ALBANIE

Les violences domestiques demeuraient très répandues et la traite de femmes et de jeunes filles à des fins de prostitution forcée se poursuivait. Certaines informations ont fait état de mauvais traitements infligés par des agents de police. Les conditions de détention des personnes en garde à vue étaient bien souvent déplorables, mais celles des prévenus et des condamnés se sont améliorées, tout comme le traitement qui leur était réservé. Des personnes sans logement ayant le « statut » d’orphelins n’ont pas pu bénéficier de leur droit prioritaire à un logement, pourtant prévu par la législation nationale.

RÉPUBLIQUE D’ALBANIE
CHEF DE L’ÉTAT : Bamir Topi
CHEF DU GOUVERNEMENT : Sali Berisha
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 3,2 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 76,9 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 18 / 17 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 99 %

Contexte

Depuis les élections nationales de juin 2009 et leur résultat contesté, le pays se trouvait dans une situation d’impasse politique. Le Parti socialiste (PS), principale formation d’opposition, a cessé de boycotter les sessions parlementaires en mai mais ses députés ont refusé de siéger à maintes reprises en signe de protestation. Le travail législatif était de ce fait retardé, de même que la réforme électorale. Une loi relative à la lutte contre les discriminations a néanmoins été adoptée, de même qu’une loi sur la protection des droits des enfants. Les responsables politiques s’accusaient mutuellement de corruption ; des enquêtes ont été ouvertes sur certaines de ces allégations. Comme les années précédentes, la population ne faisait guère confiance au système judiciaire. En novembre, la Commission européenne a conclu que l’Albanie n’avait pas satisfait aux critères associés au statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne et l’a exhortée à entreprendre des réformes supplémentaires.

Violences faites aux femmes et aux enfants

Les violences au foyer étaient très répandues. Certaines mesures ont toutefois été adoptées, dans la législation et en pratique, pour y faire face. Même si, comme les années précédentes, les victimes préféraient très souvent ne pas dénoncer ces violences, le nombre d’épisodes signalés a augmenté. Ainsi, 1 453 affaires de violences au foyer ont été signalées durant les neuf premiers mois de l’année, soit 433 cas de plus que pendant la même période de 2009. Ne constituant pas une infraction spécifique au regard du Code pénal, les violences domestiques ne donnaient lieu à des poursuites qu’en cas de plainte déposée par la victime ou lorsque les faits avaient entraîné des blessures graves ou la mort. Les victimes ont été de plus en plus nombreuses à demander des mesures de sûreté dans le cadre d’une procédure civile, même si la plupart ont par la suite renoncé aux poursuites du fait des pressions économiques et sociales et de leur difficulté à bénéficier d’une aide judiciaire gratuite. De ce fait, les tribunaux n’imposaient qu’un nombre relativement faible de mesures de sûreté. Ainsi, pour 538 plaintes reçues, émanant pour la plupart de femmes, le tribunal de district de Tirana n’a prononcé que 129 mesures de sûreté au cours de l’année.
Le gouvernement a instauré un système de suivi des cas de violences domestiques afin de faciliter l’élaboration d’une politique en la matière. Des professionnels de la santé ont été formés à l’identification et à la prise en charge des victimes. En septembre, le Parlement a adopté des modifications à la loi de 2006 relative aux mesures de lutte contre les violences au sein de la famille. Ces dispositions incluaient la mise en place d’un centre d’accueil pour les victimes de violences au foyer, ainsi que l’instauration de mécanismes visant à coordonner les actions entreprises en réponse aux signalements de ce type de violences. Elles prévoyaient également une assistance judiciaire gratuite pour les personnes sollicitant une mesure de sûreté, avec imputation des frais de justice à la charge de l’agresseur.

Traite d’êtres humains

La traite d’êtres humains se poursuivait. Il s’agissait essentiellement de traite de filles et de jeunes femmes, à des fins de prostitution forcée.

  • En mai, Kristaq Prifti et Roland Kuro ont été arrêtés pour avoir soumis à la traite une adolescente de 14 ans, l’envoyant en Grèce où ils l’auraient forcée à travailler pendant cinq ans comme prostituée.
    Le rapport sur la traite des personnes publié en juin 2010 par le Département d’État des États-Unis prenait acte des efforts entrepris par les autorités albanaises pour lutter contre la traite, tout en engageant les pouvoirs publics à utiliser les actifs confisqués aux auteurs de traite pour financer la protection et la réinsertion des victimes. Le document recommandait également une amélioration de l’identification et de la protection des enfants victimes et demandait que les agents de la force publique qui s’étaient rendus complices de traite fassent l’objet d’actions judiciaires très sévères.

Disparitions forcées

  • On ignorait toujours le sort de Remzi Hoxha, membre de la communauté albanaise de Macédoine disparu en 1995, mais le procès d’Ilir Kumbaro, Arben Sefgjini et Avni Koldashi se poursuivait à Tirana. Ces trois ex-agents du Service national du renseignement (ShIK) étaient accusés d’avoir enlevé trois hommes – dont Remzi Hoxha – et de leur avoir fait subir des actes de « torture avec conséquences graves ». Ilir Kumbaro était jugé par contumace. Il avait été arrêté en 2008 au Royaume-Uni, puis remis en liberté en décembre 2009 après qu’un tribunal britannique eut donné suite à l’appel interjeté contre son extradition vers l’Albanie au motif que le mandat d’arrêt le concernant n’était plus valable. Un nouveau mandat d’arrêt ayant été décerné contre lui, Ilir Kumbaro a, une nouvelle fois, été arrêté en août 2010 à Londres, avant d’être libéré sous caution une semaine plus tard.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

En février, trois prisonniers de la base navale américaine de Guantánamo Bay (Cuba), originaires d’Égypte, de Tunisie et de Libye, ont été transférés en Albanie. Depuis 2006, l’Albanie a accepté d’accueillir sur son territoire 11 anciens détenus de Guantánamo qui ne pouvaient pas être renvoyés vers leur pays en raison du risque de persécution qu’ils y encouraient.

Justice

En novembre, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a émis des critiques à l’égard de la décision des autorités albanaises d’extrader un homme possédant la double nationalité américaine et albanaise, Almir Rrapo, vers les États-Unis où il était accusé notamment de meurtre. Cette décision ne respectait pas une mesure provisoire contraignante de la Cour européenne des droits de l’homme suspendant l’extradition. La cour d’appel de Tirana avait statué en faveur de l’extradition, sans avoir obtenu des autorités américaines compétentes une garantie durable qu’Almir Rrapo ne risquait pas d’être condamné à mort. Après que ce dernier eut été extradé, la Haute Cour a annulé l’arrêt de la cour d’appel.

Torture et autres mauvais traitements

Cette année encore, le parquet a rarement prononcé des inculpations pour torture, sauf lors de brutalités policières ayant entraîné des blessures graves ou la mort. Les policiers qui étaient poursuivis l’étaient généralement pour « actes arbitraires », infraction moins lourde et sanctionnée le plus souvent par une amende.

  • En avril, à la suite d’une recommandation du médiateur, une enquête a été ouverte sur deux policiers de Tirana soupçonnés de torture. Ils étaient accusés d’avoir passé à tabac trois jeunes hommes pendant et après leur arrestation en 2009. À l’issue de l’enquête, en décembre, les deux policiers ont été inculpés d’« actes arbitraires ».
  • En octobre, le tribunal de district de Tirana a reconnu l’agent de police Vlash Ashiku coupable d’avoir donné des coups de poing au visage et à la tête de Tomor Shehu. Le policier était en service au moment des faits, qui dataient de l’année 2008. Vlash Ashiku a été déclaré coupable d’« actes arbitraires » et condamné à une faible amende (environ 11 euros).
    Le Comité européen pour la prévention de la torture [Conseil de l’Europe] s’est rendu en Albanie en mai, afin d’évaluer les mesures adoptées par le pays pour mettre en œuvre ses précédentes recommandations.

Conditions de détention

Si des travaux de rénovation ont été entrepris dans certains postes de police, les conditions de détention demeuraient déplorables dans de nombreux autres. Bien souvent, il n’existait pas de cellules distinctes pour les femmes ou pour les mineurs. Certaines améliorations ont toutefois été relevées dans les établissements pénitentiaires, tant pour les condamnés que pour les prévenus. Ainsi, la construction de deux nouveaux centres de détention provisoire a débuté et des programmes éducatifs ont été mis en place dans cinq prisons au moins. Six établissements ont ouvert des quartiers spécifiquement réservés aux détenus souffrant de troubles mentaux ou de narcodépendance.
Un millier de détenus environ ont bénéficié d’une libération sous contrôle judiciaire. Cette mesure a permis de diminuer la surpopulation carcérale. Des problèmes considérables subsistaient, souvent liés à l’état de délabrement de certaines prisons. En avril, le médiateur a constaté que les conditions de vie dans le quartier de détention provisoire pour femmes de la prison n° 313 étaient mauvaises et notamment que les détenues souffraient de l’humidité, de problèmes de chauffage, de l’état de délabrement des équipements sanitaires et d’une infestation par la vermine.

Droit à un logement convenable – orphelins

En vertu de la législation nationale, les orphelins enregistrés auprès des autorités, âgés de moins de 30 ans et sans domicile font partie des catégories de personnes vulnérables auxquelles les logements sociaux doivent être accordés en priorité. Cette disposition n’était toutefois pas appliquée et un grand nombre de personnes, dont certaines avaient été élevées dans des institutions d’État mais ne répondaient pas aux critères d’obtention du statut d’orphelin, vivaient toujours dans des dortoirs de pensionnats désaffectés et délabrés. D’autres avaient peine à louer des logements privés de piètre qualité. Les critères de revenus exigés pour prétendre au principal programme de logement social, qui proposait des prêts hypothécaires subventionnés par l’État, étaient trop élevés pour ces personnes. Un projet de logement social, prévoyant la construction de 1 100 appartements locatifs destinés à des familles à faibles revenus, n’était pas achevé à la fin de l’année. Cette initiative bénéficiait d’un prêt de la Banque de développement du Conseil de l’Europe.

Visites d’Amnesty International

  • Une déléguée d’Amnesty International s’est rendue en Albanie en novembre.
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