LIBERIA

Des initiatives ont été prises au plan institutionnel en vue d’améliorer la situation des droits humains. Toutefois, la criminalité violente, notamment les viols et les autres formes de violences sexuelles faites aux femmes et aux filles, restait très répandue. Le système pénal souffrait de graves dysfonctionnements : la police était accusée d’inefficacité, de brutalité et de corruption et la lenteur de la justice entraînait un problème de surpopulation carcérale, les prisons étant remplies de personnes en détention provisoire. Après des retards importants, la Commission nationale indépendante des droits humains a vu le jour : la nomination des commissaires a été approuvée par le Sénat en septembre 2010.

République du Liberia
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Ellen Johnson-Sirleaf
PEINE DE MORT : abolie en pratique
POPULATION : 4,1 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 59,1 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 144 / 136 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 58,1 %

Contexte

Les auteurs de crimes contre l’humanité commis lors de la récente guerre civile jouissaient d’une totale impunité. Le chômage endémique, notamment dans les rangs des anciens combattants, demeurait une menace pour la paix et la sécurité. Avec leur cortège de réfugiés, d’armes et de combattants franchissant les frontières, les crises qui sévissaient en Guinée et en Côte d’Ivoire alimentaient les craintes d’instabilité. Près de 30 000 réfugiés ivoiriens sont arrivés dans le pays à la fin de l’année. La population ou des milices privées cherchaient souvent à faire justice elles-mêmes et les litiges fonciers violents, les crimes de sang, les violences sexuelles ou familiales, les agressions sur mineurs, les mutilations génitales féminines et les pires formes de travail des enfants étaient monnaie courante. La crise économique mondiale et la dépréciation du dollar libérien ont contribué à la flambée des prix alimentaires, à l’augmentation du nombre de personnes souffrant de la faim et à un niveau alarmant d’insécurité alimentaire ; cette situation était encore aggravée par une extrême pauvreté.
La Loi sur l’accès à l’information a accru la liberté de la presse mais certaines restrictions sont demeurées en vigueur. Aucune avancée n’a été constatée en ce qui concernait les trois projets de loi soumis au Parlement en 2007 en vue de réformer les médias. Les menaces physiques, les poursuites engagées à titre d’intimidation et l’ingérence de l’administration gênaient les journalistes dans l’exercice de leur métier.
Le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour mettre en place un cadre institutionnel pour les questions de droits humains. Il a créé le Groupe de travail pour la révision constitutionnelle, la Commission pour la réforme du droit et la Commission foncière. Des avancées institutionnelles ont également été enregistrées en matière de lutte contre le viol et les autres violences sexuelles faites aux femmes et aux filles ainsi que pour un meilleur fonctionnement de la justice.

Impunité

Crimes perpétrés pendant la guerre civile
Le processus de renvoi devant la justice des responsables présumés de violations patentes des droits humains au cours du conflit libérien (1989-1996, puis 1999-2003) n’a guère avancé. La recommandation de la Commission vérité et réconciliation d’instituer un tribunal pénal chargé de poursuivre les personnes identifiées comme responsables de crimes de droit international n’a pas été suivie d’effet, pas plus que la plupart des autres recommandations concernant les réformes juridiques et institutionnelles, la responsabilité pénale et les réparations aux victimes.
En avril, le ministre de la Justice a publiquement fait part de son souhait de traduire en justice les auteurs des crimes les plus abominables commis pendant la guerre civile. Un comité comprenant le ministre de la Justice a été créé pour évaluer le rapport publié par la Commission vérité et réconciliation en décembre 2009 et pour se prononcer sur l’opportunité de lancer des actions en justice. Personne n’a été traduit devant la justice libérienne. Certains anciens chefs de guerre dont le nom était cité dans le rapport de la Commission ont continué de siéger au Sénat ou d’occuper d’autres postes de pouvoir.
Le procès de Charles Taylor s’est poursuivi devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, à La Haye. L’ancien président du Liberia devait répondre de chefs de crimes de guerre, mais uniquement pour son rôle présumé dans la guerre en Sierra Leone. Il n’était pas poursuivi en revanche pour les crimes de droit international commis au Liberia.
Violations des droits humains commises dans un passé récent
L’impunité pour les violations des droits humains perpétrées après la guerre civile restait très préoccupante. Selon certaines informations, des sénateurs, des vice-ministres, des responsables de la police ainsi que des agents du Service spécial de sécurité et de la police nationale ont participé – soit directement soit en donnant des ordres – à des passages à tabac, des pillages, des arrestations arbitraires, des enlèvements, des fusillades, des meurtres rituels et d’autres violences. Dans la plupart des cas, il n’y a pas eu d’enquête et les auteurs présumés n’ont pas été poursuivis.

Justice

Malgré les efforts déployés pour améliorer la protection des droits humains au niveau institutionnel et pour remédier aux problèmes de capacités et de moyens, le système judiciaire demeurait confronté à de sérieuses difficultés. La police, la justice et le système pénal se caractérisaient par leurs carences, leur corruption et leurs abus.
D’après les informations recueillies, des membres des forces de l’ordre auraient procédé à des arrestations et à des placements en détention arbitraires et recouru à la torture et à d’autres mauvais traitements, y compris lors de tentatives d’extorsion d’argent sur la voie publique. Les agents de la police nationale étaient dans bien des cas mal équipés, sous-payés, corrompus et peu réactifs face à la délinquance et la criminalité. Les conditions de détention dans les locaux de la police étaient déplorables. Les mineurs étaient le plus souvent mis en cellule avec des adultes. Il n’était pas rare que des personnes incarcérées subissent des violences de la part de policiers ou de codétenus.
Dans de nombreuses affaires, la justice officielle n’a pas permis aux personnes jugées de bénéficier d’une procédure équitable et régulière. La période de détention précédant le procès était presque toujours plus longue que celle prévue par la loi. Environ 90 % des prisonniers étaient en attente de leur jugement. Outre les problèmes de corruption et d’inefficacité, le bon fonctionnement de la justice était entravé par l’insuffisance des transports, le manque de tribunaux et la pénurie d’avocats et de magistrats qualifiés.
Les conditions de vie dans les 14 prisons du pays étaient extrêmement dures. Surpeuplés et en sous-effectifs, les établissements pénitentiaires manquaient aussi de nourriture, d’eau, d’installations sanitaires et de services médicaux. La sécurité était défaillante, une situation qui se traduisait par des évasions et un climat permanent de violence entre détenus, dont certains étaient passés à tabac ou violés. Avec en moyenne entre 800 et 1 000 détenus, soit quatre fois sa capacité, la prison centrale de Monrovia constituait la moitié de la population carcérale. Les personnes en attente de leur procès se retrouvaient souvent en cellule avec des condamnés.
Les tribunaux coutumiers issus du système de justice traditionnelle, qui coexistaient avec la justice nationale, ne respectaient pas les procédures légales ni les principes d’égalité des genres et de séparation des pouvoirs. L’ordalie, une pratique par laquelle l’innocence ou la culpabilité d’une personne peut être déterminée de manière arbitraire, y compris par le biais de tortures entraînant parfois la mort – demeurait en vigueur.

Peine de mort

Aucune mesure n’a été prise en vue d’abolir la peine capitale, qui avait été réintroduite en 2008 en violation du Deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP, auquel le Liberia avait adhéré en 2005. Plusieurs condamnations ont été prononcées en 2010.

Droits des femmes

Les cas de viol et d’autres sévices sexuels infligés à des femmes, des jeunes filles et des fillettes demeuraient très nombreux, de même que les violences familiales et les mariages forcés ou contractés avec des mineures. La majorité des viols signalés concernaient des filles de moins de 16 ans. Il était difficile d’estimer le nombre de ces crimes, car les victimes redoutaient l’opprobre et le rejet dont elles feraient ensuite l’objet dans leur famille et leur entourage.
En mars, l’unité spécifique créée au sein du ministère de la Justice en 2009 pour s’occuper des poursuites dans les affaires de crimes violents liés au genre avait conduit sept procès, dont quatre avaient débouché sur des condamnations. Ces affaires ont été plaidées devant le tribunal pénal E, créé en vertu de la Loi de 2008 sur les violences sexuelles et liées au genre pour traiter les crimes violents dans ce domaine ; cette juridiction entendait en première instance toutes les affaires d’agression sexuelle.
Les femmes ont davantage participé à la vie politique et à la vie publique grâce aux efforts de la présidente Johnson-Sirleaf pour améliorer la parité dans les ministères, à la Cour suprême et dans les collectivités locales.
En dépit des efforts des pouvoirs publics pour y remédier, le taux de mortalité maternelle est demeuré l’un des plus élevés au monde. De très nombreuses femmes sont mortes, principalement en raison de la pénurie très importante de personnel médical qualifié, de l’insuffisance des services d’obstétrique d’urgence, de l’inefficacité des systèmes d’orientation des patientes, de l’état nutritionnel déplorable des femmes enceintes et du taux exceptionnel de grossesse chez les adolescentes.

Droits des enfants

Le problème des enfants victimes de violences, y compris sexuelles, demeurait endémique. Les mutilations génitales féminines (MGF) étaient très largement pratiquées, en particulier en milieu rural, et n’étaient pas expressément interdites par la loi.
De nombreux enfants vivaient dans la rue, notamment à Monrovia ; il s’agissait entre autres d’anciens combattants et de mineurs isolés venus d’autres régions du pays. Les orphelinats rencontraient d’énormes difficultés pour se doter d’équipements sanitaires, même rudimentaires, et fournir à leurs pensionnaires des soins médicaux et un régime alimentaire appropriés. Seule une petite partie des orphelins étaient accueillis dans ce type d’institutions.
Alors que la loi interdisait de faire travailler les jeunes de moins de 16 ans pendant les heures de classe, le travail des enfants était monnaie courante, y compris sous ses formes les plus dangereuses ou pénibles (extraction alluviale de diamants, concassage de pierres pour le secteur de la construction, prostitution et traite, notamment). L’action de la Commission de lutte contre le travail des enfants, chargée au sein du ministère du Travail de faire appliquer les lois et politiques dans ce domaine, était largement inefficace.
En raison des graves dysfonctionnements du système de justice pour mineurs, les dossiers relatifs aux infractions commises par des enfants n’étaient pas correctement traités.

Réinstallations et conflits fonciers

Un grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées attendaient d’être réinstallés dans des conditions décentes. Entre 2004 et fin 2010, plus de 168 000 Libériens (sur un total de 233 264 réfugiés déclarés) sont rentrés chez eux. Ce chiffre n’incluait pas les retours non officiels. L’arrivée dans le pays de près de 30 000 réfugiés ivoiriens est venue peser sur des populations déjà en proie à la pauvreté et à de grandes difficultés, créant une situation d’urgence. Les réfugiés – ivoiriens et autres – vivaient bien souvent dans des conditions très difficiles et n’avaient qu’un accès limité à l’alimentation, à l’eau, à l’hébergement, à l’emploi, à l’éducation et aux soins médicaux essentiels.
Parmi les réfugiés libériens qui étaient rentrés au pays, nombreux étaient ceux qui vivaient dans la misère et avaient beaucoup de mal à trouver un emploi. Ils n’avaient accès ni à la terre, ni au logement, ni à l’eau, et ne bénéficiaient pas non plus des services essentiels tels que la santé ou l’éducation. D’autres personnes s’étant approprié leurs biens, certains réfugiés rentrés au Liberia sont devenus des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays. Beaucoup de conflits violents ont éclaté entre des propriétaires rentrés au pays après la guerre et les personnes déplacées qui s’étaient installées chez eux en leur absence ; dans bien des cas, le manque de clarté des titres fonciers et l’inertie des pouvoirs publics ne faisaient qu’aggraver les problèmes. Ces litiges fonciers ont avivé les tensions interethniques entre Krahns et Sarpos, Krahns et Gios, mais aussi entre Mandingues et Gios/Manos et entre Kissis et Gbandis.

Violences interethniques et religieuses

Malgré les très nombreux échanges entre la population chrétienne, majoritaire, et la minorité musulmane, certaines tensions existaient. Elles ont parfois été à l’origine de meurtres, incendies volontaires, pillages et dégradations de lieux de culte, catholiques et musulmans, perpétrés par des groupes rivaux. En février, Voinjama et Konia, deux villes du comté de Lofa, ont été le théâtre de violences interethniques et religieuses de grande ampleur et particulièrement graves.

Visites d’Amnesty International

  • Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Liberia en avril, puis en octobre et novembre.
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit