Madagascar

La crise politique qui a éclaté a déclenché une vague de violations des droits humains de grande ampleur. Les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive contre des manifestants, tuant des dizaines de personnes et en blessant des centaines d’autres. Des membres de l’opposition ont été arbitrairement arrêtés et placés en détention. Le droit de réunion pacifique et la liberté d’expression ont été bafoués. Le droit à un procès équitable n’a pas non plus été respecté. Les auteurs de violations des droits humains jouissaient de l’impunité.

République de Madagascar
CHEF DE L’ÉTAT : Marc Ravalomanana, destitué et remplacé par Andry Nirina Rajoelina le 17 mars
CHEF DU GOUVERNEMENT : Charles Rabemananjara, remplacé par Monja Roindofo le 17 mars, remplacé à son tour par Eugène Mangalaza le 10 octobre, provisoirement remplacé par Cécile Manorohanta entre le 18 et le 20 décembre, date à laquelle Camille Albert Vital entre en fonction
PEINE DE MORT : abolie en pratique
POPULATION : 19,6 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 59,9 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 105 / 95 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 70,7 %

Contexte

Le 17 mars, au terme de plusieurs mois de tensions avec le gouvernement du président Marc Ravalomanana, l’ancien maire d’Antananarivo, Andry Nirina Rajoelina, s’est autoproclamé président de la Haute Autorité de la Transition (HAT). Accusant publiquement Marc Ravalomanana de détourner les richesses du pays, il a demandé sa démission. Il a également organisé d’immenses manifestations hostiles au gouvernement. Sous la pression, le président Ravalomanana a transféré son autorité à un directoire militaire, qui l’a à son tour transférée à Andry Rajoelina. La Haute Cour constitutionnelle a validé ces deux transferts de pouvoirs. Le nouveau président a ensuite suspendu l’Assemblée nationale et le Sénat, et instauré un état d’exception illimité en vertu duquel de nombreux droits constitutionnels ont été mis entre parenthèses. La HAT n’a pas été reconnue par les institutions régionales et internationales ; l’Union africaine a suspendu Madagascar de ses instances.
Un groupe de contact international s’est réuni pour trouver une solution à la crise politique malgache. En août, un accord a été signé à Maputo (Mozambique) par tous les partis politiques impliqués dans la crise, y compris par Andry Rajoelina et les anciens présidents Didier Ratsiraka, Albert Zafy et Marc Ravalomanana ; l’accord n’a toutefois pas été mis en œuvre. Le 6 octobre, Eugène Mangalaza a été nommé Premier ministre. Un autre accord a été signé en novembre à Addis-Abeba, en Éthiopie. En décembre, le président Rajoelina a nommé le colonel Camille Albert Vital au poste de Premier ministre.
En mars, la HAT a créé la Commission nationale mixte d’enquête (CNME), destinée à être « un outil opérationnel à la disposition de la HAT pour l’exercice de son pouvoir judiciaire et de sécurité sur tous les actes illégaux perpétrés avant, pendant et après la crise ». Dans la pratique, la CNME s’est substituée au ministère public et au système judiciaire traditionnel, avant d’être remplacée par la Force d’intervention spéciale (FIS), investie d’un mandat similaire. De nombreux observateurs estimaient que ces deux institutions étaient en réalité des instruments de la HAT servant à réprimer les opposants politiques.

Recours excessif à la force et homicides illégaux

Les forces de sécurité des deux gouvernements successifs ont fait un usage inconsidéré de la force contre des manifestants, dont certains ont été tués ou blessés. Ces événements n’ont donné lieu à aucune enquête indépendante et impartiale.
 ?Le photojournaliste Ando Ratovonirina faisait partie des 31 personnes (au moins) qui ont été tuées par la garde présidentielle de Marc Ravalomanana lors d’une manifestation organisée le 7 février devant le palais présidentiel d’Ambohitsorohitra, à Antananarivo. Des membres de la garde ont tiré à balles réelles sur des manifestants sans armes qui s’approchaient du bâtiment. Des dizaines d’autres personnes ont été blessées.
 ?Au cours de manifestations qui ont eu lieu dans la capitale en avril, au moins quatre partisans de l’ancien président Ravalomanana ont été tués et 70 autres blessés par les forces de sécurité de la HAT.

Arrestations et détentions arbitraires

Des opposants au régime du président Ravalomanana ont été arbitrairement arrêtés avant l’arrivée au pouvoir de la HAT ; à partir du mois de mars, ce sont des partisans de l’ancien président qui ont fait l’objet d’interpellations et de placements en détention arbitraires de la part des forces de sécurité de la HAT, notamment des membres de la CNME et de la FIS. Certaines des personnes arrêtées durant les manifestations ont été maintenues en détention sans jugement pendant plusieurs mois.
 ?Le 20 février, Jean Théodore Rajivenson, chargé de cours à l’université d’Antananarivo et partisan d’Andry Rajoelina, a été arrêté et inculpé d’atteinte à la sûreté de l’État, de participation à des manifestations non autorisées et d’incendie volontaire. Acquitté par un tribunal d’Antananarivo, il a été remis en liberté le 19 mars.
 ?Le 29 avril, Manandafy Rakotonirina, qui avait été nommé Premier ministre par Marc Ravalomanana le 10 avril, a été arrêté par la CNME à l’hôtel Carlton d’Antananarivo, en compagnie d’au moins six personnes. Tous ont été inculpés de participation à un rassemblement illégal, de dégradation de biens publics et de détention illégale d’armes à feu. Manandafy Rakotonirina a également été accusé d’avoir usurpé le titre de Premier ministre. Le 23 septembre, il a été condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis ; les six autres personnes se sont également vu infliger des peines de prison avec sursis, d’une durée de six à 12 mois. Tous ont été remis en liberté.
 ?La sénatrice Naike Eliane a été arrêtée le 12 septembre et accusée, entre autres, de participation à une manifestation interdite. Elle a finalement été libérée le 22 septembre. À la fin de l’année, son procès était toujours en cours.

Liberté d’expression – journalistes

Les médias et les journalistes ont été la cible des pouvoirs publics avant et après l’arrivée au pouvoir de la HAT. Des journalistes ont reçu des menaces sur leur téléphone portable ; certains sont entrés dans la clandestinité. En janvier, le gouvernement du président Ravalomanana a fermé les locaux de Radio Viva ; ceux de Tele Viva avaient déjà été fermés le 13 décembre 2008. Ces deux médias appartenaient à Andry Rajoelina. En mars, la HAT a suspendu les activités de Tele Mada et Radio Mada, deux organes privés dont le propriétaire était l’ancien président Ravalomanana ; d’autres médias favorables à l’ancien chef de l’État ont subi le même sort.
 ?Évariste Anselme Ramanantsoavi, journaliste à Radio Mada, a été arrêté par des agents de sécurité de la HAT le 5 mai et accusé d’atteinte à la sûreté de l’État et de diffusion de fausses informations. Il a été remis en liberté le 20 mai, après avoir été condamné à verser une amende d’un million d’ariarys (environ 385 euros). Cet homme a commencé à recevoir des menaces téléphoniques anonymes après s’être pourvu en appel.
Procès inéquitables
Le 3 juin, une juridiction pénale d’Antananarivo a condamné pour abus de pouvoir l’ancien président Ravalomanana et son ministre des Finances, Haja Nirina Razafinjatovo, à quatre ans d’emprisonnement et à une amende équivalent à un peu plus de 49 millions d’euros. Lors du procès à huis clos, les deux prévenus, jugés par contumace, n’ont pas eu la possibilité de se défendre contre les accusations formulées à leur encontre.

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