BOLIVIE

Les évolutions institutionnelles dans le domaine de la justice étaient très préoccupantes. D’importants procès concernant des violations des droits humains commises par le passé n’avançaient que lentement, tout comme les enquêtes sur les allégations de violences perpétrées par les forces de sécurité ou des particuliers.

ÉTAT PLURINATIONAL DE BOLIVIE
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Evo Morales Ayma
PEINE DE MORT : abolie sauf pour crimes exceptionnels
POPULATION : 10 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 66,3 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 65 / 56 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 90,7 %

Contexte

L’absence de consultation et de consensus au sujet des réformes politiques entreprises exacerbait les tensions politiques. Des groupes indigènes et des syndicats ont organisé des manifestations. En mai, la Centrale ouvrière bolivienne (COB) a lancé une grève à la suite de réformes affectant les salaires et les retraites. En juin, la Confédération des peuples indigènes de Bolivie a organisé une marche de protestation à Trinidad (département du Beni) pour dénoncer certains volets d’un projet de législation sur l’autonomie ainsi que l’absence d’avancées en matière de distribution des terres. Une nouvelle résolution a été négociée en juillet. En juillet et en août, des tensions ont opposé autorités locales et nationales dans le département de Potosí, à la suite d’une grève de 19 jours entamée par des organisations de petits paysans, le comité civique local et certaines autorités locales à propos de questions foncières, environnementales et relatives aux infrastructures. En décembre, à la suite de manifestations massives provoquées par une hausse brutale des prix des carburants, le président Evo Morales a annulé les plans visant à mettre fin aux subventions de l’État sur l’essence et le diesel.
De hauts représentants de l’État ont publiquement mis en cause la légitimité des ONG et des organisations sociales qui faisaient part de leur divergence avec les politiques et les actions publiques.
En février, le bilan de la Bolivie en matière de droits humains a été évalué au titre de l’examen périodique universel des Nations unies. Un certain nombre d’États ont fait part de leur inquiétude sur l’indépendance de la magistrature, l’impunité, l’accès à la justice, les droits des femmes et la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

Évolutions législatives, constitutionnelles et institutionnelles

Les délais ambitieux fixés pour l’adoption de nouvelles lois et l’absence de transparence dans les procédures ont empêché de procéder à une véritable consultation sur les réformes de grande ampleur entreprises par le pays.
Un nouveau médiateur est entré en fonction en mai. On craignait que des critères objectifs n’aient pas été pris en compte lors de la première phase de désignation de ce conciliateur.
Une loi adoptée en février autorisait le chef de l’État à désigner par décret des juges par intérim pour occuper les sièges vacants à la Cour suprême et à la Cour constitutionnelle. Ces mandats provisoires ont été reconduits à la suite de retards dans la nomination et l’élection de nouveaux juges. Le mandat des juges siégeant déjà dans ces Cours, qui avaient été nommés par les gouvernements précédents, devait prendre fin une fois cette procédure achevée.
Les juges de la Cour constitutionnelle désignés à titre provisoire ont été chargés de traiter uniquement les nombreuses affaires en souffrance déposées avant février 2009. De ce fait, la Cour n’a pu exercer de contrôle constitutionnel sur les nouvelles lois. On s’interrogeait sur la compatibilité entre celles-ci et les normes internationales en matière de droits humains, notamment en raison de l’effet rétroactif de la Loi anticorruption, des lourdes sanctions pénales prévues par la Loi relative à la lutte contre le racisme et, dans la Loi relative à la magistrature, du rôle du « défenseur de la partie plaignante », qui exerce une fonction de supervision tout en dépendant de l’exécutif.

Police et forces de sécurité

Les violations des droits humains commises au cours des opérations de sécurité, ainsi que dans l’enceinte des établissements de la police et de l’armée, restaient un sujet de préoccupation.

  • Deux hommes sont morts des suites de blessures par balle et au moins 30 personnes ont été blessées lorsque la police a tenté de disperser des manifestants qui avaient dressé un barrage routier dans la province de Caranavi. Ils réagissaient à certains éléments selon lesquels le gouvernement pourrait revenir sur sa promesse électorale d’installer une usine de traitement d’agrumes dans le secteur. Dans un rapport contesté par la suite par les pouvoirs publics, le médiateur a dénoncé le recours à une force disproportionnée et excessive, les arrestations arbitraires, ainsi que les traitements inhumains et dégradants infligés en détention. Les investigations sur cette affaire se poursuivaient à la fin de l’année.
  • Un enregistrement vidéo montrant un conscrit immergé sous l’eau à plusieurs reprises par des individus en uniforme militaire a été divulgué en septembre. Les faits s’étaient déroulés en 2009 à Challapata, dans le département d’Oruro. Cette vidéo a ravivé les craintes concernant la fréquence des violences au sein de l’armée. À la fin de l’année, quatre officiers faisaient l’objet d’une enquête ouverte d’office.

Homicides illégaux

Un certain nombre d’affaires de « lynchage » ont été révélées au grand jour au cours de l’année.

  • Quatre policiers ont été tués entre le 23 mai et le 1er juin après avoir été retenus prisonniers par des particuliers à Saca Saca, près d’Uncía, dans le département d’Oruro. L’un des policiers aurait été torturé pendant plusieurs jours avant d’être assassiné. Les autorités indigènes de la communauté accusaient les policiers d’avoir tué un chauffeur de taxi et de s’être rendus coupables de concussion. Elles se sont opposées à la présence des magistrats du parquet qui enquêtaient sur l’affaire. Des enquêtes étaient ouvertes sur six suspects à la fin de l’année.

Impunité

Les procédures judiciaires contre les responsables de violations des droits humains commises durant les régimes militaires et depuis le retour à la démocratie ont connu d’innombrables atermoiements, tout comme le processus de réparation pour les victimes.

  • En août, la Cour suprême a condamné Oscar Menacho Vaca et Justo Sarmiento Alanez, deux anciens responsables politiques du gouvernement militaire d’Hugo Banzer (1971-1978), à une peine de 20 ans de réclusion. Un troisième agent a quant à lui été condamné à 15 ans d’emprisonnement. Ces trois hommes ont été reconnus coupables d’implication dans la disparition forcée de José Carlos Trujillo Oroza en 1972 et de José Luis Ibsen Peña en 1973.
  • En septembre, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a jugé que la Bolivie n’avait pas respecté la double obligation qui lui incombait d’enquêter sur les disparitions forcées du militant José Luis Ibsen Peña et de son fils Rainer Ibsen Cárdenas, survenues entre 1971 et 1973, et de traduire en justice les responsables présumés.
  • Les magistrats du parquet qui tentaient d’accéder aux archives militaires dans le cadre de leurs enquêtes sur les disparitions forcées survenues en 1980 et 1981 se heurtaient à des obstacles constants, malgré deux arrêts de la Cour suprême ayant ordonné en avril la déclassification des archives.
  • Les procédures judiciaires relatives aux événements dits d’« Octobre noir » ont subi des retards. Au cours de cet épisode datant de 2003, 67 personnes au moins avaient été tuées et plus de 400 autres blessées lors d’affrontements entre forces de sécurité et manifestants. Faute de moyens suffisants, des témoins et des victimes n’ont pas pu se présenter au tribunal.
  • Le procès du massacre de Pando, perpétré en 2008, a lui aussi connu plusieurs atermoiements. L’ancien préfet du département, accusé d’avoir ordonné les violations des droits humains commises durant cet épisode, demeurait en détention provisoire à la fin de l’année.
    D’après des ONG, sur un total de 6 000 victimes de violations des libertés fondamentales qui avaient demandé réparation au titre d’une loi de 2004, seules 218 s’étaient vu accorder des indemnités.
    Selon certaines ONG, dans 82 % des affaires de violences sexuelles transmises à la justice dans la municipalité rurale de Quillacollo (département de Cochabamba) entre 2008 et le milieu de l’année 2010, les poursuites avaient été abandonnées ou n’avaient pas donné lieu à une condamnation définitive.

Mortalité maternelle

Des chiffres communiqués dans le cadre de l’Enquête nationale de 2008 sur la démographie et la santé révélaient une augmentation du taux de mortalité maternelle, avec 310 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2008 contre 230 en 2003. La méthodologie utilisée pour ce calcul a été remise en cause, mais d’après des sources dignes de foi elle avait été la même dans les deux cas.

Visites d’Amnesty International

  • Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Bolivie en juin.
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