THAÏLANDE

La liberté d’expression demeurait soumise à des restrictions et les pouvoirs publics ont durci la censure des sites Internet, stations de radio, chaînes de télévision et publications. Les violences se sont poursuivies dans le cadre du conflit armé interne sévissant dans le sud du pays ; les forces de sécurité ont infligé à des suspects des actes de torture et d’autres mauvais traitements ; des membres de groupes armés musulmans ont attaqué des civils, en particulier des enseignants. Les forces de sécurité ont fait un usage excessif de la force lors de manifestations antigouvernementales organisées à Bangkok et dans plusieurs autres provinces, au cours desquelles certains manifestants se sont rendus coupables de violences. Plusieurs centaines de personnes ont été interpellées et placées en détention. Un décret relatif à l’état d’urgence contenant de nombreuses dispositions enfreignant le droit international relatif aux droits humains et les normes en la matière est resté en vigueur à Bangkok pendant près de huit mois. Les travailleurs migrants en situation irrégulière étaient exposés à de multiples atteintes à leurs droits fondamentaux ; certains ont été renvoyés de force au Myanmar. Des réfugiés ont également été expulsés dans ce pays.

Royaume de Thaïlande
CHEF DE L’ÉTAT : Bhumibol Adulyadej
CHEF DU GOUVERNEMENT : Abhisit Vejjajiva
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 68,1 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 69,3 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 13 / 8 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 93,5 %

Contexte

La société thaïlandaise est restée divisée pour la cinquième année consécutive par une crise politique majeure, qui s’est encore aggravée après la condamnation pour corruption prononcée par contumace, fin février, par un tribunal de Bangkok à l’encontre de l’ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra. Renversé par un coup d’État en 2006, l’ancien chef du gouvernement se trouvait depuis en exil volontaire. Les manifestations antigouvernementales lancées par le Front uni pour la démocratie et contre la dictature (UDD, lié à Thaksin Shinawatra) ont redoublé de violence entre la mi-mars et la fin mai. Plus de 90 personnes ont été tuées, au moins 2 000 autres ont été blessées et 37 bâtiments ont été incendiés à Bangkok. Le gouvernement a recouru à la Loi sur la sécurité interne en mars et au décret relatif à l’état d’urgence en avril ; ce dernier est resté en vigueur dans la capitale thaïlandaise ainsi que dans trois autres provinces pratiquement jusqu’à la fin de l’année. À la suite des violences, le gouvernement a mis en place une Commission pour la vérité et la réconciliation ainsi que plusieurs organes s’inscrivant dans le cadre d’un processus de réforme nationale.
Le sud de la Thaïlande était toujours déchiré par un conflit armé, dont le nombre de victimes s’élevait à 4 500 depuis 2004. En novembre, la Thaïlande a connu le plus important afflux de réfugiés depuis 25 ans, avec l’arrivée d’au moins 20 000 ressortissants du Myanmar fuyant les affrontements dans leur pays.

Violences politiques

Entre le 10 avril et le 19 mai, 74 manifestants ou simples passants, 11 membres des forces de sécurité, quatre professionnels de la santé et deux journalistes ont été tués au cours de mouvements de protestation hostiles au gouvernement, qui ont dégénéré à Bangkok et dans d’autres villes. Les forces de sécurité ont recouru à une force excessive. Elles ont notamment fait un usage meurtrier de leurs armes à feu et ont établi des « zones de tirs à balles réelles », provoquant la mort de plusieurs manifestants et passants non armés. Le général Khattiya Sawasdipol, à la tête des forces de défense des manifestants, a été abattu par un tireur isolé le 13 mai. Certains manifestants et des individus leur étant apparemment favorables étaient également armés et ont recouru à la force meurtrière contre les forces de sécurité. À la suite des manifestations, le gouvernement a appréhendé plus de 450 personnes, dont environ 180 se trouvaient toujours en détention à la fin de l’année ou avaient été libérées sous caution en attendant d’être jugées. Certaines ont été inculpées d’actes de terrorisme.

Liberté d’expression

Le gouvernement a restreint la liberté d’expression, essentiellement par le biais du décret relatif à l’état d’urgence, de la loi sur les crimes de lèse-majesté et de la Loi de 2007 sur les infractions dans le domaine de l’informatique.

  • Amornwan Charoenkij a été arrêté en octobre dans la province d’Ayutthaya au titre du décret imposant l’état d’urgence, bien que celui-ci ne fût pas en application dans cette zone. On lui reprochait d’avoir vendu des chaussons sur lesquels figuraient le visage du Premier ministre et un message faisant référence aux 91 victimes des violences survenues en mai.
    Le décret relatif à l’état d’urgence autorisait le tout nouveau Centre pour la résolution de la situation d’urgence (CRES) à censurer les sites Internet, les stations de radio, les chaînes de télévision et les titres de presse, sans recourir à une autorisation délivrée par un tribunal. Au cours de chacune des trois dernières semaines du mois de mai, tandis que les manifestations antigouvernementales redoublaient de violence, le CRES a annoncé avoir bloqué respectivement 770, 1 150 et 1 900 sites web. Le ministère de l’Information et des Technologies de la communication a indiqué en juin avoir interdit l’accès à 43 908 sites Internet en Thaïlande, au motif qu’ils enfreignaient la loi relative aux crimes de lèse-majesté et portaient atteinte à la sécurité nationale.

Cinq actions en justice au moins ont été introduites en vertu de la loi relative aux infractions dans le domaine informatique, en raison de contenus considérés comme offensants pour la monarchie ou menaçant la sécurité nationale, ce qui portait à 15 le nombre total d’affaires de ce genre depuis la promulgation de la loi, en 2007.

  • Le 29 avril, l’homme d’affaires Wipas Raksakulthai a été arrêté pour avoir publié sur le site du réseau social Facebook un message qui transgressait, semble-t-il, la loi sur les crimes de lèse-majesté. Cet homme, considéré comme un prisonnier d’opinion, s’est vu refuser une libération sous caution. À la fin de l’année, il se trouvait toujours en détention et attendait de connaître la date de son procès.
  • Le 24 septembre, la directrice du journal en ligne Prachatai, Chiranuch Premchaiporn, a été arrêtée à cause de remarques publiées sur son site et jugées non conformes à la loi sur les crimes de lèse-majesté. Libérée sous caution, elle attendait à la fin de l’année d’être présentée au procureur.

Réfugiés et migrants

Des travailleurs migrants qui n’avaient pas déclaré leur situation aux autorités avant l’échéance du 28 février ont été renvoyés de force au Myanmar. Ils ont été victimes de traite et de concussion de la part de fonctionnaires thaïlandais et d’une milice issue d’une minorité ethnique et soutenue par le gouvernement du Myanmar. En novembre, la Thaïlande a enfreint le principe de non-refoulement et contraint de nombreux réfugiés qui fuyaient les combats au Myanmar à retourner dans ce pays, les exposant au risque de subir de graves atteintes aux droits humains. Les autorités ont mis en place une procédure dont l’objectif déclaré était de vérifier la situation au regard de la législation sur l’immigration de plus de 1,4 million de travailleurs migrants enregistrés auprès de leurs services. La sécurité des ressortissants du Myanmar, qui devaient regagner leur pays d’origine pour prendre part à la procédure, constituait toutefois un motif de préoccupation, tout comme le montant exorbitant des frais imposés par des intermédiaires non réglementés et le manque d’informations communiquées aux étrangers concernés. Le processus de vérification laissait à l’écart les quelque 1,4 million d’autres travailleurs migrants qui ne s’étaient pas déclarés aux services de l’immigration avant la date du 28 février.

Quelle que soit leur situation au regard de la législation sur l’immigration, de nombreux étrangers – originaires d’Asie pour la plupart – étaient toujours exposés à des pratiques discriminatoires en matière d’accès à l’emploi ou d’indemnisation en cas d’accident du travail, ainsi que pour la reconnaissance d’une incapacité le cas échéant. Ils étaient soumis à des restrictions sur leurs déplacements ainsi qu’à des conditions de travail dangereuses et insalubres. Des cas présumés de chantage, de torture et d’autres formes de violence à l’encontre de travailleurs migrants, imputables à des employeurs et à des fonctionnaires, notamment à des agents de la force publique, n’ont pas fait l’objet d’enquête ou n’ont pas donné lieu à des poursuites.

Au moins 20 000 réfugiés du Myanmar sont arrivés début novembre. Un grand nombre d’entre eux sont rentrés dans leur pays de leur plein gré, mais d’autres ont été renvoyés de force ou n’ont même pas pu pénétrer en Thaïlande. Des pratiques similaires ont été constatées tout au long de l’année à l’égard de groupes moins importants de réfugiés fuyant les affrontements sporadiques de l’autre côté de la frontière.

  • À Waw Lay, village du district de Phop Phra (province de Tak), les autorités thaïlandaises ont renvoyé de force environ 2 500 réfugiés originaires du Myanmar le 10 novembre, puis quelque 650 autres le 17 novembre, au moins 360 le 8 décembre et 166 autres le 25 décembre.

Conflit armé interne

Des atteintes aux droits humains ont, de nouveau, été commises par toutes les parties au conflit armé qui sévissait dans les provinces majoritairement musulmanes du sud du pays, où le décret relatif à l’état d’urgence a été prolongé pour la vingt-et-unième fois depuis juillet 2005 (il a été levé dans un seul district à la fin décembre). Les forces de sécurité ont continué de recourir à la torture contre des suspects, entraînant plusieurs morts en détention. Des groupes armés ont, cette année encore, pris des civils pour cible, notamment des bouddhistes et des musulmans, et ont perpétré des attaques aveugles, en particulier pendant la période du ramadan. En octobre, les attaques contre les enseignants et les établissements scolaires ont pris une telle ampleur que presque toutes les écoles du sud du pays ont fermé leurs portes pendant une semaine. Au moment du sixième anniversaire de la mort de 85 personnes à Tak Bai, dans la province de Narathiwat, et à la suite d’une décision de 2009 selon laquelle les forces de sécurité impliquées ne seraient pas poursuivies, 14 attaques à l’explosif ont eu lieu de manière coordonnée, faisant deux morts et 74 blessés.
Le gouvernement a adopté une loi qui autorisait le Centre administratif des provinces frontalières du sud, dirigé par des instances civiles, à fonctionner indépendamment de l’armée et à rendre compte directement au Premier ministre. Les forces de sécurité jouissaient cependant toujours de l’impunité.

  • En août, la police a abandonné toutes les charges retenues contre un ancien ranger paramilitaire soupçonné d’avoir participé, en 2009, à une attaque lancée contre la mosquée Al Furqan, qui avait provoqué la mort de 10 fidèles. Pour la septième année consécutive, aucune action pénale contre un représentant de l’État pour des violations des droits humains perpétrées dans le sud du pays n’a abouti.

Peine de mort

À la connaissance d’Amnesty International, la Thaïlande n’a procédé à aucune exécution. Au mois d’août, on dénombrait 708 personnes sous le coup d’une sentence capitale (certaines frappées d’appel, d’autres définitives), dont 339 avaient été poursuivies pour des infractions liées aux stupéfiants. Le 13 janvier, le ministre de l’Intérieur a annoncé le lancement d’une collecte de signatures en vue de modifier trois textes de loi pour étendre le champ d’application de la peine de mort à davantage d’infractions liées aux stupéfiants. Cette décision allait à l’encontre du Second Plan national pour les droits humains 2009-2013 de la Thaïlande, qui prévoyait à terme l’abolition de la peine de mort.

En avril et en mai, à la suite de flambées de violence entre manifestants antigouvernementaux et forces de sécurité, les pouvoirs publics ont indiqué que certaines des personnes arrêtées seraient inculpées d’actes de terrorisme, ce qui les rendait passibles de la peine capitale.

Les condamnés à mort étaient toujours entravés par des fers aux pieds dès leur arrivée en prison, bien que cette pratique ait été jugée « illégale » par un tribunal en 2009 – mais la décision a été frappée d’appel. La Commission pour la vérité et la réconciliation a recommandé, en juillet, que cet usage soit abrogé dans les plus brefs délais.

  • En décembre, la Thaïlande s’est abstenue lors du vote d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire mondial sur les exécutions. Le pays avait voté contre cette résolution en 2007, 2008 et 2009.
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