Guinée-Bissau

La situation politique déjà précaire s’est aggravée avec l’assassinat de responsables et de militaires de haut rang, notamment du président João Bernardo Vieira en mars. Les élections organisées en juin ont rétabli une relative stabilité. Les forces armées se sont immiscées dans la gestion des affaires publiques et dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire. Elles ont également commis en toute impunité de graves violations des droits humains, notamment des homicides illégaux, des actes de torture et d’autres mauvais traitements, et procédé à des arrestations et à des détentions arbitraires. Des défenseurs des droits humains et d’autres personnes ont reçu des menaces de mort.

RÉPUBLIQUE DE GUINÉE-BISSAU
CHEF DE L’ÉTAT : João Bernardo Vieira, assassiné le 2 mars, provisoirement remplacé par Raimundo Pereira, remplacé par Malam Bacai Sanhá le 8 septembre
CHEF DU GOUVERNEMENT : Carlos Gomes Júnior
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 1,6 million
ESPÉRANCE DE VIE : 47,5 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 207 / 186 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 64,6 %

Contexte

Les retards pris dans la nomination d’un nouveau gouvernement à la suite des élections de novembre 2008 ont avivé les tensions politiques. Selon certains observateurs, le trafic de stupéfiants, à l’origine de plusieurs homicides et de crispations entre autorités civiles et militaires, avait des conséquences sur la stabilité politique du pays. Un nouveau gouvernement a finalement été formé en janvier.
Au cours du même mois, des aguentas, membres de la force créés par le président João Bernardo Vieira pendant la guerre civile (1998-1999), auraient tenté d’assassiner le chef d’état-major des forces armées, le général Tagme na Waie, selon toute vraisemblance parce que celui-ci avait ordonné la dissolution de la garde rapprochée du chef de l’État. En mars, Tagme na Waie a été tué par l’explosion d’une bombe. Des militaires ont accusé le président Vieira d’avoir ordonné ce meurtre et l’ont assassiné quelques heures plus tard. Le président de l’Assemblée nationale a assuré l’intérim à la tête de l’État, dans l’attente d’une élection présidentielle. Aucun de ces homicides n’a fait l’objet d’une enquête sérieuse.
Avant l’élection présidentielle de juin, des soldats ont tué des figures politiques proches du président défunt, dont l’un des candidats au scrutin. Ils ont également arrêté de manière arbitraire certains parlementaires et d’anciens ministres, et les ont brutalisés. Plusieurs autres responsables politiques ont fui le pays ou sont entrés dans la clandestinité.
L’élection de juin s’est déroulée dans un climat marqué par la peur et la censure. Malam Bacai Sanhá, candidat du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC, au pouvoir), a remporté le scrutin à l’issue du second tour, en juillet. Il a pris ses fonctions en septembre.
En août, la Guinée-Bissau a adhéré au Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ; en septembre, le pays a signé le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Homicides illégaux

En mars, puis en juin, des soldats se sont rendus coupables d’exécutions illégales de personnalités politiques et de responsables de l’armée. Ces actes sont restés impunis car malgré les promesses du nouveau chef de l’État, aucun de ces homicides n’a fait l’objet d’une investigation.
 ?Le 4 juin, l’ancien ministre de la Défense Hélder Proença, son chauffeur et son garde du corps ont été assassinés dans une embuscade tendue par des soldats à une quarantaine de kilomètres de la capitale du pays, Bissau. Les forces armées avaient accusé cet homme d’avoir fomenté un complot visant à renverser le gouvernement et tuer le Premier ministre ainsi que le chef d’état-major des armées par intérim. Deux heures plus tard, Baciro Dabó, ancien ministre de l’Administration territoriale et candidat à l’élection présidentielle, a été abattu à son domicile par un groupe d’une douzaine de soldats.

Arrestations et détentions arbitraires

Des soldats ont procédé à des arrestations et à des détentions arbitraires de civils et de militaires qu’ils accusaient de préparer une tentative de putsch. Les arrestations ont été effectuées sans mandat. Les personnes appréhendées ont été détenues dans des installations militaires sans inculpation ni jugement durant des semaines, parfois des mois, bien au-delà de la limite de 48 heures prévue par la loi. Appréhendés peu après les faits, cinq soldats mis en cause dans l’assassinat, en juin, du chef d’état-major des armées ont dû attendre plusieurs mois avant d’être présentés à un juge, comme le prévoit la loi. Ils n’avaient pas été jugés à la fin de l’année.
Les responsables politiques arrêtés en juin ont été remis en liberté environ deux mois plus tard sans avoir été jugés ni même inculpés. Parmi eux figurait l’ancien Premier ministre Faustino Fadut Imbali, appréhendé à son domicile le 5 juin par des soldats qui ne disposaient pas d’un mandat. Cet homme a été frappé au moment de son interpellation et conduit au quartier général des forces armées, où il a de nouveau été battu.

Torture et autres mauvais traitements

D’après la Ligue guinéenne de défense des droits humains (LGDH), la plupart des personnes arrêtées en mars et en juin – notamment les cinq soldats appréhendés à la suite de l’homicide du général Tagme na Waie – ont été torturées au cours de leur détention par l’armée. Des personnes qui s’étaient montrées critiques vis-à-vis des forces armées ont elles aussi été torturées ou soumises à d’autres mauvais traitements en détention. Aucune enquête n’a été menée sur ces agissements, dont les responsables présumés n’ont pas été traduits en justice.
 ?L’avocat Pedro Infanda a été arbitrairement arrêté par des soldats le 23 mars, quelques heures après avoir donné une conférence de presse durant laquelle il avait déclaré que, selon l’un de ses clients, le chef d’état-major par intérim ne disposait pas des compétences requises pour effectuer sa mission. Conduit à la forteresse militaire Amura, à Bissau, Pedro Infanda a été torturé pendant les quatre premiers jours de sa détention. Il a été frappé à coups de bâton et avec d’autres objets, ce qui lui a provoqué de graves lésions au niveau du dos pour lesquelles il a dû subir des soins intensifs à l’hôpital.
 ?Le 1er avril, à 1 heure du matin, quatre soldats se sont rendus au domicile de Francisco José Fadul, président de la Cour des comptes, et l’ont frappé à coups de crosse de fusil, lui occasionnant des entailles au niveau de la tête ainsi que sur un bras. Il a dû recevoir des soins intensifs à l’hôpital. Son épouse a également été frappée, mais n’a pas subi de blessure grave. Deux jours avant cette agression, Francisco José Fadul avait publiquement critiqué le comportement des forces armées et exhorté le gouvernement à demander à l’armée de s’expliquer sur des affaires de corruption et sur le double assassinat du président Vieira et du général Tagme na Waie.
Menaces contre l’intégrité physique
Des membres de la LGDH ont fait l’objet de menaces parce qu’ils avaient critiqué l’armée. Personne n’a été poursuivi dans cette affaire.
 ?En août, le procureur général a déclaré recevoir des menaces de mort qui le contraignaient à passer la nuit hors de son domicile.

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