Arabie Saoudite

Les autorités ont pris toute une série de mesures pour réprimer la liberté d’expression, entre autres droits légitimes. Des centaines de personnes soupçonnées d’activités terroristes ont été arrêtées. Des milliers d’autres, emprisonnées les années précédentes pour des motifs de sécurité, étaient maintenues en détention ; certains de ces détenus étaient des prisonniers d’opinion. Parmi ces milliers de détenus, 330 ont comparu devant un nouveau tribunal pénal spécial où leurs procès, contraires aux règles d’équité, ont été entourés du secret. L’un des accusés a été condamné à mort, et 323 autres à des peines d’emprisonnement.
Les femmes continuaient de subir de graves discriminations, dans la législation et en pratique, malgré certains signes de réforme. L’État n’a pratiquement rien fait pour lutter contre la violence très répandue à l’égard des femmes, et plus particulièrement des employées de maison. Des musulmans chiites, entre autres, ont été la cible de mesures de répression pour avoir voulu pratiquer leur foi. Des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile ont vu leurs droits bafoués. L’administration de la justice restait entourée de secret et les procédures étaient sommaires. Le recours à la torture et aux mauvais traitements contre les détenus demeurait généralisé et les auteurs de tels agissements bénéficiaient de l’impunité. La flagellation à titre de châtiment judiciaire était répandue. La peine de mort continuait d’être régulièrement prononcée. Au moins 69 personnes ont été exécutées, dont deux jeunes hommes qui étaient mineurs à l’époque des faits pour lesquels ils avaient été condamnés.

ROYAUME D’ARABIE SAOUDITE
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Abdallah bin Abdul Aziz al Saoud
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 25,7 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 72,7 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 26 / 17 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 85 %

Contexte

En février, lors de l’examen périodique universel de la situation des droits humains en Arabie saoudite par le Conseil des droits de l’homme [ONU], le gouvernement s’est engagé à introduire des réformes tout en réaffirmant que les textes législatifs saoudiens étaient fondés sur des concepts religieux. L’Arabie saoudite a été réélue au Conseil des droits de l’homme en mai.
En février, pour la première fois, une femme a été nommée vice-ministre ; ce même mois, la Cour suprême est entrée en fonction comme plus haute instance d’appel, conformément à la Loi de 2007 relative au système judiciaire. Les cours de cassation ont également été remplacées par des cours d’appel.
Le gouvernement a adopté en juillet la première loi du royaume contre la traite d’êtres humains, considérée comme un problème grave. Une personne reconnue coupable de traite d’êtres humains est passible d’une peine de 15 ans d’emprisonnement assortie d’une amende.
Des attaques auraient été menées par des membres ou des sympathisants d’Al Qaïda. Le vice-ministre de l’Intérieur aurait été blessé, en août, lors d’une tentative d’assassinat perpétrée par un kamikaze. En octobre, le ministère de l’Intérieur a annoncé que deux hommes avaient trouvé la mort dans un affrontement entre militants et forces de sécurité dans la province de Jizan et que six Yéménites avaient été arrêtés.
Le conflit auquel est en proie la région de Saada, au Yémen, s’est étendu à l’Arabie saoudite durant les derniers mois de l’année. Plusieurs soldats saoudiens auraient été tués par des combattants rebelles yéménites. Des avions de combat saoudiens ont bombardé ces rebelles mais on ignorait si les autorités avaient pris les précautions requises pour protéger les civils lors de ces opérations. Le gouvernement a tenté de fermer la frontière aux réfugiés qui fuyaient les combats. Ceux qui étaient entrés en Arabie saoudite en provenance de la région de Saada ont été renvoyés de force au Yémen.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

Les autorités ont utilisé toute une série de mesures répressives au nom de la lutte contre le terrorisme, portant ainsi atteinte à des réformes législatives à l’état embryonnaire. Des lois antiterroristes, rédigées dans des termes vagues et très larges, ont été utilisées pour réprimer la liberté d’expression, entre autres droits légitimes. Les forces de sécurité, qui savaient qu’elles bénéficiaient de l’impunité, ne respectaient même pas ces lois.
Plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées au cours de l’année pour des motifs de sécurité. Elles sont venues s’ajouter aux milliers d’autres emprisonnées les années précédentes. Toutes étaient détenues dans des conditions de quasi-secret. Beaucoup de ces prisonniers étaient des sympathisants présumés de groupes islamistes. Ils étaient en général maintenus au secret, sans inculpation ni jugement, pendant plusieurs mois ou même plusieurs années à des fins d’interrogatoire et d’enquête, et ils n’avaient pas la possibilité de contester le bien-fondé de leur incarcération. La plupart n’étaient pas autorisés à entrer en contact avec un avocat, et certains pouvaient passer plusieurs mois, voire plusieurs années, sans pouvoir communiquer avec leur famille. Ils étaient incarcérés dans des lieux où la torture et d’autres mauvais traitements sont couramment utilisés pour obtenir des « aveux ». Les prisonniers qui étaient inculpés étaient jugés dans le cadre de procès menés dans le secret et contraires aux règles d’équité les plus élémentaires. Ils ne bénéficiaient pas de l’assistance d’un avocat et étaient brièvement interrogés sur leurs « aveux » par trois enquêteurs. Les personnes déclarées coupables pouvaient être condamnées à des châtiments allant de la mort à des peines d’emprisonnement assorties d’une peine de flagellation. Certains prisonniers étaient maintenus en détention après l’expiration de leur peine. D’autres étaient détenus pour une période indéterminée dans le cadre de programmes de « rééducation ».
• En juillet, le gouvernement a annoncé que 330 détenus avaient été jugés par un tribunal pénal spécial nouvellement institué. Un accusé a été con-damné à mort et 323 autres se sont vu infliger des peines allant jusqu’à 30 ans d’emprisonnement. Sur les six autres accusés, trois ont été acquittés et trois se sont vu interdire de voyager à l’étranger. Des peines supplémentaires d’amende ou d’assignation à résidence auraient été prononcées contre certains des 323 condamnés ; d’autres ne pourront être relâchés qu’après avoir « exprimé leur repentir ». Aucun détail n’a été fourni sur les chefs d’accusation ni sur les éléments de preuve ayant motivé la condamnation de ces prisonniers, et aucune information n’a été donnée sur les centaines d’autres personnes qui devaient comparaître devant le même tribunal.

Prisonniers d’opinion

Bien que pacifiques, des militants des droits humains et des détracteurs du gouvernement, dont certains avaient été arrêtés les années précédentes, ont été maintenus en détention. Amnesty International les considérait comme des prisonniers d’opinion.
• Sept hommes arrêtés en février 2007 à la suite de la publication d’une pétition pour les droits des détenus étaient toujours, à la fin de l’année, en détention sans jugement et à l’isolement dans la prison de Dhahban. Dans la pétition, ils demandaient que les détenus bénéficient d’un procès équitable ou, à défaut, soient remis en liberté ; ils préconisaient en outre la création d’une organisation de défense des droits humains. Ces sept hommes, Al Sharif Saif al Ghalib, Saud al Hashimi, Abdel Rahman Khan, Musa al Qirni, Fahd al Qirshi, Suleiman al Rushudi et Abdel Rahman al Shumayri étaient accusés par le ministère de l’Intérieur d’avoir collecté des fonds pour financer des actes de terrorisme, ce qu’ils niaient catégoriquement. En octobre, le Tribunal des plaintes a examiné un appel contre le maintien en détention d’Abdel Rahman al Shumayri. En décembre, le ministère de l’Intérieur a annoncé qu’il s’apprêtait à le déférer à la justice, mais rien n’avait été fait dans ce sens à la fin de l’année.

Torture et autres mauvais traitements

Des actes de torture et des mauvais traitements étaient régulièrement infligés aux détenus en toute impunité. Parmi les méthodes le plus fréquemment citées figuraient les passages à tabac, les décharges électriques, la suspension au plafond, la privation de sommeil et les insultes.
Saud al Hashimi, un prisonnier d’opinion maintenu à l’isolement depuis son arrestation, en février 2007, aurait été maltraité et torturé pendant plusieurs jours après qu’il eut entamé une grève de la faim, en juin, pour protester contre son maintien en détention. D’après les informations reçues, on l’a déshabillé entièrement à l’exception de ses sous-vêtements, puis on l’a enchaîné et traîné jusqu’à un cachot glacial où il est resté pendant cinq heures.

Discrimination et violences à l’égard des femmes

Les femmes continuaient de subir de graves discriminations, dans la législation et en pratique. Il leur fallait l’autorisation d’un tuteur de sexe masculin pour voyager, se marier ou avoir accès à de nombreux services publics. Elles n’étaient toujours pas autorisées à conduire. Toutefois, en juin, des responsables saoudiens ont déclaré au Conseil des droits de l’homme [ONU] que le gouvernement allait prendre des initiatives en vue de réduire la discrimination à l’égard des femmes. Il reste qu’aucune mesure importante n’avait été prise en ce sens à la fin de l’année.
En avril, la rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes a publié un rapport à la suite de sa visite dans le royaume en 2008. Elle a pris acte de modestes réformes tout en concluant que les pratiques discriminatoires graves à l’égard des femmes nuisaient à leurs droits et à leur dignité. Elle a également estimé que de nombreux facteurs, dont l’absence d’autonomie et d’indépendance économique des femmes, les pratiques relatives au divorce et à la garde des enfants, l’absence d’une loi érigeant en infraction la violence contre les femmes et les contradictions dans l’application de la loi et l’administration de la justice, empêchaient de nombreuses femmes d’échapper à un environnement violent. Elle a par ailleurs fait observer que les violences contre les employées de maison n’étaient pas suffisamment reconnues par les autorités.
Les médias ont mis en lumière plusieurs cas de violences contre les femmes.
• En février, une femme célibataire de 23 ans, qui avait été violée par cinq hommes après avoir accepté de monter dans une voiture, a été condamnée par le tribunal de district de Djeddah à un an d’emprisonnement et à 100 coups de fouet pour avoir eu des relations sexuelles en dehors du mariage et avoir tenté d’avorter à la suite de ces viols. On ignorait quelles mesures avaient été prises contre les violeurs présumés.
• En juillet, deux sœurs qui avaient été arrêtées par la police religieuse pour s’être trouvées en compagnie d’hommes n’étant pas des parents proches ont été abattues par leur frère. Les meurtres ont été commis en présence du père, qui a « pardonné » à son fils au motif qu’il avait défendu l’honneur de la famille. À la fin de l’année, on ignorait si le meurtrier avait été traduit en justice, des informations contradictoires ayant été fournies à ce sujet.
Les conséquences négatives des mariages précoces pour les jeunes filles ayant été portées sur le devant de la scène, des organismes officiels ont commencé à se pencher sur cette question.

Liberté de religion

Des chiites et au moins un chrétien ont été en butte à des persécutions du fait de leurs croyances. Dix-huit chiites ismaéliens, dont 17 purgeaient depuis 2000 une peine de 10 ans d’emprisonnement, ont été remis en liberté. La plupart d’entre eux étaient des prisonniers d’opinion.
• Hamoud Saleh al Amri a été arrêté en janvier après avoir annoncé sur son blog qu’il s’était converti au christianisme. Il a été remis en liberté à la fin mars, sous condition de ne pas se rendre à l’étranger ni d’apparaître dans les médias.
• Au moins 10 chiites, dont six jeunes garçons de 14 à 16 ans, ont été arrêtés en mars dans la province de l’Est et incarcérés au secret à la suite d’une manifestation organisée le 27 février pour protester contre l’interpellation de pèlerins chiites qui se rendaient au tombeau du prophète Mahomet, à Médine. Plusieurs des adolescents ont été relâchés dans les semaines qui ont suivi, mais on ignorait ce qu’étaient devenus les autres.
• En mars, les forces de sécurité auraient arrêté dans la ville d’Al Awamiya plusieurs chiites qui avaient protesté contre un ordre d’arrestation d’un éminent dignitaire chiite ; celui-ci avait dénoncé les attaques contre des pèlerins chiites et la discrimination que subirait cette communauté.

Droits des migrants

Les employeurs et les agents de l’État bafouaient les droits des travailleurs immigrés en toute impunité. Les employés de maison, et tout particulièrement les femmes, étaient contraints de travailler jusqu’à 18 heures par jour. Certaines d’entre elles étaient victimes de viol, entre autres mauvais traitements.
Quelque 500 migrants détenus dans le centre d’expulsion d’Al Shumaisi, à Riyadh, ont entamé une grève de la faim en septembre pour protester contre leur détention prolongée dans des locaux surpeuplés et sales. Parmi eux figuraient des personnes venues en Arabie saoudite pour travailler. Certains avaient des passeports en règle et des billets d’avion pour quitter le pays, mais ils n’ont pas été autorisés à contester le bien-fondé de leur détention et ont été maintenus dans ce centre, parfois jusqu’à sept mois, avant d’être expulsés. Plusieurs seraient morts en détention.
• Mohammed Saquib, un Indien qui s’était enfui de chez son employeur, est mort le 30 août dans le centre d’expulsion d’Al Shumaisi ; il souffrait manifestement de tuberculose et n’a pas reçu les soins médicaux dont il avait besoin.

Réfugiés et demandeurs d’asile

Les autorités continuaient de refuser l’accès au royaume à certains réfugiés et demandeurs d’asile. La frontière avec le Yémen, au sud du pays, a été fermée à partir du mois d’août pour empêcher l’entrée en Arabie saoudite des personnes qui fuyaient les combats dans la région de Saada.
• Vingt-huit Érythréens étaient toujours retenus dans un camp non loin de Jizan, où ils se trouvaient apparemment depuis 2005.

Châtiments cruels, inhumains et dégradants
Cette année encore, des peines de flagellation ont été prononcées et appliquées. Des individus reconnus coupables de vol ont été condamnés à l’amputation des mains.
• Le 25 mars, un tribunal de La Mecque a condamné un homme à 15 ans d’emprisonnement et à 40 000 coups de fouet pour tentative de viol et homicide involontaire sur une jeune femme ; elle avait été tuée par un camion alors qu’elle s’était précipitée sur une route pour lui échapper.
• Le 24 juillet, Hasan bin Ayyash Ahmed Sagheer, un Yéménite reconnu coupable de vol, a subi l’amputation de la main droite.
• Le 28 septembre, une vingtaine d’adolescents ont été flagellés en public à Khobar et à Dammam, à la suite d’une émeute qui avait éclaté à Khobar une semaine plus tôt. Chacun a reçu au moins 30 coups de fouet.

Peine de mort

La peine de mort continuait d’être régulièrement prononcée. À la différence des années précédentes, aucune exécution n’a été appliquée uniquement pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Les accusés passibles de la peine capitale étaient jugés au cours de procès d’une iniquité flagrante. Ils n’étaient pas autorisés à bénéficier d’une assistance juridique et étaient déclarés coupables uniquement sur la base d’« aveux » qui auraient été obtenus sous la torture.
Au moins 69 personnes ont été exécutées. On savait que 141 prisonniers étaient sous le coup d’une sentence capitale, mais le chiffre réel était probablement beaucoup plus élevé. Parmi les suppliciés figuraient deux femmes, deux mineurs délinquants et 19 étrangers.
Sultan bin Sulayman bin Muslim Al Muwallad et Issa bin Muhammad Umar Muhammad, deux mineurs délinquants respectivement saoudien et tchadien, étaient au nombre des cinq hommes décapités le 10 mai à Médine à l’issue de procès des plus inéqui¬tables. Ils avaient été déclarés coupables de crimes qu’ils auraient commis alors qu’ils étaient âgés de 17 ans, et notamment d’enlèvement et de viol d’enfants.

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