Zimbabwe

La situation des droits humains s’est légèrement améliorée avec la mise en place en février d’un gouvernement d’union. Toutefois, les défenseurs des droits humains, les militants politiques et les partisans du Mouvement pour le changement démocratique du Premier ministre Morgan Tsvangirai (MDC-T) faisaient encore l’objet de manœuvres de harcèlement et d’intimidation. De très nombreuses personnes, ressenties comme critiques à l’égard de l’ex-parti au pouvoir, l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (ZANU-PF), ont été la cible d’opérations d’arrestations. Des institutions d’État contrôlées par la ZANU-PF ont continué de s’en prendre à des opposants politiques présumés, mettant à rude épreuve le gouvernement d’union encore fragile. Les tensions au sein des institutions étatiques se sont traduites par des attaques contre des militants du MDC-T en zone rurale et contre certaines exploitations agricoles commerciales.
Les observateurs ont pu constater les premiers signes d’une embellie économique depuis le début de la crise, en 2000. Le dollar zimbabwéen a été abandonné au profit de devises fortes comme le dollar des États-Unis et le rand sud-africain, ce qui a permis de maîtriser l’inflation et d’améliorer l’approvisionnement des magasins en denrées alimentaires. Cependant, de nombreux ménages modestes ne détenant pas de devises ne parvenaient pas à financer leurs dépenses d’éducation et de santé. Grâce aux organismes humanitaires, des structures de soins et des écoles, dont la plupart avaient fermé en 2007, ont rouvert leurs portes.

République du Zimbabwe
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Robert Gabriel Mugabe
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 12,5 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 43,4 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 100 / 88 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 91,2 %

Contexte

Le 27 janvier, les membres dirigeants de la Commu-nauté de développement de l’Afrique australe (SADC) ont tenu une réunion extraordinaire en Afrique du Sud dans le but de trouver une issue à l’impasse politique dans laquelle se trouvait le Zimbabwe depuis la signature de l’Accord politique global, le 15 septembre 2008. Les trois parties à l’Accord – la ZANU-PF, le MDC-T et le MDC emmené par Arthur Mutambara – se trouvaient dans une impasse en raison de leurs divergences sur l’attribution des portefeuilles clés.
Le 11 février, après l’intervention de la SADC, Morgan Tsvangirai a prêté serment comme Premier ministre, de même que ses deux vice-Premiers ministres, Arthur Mutambara (MDC) et Thokhozani Khupe (MDC-T). D’autres membres du gouvernement d’union ont prêté serment à leur tour le 14 février. L’union demeurait néanmoins fragile, principalement en raison du refus du président Mugabe de mettre en œuvre certaines composantes de l’Accord politique global. Selon la ZANU-PF, le MDC-T ne faisait pas suffisamment pression pour qu’il soit mis fin à certaines sanctions spécifiques imposées par l’Union européenne et les États-Unis. En octobre, le MDC-T a boycotté trois séances du conseil des ministres en guise de protestation contre les retards dans la mise en œuvre de l’Accord politique global. Il n’a repris le chemin du conseil des ministres qu’après un sommet convoqué par la SADC, le 5 novembre. La SADC a donné aux parties un délai de 30 jours pour reprendre le dialogue et sortir de l’impasse. À la fin de l’année, pourtant, aucune des questions clés n’était résolue.
Les victimes des vagues d’expulsions forcées de 2005 vivaient toujours dans des conditions déplorables.

Liberté d’expression, d’association et de réunion

La répression des militants des droits humains et des personnes considérées comme des opposants politiques à la ZANU-PF s’est poursuivie. De très nombreux défenseurs des droits humains et militants politiques qui ne faisaient qu’exercer leurs droits ont été arrêtés et inculpés.
Le Bureau du procureur général a continué de s’appuyer sur l’article 121 de la Loi relative à la procédure pénale et à l’administration de la preuve pour prolonger la détention de militants qui auraient dû bénéficier d’une libération sous caution. L’article 121 accorde en effet sept jours de plus à l’État pour interjeter appel auprès d’une juridiction supérieure.
 ?Au moins 18 prisonniers politiques ont été maintenus en détention sur des accusations probablement forgées de toutes pièces par le précédent gouvernement de la ZANU-PF. Le 2 mars, Jestina Mukoko et Broderick Takawira ont été remis en liberté sous caution après trois mois de détention. Par la suite, 13 autres personnes ont également été libérées sous caution. Trois d’entre elles – Gandhi Mudzingwa et Kisimusi Dhlamini, deux responsables du MDC-T, et le journaliste Andrison Manyere – ont obtenu une mesure de remise en liberté sous caution le 9 avril. Les autorités y étaient opposées mais n’ont pas interjeté appel dans le délai de sept jours prévu par l’article 121. Libérés le 17 avril, ces trois hommes ont été à nouveau interpellés et incarcérés par la police quelques jours plus tard. Gandhi Mudzingwa et Kisimusi Dhlamini, hospitalisés à la suite des actes de torture subis en détention, ont finalement obtenu leur libération sous caution le 13 mai. Tous ces détenus ont dû être soignés pour les actes de torture et autres mauvais traitements qui leur ont été infligés alors qu’ils étaient incarcérés.
 ?Le procès de Jestina Mukoko et de 17 autres personnes qui avaient été enlevées en 2008 s’est ouvert au début de l’année. Le 28 septembre, cependant, la Cour suprême a ordonné l’arrêt définitif des poursuites pénales contre Jestina Mukoko, au motif que ses droits constitutionnels avaient été violés par des agents de la Sûreté de l’État.
 ?Sept membres de l’association Femmes du Zimbabwe, debout ! (WOZA) qui venaient de participer à une manifestation pacifique ont été arrêtées à Bulawayo le 17 juin ; elles n’ont pas pu consulter leurs avocats. Le lendemain, alors que la secrétaire générale d’Amnesty International tenait une conférence de presse à l’hôtel Meikles, à Harare, quatre militantes de WOZA, un caméraman du journal gouvernemental The Herald et une journaliste indépendante ont été interpellés et frappés par la police à une cinquantaine de mètres de l’hôtel. Les militantes de WOZA ont été maintenues en détention jusqu’au lendemain et, pour les « punir » de leurs activités, les policiers ne les ont pas autorisées à recevoir des soins. La journaliste et le caméraman ont été remis en liberté le jour même.
 ?Le 5 août, Clever Bere, Kudakwashe Chakabva, Archieford Mudzengi et Brian Rugodo, des dirigeants du Syndicat national des étudiants du Zimbabwe, ont été arrêtés à l’université du Zimbabwe parce qu’ils distribuaient des T-shirts. Ils ont été inculpés d’infraction à la Loi portant codification et réforme du code pénal pour avoir participé à un rassemblement avec l’intention de fomenter la violence publique, les troubles à l’ordre public et le fanatisme. Ils ont été libérés sous caution le 7 août.
 ?Le 25 octobre, Cephas Zinhumwe et Dadirai Chikwengo, respectivement directeur général et présidente du conseil d’administration de l’Association nationale des ONG (NANGO), ont été appréhendés à Victoria Falls après que la NANGO eut organisé un atelier destiné aux directeurs d’ONG. Remis en liberté sous caution le 27 octobre, ils ont été inculpés d’infraction à la Loi relative à l’ordre public et à la sécurité, semble-t-il pour ne pas avoir signalé à l’autorité compétente leur intention d’organiser un « rassemblement politique public ». Ils ont été relaxés le 25 novembre.
 ?Le 28 octobre, Thulani Ndhlovu et Ndodana Ndhlovu, du Réseau de soutien aux élections au Zimbabwe, ont été interpellés à Dete, dans le district de Hwange. lls ont été accusés d’organiser des réunions sans autorisation de la police, une infraction tombant sous le coup de la Loi relative à l’ordre public et à la sécurité. Ndodana Ndhlovu a été relâché le jour même et Thulani Ndhlovu libéré sous caution le 30 octobre.
 ?Le 8 novembre, Lovemore Matombo, président de la Confédération syndicale du Zimbabwe (ZCTU), ainsi que Michael Kandukutu, Percy Mcijo, Dumisani Ncube et Nawu Ndlovu, tous membres de la ZCTU, ont été arrêtés à Victoria Falls à l’issue d’une réunion syndicale. Invoquant la Loi relative à l’ordre public et à la sécurité, les autorités les ont accusés d’avoir tenu ce qu’elles déclaraient être une réunion illégale. L’affaire ayant été classée sans suites par un tribunal de première instance, ils ont été remis en liberté le 12 novembre.
 ?Le 20 novembre, 32 militants de la ville de Gweru ont comparu devant un tribunal de première instance. Arrêtés en décembre 2008 après avoir participé à une manifestation pacifique, ils avaient été inculpés d’infractions relevant de la Loi relative à l’ordre public et à la sécurité. Dans l’assignation, cependant, les charges avaient été requalifiées en destruction de biens et offenses au chef de l’État.
Harcèlement d’avocats et de membres de l’appareil judiciaire
Cette année encore, des fonctionnaires de justice et des avocats représentant des défenseurs des droits humains ou des militants politiques ont été la cible de manœuvres de harcèlement et d’intimidation.
 ?Le 14 mai, Alec Muchadehama, avocat du journaliste Andrison Manyere et de deux responsables du MDC-T, a été interpellé sur les lieux mêmes d’un tribunal de première instance de Harare par des membres de l’unité du maintien de l’ordre de la police nationale. Maintenu en détention jusqu’au lendemain, il a été inculpé d’obstacle ou entrave à la justice pour avoir obtenu illégalement la remise en liberté de Kisimusi Dhlamini, Gandhi Mudzingwa et Andrison Manyere, au motif qu’il aurait mal instruit les responsables de la Haute Cour en leur fournissant des informations erronées. Il a été relaxé le 10 décembre. Dans une affaire connexe, Constance Gambara, la greffière de la Haute Cour qui avait facilité la libération provisoire des trois détenus, a été arrêtée le 6 mai et inculpée d’abus de pouvoir dans l’exercice de ses fonctions, infraction prévue par le Code pénal. Bien que libérable sous caution dès le 8 mai, elle est restée en détention avec son bébé de neuf mois, l’État ayant invoqué l’article 121 de la Loi relative à la procédure pénale et à l’administration de la preuve. Elle a été remise en liberté le 14 mai, l’État s’étant finalement désisté de son appel. Elle aussi a été relaxée le 10 décembre.

Impunité

Aucune mesure significative n’a été prise pour juger les auteurs des graves atteintes aux droits humains commises dans la période qui a précédé le second tour de l’élection présidentielle de juin 2008, durant laquelle des opposants à la ZANU-PF ont été brutalisés et torturés avec l’aval de l’État. Au moins 200 personnes ont été tuées et plus de 9 000 autres blessées lors de ces violences. Quelques individus ont fait l’objet de poursuites. Amener les auteurs présumés de ces actes à rendre des comptes ne faisait pas partie des priorités de l’Organe de réconciliation nationale mis en place par le gouvernement ; en outre, ni le ministère de la Défense ni celui de l’Intérieur n’ont vu l’urgence d’une réforme institutionnelle visant à lutter contre l’impunité. Il est apparu tout au long de l’année que certains éléments de l’armée, de la police et des services de renseignement se sentaient autorisés à bafouer les droits fondamentaux des défenseurs des droits humains et des membres du MDC-T.
Le Bureau du procureur général était soit réticent à enquêter sur les accusations de violations des droits humains, soit complice des faits allégués.

Torture et autres mauvais traitements

De nouveaux cas de torture et de mauvais traitements infligés à des détenus ont été signalés. Aucun de leurs auteurs n’a été traduit en justice.
 ?Dans un arrêt rendu en septembre, la Cour suprême du Zimbabwe a conclu, entre autres, que Jestina Mukoko (voir ci-dessus) avait été torturée par des agents de la Sûreté de l’État qui l’avaient enlevée et détenue au secret en décembre 2008. Malgré cet arrêt, aucune enquête n’a été menée.
 ?Au moins 95 militaires ont été arrêtés à Harare au mois d’octobre ; ils étaient soupçonnés d’être entrés par effraction dans un dépôt d’armes de la caserne de Pomona et d’y avoir dérobé 21 armes à feu. Ils ont semble-t-il été torturés alors qu’ils étaient interrogés par l’Organisation centrale de renseignement, les services du renseignement militaire et la police militaire. Deux d’entre eux au moins en sont morts et un se serait suicidé alors qu’il était placé à l’isolement. Inculpé pour les mêmes faits, Pascal Gwezere, responsable des questions de transport pour le MDC-T, a été enlevé à son domicile de Harare par des agents de la Sûreté de l’État le 27 octobre, puis torturé. Il n’a pas été autorisé à recevoir de soins. La Cour suprême ayant confirmé un jugement de la Haute Cour, il a finalement bénéficié d’une libération sous caution le 24 décembre.
Le 28 octobre, Manfred Nowak, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture qui se rendait au Zimbabwe à l’invitation du gouvernement, s’est vu refuser l’autorisation d’entrer dans le pays. Deux jours plus tôt, les autorités du pays étaient revenues sur leur invitation sous prétexte que le Zimbabwe accueillait déjà une délégation de la SADC chargée d’évaluer les résultats du gouvernement d’union nationale.

Système judiciaire – indépendance de la justice

Les tribunaux de première instance subissaient des pressions quand des jugements défavorables au Bureau du procureur général étaient rendus.
Les juridictions inférieures qui statuaient sur des affaires impliquant des responsables du MDC-T ou des défenseurs des droits humains ont été soumises à des pressions de plus en plus fortes, certains membres de l’appareil judiciaire se retrouvant parfois eux-mêmes sous le coup de charges forgées de toutes pièces à l’instigation du Bureau du procureur général.
Ces manœuvres avaient pour but de faire régner la peur pour mettre à mal l’indépendance et l’impartialité du personnel judiciaire.
 ?Livingstone Chipadze, juge suppléant au tribunal régional du Manicaland, a été arrêté en mars après avoir accordé la libération sous caution à Roy Bennett, le trésorier général du MDC-T qui avait été placé en détention provisoire. Accusé d’abus de pouvoir, il a été incarcéré plusieurs jours dans des conditions déplorables avant d’être remis en liberté sous caution. Le 4 août, toutes les charges pesant sur lui ont été abandonnées.
 ?Chioniso Mutongi, la juge qui conduisait le procès de l’avocat et défenseur des droits humains Alec Muchadehama, a démissionné le 3 novembre. Elle a déclaré avoir été harcelée par le parquet après avoir condamné le procureur Andrew Kumire à cinq jours d’emprisonnement pour outrage à magistrat. Andrew Kumire est sorti libre du tribunal et un autre magistrat lui a par la suite accordé la liberté sous caution dans des circonstances restées très floues. Sa condamnation a finalement été confirmée par la Haute Cour. Chioniso Mutongi, qui a reçu plusieurs menaces anonymes par téléphone, a déclaré que les services du président du tribunal ne lui ont offert aucune protection.

Peine de mort

Au moins sept accusés ont été condamnés à mort en 2009. À la fin de l’année, on dénombrait au moins 52 personnes en attente d’exécution.

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