INDONESIE

Les forces de sécurité ont soumis des détenus à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements et ont recouru contre des manifestants à une force excessive ; dans certains cas, ces actions se sont soldées par la mort des victimes. Aucun mécanisme adapté n’avait été mis en place pour garantir le respect de l’obligation de rendre des comptes afin d’assurer la bonne marche de la justice et de prévenir les brutalités policières. Le système judiciaire n’était toujours pas à même de résoudre le problème de l’impunité des auteurs d’atteintes aux droits humains commises par le passé et dans le courant de l’année. Les autorités imposaient de sévères restrictions à la liberté d’expression dans certaines régions du pays, notamment en Papouasie et dans l’archipel des Moluques. Les minorités religieuses et les associations de lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres étaient exposées à de violentes attaques ainsi qu’à des pratiques discriminatoires. Le taux national de mortalité maternelle demeurait l’un des plus élevés en Asie orientale et dans le Pacifique. Aucune exécution n’a eu lieu durant l’année.

RÉPUBLIQUE D’INDONÉSIE
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Susilo Bambang Yudhoyono
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 232,5 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 71,5 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 37 / 27 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 92 %

Torture et autres mauvais traitements

Les forces de sécurité ont torturé et maltraité des détenus, en particulier des suspects de droit commun appartenant aux couches pauvres et défavorisées de la société, ainsi que des personnes soupçonnées d’activités indépendantistes dans les provinces de Papouasie et des Moluques. Les mécanismes mis en place pour obliger les auteurs de violations à rendre compte de leurs actes demeuraient insuffisants.

  • Deux vidéos montrant des policiers et des militaires en train de torturer et maltraiter des hommes papous ont été diffusées au cours de l’année. Sur le premier enregistrement, on pouvait voir Yawan Wayeni, militant politique papou, juste avant son décès survenu en août 2009. La police, qui l’accusait d’être un rebelle, l’a empêché de recevoir des soins médicaux alors qu’il souffrait de graves lésions abdominales. Cet homme avait été arrêté par des membres de la brigade de police mobile à son domicile sur l’île de Yapen, en Papouasie. La seconde vidéo, diffusée sur Internet en octobre, montrait des Papous roués de coups de pied et subissant d’autres violences physiques infligées par des militaires indonésiens. On voyait également deux hommes en train d’être torturés au cours d’un interrogatoire. Des représentants des autorités indonésiennes ont confirmé l’authenticité des deux vidéos.
  • Yusuf Sapakoly, âgé de 52 ans, est mort d’une insuffisance rénale dans un hôpital à Ambon, aux Moluques, après s’être vu refuser par les autorités carcérales l’accès aux soins dont il avait besoin. Ce père de quatre enfants avait été arrêté en 2007 pour avoir aidé un groupe de militants politiques pacifiques à déployer devant le président indonésien le drapeau « Benang Raja », emblème du mouvement pour l’indépendance du sud des Moluques. Yusuf Sapakoly avait besoin d’être dialysé en raison de ses problèmes rénaux mais les autorités de la prison de Nania ne lui ont jamais permis de bénéficier de ce traitement. Il avait également indiqué n’avoir pas été correctement soigné pour des blessures aux côtes subies en détention.

Utilisation excessive de la force

La police a recouru à une force excessive lors d’arrestations ainsi que pour réprimer des manifestations, et des personnes ont, dans certains cas, été tuées.

  • En août, la police a ouvert le feu sur des manifestants, tuant sept hommes et en blessant 20 autres, au poste de police de Biau, dans la province de Sulawesi-Centre. En réaction à la mort en garde à vue de Kasmir Timumun, des manifestants avaient attaqué le poste de police, agressé des policiers et brûlé des motos garées devant le bâtiment. Plusieurs policiers avaient été blessés lors de cet épisode. D’après des sources locales, Kasmir Timumun, âgé de 19 ans, avait été retrouvé pendu dans sa cellule le 30 août. Il avait été placé en détention pour avoir, semble-t-il, commis un excès de vitesse et blessé un policier. La police affirmait que le jeune homme s’était suicidé, mais ses proches déclaraient avoir constaté des traces de torture et de mauvais traitements sur son corps, notamment des hématomes au niveau du cou. La famille de Kasmir Timumun n’a pas été autorisée à consulter le rapport d’autopsie.
    Il était à craindre que les opérations de lutte contre le terrorisme menées par la police et ayant provoqué la mort d’au moins 24 suspects n’aient pas respecté les normes nationales et internationales en matière de recours à la force.

Liberté d’expression

La liberté d’expression était toujours réprimée dans certaines circonstances. Des journalistes, des défenseurs des droits humains et d’autres militants ont subi des manœuvres d’intimidation et de harcèlement, et certains ont été tués.

  • En juillet, Tama Satrya Langkun, un militant anticorruption de Djakarta, a été passé à tabac par des inconnus. Ces violences visaient manifestement à le réduire au silence. Au cours du même mois, Ardiansyah Matra, un journaliste enquêtant sur la corruption et l’exploitation forestière illégale en Papouasie, a été retrouvé mort dans la province.
  • Au moins 100 militants politiques se trouvaient en détention parce qu’ils avaient exprimé leurs opinions, de manière pourtant pacifique, dans des régions d’Indonésie revendiquant l’indépendance comme l’archipel des Moluques et la Papouasie.
  • Le prisonnier d’opinon Yusak Pakage, condamné à 10 ans d’emprisonnement, a recouvré la liberté en juillet, à la faveur d’une grâce présidentielle. Filep Karma, arrêté en même temps que Yusak Pakage et condamné à 15 ans de réclusion, demeurait en détention. Les deux hommes avaient été condamnés en 2005 pour avoir brandi le drapeau emblème de l’indépendance papoue.
  • En août, 23 hommes ont été arrêtés aux Moluques en raison de leurs activités politiques pourtant non violentes. À la fin de l’année, 21 d’entre eux se trouvaient toujours en détention. Ils faisaient l’objet de poursuites pour rébellion, un chef passible de la réclusion à perpétuité.

Discriminations

Les minorités religieuses et les associations de lesbiennes, gays, personnes bisexuelles et transgenres (LGBT) étaient la cible de violentes attaques et de pratiques discriminatoires. La police n’a pas pris de mesures adaptées pour garantir leur sécurité. Alors qu’elle devait avoir lieu en mars à Surabaya, une conférence régionale organisée par des LGBT a été annulée à la suite de menaces de violentes représailles proférées par des groupes islamistes radicaux. Les membres de la communauté religieuse ahmadiyya ont été victimes d’actes de violence et de discrimination. En août, le ministre des Affaires religieuses a demandé la dissolution de cette communauté. D’après les estimations, 90 ahmadis déplacés en 2006, après que leurs domiciles eurent été détruits par des incendies volontaires, vivaient toujours dans des logements provisoires à Mataram, sur l’île de Lombok. Au moins 30 églises ont été attaquées ou contraintes de fermer leurs portes au cours de l’année. En avril, la Cour constitutionnelle a maintenu les dispositions légales érigeant le blasphème en infraction pénale. À la fin de l’année, au moins 14 personnes étaient en détention pour blasphème.

Droits sexuels et reproductifs

Les lois restreignant les droits sexuels et reproductifs entravaient les initiatives prises par le gouvernement pour lutter contre la mortalité maternelle. Certaines de ces lois étaient favorables à l’attribution stéréotypée des rôles en fonction du genre, en particulier eu égard au mariage et à la procréation. D’autres érigeaient en infractions des formes spécifiques de relations sexuelles consenties, ainsi que la communication d’informations sur la sexualité et la reproduction. Certaines lois et politiques empêchaient les femmes et les jeunes filles non mariées d’avoir pleinement accès aux services de santé reproductive. Par ailleurs, les femmes et les jeunes filles mariées n’étaient légalement pas autorisées à avoir accès à certains de ces services sans le consentement de leur époux. L’avortement était considéré comme une infraction pénale en toutes circonstances, hormis pour les victimes de viol et dans les cas où la santé de la femme ou du fœtus était menacée.
De nombreuses femmes et jeunes filles couraient un risque de grossesse non désirée qui les exposait à de multiples problèmes de santé et à des atteintes aux droits humains, notamment au fait d’être contraintes de se marier à un âge précoce ou d’abandonner leurs études. Certaines tentaient d’obtenir un avortement, souvent dans des conditions dangereuses.
D’après les chiffres officiels fournis par les autorités, les avortements à risque étaient à l’origine de cinq à 11 % des décès liés à la maternité dans le pays. Le taux national de mortalité maternelle demeurait l’un des plus élevés en Asie orientale et dans le Pacifique, avec 228 décès pour 100 000 naissances vivantes selon les estimations.

Employés de maison

Les employés de maison, dont le nombre était estimé à 2,6 millions de personnes (dans leur grande majorité des femmes et des jeunes filles), étaient privés de la possibilité de bénéficier de l’intégralité des protections juridiques dont bénéficiaient les autres catégories de travailleurs au titre de la Loi sur le travail. Un projet de loi relatif aux employés de maison était en cours d’examen devant la commission parlementaire chargée des questions relatives au travail, aux migrants, à la population et à la santé. Le texte n’avait toutefois pas été adopté à la fin de l’année.

  • En décembre 2009, Lenny, une jeune fille de 14 ans vivant à Java, a été dupée par un agent recruteur qui, au lieu de l’embaucher en tant que domestique, l’a emmenée chez lui et l’a « vendue » à d’autres employeurs pour la somme de 100 000 roupies indonésiennes (environ 11 dollars des États-Unis). Lenny a été droguée et conduite jusque dans la province de l’Aceh, située à plusieurs centaines de kilomètres de chez elle. Durant trois mois elle a travaillé tous les jours, de 4 heures à 23 heures, sans recevoir aucune rémunération. Au cours de cette période, elle a subi de multiples formes de violences physiques et psychologiques. Lenny a finalement réussi à prendre la fuite en février et elle a engagé le même mois des poursuites contre ses anciens employeurs. L’affaire était toujours en cours à la fin de l’année.

Impunité

Les auteurs des graves atteintes aux droits humains commises par le passé, entre autres dans l’Aceh, en Papouasie et au Timor-Leste, restaient impunis. Le gouvernement a poursuivi sa politique de réconciliation avec le Timor-Leste, sacrifiant au passage les exigences de justice pour les crimes perpétrés entre 1975 et 1999 pendant l’occupation indonésienne de cette région alors appelée Timor oriental. La plupart des cas de violations des droits fondamentaux perpétrées contre des défenseurs des droits humains – actes de torture, meurtres et disparitions forcées, notamment – n’avaient pas été élucidés et les responsables de ces agissements restaient impunis. Le gouvernement a signé, en septembre, la Convention contre les disparitions forcées [ONU].

  • Le Parlement avait recommandé, en 2009, la mise en place d’un tribunal des droits humains ad hoc chargé de juger les responsables présumés des disparitions forcées qui ont eu lieu en 1997 et 1998. Le gouvernement n’avait cependant toujours pas donné suite à ces recommandations à la fin de 2010.
  • Bien que deux personnes aient été reconnues coupables d’avoir participé, en 2004, au meurtre de Munir Said Thalib (plus connu sous le simple nom de Munir), militant en vue, un certain nombre d’allégations crédibles incitaient à penser que les commanditaires de ce crime étaient toujours en liberté.

Peine de mort

Aucune exécution n’a été signalée. Au moins 120 personnes étaient sous le coup d’une condamnation à mort.

Visites d’Amnesty International

  • Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Indonésie en février, mars, octobre et novembre.
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