SENEGAL

Dans le sud de la Casamance, les affrontements opposant l’armée sénégalaise à un groupe armé se sont intensifiés au cours du premier semestre ; des civils ont été enlevés et tués. La police a eu régulièrement recours à la torture, sans que l’appa¬reil judiciaire ne prenne de mesures ; au moins un détenu est mort des suites de torture. Malgré les nouvelles promesses du gouvernement, l’année s’est écoulée sans que s’ouvre le procès de l’ancien président tchadien Hissène Habré.

République du Sénégal
CHEF DE L’ÉTAT : Abdoulaye Wade
CHEF DU GOUVERNEMENT : Souleymane Ndéné Ndiaye
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 12,9 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 56,2 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 125 / 114 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 41,9 %

Contexte

Le conflit entre l’armée et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) s’est intensifié. En mars, des positions du MFDC situées dans des villages proches de Zinguinchor, la plus grande ville de Casamance, ont été bombardées en riposte aux attaques sporadiques persistantes contre des cibles militaires et civiles. Malgré des tensions de plus en plus vives compromettant encore davantage la mise en œuvre de l’accord de paix de 2004, les deux camps ont fait de nouvelles déclarations officielles pour indiquer qu’ils étaient disposés à négocier. Aucun pourparler n’avait toutefois été engagé à la fin de l’année 2010.
En juillet et en août, des milliers de personnes ont défilé dans les rues de Dakar, la capitale du pays, pour protester contre les coupures d’électricité à répétition.

Arrestations de dirigeants de groupes armés

L’armée a détenu plusieurs dirigeants du MFDC pour de courtes périodes ; elle aurait maltraité certains d’entre eux.

  • En mars, Bourama Sambou et Boubacar Coly – deux dirigeants de la branche armée du MFDC – ont été arrêtés dans le village de Belaye. Emmenés à la gendarmerie de Zinguinchor, ils ont été détenus quatre jours sans inculpation et auraient été maltraités.
  • En mai, quatre autres responsables du MFDC – Mamadou Teuw Sambou, Pape Tamsir Badji, Joseph Diatta et Ansoumana Diédhiou – ont été placés en détention à Dakar ; ils rentraient de Gambie, où ils avaient purgé quatre ans de prison. Ils ont été libérés deux semaines plus tard sans avoir été inculpés.

Exactions perpétrées par des groupes armés

Plusieurs civils ont été enlevés, dont des jeunes filles ; d’après les informations dont disposait Amnesty International, des membres du MFDC ont infligé des sévices sexuels à certaines des victimes. Des soldats ont été exécutés de manière arbitraire par des membres présumés du MFDC.

  • En janvier, Didier Coly, ancien caporal, a été abattu dans le village de Bourafaye Baïnouk par des membres présumés du MFDC qui le soupçonnaient apparemment d’être un informateur de l’armée.
  • En septembre, des combattants du MFDC ont enlevé quatre jeunes filles du village de Waniak. Elles ont été libérées quelques jours plus tard ; elles auraient subi des violences sexuelles.

Torture et autres mauvais traitements

Il arrivait fréquemment que des policiers torturent des suspects.

  • En juillet, Abdoulaye Wade Yinghou, 29 ans, a été arrêté alors qu’il passait à proximité d’une manifestation dans une banlieue de Dakar. Des témoins ont vu des policiers le frapper à coups de crosse au moment de son arrestation ainsi qu’au poste de police. Le lendemain, sa famille a été informée par des agents de police qu’il était mort des suites d’un malaise ou d’une maladie. L’autopsie pratiquée a révélé des blessures au visage et des côtes cassées. Une information judiciaire a été ouverte, mais ses conclusions n’avaient pas été rendues publiques à la fin de l’année.

Impunité

Malgré les promesses des autorités, la plupart des représentants de l’État qui se sont rendus responsables de torture ou d’autres crimes internationaux sont restés impunis. La torture était tolérée par l’appareil judiciaire, dans la mesure où le parquet refusait d’ouvrir des enquêtes sur des allégations de torture et où les juges prononçaient des condamnations sur la base d’informations obtenues sous la torture.

L’impunité était favorisée par le fait qu’il était impossible d’engager des poursuites contre des membres des forces de sécurité sans l’aval du ministère de l’Intérieur, ministère de tutelle des policiers, ou celui de la Défense, en charge des gendarmes et du personnel militaire.

De plus, bien qu’une loi portant création d’un Observateur national des lieux de privation de liberté ait été votée en 2009, ce qui représentait une avancée décisive pour la prévention de la torture en détention, personne n’avait été nommé à ce poste à la fin de 2010.

Justice internationale – Hissène Habré

Dix ans après la plainte déposée au Sénégal par des victimes d’Hissène Habré, ancien président du Tchad, la justice sénégalaise n’avait pas encore engagé de poursuites pénales à son encontre. Les autorités ont continué d’affirmer que l’unique obstacle à l’ouverture d’un procès était d’ordre financier et qu’il appartenait à la communauté internationale de trouver une solution.

En juillet 2010, à l’issue d’une mission conjointe de l’Union africaine et de l’Union européenne, une table ronde a été annoncée dont l’objectif était d’arrêter les modalités financières du procès. Elle a eu lieu en novembre et des bailleurs de fonds européens et africains ont accepté de contribuer. Pourtant, malgré la promesse d’un procès imminent faite en octobre à une délégation d’Amnesty International qui se trouvait à Dakar, l’année s’est terminée sans aucune évolution dans ce sens.

Hissène Habré et ses avocats continuaient de mettre en question la compétence de la justice sénégalaise. En mai, la Cour de justice de la CEDEAO a jugé recevable la plainte déposée en 2009 par l’ex-chef d’État contre le Sénégal. Selon les termes de cette plainte, les poursuites engagées contre Hissène Habré violaient l’interdiction de rétroactivité de la loi pénale figurant dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et ce alors même que les infractions présumées constituaient toutes des violations du droit international à la date où elles ont été commises. En novembre, la Cour de justice de la CEDEAO a considéré que le Sénégal ne pourrait juger Hissène Habré que si un tribunal ad hoc ou spécial était constitué à cet effet.

Visites d’Amnesty International

En septembre, une délégation d’Amnesty International s’est rendue au Sénégal à l’occasion de la publication d’un rapport sur l’impunité. Elle s’est également entretenue avec les autorités sénagalaises.

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