentiellement lors d’attentats à l’explosif dans des lieux publics. Plusieurs dizaines de membres de groupes armés présumés auraient été tués par les forces de sécurité au cours d’affrontements ou d’opérations de ratissage. Dans la plupart des cas, les circonstances étaient peu claires et on craignait que certains de ces homicides n’aient été des exécutions extrajudiciaires. Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) était, semble-t-il, le principal groupe islamiste armé actif en Algérie.
L’année a été marquée par une série d’émeutes, de grèves et de manifestations, organisées dans différentes régions pour protester notamment contre le chômage, l’insuffisance des salaires et la pénurie de logements.
En août, le gouvernement a promulgué la Loi 09 ?04 ainsi qu’un décret présidentiel visant à accroître la transparence et l’indépendance de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH). En mars, le sous-comité d’accréditation du Comité international de coordination des institutions nationales de promotion et protection des droits de l’homme (CIC) avait recommandé de ne pas accréditer entièrement la CNCPPDH car elle ne respectait pas les Principes de Paris concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales des droits humains.

Lutte contre le terrorisme et sécurité
Le Département du renseignement et de la sécurité (DRS, le service de renseignement militaire) continuait d’arrêter des personnes soupçonnées d’actes de terrorisme et de les placer en détention. Incarcérés pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, sans contact avec le monde extérieur, ces détenus risquaient d’être torturés ou maltraités.
Les personnes soupçonnées d’actes de terrorisme voyaient leur droit à un procès équitable bafoué. Certaines d’entre elles ont comparu devant des tribunaux militaires. Dans plusieurs cas, les détenus ont été privés de l’assistance d’un avocat, en particulier dans la période précédant le procès. Les autorités n’ont pas enquêté sur les allégations faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements subis par des détenus et, cette année encore, les tribunaux ont retenu à titre de preuve, sans ordonner aucune enquête, des « aveux » qui auraient été obtenus sous la torture ou la contrainte.
Moussa Rahli a été enlevé le 17 mars à son domicile d’Ouled Aïssa, dans la préfecture de Boumerdès, par des membres des services de sécurité en civil. Il a été maintenu au secret pendant près de 50 jours avant que sa famille ne soit informée qu’il se trouvait à la prison militaire de Blida. Bien que civil, Moussa Rahli allait, semble-t-il, être jugé par un tribunal militaire pour des infractions liées au terrorisme. Son procès n’avait pas débuté à la fin de l’année.
Mohamed Rahmouni, également civil, était maintenu en détention dans la prison militaire de Blida, en attente de son procès devant un tribunal de l’armée pour des infractions liées au terrorisme. Arrêté en juillet 2007, il avait été maintenu au secret pendant les six premiers mois de sa détention. Les pouvoirs publics ne l’avaient pas autorisé à se faire représenter par l’avocat de son choix, ni à le consulter ; le tribunal militaire lui a désigné un avocat qu’il n’a pas accepté.
Le 17 janvier, Bachir Ghalaab est devenu le huitième Algérien à être renvoyé de la prison américaine de Guantánamo Bay. Ces huit hommes étaient tous en liberté. Deux d’entre eux devaient être jugés pour appartenance à un groupe terroriste opérant à l’étranger. Bachir Ghalaab et deux autres anciens prisonniers de Guantánamo étaient placés sous contrôle judiciaire aux fins d’enquête. En novembre, un tribunal d’Alger a acquitté Feghoul Abdelli et Mohammed Abd al Qadir, qui étaient poursuivis pour appartenance à un groupe terroriste opérant à l’étranger et falsification de documents. Le huitième homme a bénéficié d’un non-lieu.

Liberté d’expression
Des défenseurs des droits humains, des journalistes et d’autres personnes ont fait l’objet de poursuites, notamment pour diffamation, pour avoir dénoncé la situation des droits humains dans le pays ou critiqué des agents de l’État ou les pouvoirs publics en général.
Hafnaoui Ghoul, journaliste et militant des droits humains, membre de la section de Djelfa de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), a été déclaré coupable de diffamation et d’outrage envers une institution publique par le tribunal de première instance de Djelfa, le 27 octobre, à l’issue de deux procès distincts. Il a été condamné à quatre mois d’emprisonnement – dont deux avec sursis –, au paiement d’une amende et au versement de dommages et intérêts. Il a interjeté appel dans les deux affaires et demeurait en liberté en attendant qu’il soit statué sur son recours. Une procédure avait été ouverte à son encontre après que des fonctionnaires du gouvernorat de Djelfa se furent plaints d’articles qu’il avait publiés dans le quotidien Wasat et qui faisaient état de mauvaise gestion et de corruption. En janvier, il a été poignardé dans la rue par un inconnu.
Kamal Eddine Fekhar, membre de la LADDH et militant du Front des forces socialistes (FFS), faisait l’objet de poursuites dans le cadre de plusieurs procédures. En octobre, le tribunal de première instance de Ghardaïa l’a condamné à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis assortie d’une amende pour « injure », ce dont il se déclarait innocent. Il était également en instance de procès pour avoir incité à incendier un véhicule de police en février. Arrêté en juin pour cet acte, il avait été placé sous contrôle judiciaire et son passeport avait été confisqué. Son interpellation faisait suite à un appel à la grève lancé le 1er juin par le FFS à Ghardaïa pour protester contre une présumée erreur judiciaire.
Amine Sidhoum, avocat défenseur des droits humains, était toujours en instance d’appel devant la Cour suprême. En 2008, il avait été déclaré coupable d’avoir jeté le discrédit sur la justice algérienne pour des remarques qui lui avaient été attribuées dans un article de presse paru en 2004, et condamné à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis assortie d’une amende.

Disparitions forcées
Les autorités n’ont pris aucune mesure pour enquêter sur les milliers de disparitions forcées qui ont eu lieu au cours du conflit interne des années 1990.
Aucun progrès n’a été accompli dans la recherche de la vérité sur le sort subi par Fayçal Benlatreche, disparu en 1995, ni pour traduire les responsables en justice. Le père de cet homme, qui pendant des années avait fait campagne pour connaître la vérité et obtenir justice, et qui avait fondé l’Association des familles de disparus à Constantine, est décédé en septembre.
Un ministre aurait affirmé, en août, que près de 7 000 familles de disparus avaient accepté une indemnisation de l’État, pour un montant total de 11 milliards de dinars (environ 9,7 millions d’euros). Farouk Ksentini, président de la CNCPPDH, aurait demandé au gouvernement de présenter des excuses publiques aux familles des disparus, mais il aurait aussi affirmé que certaines demandes de vérité et de justice étaient impossibles à satisfaire.
Les associations de familles de disparus étaient la cible de harcèlement et leur action était entravée, mais elles continuaient à organiser des manifestations.
Le 16 juin, des responsables de l’application des lois ont empêché des personnes d’accéder à un lieu privé à Bachedjarah (Alger), où devait se tenir une conférence organisée par des associations de familles de disparus et de victimes de « terrorisme ».
Les autorités de Jijel n’ont pas répondu à la demande d’agrément déposée en mai par l’antenne locale de l’Association Michaal des enfants de disparus, qui venait d’être créée, bien qu’elles soient tenues par la loi de le faire dans un délai de 60 jours. D’autres associations de familles de disparus actives depuis des années n’avaient toujours pas réussi à se faire enregistrer officiellement.

Droits des migrants
Le 25 février, le président a approuvé des modifications au Code pénal qui, entre autres, érigeaient en infraction pénale le fait de quitter l’Algérie « d’une façon illicite », en utilisant des documents falsifiés ou à partir de lieux autres que les postes frontaliers officiels. Ces modifications restreignaient également la liberté de mouvement et faisaient de la migration une infraction. La sortie « illicite » du territoire algérien était passible d’une peine comprise entre deux et six mois d’emprisonnement et d’une amende, ou de l’une des deux peines. Des milliers d’Algériens et de ressortissants d’autres pays ont néanmoins tenté de gagner clandestinement l’Europe depuis l’Algérie. Plusieurs centaines – et peut-être bien davantage – ont été interceptés en mer ou alors qu’ils se préparaient à partir en bateau. Les médias ont indiqué que de nombreuses personnes avaient été jugées et condamnées aux termes des nouvelles dispositions sur la sortie « illicite » du territoire.
On ne disposait pas de statistiques officielles sur le nombre d’étrangers expulsés d’Algérie, mais dans son rapport initial au Comité sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le gouvernement algérien avait déclaré que 7 000 étrangers en moyenne étaient refoulés aux frontières ou expulsés d’Algérie chaque année. Bon nombre de ces expulsions étaient, semble-t-il, effectuées hors de toute procédure régulière et en l’absence des garanties appropriées.

Discriminations contre les femmes
Le 15 juillet, l’Algérie a levé les réserves à l’article 9-2 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en ce qui concerne l’égalité des droits entre hommes et femmes s’agissant de la nationalité de leurs enfants. Des modifications introduites en 2005 au Code de la nationalité avaient déjà permis aux Algériennes mariées à des étrangers de transmettre leur nationalité à leurs enfants. Le Code de la famille contenait toujours un certain nombre de dispositions discriminatoires, tout particulièrement en matière de mariage, de divorce, de garde d’enfants et d’héritage, ainsi que l’illustraient les réserves persistantes de l’Algérie à plusieurs autres articles de la Convention.

Peine de mort
Plus d’une centaine de prisonniers restaient sous le coup d’une condamnation à la peine capitale, mais les autorités maintenaient le moratoire de facto sur les exécutions en vigueur depuis 1993. La majorité des sentences capitales ont été prononcées, dans la plupart des cas par contumace, dans des affaires liées au terrorisme, mais il y a également eu des condamnations à mort pour assassinat.
On a appris en juin le rejet par le gouvernement d’une proposition de loi visant à abolir la peine de mort. Le texte avait été déposé par un député de l’opposition.

À lire

Algérie. Un legs d’impunité. Une menace pour l’avenir de l’Algérie (MDE 28/001/2009).

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