CAMBODGE

De graves atteintes aux droits humains ont eu lieu dans le cadre d’expulsions forcées, de spoliations de terres et de conflits fonciers. Les familles et les communautés affectées par ces actions ont multiplié les mouvements de protestation. Des militants et des défenseurs des droits humains engagés dans la lutte pour le respect du droit à un logement convenable se sont retrouvés en butte à des poursuites judiciaires et à des mesures d’emprisonnement, pour des motifs fallacieux. L’appareil judiciaire et les tribunaux manquaient toujours d’indépendance et servaient à réprimer la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, ainsi que les activités légitimes de certains journalistes, syndicalistes et responsables politiques d’opposition. L’impunité en matière d’atteintes aux droits humains restait un problème majeur. Les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) ont prononcé leur première condamnation, à l’encontre de Kaing Guek Eav (alias Duch), reconnu coupable de crimes contre l’humanité sous le régime des Khmers rouges.

ROYAUME DU CAMBODGE
CHEF DE L’ÉTAT : Norodom Sihamoni
CHEF DU GOUVERNEMENT : Hun Sen
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 15,1 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 62,2 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 92 / 85 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 77 %

Contexte

Les autorités ont accepté la totalité des 91 recommandations formulées en mars par les États membres des Nations unies dans le cadre de la procédure de l’examen périodique universel. Ces recommandations concernaient notamment la lutte contre l’impunité et les expulsions et réinstallations forcées, ainsi que la réforme du système judiciaire.
Le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Cambodge a effectué en juin une visite consacrée à l’appareil judiciaire du pays, qu’il a qualifié d’insuffisamment indépendant et d’incapable d’assurer la justice pour tous.
Le nouveau Code pénal, entré en vigueur au mois de décembre, comportait un certain nombre de dispositions controversées, limitant la liberté d’expression.

Expulsions forcées

À travers tout le Cambodge, des milliers de personnes, y compris des membres de populations indigènes, ont souffert des conséquences d’expulsions forcées, de spoliations de terres et de conflits fonciers dont certains avaient pour origine des concessions d’exploitation accordées par les pouvoirs publics à de grandes entreprises ou à des personnes influentes. Les protestations et les actions auprès des autorités, émanant de particuliers et de groupes entiers qui entendaient défendre leur droit à un logement décent, se sont multipliées.
Les autorités ont approuvé en mai une circulaire sur « l’habitation temporaire de terres illégalement occupées », destinée au relogement de communautés présentes depuis longtemps sur les lieux, dans certains cas en toute légalité, et expulsées de Phnom Penh et d’autres agglomérations urbaines.

  • L’expulsion forcée des 20 000 personnes qui vivaient sur les bords du lac Boeung Kak, à Phnom Penh, semblait se préciser, la société privée chargée d’aménager le site ayant commencé à combler le lac avec du sable. Des maisons ont été inondées et des biens détruits par la montée des eaux entraînée par cette opération. Des représentants de la société d’aménagement ont procédé à des manœuvres d’intimidation et de harcèlement pour forcer les habitants à accepter les conditions insuffisantes d’indemnisation ou de relogement qui leur étaient proposées, alors que nombre d’entre eux occupent légalement les lieux, aux termes de la Loi de 2001 sur le foncier. La police a harcelé des militants qui protestaient contre les expulsions forcées.
  • La police est intervenue avec une violence injustifiée, en se servant notamment de matraques électriques, pour disperser une manifestation pacifique organisée par des habitants des rives du lac Boeung Kak, lors de la visite du secrétaire général des Nations unies, au mois d’octobre. Frappé par des policiers, Suong Sophorn a perdu connaissance et a été placé en garde à vue jusqu’au départ du secrétaire général. Il avait déjà été arrêté et contraint de payer une amende, en 2009, pour avoir peint « Non aux expulsions » sur le mur de sa maison.

Justice internationale

Dans une décision prise en juillet et qui fera date, les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) ont reconnu Kaing Guek Eav (alias Duch) coupable de crimes contre l’humanité et d’atteintes graves aux Conventions de Genève pour son rôle dans les exécutions, les actes de torture et autres crimes perpétrés à grande échelle sous le régime des Khmers rouges. Duch commandait à l’époque la prison de sécurité S-21, où ont été torturées et tuées au moins 14 000 personnes. Il a été condamné à 35 ans d’emprisonnement, peine réduite de 16 ans compte tenu du temps déjà passé en détention provisoire ou illégale. L’accusation comme la défense ont fait appel de la sentence.

  • En septembre, Ieng Sary, Ieng Thirith, Khieu Samphan et Nuon Chea ont été inculpés, entre autres, de génocide à l’encontre des populations chams et vietnamiennes, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.
  • En déclarant qu’il ne tolérerait pas d’autres poursuites, le Premier ministre, Hun Sen, a compromis les chances de voir aboutir deux autres affaires, qui concernaient cinq personnes.

Défenseurs des droits humains

De très nombreuses personnes ont été arrêtées pour avoir voulu défendre le droit au logement et protesté contre des spoliations et des expulsions forcées. Plusieurs dizaines d’entre elles purgeaient des peines prononcées les années précédentes. La plupart de ces personnes faisaient l’objet d’inculpations forgées de toutes pièces, infondées ou fallacieuses, telles que l’atteinte à la propriété privée, l’incitation à la violence, le vol et les coups et blessures.

  • Les procès étaient toujours en cours dans l’affaire des habitants du district de Chikreng (province de Siem Reap) qui s’étaient mobilisés pour dénoncer la perte de terres agricoles. Des centaines d’habitants de la région ont assisté aux auditions en signe de soutien aux accusés, parmi lesquels le moine bouddhiste Luon Savath, qui a été harcelé par les forces de sécurité et menacé d’être privé de son statut de religieux en raison de ses activités pacifiques. Il avait recueilli des informations sur les conséquences des actions des forces de sécurité qui, en mars 2009, avaient ouvert le feu sur des manifestants.
  • En mai, deux dirigeants locaux, Long Sarith et Long Chan Kiri, ont été condamnés à deux années d’emprisonnement pour avoir « défriché une forêt d’État », dans le cadre d’un conflit foncier opposant une compagnie sucrière aux habitants de Bos, un village du district de Samrong (province d’Oddar Meanchey). Quatre jours après leur arrestation, en octobre 2009, les forces de sécurité avaient rasé les maisons d’une centaine de familles du village.

Liberté d’expression et d’association

Les tribunaux ont été utilisés pour restreindre la liberté d’expression et d’association des journalistes, des syndicalistes et des élus de l’opposition.

  • À l’issue de deux procès, qui se sont déroulés en janvier et en septembre, Sam Rainsy, dirigeant du principal parti d’opposition, a été condamné en son absence à 12 années de réclusion pour son attitude critique concernant une zone de territoire contestée, à la frontière avec le Viêt-Nam. Sam Rainsy vivait en exil.
  • En septembre, quelque 200 000 travailleurs ont pris part à une grève nationale de quatre jours pour protester contre l’insuffisance de la hausse du salaire minimum. Des dirigeants syndicaux et des militants ont été menacés de poursuites, notamment pour « incitation à la rébellion ». Des dirigeants syndicaux ont été suspendus par des propriétaires d’usines et des salariés qui protestaient ont été licenciés. Bien que les autorités soient intervenues dans le conflit, quelque 370 travailleurs et dirigeants syndicaux n’avaient toujours pas retrouvé leur poste en décembre. Plusieurs affaires étaient en cours devant les tribunaux à la fin de l’année.

Violences faites aux femmes et aux filles

Aucune donnée officielle, fiable et exhaustive n’a été communiquée sur les cas de violence, notamment sexuelle, envers les femmes et les jeunes filles ou sur le nombre de procès intentés à des auteurs présumés de tels actes. Les victimes avaient de grandes difficultés à obtenir justice, en raison des carences du système judiciaire et de la pratique des arrangements en marge des tribunaux. Le manque de services susceptibles d’aider et de soutenir les victimes ne faisait qu’ajouter à leur traumatisme.

  • Meas Veasna aurait été violée par un moine, dans une pagode de la province de Prey Veng, en juin 2009, quelques semaines seulement après avoir accouché. Bien qu’elle ait signalé l’agression à la police et participé à une rencontre réunissant les responsables de la pagode, la police, les autorités locales et le violeur présumé, aucune suite judiciaire n’a été donnée à l’affaire. Meas Veasna a simplement reçu 250 dollars (environ 190 euros) d’un représentant de la pagode, pour couvrir ses frais médicaux. Elle vit aujourd’hui séparée de son mari et de ses jeunes enfants, dans une autre ville, en raison de l’ostracisme social lié au viol.

Visites et documents d’Amnesty International

  • Une délégation d’Amnesty International s’est rendue au Cambodge en février et mars.
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