PEROU

Les peuples indigènes étaient toujours privés de leur droit à un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause sur les projets de développement les concernant. Les victimes et les proches de victimes des événements survenus à Bagua en 2009 n’ont pas obtenu justice. Les auteurs de violations des droits humains commises dans le passé ont continué de bénéficier de l’impunité, malgré quelques avancées dans la lutte contre ce fléau. Cette année encore, des femmes ont vu leurs droits sexuels et reproductifs bafoués, en particulier les femmes indigènes et celles ayant les plus bas revenus.

République du Pérou
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Alan García Pérez
PEINE DE MORT : abolie sauf pour crimes exceptionnels
POPULATION : 29,5 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 73,7 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 38 / 27 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 89,6 %

Contexte

Des protestations de grande ampleur se sont tenues pour dénoncer les conséquences sociales et environnementales de certains grands projets de développement. En juin, par exemple, des manifestations ont été organisées après un déversement de pétrole dans le Marañón (Amazone péruvienne) et le rejet de déchets toxiques dans l’Escalera, une rivière de la province de Huancavelica ; en septembre, c’est la construction d’un barrage, considérée comme une menace pour le droit à l’eau des habitants de la province d’Espinar, dans la région du Cuzco, qui a incité la population à descendre dans la rue. La réponse du président Alan García a pris la forme d’un décret-loi promulgué en septembre, qui autorisait le déploiement de militaires pour intervenir lors des manifestations de la population. Ces dispositions laissaient craindre une multiplication des violations liées à un usage excessif de la force par les forces de sécurité.

Des affrontements entre l’armée et la police et le groupe d’opposition armé du Sentier lumineux ont été signalés dans la région andine.

Droits des peuples indigènes

En juin, le président García a refusé de promulguer la loi sur le droit à une consultation préalable pour les peuples indigènes. Élaboré en concertation avec les communautés indigènes, ce texte historique avait été adopté en mai par le Congrès. Les autorités n’ont pas non plus suivi la Cour constitutionnelle qui, dans un arrêt rendu en juin, a demandé la création d’un cadre garantissant que les peuples indigènes soient consultés sur les projets de développement les concernant, conformément à la Convention n° 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT). Des dizaines de nouvelles concessions ont été accordées pour l’exploration pétrolière sans que les communautés touchées n’aient donné au préalable leur consentement libre et éclairé.

Impunité

Les centaines de blessés et les familles des 33 personnes, dont 23 policiers, ayant trouvé la mort lors des affrontements intervenus en 2009 au barrage routier de Bagua, dans la région amazonienne, attendaient toujours que justice leur soit rendue. Cent neuf civils, principalement des indigènes, et 18 policiers au moins, ont été inculpés. À la fin de l’année, toutefois, la justice devait encore déterminer s’il existait des preuves suffisantes pour engager véritablement des poursuites contre les policiers.

  • Le leader indigène Segundo Alberto Pizango Chota, sous le coup d’une inculpation en relation avec les événements de Bagua, a été placé en détention à son retour d’exil en mai, puis libéré sous caution le lendemain. À la fin de l’année, il restait sous le coup d’une inculpation pénale, de même que quatre autres dirigeants indigènes.
  • Deux prêtres étrangers étaient menacés d’expulsion pour avoir pris la défense de populations locales concernées par de grands projets de développement économique. L’un d’eux, le père Bartolini, accusé d’infractions liées à la sécurité publique, a été acquitté en décembre au terme d’un procès au cours duquel cinq membres et dirigeants de communautés indigènes ont été condamnés à une peine de quatre ans d’emprisonnement avec sursis. Selon toute apparence, toutes les accusations à leur encontre visaient à entraver leur action en faveur des droits humains. À la fin de l’année, la justice péruvienne n’avait pas statué sur les appels interjetés dans ces affaires.

Droits des travailleurs

Après sept mois passés en prison dans l’attente de leur jugement, Pedro Condori Laurente et Claudio Boza Huanhayo ont bénéficié d’une libération conditionnelle en juillet ; ces deux syndicalistes étaient accusés, apparemment sans fondement, d’avoir tué un policier en 2008 pendant une grève de mineurs intervenue dans la province de Huarochiri. À la fin de l’année, la justice ne s’était pas prononcée sur l’appel formé contre la décision de les remettre en liberté.

Utilisation excessive de la force

En avril, cinq manifestants ont été tués à Chala, dans la province de Caraveli (région d’Arequipa), lors d’une opération destinée à maintenir l’ordre au cours d’un mouvement de protestation qui dénonçait des mesures visant à réglementer le secteur de l’exploitation minière « informelle », mesures qui, craignaient-ils, risquaient de restreindre leurs activités. Des poursuites ont été engagées contre le fonctionnaire responsable de l’opération.

Droits sexuels et reproductifs
Les femmes, en particulier celles d’origine indigène et celles des zones rurales ayant un bas revenu, devaient encore surmonter certains obstacles pour faire valoir leurs droits sexuels et reproductifs.

Bien que le ministère de la Santé ait contesté un jugement du Tribunal constitutionnel de 2009 estimant que l’État n’avait pas à fournir la pilule du lendemain, la distribution de ce contraceptif n’a pas repris. Les autorités n’ont pas publié de protocole destiné aux professionnels de santé au sujet de l’avortement thérapeutique, que la loi péruvienne autorise lorsque la vie ou la santé de la femme sont menacées.

La Commission interaméricaine des droits de l’homme a déploré que l’État péruvien n’ait pas mis en œuvre l’accord de 2003 visant à établir la vérité sur la stérilisation forcée de plus de 2 000 femmes pendant la présidence d’Alberto Fujimori (1990-2000) et à faire en sorte que ces victimes obtiennent justice et réparation.

Mortalité maternelle

L’Institut national de statistique et d’informatique a indiqué que le taux de mortalité maternelle, jusque-là un des plus élevés de la région, avait enregistré un recul significatif. La situation demeurait toutefois préoccupante dans les zones rurales, où aucune baisse du taux n’a été mesurée. Les données officielles ont également montré que, pour les femmes en milieu rural, il était toujours aussi difficile de trouver des moyens de transport pour se rendre dans les centres de soins éloignés de chez elles.

Impunité – violations des droits humains commises dans le passé

En septembre, une série de décrets-lois ont été pris qui annulaient de fait les progrès accomplis au cours des 10 années précédentes en matière de lutte contre l’impunité. Le Congrès a voté l’abrogation du décret-loi n° 1097, qui octroyait une amnistie de fait aux auteurs de violations des droits humains. Néanmoins, deux autres décrets problématiques sont restés en vigueur : ils permettaient que les membres des forces armées accusés de violations des droits humains soient jugés par un tribunal militaire.

Sept ans après l’achèvement du rapport de la Commission vérité et réconciliation, et malgré certaines avancées, les progrès sur le chemin de la vérité, de la justice et de la réparation demeuraient lents. L’année s’est écoulée sans que les réparations individuelles – y compris l’officialisation des droits fonciers accordés aux victimes ou à leurs familles – dont l’État péruvien avait reconnu le caractère prioritaire devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme en 2003 ne soient effectives. En janvier, la Cour suprême a confirmé la condamnation prononcée en 2009 contre l’ancien président Alberto Fujimori. En octobre, des membres de l’escadron de la mort Grupo Colina et d’anciens hauts responsables du gouvernement Fujimori ont été reconnus coupables du meurtre de 15 personnes, en 1991, et de la disparition forcée de neuf villageois de la province de Santa (région d’Ancash) et de Pedro Yauri, un habitant de la province de Huaura (région de Lima), en 1992. En revanche, des milliers d’autres affaires n’avaient toujours pas été résolues.

Les procès des soldats accusés du meurtre de 69 hommes, femmes et enfants, tués en 1985 à Accomarca, dans la province de Vilcas Huamán, se sont ouverts en novembre. Une nouvelle tombe a été découverte dans l’enceinte de la caserne de Los Cabitos, dans la province de Huamanga, et les recherches ont commencé dans les fosses communes découvertes dans la province de Huanta, à Putka, où 25 indigènes avaient été massacrés à Noël en 1984.

Conditions carcérales

Fermée de 2005 à 2007, la prison de Challapalca, située à 4 600 mètres d’altitude dans la province de Puno, était toujours utilisée. Malgré les déclarations des autorités assurant que l’établissement serait fermé, 131 personnes y étaient encore incarcérées en octobre. Les possibilités des prisonniers de recevoir la visite d’avocats et de médecins sont limitées par l’inaccessibilité du lieu.

Visites d’Amnesty International

En octobre, une délégation d’Amnesty International emmenée par le secrétaire général s’est rendue au Pérou et a rencontré des membres des ministères de la Santé, de la Justice et des Affaires étrangères, ainsi que des parlementaires.

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