JAMAÏQUE

Plusieurs centaines d’habitants de quartiers urbains défavorisés ont été victimes d’homicides commis par des bandes criminelles ou des policiers. Au moins 43 exécutions extrajudiciaires auraient eu lieu durant l’état d’urgence qui a été instauré pendant deux mois. Des enfants étaient détenus dans des conditions contraires aux normes en matière de droits humains. Quatre personnes au moins ont été condamnées à mort ; aucune exécution n’a été signalée.

JAMAÏQUE
CHEF DE L’ÉTAT : Elizabeth II, représentée par Patrick Linton Allen
CHEF DU GOUVERNEMENT : Bruce Golding
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 2,7 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 72,3 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 28 / 28 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 85,9 %

Contexte

Cette année encore, la Jamaïque a enregistré un nombre élevé d’homicides, pour la plupart perpétrés dans le cadre de violences de gangs dans les quartiers pauvres. En mai, l’état d’urgence a été décrété à Kingston et à St Andrew, à la suite d’une flambée de violence survenue lorsque des partisans armés de Christopher Coke (alias « Dudus ») se sont opposés à son extradition vers les États-Unis pour des infractions liées au trafic de stupéfiants. L’état d’urgence est resté en vigueur dans les deux villes jusqu’au 22 juillet.
Six lois relatives à la lutte contre la criminalité sont entrées en application le 23 juillet. Certaines dispositions de ces textes transgressent les normes et les principes relatifs aux droits fondamentaux.
En novembre, le bilan de la Jamaïque en matière de droits humains a été évalué dans le cadre de l’examen périodique universel des Nations unies.

Police et forces de sécurité

Le nombre de personnes qui auraient été tuées par la police n’a jamais été aussi élevé. Des éléments laissaient penser qu’il s’agissait dans certains cas d’homicides illégaux, et notamment d’exécutions extrajudiciaires.
À la suite d’un déplacement à la Jamaïque en février, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture a déclaré que de nombreuses personnes avaient été frappées alors qu’elles étaient détenues par la police. Il a recommandé, entre autres mesures, que la Jamaïque ratifie la Convention internationale contre la torture.
Quatre mille personnes, peut-être même davantage, ont été arrêtées pendant l’état d’urgence, et 76 ont été tuées, dont trois membres des forces de sécurité. Le Bureau du médiateur a reçu au moins 43 plaintes concernant des exécutions extrajudiciaires.

  • Sheldon Davis, qui souffrait d’un handicap physique, a été tué à Tivoli Gardens le 30 mai. D’après sa mère, une trentaine d’agents des forces de l’ordre se sont présentés à leur domicile et ont commencé à l’interroger. Ils l’ont accusé d’avoir participé à des violences de gangs, allégation que Sheldon Davis a réfutée. Cet homme a ensuite été placé en garde à vue. Plusieurs jours plus tard, sa famille a appris qu’il avait été tué. D’après les forces de sécurité, cela se serait produit après qu’il eut tenté de s’emparer de l’arme d’un soldat. Une enquête était en cours à la fin de l’année.

Le Bureau du médiateur a ouvert une enquête indépendante sur des plaintes au sujet du comportement des forces de sécurité durant l’état d’urgence. À la fin de l’année, les expertises balistiques n’avaient pas encore commencé. Des ONG jamaïcaines œuvrant à la défense des droits humains se sont déclarées préoccupées par l’incapacité des autorités à protéger les lieux de crimes et à amener les membres des forces de sécurité ayant fait usage de leurs armes à feu à rendre compte de leurs actes.
En août, la Commission d’enquête indépendante chargée d’enquêter sur les violences perpétrées par les forces de sécurité a officiellement entamé sa mission. À la fin de 2010, elle n’avait toutefois pas encore achevé le recrutement et la formation de son personnel, et son activité consistait essentiellement à encadrer les investigations menées par le Bureau des enquêtes spéciales établi par la police.

Justice

Alors qu’au cours de l’examen périodique universel le gouvernement avait déclaré que des réformes du système judiciaire étaient en cours, la justice a, cette année encore, subi des retards considérables. Le bureau spécial du coroner, censé examiner les affaires de tirs mortels de la part de la police, n’avait toujours pas été mis en place à la fin de l’année.

Droits des enfants

Le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture a indiqué que des mineurs étaient toujours détenus avec des adultes dans les postes de police et certains centres correctionnels. Il a également observé que les enfants et adolescents ayant besoin de soins et d’une protection de l’État ainsi que les enfants souffrant de difficultés d’apprentissage ou se trouvant en conflit avec la loi étaient souvent détenus tous ensemble, sans distinction.
En mars, l’enquête sur la mort de sept jeunes filles survenue le 22 mai 2009 au Centre correctionnel pour mineurs d’Armadale – appelée « enquête Armadale » – a conclu que les pratiques observées au sein de l’établissement enfreignaient l’Ensemble de règles minima des Nations unies concernant l’administration de la justice pour mineurs. Le gouvernement a réagi en annonçant un certain nombre de mesures, dont la séparation des mineurs en détention provisoire de ceux relevant d’un établissement pénitentiaire. En octobre, la défenseure des enfants a fait savoir que plus d’une centaine d’enfants demeuraient enfermés avec des adultes dans les cellules des postes de police.

Violences faites aux femmes et aux filles

Les violences sexuelles étaient toujours très répandues et, d’après les statistiques communiquées par la police en septembre, le nombre de cas de sévices sexuels infligés à des mineurs a augmenté par rapport à l’année 2009.

Droits des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et des transgenres

Les organisations de défense des droits des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et des transgenres ont été informées d’un très grand nombre d’agressions, de manœuvres de harcèlement et de menaces à caractère homophobe dirigées contre ces personnes, dont au moins trois cas de viols de femmes lesbiennes infligés « à des fins de rééducation ».

  • Le 3 septembre, une femme a été violée par une bande de six hommes qui l’avaient au préalable injuriée. Après le viol, elle a également été soumise à des mutilations génitales.

Une enquête menée auprès de 11 femmes les-biennes, bisexuelles et transgenres qui avaient subi des violences a révélé qu’une seule d’entre elles avait signalé à la police le viol dont elle avait été victime. Deux ans après les faits, elle attendait toujours d’être entendue par la justice. Les autres victimes n’avaient pas signalé les crimes car elles craignaient d’être poursuivies en justice en raison de leur orientation sexuelle.

Peine de mort

Au moins quatre personnes ont été condamnées à mort ; aucune exécution n’a eu lieu. À la fin de l’année, sept personnes étaient sous le coup d’une sentence capitale.
En septembre, le gouvernement a annoncé qu’il prévoyait de soumettre au Parlement une version modifiée de la Charte des libertés et des droits fondamentaux. Ces modifications annuleraient la décision rendue en 1993 par le Comité judiciaire du Conseil privé, plus haute juridiction d’appel, selon laquelle une exécution perpétrée après cinq années passées dans l’antichambre de la mort constitue un châtiment inhumain et dégradant.

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