ALLEMAGNE

Les réactions des autorités devant les allégations de mauvais traitements n’étaient toujours pas satisfaisantes. Plusieurs États (Länder) ont continué de renvoyer des Roms au Kosovo contre leur gré alors que ces personnes avaient besoin d’une protection internationale.

RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D’ALLEMAGNE
CHEF DE L’ÉTAT : Horst Köhler, remplacé par Christian Wulff le 2 juillet
CHEF DU GOUVERNEMENT : Angela Merkel
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 82,1 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 80,2 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 5 / 5 ‰

Surveillance internationale

En février, le rapporteur spécial des Nations unies sur le racisme a recommandé de renforcer le mandat et d’augmenter les moyens de l’Agence fédérale de lutte contre la discrimination ; d’ajouter dans le code pénal une référence explicite au racisme en tant que circonstance aggravante d’une infraction ; d’élaborer des cours de formation spécifiques destinés aux agents de police, aux procureurs et aux juges concernant l’identification des crimes motivés par la haine ; et de faire en sorte que des mesures spéciales soient prises pour garantir une représentation adéquate des personnes issues de l’immigration dans les institutions publiques.

Torture et autres mauvais traitements

L’attitude des autorités, qui ne s’assuraient pas que les violations des droits humains commises par des policiers faisaient l’objet d’enquêtes en bonne et due forme, le manque d’information sur les procédures de dépôt de plainte au pénal et les problèmes d’identification des agents étaient autant d’éléments pouvant avoir favorisé l’impunité et compromettant par là-même l’accès des victimes à la justice et à des réparations.
Cette année encore, des accusations de mauvais traitements ont été formulées mais aucun organe indépendant n’a été mis sur pied pour enquêter sur les violations présumées des droits humains commises par des responsables de l’application des droits. Seul un petit nombre de Länder ont indiqué sur leur site Internet la marche à suivre pour signaler une faute commise par un policier.

  • Le 3 mars, les services du ministère public ont clos leur enquête sur les mauvais traitements que des policiers auraient fait subir à une photographe de presse qui couvrait le sommet du G8 à Rostock, en 2007 ; d’après les conclusions du parquet, il était impossible d’identifier les auteurs des faits avec suffisamment de certitude. Le Land de Berlin a été le seul à introduire l’obligation d’une identification individuelle pour les agents en uniforme, qui devait entrer en vigueur en janvier 2011. Le port de badges permettant d’identifier les policiers n’a été imposé dans aucun autre Land.
  • Le 7 janvier, dans le cadre des poursuites liées au décès d’Oury Jalloh, mort par intoxication lors de l’incendie de sa cellule de garde à vue, en 2005, à Dessau, la Cour fédérale de justice a annulé la décision d’acquittement d’un policier et demandé la tenue d’un nouveau procès. Le jugement de première instance, rendu en 2008, avait mis en lumière un manque de rigueur patent durant la première phase de l’enquête.
  • Le 30 septembre, des policiers déployés à Stuttgart pour protéger un grand chantier d’infrastructure ont fait usage d’une force excessive lors de la manifestation organisée pour protester contre le projet, d’après des manifestants. Le 27 octobre, le parlement du Bade-Wurtemberg a créé une commission chargée de faire la lumière sur cette opération de maintien de l’ordre. À la fin de l’année, le ministère public enquêtait toujours sur les allégations des manifestants.

Réfugiés et demandeurs d’asile

Plusieurs Länder ont continué à renvoyer de force des Roms, des Ashkalis et des « Égyptiens » au Kosovo, alors qu’ils risquaient d’être persécutés à leur retour et de subir des discriminations, notamment en étant privés d’accès à l’éducation, aux soins, au logement et aux prestations sociales. La Rhénanie du Nord-Westphalie a toutefois publié le 21 septembre un décret imposant une évaluation individuelle des risques avant tout renvoi forcé de Roms, d’Ashkalis et d’« Égyptiens » au Kosovo ; le 1er décembre, ce Land a également instauré un moratoire de quatre mois sur les renvois forcés en raison des rigueurs de l’hiver kosovar.
Cette année, 55 demandeurs d’asile ont été transférés en Grèce en vertu du Règlement Dublin II, malgré les failles du système de détermination du statut de réfugié de ce pays. Dans plusieurs cas, la Cour constitutionnelle fédérale a suspendu les transferts dans l’attente d’une décision finale.
Le 15 juillet, l’État allemand a informé le secrétaire général des Nations unies qu’il avait retiré ses réserves concernant la Convention des droits de l’enfant [ONU], insistant sur le fait qu’il n’était pas nécessaire de modifier sa législation en matière d’asile. Les enfants âgés de 16 ou de 17 ans demeuraient donc soumis aux mêmes procédures d’asile que les adultes et ne pouvaient pas se faire assister.

  • Khaled Kenjo, un Syrien d’origine kurde renvoyé de force en Syrie en 2009, avait été placé en détention et condamné à une courte peine d’emprisonnement pour « diffusion à l’étranger d’informations mensongères pouvant nuire à la réputation » de la Syrie ; autorisé à revenir en Allemagne au mois de juillet, il y a obtenu le statut de réfugié.
  • Yonas Haile Mehari et Petros Aforki Mulugeta, deux Érythréens renvoyés de force dans leur pays en 2008, sont revenus en Allemagne, respectivement en avril et en juin. Le statut de réfugié leur avait été accordé en leur absence, en 2009.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

En février, une étude des Nations unies sur la détention secrète a conclu que l’Allemagne s’était rendue complice de la détention secrète de Muhammad Zammar, un Germano-Syrien transféré illégalement en Syrie en décembre 2001. Les éléments présentés à une commission d’enquête parlementaire ayant siégé de 2006 à 2009 ont confirmé que des agents allemands avaient interrogé Muhammad Zammar en Syrie en novembre 2002 et avaient également transmis des questions aux autorités syriennes en vue de son interrogatoire. Le rapport de la commission d’enquête parlementaire, publié en juin 2009, avait néanmoins conclu que les autorités allemandes ne s’étaient rendues complices d’aucune violation des droits humains dans cette affaire. Depuis, les pouvoirs publics allemands ont refusé se soumettre à une nouvelle enquête sur leur rôle dans les « restitutions ».
Le gouvernement a confirmé qu’il continuerait de s’appuyer sur des « assurances diplomatiques » pour, selon ses dires, atténuer le risque de torture et autres mauvais traitements lorsqu’il renvoie des personnes dans leur pays d’origine.

  • En mai, le tribunal administratif supérieur de Rhénanie du Nord-Westphalie a confirmé la décision rendue en 2009 par le tribunal administratif de Düsseldorf dans une affaire concernant un citoyen tunisien soupçonné d‘activités en relation avec le terrorisme ; selon la juridiction de Düsseldorf, le recours à des « assurances diplomatiques » n’était pas conforme à l’interdiction absolue de la torture. En l’espèce, le renvoi forcé de cet homme en Tunisie n’a donc pas été autorisé.
  • Le 16 septembre, un Palestinien apatride et un citoyen syrien libérés de Guantánamo ont obtenu la protection des Länder de Hambourg et de Rhénanie-Palatinat, respectivement. Le ministre allemand de l’Intérieur a annoncé qu’aucun autre ancien détenu de Guantánamo ne bénéficierait de la protection de l’Allemagne.
  • Le 7 décembre, le tribunal administratif de Cologne a classé sans suite une affaire pour laquelle Khaled el Masri avait saisi la justice. Ce citoyen allemand avait demandé à l’Allemagne de revenir sur sa décision de ne pas demander l’extradition de 13 Américains soupçonnés de l’avoir transféré illégalement en Afghanistan en 2004. Le tribunal a considéré que l’État allemand avait agi dans le respect de la loi, dans la mesure où la requête de Khaled el Masri avait été examinée au regard des intérêts de la sûreté nationale et de la politique étrangère allemandes. Khaled el Masri a fait appel.
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