NEPAL

Le Népal n’a pas pris de véritables mesures pour mettre un terme à l’impunité, rendre des comptes sur les violations commises dans le passé ou veiller au respect des droits humains. Des représentants de l’État ont volontairement entravé le fonctionnement des mécanismes de responsabilisation et les engagements pris par les responsables politiques dans le cadre du processus de paix ne se sont pas concrétisés dans les faits. Les actes de torture et les autres mauvais traitements envers les personnes détenues par la police demeuraient monnaie courante. Rien n’a été fait dans l’ensemble pour mettre un terme aux discriminations de nature ethnique ou religieuse, ou liées au genre. Les violences contre les femmes, les jeunes filles et les fillettes perduraient.

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE FÉDÉRALE DU NÉPAL
CHEF DE L’ÉTAT : Ram Baran Yadav
CHEF DU GOUVERNEMENT : Madhav Kumar Nepal, démissionnaire à compter du 30 juin
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 29,9 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 67,5 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 52 / 55 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 57,9 %

Contexte

Dans le cadre de l’Accord de paix de 2006, l’Assemblée constituante avait pour mission de rédiger une nouvelle Constitution prenant en compte les questions relatives aux droits humains qui se trouvaient à la base du conflit politique népalais. Le mandat de l’Assemblée constituante a toutefois expiré le 28 mai sans qu’une première version ait été rédigée. Le Népal n’a pas élu de Premier ministre, malgré l’organisation de plusieurs scrutins. Le pays était de ce fait toujours dirigé à la fin de l’année par le gouvernement provisoire du Premier ministre Madhav Kumar Nepal. Au titre de la Loi relative à la sécurité publique, la police a procédé à des arrestations et des placements en détention, notamment de Tibétains qui manifestaient pacifiquement, sans suivre les procédures officielles.

Justice de transition

Attendu de longue date, un avant-projet de loi visant à mettre en place une commission vérité et réconciliation – ainsi que l’exigeait l’Accord de paix – a été déposé au Parlement en avril, mais n’avait pas été validé à la fin de l’année. Le texte présentait d’importantes lacunes. L’indépendance du nouvel organisme par rapport au pouvoir politique n’était pas assurée et une disposition prévoyait qu’il pourrait être habilité à recommander une amnistie pour les auteurs de violations graves des droits humains.

Disparitions forcées

L’avant-projet de loi érigeant la disparition forcée en infraction pénale et portant création d’une commission d’enquête sur les disparitions était en instance. Il incluait des propositions de modification prenant en compte certaines insuffisances graves des ébauches précédentes. Il s’agissait notamment de faire de la disparition forcée un crime contre l’humanité dans certaines circonstances et de prévoir des sanctions proportionnelles à l’extrême gravité de l’infraction. Les familles de personnes disparues n’étaient toutefois pas satisfaites du projet de loi et estimaient qu’il avait été rédigé sans consultation adéquate.

  • En juillet, des avocats et des défenseurs des droits humains travaillant sur l’affaire Arjun Bahadur Lama, un enseignant enlevé et tué par des membres du parti maoïste pendant le conflit armé, ont reçu des menaces de sympathisants maoïstes après que l’ambassade des États-Unis eut refusé d’accorder un visa à l’un des suspects.
  • En septembre, une équipe pilotée par la Commission nationale des droits humains et composée de spécialistes médicolégaux étrangers et d’observateurs des Nations unies a exhumé quatre cadavres qui pourraient être ceux d’un groupe d’hommes enlevés par les forces de sécurité en octobre 2003 à Janakpur. L’identification des corps était en cours. Cette initiative mise à part, l’enquête n’a pas véritablement avancé et les autorités n’ont procédé à aucune arrestation.

Impunité

Les auteurs d’atteintes aux droits humains commises pendant le conflit jouissaient toujours de l’impunité. Les autorités n’ont pas donné suite aux mandats d’arrêt établis par les tribunaux contre des membres des forces armées accusés d’infractions liées à des violations des droits humains. La police a refusé d’enregistrer des plaintes ou d’enquêter sur les faits signalés.

  • En dépit d’une décision de justice, l’armée népalaise a refusé de livrer Niranjan Basnet, un commandant accusé d’avoir, en 2004, torturé et tué Maina Sunuwar, une jeune fille de 15 ans. Niranjan Basnet avait été démis en décembre 2009 des fonctions qu’il occupait au sein d’une mission des Nations unies. Les autorités militaires ne l’ont pas remis entre les mains de la police à son retour au Népal. Dans un courrier adressé au ministère de la Défense, elles ont demandé l’abandon des poursuites à son encontre. Une enquête interne a conclu à la mi-juillet que Niranjan Basnet était « innocent » des charges retenues contre lui.

Utilisation excessive de la force

Des cas d’utilisation excessive de la force par la police et l’armée ont été signalés. Un certain nombre d’individus soupçonnés d’appartenir à des groupes armés auraient, par ailleurs, été tués lors de soi-disant affrontements – des incidents montés de toutes pièces.

  • Le 13 juin, Advesh Kumar Mandal, un jeune homme de 20 ans vivant à Janakpur, a été abattu par la police. Il était accusé d’appartenance au Janatantrik Terai Mukti Morcha (JTMM), un groupe armé du Terai.

Torture et autres mauvais traitements

Cette année encore, des détenus ont été torturés ou, plus généralement, maltraités par des membres de la police. La législation népalaise relative à la torture n’était pas conforme aux normes internationales et son application laissait toujours à désirer.

  • Sanu Sunar, un dalit âgé de 46 ans, est mort le 25 mai des suites de blessures qui lui avaient été infligées pendant sa garde à vue au poste de police de Kalimati. La Commission nationale des droits humains a déclaré que cet homme, qui avait été arrêté pour vol, était mort des suites de sévices perpétrés par la police. Elle a recommandé l’ouverture de poursuites. Le 24 juin, le tribunal de district de Katmandou a ordonné le placement en détention de trois policiers soupçonnés de violences à l’égard de Sanu Sunar. L’enquête n’avait toutefois pas véritablement avancé à la fin de l’année.

Exactions perpétrées par des groupes armés

Une bonne centaine de groupes armés, pour l’essentiel installés au Terai, ont continué à se rendre coupables d’atteintes aux droits humains, notamment d’enlèvements, d’agressions et d’homicides. Certains groupes agissaient en fonction d’orientations politiques ou religieuses claires, d’autres s’apparentaient à des bandes criminelles.

  • Le 28 octobre, des membres du JTMM-Rajan Mukti ont abattu Lal Kishor Jha, âgé de 50 ans, au moment où celui-ci quittait son domicile, à Janakinagar. Cet employé des services éducatifs du district de Mahottari a été tué de deux balles dans le dos. Son assassinat était lié à son implication présumée dans la vente de terres guthi (terres données à titre d’offrande religieuse) et dans des irrégularités financières relevées au niveau local au sein de son administration.

Discrimination

Les dalits, les populations indigènes, les personnes handicapées, les adeptes d’une foi minoritaire et les membres des minorités sexuelles souffraient d’exclusion sociale, alors même que la législation népalaise reconnaissait l’égalité de leurs droits. Les mesures législatives visant à lutter contre les inégalités liées au genre n’ont pas eu de véritables effets sur les discriminations dont étaient victimes les femmes dans leur vie publique et leur vie privée. Les femmes, en particulier les dalits, rencontraient des obstacles en matière d’accès à la justice, de droit à la propriété, d’héritage, de revenus et de conditions de travail, ainsi que de représentation politique.
L’attitude des tribunaux dans les affaires de discrimination entre les castes s’est un peu améliorée. En août, la cour d’appel de Kanchanpur a confirmé les condamnations prononcées par des tribunaux de district, respectivement en janvier et en mars, contre deux hommes reconnus coupables d’agressions sur des dalits. Ces actes étaient liés à la discrimination entre les castes.

Violences faites aux femmes et aux filles

La campagne lancée en 2010 par les autorités népalaises pour « mettre un terme aux violences contre les femmes » n’a guère eu de répercussions notables. Au cours du premier semestre de l’année, plus de 300 affaires de violence au foyer ont été signalées à la police dans la seule vallée de Katmandou ; de nombreux autres épisodes étaient passés sous silence. Des femmes accusées de sorcellerie (bien souvent des personnes pauvres, isolées ou dalits) ont été agressées et torturées par d’autres habitants. Les poursuites en matière de violences domestiques ou sexuelles se heurtaient aux faiblesses de la législation et au laxisme de la police dans ce domaine.

  • Début 2010, des hommes d’un village du district de Siraha, où un viol avait été commis, ont empêché des employés du Centre de réinsertion des femmes de rejoindre le tribunal. Ces employés accompagnaient des femmes appelées à témoigner lors du procès. L’accusé dans cette affaire a été déclaré non coupable.

Des jeunes femmes népalaises se rendaient à l’étranger en quête de meilleures perspectives économiques. L’insuffisance de la réglementation, la mauvaise application des lois existantes et la corruption étaient cependant autant d’éléments contribuant à l’exploitation de ces femmes qui cherchaient du travail en dehors des frontières de leur pays.

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