PHILIPPINES

Plus de 200 affaires de disparitions forcées datant de la dernière décennie n’avaient toujours pas été résolues, tout comme au moins 305 cas d’exécutions extrajudiciaires – selon certaines estimations, le nombre de ces dernières pourrait s’élever à 1 200. Dans l’écrasante majorité des cas, les auteurs de ces crimes n’ont pas été déférés à la justice. Des groupes armés privés opéraient toujours dans l’ensemble du pays, bien que les autorités se soient engagées à les démanteler et à les désarmer. Le gouvernement de Gloria Macapagal-Arroyo, qui s’était donné jusqu’à 2010 pour « écraser » l’insurrection communiste, n’a pas atteint son objectif. Le nouveau gouvernement, dirigé par Benigno Aquino, a annoncé en août la poursuite des opérations anti-insurrectionnelles. Deux ans après la fin du conflit armé interne, plusieurs dizaines de milliers de personnes (on ignorait le nombre exact) étaient toujours déplacées sur l’île de Mindanao.

République des Philippines
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Gloria Macapagal-Arroyo, remplacée par Benigno S. Aquino III le 30 juin
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 93,6 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 72,3 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 32 / 21 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 93,6 %

Contexte

Des élections ont eu lieu au niveau national en mai, et local en octobre. Les deux scrutins ont été entachés de cas d’homicides à caractère politique. Benigno Aquino III, fils de l’ex-présidente Corazon Aquino et du sénateur Benigno Aquino Jr, assassiné en 1983, a été élu à la tête du pays en mai.
La reprise des pourparlers de paix entre le gouvernement et le Front de libération islamique moro (MILF) a, cette année encore, été retardée. En juillet, les autorités ont toutefois nommé un groupe d’experts chargés des négociations. Le MILF a indiqué, en septembre, être prêt à entamer des discussions en faveur de la paix et a, à son tour, désigné des négociateurs.
Les pourparlers de paix demeuraient également difficiles à engager entre le gouvernement et la Nouvelle Armée du peuple (NPA, branche armée du Parti communiste des Philippines).

Homicides illégaux

Le nombre d’homicides à mobile politique s’est accru lors des élections de mai et d’octobre. Les sympathisants de différents partis politiques ont été la cible de manœuvres d’intimidation et de violences, notamment d’attaques à la grenade.

Plusieurs centaines de cas d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées datant de la dernière décennie n’avaient toujours pas été élucidés ; les auteurs de ces crimes n’avaient pas été traduits en justice. Pratiquement aucune des familles de victimes ne s’est vu accorder de réparation. Au moins 38 homicides politiques supposés ont été signalés au cours de l’année.
Six journalistes, peut-être davantage, auraient été tués en 2010. En juin, les reporters radio Desiderio Camangyan (Mati, sud de l’archipel) et Joselito Agustin (Laoag, nord des Philippines), et le journaliste de presse écrite Nestor Bedolido (Digos, sud du pays), ont été abattus au cours de la même semaine.

Le procès des auteurs présumés du massacre survenu en 2009 dans la province de Maguindanao s’est ouvert en septembre, après de nombreux atermoiements. Cinquante-sept personnes, dont 32 journalistes, avaient été tuées lors de ces événements intervenus à l’approche des élections nationales de 2009. Quatre-vingt-trois suspects, peut-être davantage, ont été arrêtés et inculpés ; au moins 16 policiers ou membres du puissant clan politique Ampatuan figuraient parmi eux. Cent treize personnes soupçonnées d’avoir participé au massacre étaient toujours en fuite.

  • Suwaid Upham, accusé d’être l’un des hommes de main du massacre, s’était présenté en mars et avait accepté de témoigner devant la justice. Il a cependant été abattu en juin. Selon certaines informations, Suwaid Upham avait tenté en vain de bénéficier du programme de protection des témoins. Deux personnes ont été arrêtées dans le cadre de l’enquête sur le meurtre de cet homme.
  • La police nationale a indiqué en février qu’il y avait 117 groupes armés privés aux Philippines. En mai, la Commission indépendante contre les armées privées a déclaré qu’il existait au moins 72 groupes armés privés actifs dans l’archipel et que 35 autres formations avaient déjà été démantelées par la police et l’armée.

De nombreux membres des « multiplicateurs de force » armés qui ont été mis en place par le gouvernement – dont les Organisations civiles d’autodéfense (CVO) formées de volontaires, les unités auxiliaires de police et les Unités territoriales de la force armée des citoyens (CAFGU) – faisaient également partie de groupes armés privés. Un ancien général de l’armée régulière et membre de la Commission indépendante contre les armées privées a déclaré aux médias que les fonctionnaires locaux faisaient souvent appel à ces groupes bénévoles et unités auxiliaires, qui leur servaient de véritables armées privées.

En novembre, le chef de l’État s’est engagé à dissoudre et à désarmer les groupes armés privés recensés mais a refusé d’interdire les CVO, les unités auxiliaires de police et les CAFGU, alléguant que ces formations devaient au contraire être professionnalisées. L’armée a indiqué qu’il fallait augmenter le nombre de CAFGU. À la suite du massacre de Maguindanao, la police a affirmé avoir suspendu le recrutement d’unités auxiliaires de police.

En février, la Commission philippine des droits humains a annoncé avoir enregistré 777 cas d’exécutions extrajudiciaires et 251 cas de disparitions forcées depuis 2001. En septembre, l’organisation de défense des droits humains Karapatan a déclaré avoir pour sa part recensé 1 206 exécutions extrajudiciaires et 206 victimes de disparition forcée au cours de cette même période. Commandité par l’Agence américaine pour le développement international (USAID) et l’ONG Asia Foundation, un rapport publié en septembre faisait état pour sa part de 305 cas d’exécutions extrajudiciaires ayant fait 390 victimes entre 2001 et 2010. D’après ce document, seul 1 % des affaires signalées ont donné lieu à une condamnation ; dans 20 % des cas, des membres des forces armées étaient impliqués dans ces exécutions.

Comme les années précédentes, des civils ont été tués lors des opérations anti-insurrectionnelles menées par l’armée, qui n’établissait pas de distinction entre population civile et membres de la NPA. Dans certains cas, la police ou l’armée affirmaient que les décès avaient eu lieu lors d’« affrontements légitimes ».

En novembre, le botaniste Leonardo Co et deux membres de son équipe ont été abattus dans la province de Leyte (centre des Philippines), alors qu’ils recueillaient des essences d’arbres indigènes. Les autorités militaires ont affirmé qu’ils avaient été pris dans des échanges de tirs entre l’armée et des membres de la NPA. Cette allégation a toutefois été réfutée par un membre rescapé de l’équipe du botaniste.

Torture et autres mauvais traitements

  • En août, les médias philippins ont diffusé une vidéo montrant un policier en civil en train de torturer Darius Evangelista, un suspect apparemment arrêté pour une infraction mineure et détenu dans un poste de police de Manille. Sous le regard d’autres agents en uniforme, Darius Evangelista, dévêtu, était fouetté à coups de corde. Il avait un lien attaché autour des parties génitales, sur lequel on tirait. Cette vidéo a conduit les autorités à suspendre les 11 policiers impliqués. Darius Evangelista avait été arrêté par la police en mars et personne ne l’a revu depuis. Les registres de la police ne font nulle mention de son interpellation. Invoquant une violation de la Loi de 2009 contre la torture, son épouse a porté plainte contre neuf fonctionnaires de police.
  • Selon certaines sources, Ambrosio Derejeno, âgé de 40 ans, a été victime d’une disparition forcée en janvier. Une personne de sa famille l’a vu pour la dernière fois alors qu’il se trouvait aux mains de membres des CAFGU, dans la province de Samar. Il était ligoté et encerclé par des hommes en tenue de camouflage qui braquaient leurs armes sur lui. Au titre de la Loi de 2009 contre la torture, le recours à une arme à feu pour menacer une personne immobilisée constitue un acte de torture. En décembre, le président a signé les décrets d’application de la Loi contre la torture.

Droits des peuples indigènes

Dans la province de Rizal (nord du pays), des membres de la communauté indigène dumagat auraient été chassés de chez eux par l’armée en juin. Un habitant a déclaré que des soldats avaient ligoté les hommes et enlevé au moins l’un d’entre eux. Trois membres de la communauté ont été tués par des inconnus en juillet. Ils appartenaient semble-t-il à un parti indigène de gauche.

Selon certaines informations relayées par la presse, l’armée a réactivé la milice Alsa Lumad (Levez-vous, peuples indigènes) en septembre, dans le cadre de sa campagne de lutte contre la NPA. Il s’agissait pour le gouvernement, précisait-on, d’armer les populations indigènes pour qu’elles participent aux opérations anti-insurrectionnelles contre la NPA.

Droits sexuels et reproductifs

« Le gouvernement est tenu d’informer tout un chacun de ses responsabilités et de ses choix », a déclaré le chef de l’État en septembre, annonçant que les autorités fourniraient des moyens de contraception aux couples démunis qui en feraient la demande. L’Église catholique, qui exerce une forte influence, a exprimé sa vive opposition à cette décision.
Chaque année, plus de 560 000 femmes interrompent leur grossesse et environ un millier d’entre elles meurent à la suite d’un avortement clandestin, selon un rapport publié en août par le Centre pour les droits reproductifs.

Visites et documents d’Amnesty International

L’organisation s’est rendue aux Philippines en janvier et en novembre-décembre.

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