HAÏTI

Le séisme du mois de janvier a fait près de deux millions de sans-abri et déclenché une crise humanitaire sans précédent. Fin 2010, plus d’un million de personnes vivaient toujours dans des camps de fortune où les femmes et les filles étaient de plus en plus exposées à la violence. Le nombre élevé d’enfants seuls ou orphelins faisait craindre que beaucoup ne soient envoyés en République dominicaine voisine ou dans d’autres pays, victimes de traite. Les institutions du pays étant détruites et privées de moyens, les victimes de violences n’avaient quasiment aucune chance d’obtenir justice ou réparation. En janvier, la police haïtienne a abattu 12 détenus de la prison des Cayes lors d’une tentative d’évasion.

RÉPUBLIQUE D’HAÏTI
CHEF DE L’ÉTAT : René García Préval
CHEF DU GOUVERNEMENT : Jean-Max Bellerive
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 10,2 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 61,7 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 90 / 80 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 61 %

Contexte

Le 12 janvier, un tremblement de terre a détruit une grande partie de Port-au-Prince, la capitale, ainsi que d’autres villes et zones périphériques du sud du pays, déclenchant une crise humanitaire sans précédent. Selon les estimations du gouvernement, la catastrophe a fait plus de 230 000 morts et 300 000 blessés. Les institutions et les administrations publiques ont été très durement touchées : 15 ministères sur 17, quelque 1 500 écoles et 50 hôpitaux et cliniques ont été détruits, de même que le quartier général de la mission des Nations unies. La communauté internationale et les organismes humanitaires ont réagi rapidement en envoyant une aide d’urgence, mais il a fallu un temps considérable pour l’acheminer jusqu’aux populations les plus touchées.
En mars, plus de 150 pays donateurs et organisations internationales réunis à New York se sont engagés à verser 5,3 milliards de dollars des États-Unis sur 18 mois pour financer la reconstruction d’Haïti. L’évacuation des décombres et la construction d’abris provisoires pour les survivants du séisme n’ont progressé que lentement. À la fin de l’année, plus d’un million de personnes vivaient encore dans quelque 1 110 camps établis officiellement ou improvisés, dans des conditions souvent pénibles. En octobre, les abris de ces camps ont subi de nouveaux dégâts lors du passage d’un ouragan.
En septembre, une épidémie de choléra s’est déclarée le long de l’Artibonite et s’est rapidement propagée à d’autres régions du pays. Les Nations unies ont réuni une commission d’experts indépendants pour enquêter sur les origines de l’épidémie. En décembre, plus de 100 000 cas de choléra avaient été signalés et le bilan dépassait les 2 400 morts.
Le premier tour des élections présidentielle et législatives (Parlement et Sénat) a eu lieu le 28 novembre. Des irrégularités, ainsi que des allégations de fraudes attribuées au Conseil électoral provisoire, ont poussé les Haïtiens à manifester dans tout le pays. Les scrutateurs nationaux se sont déclarés préoccupés par la publication de résultats partiels qui écartaient Michel Martelly du deuxième tour du scrutin présidentiel, prévu pour janvier 2011, au profit du candidat du parti sortant.

Violences faites aux femmes et aux filles

De nombreux cas de violences visant des femmes ou des filles ont été constatés dans un certain nombre de camps, officiels ou improvisés, et dans leurs environs. L’insécurité et l’absence de mécanismes de protection efficaces augmentaient les risques de viols et autres formes de violence sexuelle. L’impunité pour les auteurs de tels crimes restait préoccupante : très peu d’agressions ont fait l’objet d’enquêtes ou de poursuites. Nombre de victimes de viol devaient vaincre leur peur, affronter la discrimination et trouver de quoi financer leurs soins. L’Association nationale de protection des femmes et enfants haïtiens (ANAPFEH), une organisation de défense des femmes présente auprès des travailleurs du sexe de Port-au-Prince, a signalé que le nombre de filles qui se prostituaient avait augmenté depuis le début de la crise humanitaire.

  • L’association de terrain Komisyon Fanm Viktim pou Viktim (KOFAVIV), qui œuvre en faveur des victimes de viol, a recensé plus de 250 cas de violences sexuelles commises dans 15 camps au cours des cinq mois ayant suivi le séisme. Elle a également cité le cas de mineures isolées ayant subi des violences sexuelles dans les camps en échange de nourriture ou d’un abri.

Personnes déplacées

À la fin de l’année, les conditions de vie dans les camps – officiels ou non – étaient toujours épouvantables pour plus d’un million de personnes. La très grande majorité des personnes déplacées ne disposaient pas d’un abri convenable. La construction de lieux d’accueil provisoires était d’autant plus lente que les terrains qui se prêtaient à cet usage n’étaient pas mis à disposition par les autorités compétentes. La population n’était pas suffisamment informée sur les stratégies du gouvernement et ses projets de relogement des personnes déplacées dans des structures correctes et moins précaires.

Expulsions forcées

Des propriétaires, aidés la plupart du temps par la police ou des hommes armés, ont expulsé de force des personnes sinistrées qui s’étaient installées sur leurs terrains. En avril, le gouvernement a annoncé une trêve de six semaines pour les expulsions forcées de personnes déplacées, mais il n’était pas en mesure de la faire respecter.

  • En mars, la police a évincé du stade Sylvio Cator près de 10 000 rescapés du séisme. L’opération a eu lieu sans décision de justice ni information préalables et sans que des solutions de relogement aient été proposées à ces personnes. La police est entrée dans le stade en pleine nuit et a commencé à démonter les abris et à obliger les occupants à quitter les lieux.

Droits des enfants – traite d’êtres humains

La traite d’enfants demeurait inquiétante et les efforts de prévention se sont intensifiés. Pour en protéger les enfants, la Brigade de protection des mineurs, une unité spécialisée de la police haïtienne, a déployé des agents sur les points de passage vers la République dominicaine.
C’est dans ce même but que le gouvernement haïtien a fait procéder à un contrôle plus strict des demandes d’adoption internationales.

  • En janvier, les autorités ont intercepté à la frontière 33 enfants âgés de deux mois à 12 ans. Un groupe de missionnaires tentait de les emmener en République dominicaine en toute illégalité. La traite d’êtres humains n’étant pas une infraction reconnue par le droit haïtien, les 10 missionnaires ont été inculpés d’enlèvement de mineurs et d’association de malfaiteurs ; remis en liberté en février, ils ont été autorisés à quitter le pays en attendant l’ouverture d’une enquête.

Exécutions extrajudiciaires de prisonniers

  • Le 19 janvier, une émeute suivie de tentatives d’évasion a éclaté à la prison des Cayes et la Police nationale a été appelée pour prêter main-forte au personnel pénitentiaire. L’opération s’est soldée par la mort de 12 détenus, non armés ; 14 autres ont été blessés. Une commission d’enquête mixte ONU/Haïti mandatée pour faire la lumière sur cette affaire aurait conclu que la plupart des personnes tuées avaient été sommairement exécutées et que les policiers avaient ouvert le feu délibérément et sans raison. Quatorze fonctionnaires de police et membres du personnel pénitentiaire ont été placés en détention en attendant l’ouverture d’une enquête, mais à la fin de 2010, aucune nouvelle information n’avait filtré au sujet de celle-ci.

Visites d’Amnesty International

  • Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Haïti en mars et en juin
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